Sur l’initiative d’un ancien salarié devenu prestataire, la société Clear Channel France a été condamnée pour prêt de main d’oeuvre illicite. Au cas d’espèce, le caractère lucratif de l’opération ayant consisté, pour la société Clear Channel France, à inciter son ancien salarié à travailler pour elle dans le cadre d’un contrat de sous-traitance était caractérisé par le fait qu’elle a eu pour conséquence de réduire le coût de la main d’oeuvre notamment en raison des congés payés qui ne lui étaient pas accordés. Il s’ensuit que le prêt de main d’oeuvre illicite était caractérisé.
Montage juridique à finalités identiques
Lorsque le salarié avait commencé à travailler pour la société Clear Channel France non plus dans le cadre d’un contrat de travail mais dans celui d’un contrat de sous-traitance, il s’était vu confier le même secteur qu’auparavant ; recevait directement ses instructions de la société Clear Channel France, laquelle lui transmettait ses ordres de travaux, ses feuilles de route et ses plannings d’affichage.
Conditions du prêt de main-d’œuvre
Or, il ressort de l’article L. 8241-1 du code du travail que « Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :
1° Des dispositions relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;
2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;
3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du code du travail relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.
Une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition. »
Recours à la sous-traitance
Il ne peut y avoir opération de sous-traitance que lorsque est confié à une entreprise un travail précisément identifié et objectivement défini, faisant appel à une compétence spécifique qu’elle va réaliser en toute autonomie, avec son savoir-faire propre, son personnel, son encadrement et son matériel.
Inversement, il y a prêt illicite de main d’oeuvre lorsque la convention a pour objet la fourniture de main d’oeuvre moyennant rémunération pour faire exécuter une tâche permanente de l’entreprise utilisatrice, sans transmission d’un savoir-faire ou mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse.
En ce qui concerne l’appréciation du caractère lucratif de l’opération : cette appréciation s’opère non seulement vis à vis de l’entreprise prêteuse mais également vis à vis de l’entreprise utilisatrice.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
17e chambre
ARRÊT DU 19 JANVIER 2022
N° RG 19/01504
N° Portalis DBV3-V-B7D-TCHD
AFFAIRE :
D X
C/
SAS CLEAR CHANNEL FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 février 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : AD
N° RG : F 16/01676
LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur D X
né le […] à […] de nationalité française
[…]
[…]
Représentant : Me Annabelle PLEGAT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0056
APPELANT
****************
SAS CLEAR CHANNEL FRANCE
N° SIRET : 572 050 334
[…]
[…]
Représentant : Me K BLANC DE LA NAULTE de l’AARPI NMCG AARPI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0007 et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29octobre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame J GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 12 février 2019, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section activités diverses) a :
– déclaré M. D X irrecevable en ses demandes de dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuses en ce qu’elles sont prescrites,
– débouté M. X du surplus de ses demandes,
– dit n’y avoir pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile aux parties,
– condamné M. X aux entiers dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 15 mars 2019, M. D X a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2021.
Par dernières conclusions remises au greffe le 19 octobre 2021, M. X demande à la cour de :
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 12 février 2019,
– le recevoir en toutes ses demandes, moyens et prétentions,
– débouter la société Clear Channel France de son appel incident sur l’article 700 du code de procédure civile et statuer à nouveau,
statuer à nouveau,
– constater que le protocole transactionnel est nul,
– fixer la moyenne mensuelle brute de rémunération du salarié à la somme de 2 355,14 euros (6 mois),
– dire que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 54 400 euros (23 mois) à titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suite à la première procédure de licenciement en date du 28 mars 2014,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 4 710,28 euros à titre d’indemnités compensatrice de préavis et à la somme de 471,02 euros de congés payés afférents,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 15 347,66 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement suite à la première procédure de licenciement en date du 28 mars 2014,
mais également et de manière distincte à la demande relative au protocole transactionnel,
– requalifier la relation de sous-traitant, de co-emploi en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein,
– requalifier la rupture de la relation de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 20 000 euros (8 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suite à la deuxième rupture intervenue le 30 mai 2015,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 2 563,95 euros à titre d’indemnités compensatrice de préavis et à la somme de 256,39 euros de congés payés afférents,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 846,10 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement suite à la deuxième rupture en date du 30 mai 2015,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 3 076,74 euros à titre d’indemnités de congés payés,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 15 384 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du prêt de main d’oeuvre illicite,
en tout état de cause,
– ordonner à la société Clear Channel France le remboursement de tout ou partie des indemnités de chômage payées aux salariés licenciés, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômages,
– exécution provisoire sur le tout et intérêts de droit à compter de l’introduction de la demande;
– remise des documents légaux en conformité avec le jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date du jugement,
– dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt et capitalisation des intérêts au bout d’un an conformément à l’article 1154 du code civil,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Clear Channel France aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Par dernières conclusions remises au greffe le 29 septembre 2021, la société Clear Channel France demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 12 février 2019 en ce qu’il a :
. déclaré M. X irrecevable en ses demandes visant à obtenir l’annulation du protocole transactionnel et à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce que son action est couverte par la prescription,
. débouté M. X du surplus de ses demandes,
. condamné M. X aux dépens de première instance,
– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 12 février 2019 en ce qu’il a dit qu’il n’y avait pas lieu à article 700 du code de procédure civile,
en conséquence,
statuant à nouveau sur ce point,
– condamner M. X à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. X en tous les dépens d’appel qui seront recouvrés par Me Oriane Dontot, JRF
& Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA COUR,
La société Clear Channel France a pour activité principale la vente d’espaces d’affichages publicitaires en France.
M. D X a été engagé par la société Sirocco UPA, société aux droits de laquelle est venue la société Clear Channel France, en qualité d’afficheur mobilier urbain, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 4 mai 1990.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la publicité.
Par lettre du 5 mars 2014, M. X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 25 mars 2014.
M. X a été licencié par lettre du 28 mars 2014 pour faute grave.
Par lettre du 7 avril 2014, M. X a contesté son licenciement tout en reconnaissant son absence du 25 février au 7 mars 2014 qu’il a déclaré motivée par des raisons personnelles impératives indépendantes de sa volonté. Il a estimé que, contrairement aux conclusions de son employeur, cette absence était de trop courte durée pour désorganiser le service et justifier son licenciement pour faute grave.
Le 11 avril 2014, les deux parties ont conclu un protocole transactionnel. En contrepartie du versement par la société d’une indemnité transactionnelle de 41 700 euros bruts compensant le préjudice subi au titre de la conclusion, de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, M. X a renoncé à toute action née ou à naître, à l’encontre de la société sur le fondement de la formation, de l’exécution ainsi que de la rupture de son contrat de travail.
Auparavant, le 30 décembre 2013, Mme Y, compagne de M. X, avait conclu un contrat de sous-traitant avec la société Clear Channel France afin d’assurer des prestations d’affichage, de nettoyage, de maintenance, de montage, de démontage, d’éclairage et autres travaux divers sur les dispositifs publicitaires ou non publicitaires. Le contrat prenait effet au 1er janvier 2014 pour une durée d’un an avec tacite reconduction.
A partir du mois d’avril 2014, la société Clear Channel France a confié à Mme Y des missions de pose d’affiches publicitaires jusqu’au mois de mai 2015.
Le 29 juillet 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’annuler le protocole transactionnel et de voir condamner la société Clear Channel France à lui payer diverses sommes au titre de son contrat de travail ; il demandait aussi de requalifier la relation de sous-traitance en contrat de travail à durée indéterminée et, subséquemment, demandait la condamnation de la société Clear Channel France au paiement d’indemnités de rupture et pour travail dissimulé.
Sur la demande tendant à constater que le protocole transactionnel est nul :
M. X estime illicite l’objet de la transaction et expose que sa demande est soumise au délai de prescription prévu à l’article 1304 du code civil ; il affirme par ailleurs qu’il n’y a pas eu dans la transaction de concessions réciproques. La société Clear Channel France conclut à la confirmation du jugement qui s’est, à juste titre selon elle, fondé sur l’article L. 1471-1 du code du travail pour déclarer irrecevables les demandes du salarié.
Les parties sont en discussion sur le texte applicable à l’espèce relativement à la prescription de l’action visant à déclarer nulle la transaction conclue entre elles le 11 avril 2014.
L’article 1304 du code civil dans sa version applicable, relatif aux actions en nullité des conventions, dispose que « dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts. (…) »
L’article L. 1471-1 alinéa 1er du code du travail, texte particulier applicable au contrat de travail, dispose pour sa part que « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. »
La transaction a été conclue pour mettre fin au litige opposant le salarié à l’employeur et, à cette fin, a mis à la charge de l’employeur une indemnité destinée à remplir le salarié de ses droits salariaux et indemnitaires résultant de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Elle est indivisiblement liée aux conditions d’exécution du contrat de travail et doit donc être soumise au même délai de prescription, celui résultant de l’article L. 1471 du code du travail.
Le délai de 2 ans commence à courir à partir du moment où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Pour solliciter l’annulation de la transaction, M. X expose en substance :
. que son licenciement repose sur un motif inexistant de sorte que l’objet de la transaction est illicite ; qu’en réalité, ledit licenciement n’est qu’une construction visant à mettre fin au contrat de travail pour permettre à M. X et à la société Clear Channel France de poursuivre leur relation de travail ‘ non plus dans le cadre d’un contrat de travail ‘ mais dans le cadre d’un contrat de sous-traitance ;
. qu’il n’y a pas eu, selon lui, de concessions réciproques puisqu’il a perçu une somme de
47 720 euros bruts (17 mois de salaire) alors qu’il aurait pu prétendre à une indemnisation globale plus importante s’il avait contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes.
Or, ces faits étaient connus de M. X ou auraient dû être connus de lui au moment où il a signé la transaction, c’est-à-dire le 11 avril 2014.
Certes, M. X explique aussi que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date du 23 mai 2015, date à laquelle il situe la rupture de son contrat de sous-traitant. Toutefois, il n’entrait pas dans le champ de la transaction de concessions de la société relativement à un maintien de l’activité de M. X en qualité de sous-traitant.
Dès lors, c’est à compter du 11 avril 2014 que le délai de prescription de deux ans a commencé à courir pour expirer le 11 avril 2016.
M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 29 juillet 2016.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables la demande d’annulation du protocole transactionnel et les demandes subséquentes suivantes :
– fixer la moyenne mensuelle brute de rémunération du salarié à la somme de 2 355,14 euros (6 mois),
– dire que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 54 400 euros (23 mois) à titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suite à la première procédure de licenciement en date du 28 mars 2014,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 4 710,28 euros à titre d’indemnités compensatrice de préavis et à la somme de 471,02 euros de congés payés afférents,
– condamner la société Clear Channel France à lui payer la somme de 15 347,66 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement suite à la première procédure de licenciement en date du 28 mars 2014.
Sur la demande de requalification de la relation de sous-traitance en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein :
Au soutien de sa demande, M. X expose que le lien de subordination est établi dès lors :
. qu’il est un ancien salarié de la société Clear Channel France repris avant même la rupture de son contrat de travail,
. que pendant près de deux ans après la rupture, il a continué à exercer la même activité, sur le même secteur et sur les mêmes panneaux ; qu’il a aussi poursuivi sa relation de travail avec ses collègues et supérieurs,
. que la société lui a fourni les mêmes moyens (les affiches, les outils nécessaires à leur pose, les clés pour accéder aux panneaux’),
. que la société a poursuivi avec lui la même relation de direction et de contrôle,
. que sa compagne n’a jamais travaillé pour la société Clear Channel France et que ladite compagne n’était en réalité qu’un prête nom,
. qu’il était totalement dépendant économiquement, la société Clear Channel France étant son unique client.
Il ajoute qu’en tout état de cause, si la société Y était bien inscrite, il existait une relation de co-emploi par des instructions portant l’identification de la société Clear Channel France.
En réplique, la société Clear Channel France se fonde sur l’article L. 8221-6 du code du travail qui pose une présomption de non-salariat pour les personnes physiques immatriculées ou inscrites ; que cette présomption peut être renversée si M. X prouve le contraire en établissant la réalité d’un lieu de subordination juridique permanent ; que M. X échoue dans cette démonstration.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. La qualification du contrat de travail repose sur la vérification de l’existence ou non d’un lien de subordination. En présence d’un contrat de travail apparent, c’est à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
A défaut de contrat de travail apparent, il revient à M. X d’établir de l’existence d’un lien de subordination.
En l’espèce, la cour observe d’abord que M. X a été licencié par la société Clear Channel France le 28 mars 2014 et que dès le 30 avril 2014, Mme Y recevait des fonds de la société Clear Channel France (pièce 3.6 S). Le salarié montre aussi (toujours sa pièce 3.6) que Mme Y était destinataire de courriers de la société Clear Channel France récapitulant les versements que la société effectuait pour elle en paiement de factures. La pièce 3.6 du salarié montre ainsi que Mme Y a bénéficié de paiements de la société Clear Channel France entre les mois d’avril 2014 et mars 2015.
La cour relève ensuite que la société Clear Channel France communiquait par courriel avec la société d e M m e L a l l e m a n d , l a q u e l l e d i s p o s a i t d ‘ u n e a d r e s s e a i n s i l i b e l l é e : « [email protected] ». Or, les courriels adressés par la société de Mme Y sous cet identifiant à la société Clear Channel France sont tous signés par « D », étant rappelé que M. X se prénomme ainsi. En réalité, la société Clear Channel France savait pertinemment qu’en s’adressant à la société Y, elle s’adressait en réalité à M. X. C’est ce qui ressort des nombreux courriels produits par le salarié et en particulier d’un courriel du 17 mars 2015 par lequel Mme Z, de la société Clear Channel France, écrit ceci à un autre salarié de la société (M. F G) : « H G, Monsieur D X (Y J) me signale que sur ses FR les faces de ce panneaux lui apparaissent, or ce panneau n’a toujours pas été remonté. Merci de faire le nécessaire. Cordialement » (pièce 3.22 S). La société ne peut donc sérieusement soutenir que M. X « ne justifie aucunement de son statut vis à vis de l’entreprise de Mme Y, auto entrepreneur qui, par nature, travaille seule et n’embauche pas de salarié. ». Qui plus est, il ressort de la pièce 3.24 du salarié que par courriel du 28 mai 2015, M. A, de la société Clear Channel France, écrivait à
M. X : « H D, (‘) Comme évoqué ensemble avec B, nous ne pouvons pas te déclarer sur ton nom. Les solutions. Continuer avec le nom de ta femme ou appeler M. K L pour trouver un compromis de facturation. J’ai pas d’autre solution à te donner actuellement (‘) ». Ce courriel montre manifestement que la société Clear Channel France souhaitait que M. X poursuive son activité sous couvert de la société établie au nom de sa compagne, Mme Y, laquelle avait par ailleurs une activité salariée auprès de Casino (pièce 4.1 S).
D’ailleurs, il ressort de la pièce 3.23 S (courriel du 30 mars 2015 adressé par M. A à « [email protected] », que M. X souhaitait déclarer son entreprise à son nom. Et M. A répondait à M. X : « H D, Nous avons bien pris note de tes messages sur la déclaration de ton entreprise à ton nom. Aujourd’hui nous passons par un organisme My Procurement pour déclarer tous les sous-traitants. Nous allons prendre en compte ta déclaration pour un délai de 6 à 9 mois et suite à l’indépendance, il faut que tu travailles pour plusieurs entreprises ».
Le salarié produit en pièce 10 le témoignage de M. M N, salarié de la société à partir de septembre 2014. S’il est vrai que le témoignage ne reproduit pas la mention prévue par l’article 202 du code de procédure civile selon laquelle le témoin a connaissance qu’une fausse attestation est pénalement punie par la loi, il demeure que ce seul fait n’a pas pour effet de lui ôter son caractère probant. Par ailleurs, le fait que M. M N ait pris ses fonctions après le licenciement de M. X ne l’empêchait pas de témoigner, étant observé que la période qui intéresse ici la cour est bien la période postérieure au licenciement de M. X. Bien que n’évoquant pas spécifiquement la situation de M. X, M. M N, qui exerçait ses fonctions dans une agence différente de celle du salarié, livre toutefois un témoignage circonstancié révélant qu’il « n’y avait aucune différence entre un salarié afficheur Clear Channel France et son homologue salarié sous-traitant » ; qu’au quotidien, les sous-traitants avaient « les clés de l’agence et du dépôt » et « pouvaient dès lors et en toute autonomie travailler à l’intérieur des dépôts (effectuer le roulage, la préparation des affiches, récupérer le matériel de maintenance, charger ou décharger tout autre matériel de maintenance nécessaire au bon fonctionnement des dispositifs publicitaires, récupérer l’eau pure) » ; que les salariés des sous-traitants et les salariés de la société Clear Channel France « prenaient directement les ordres de travaux à l’agence, les instructions et consignes liées aux opérations d’affichage, de maintenance ou de lavage », « participaient aux formations internes (‘) ou à des réunions » ; qu’en tant que responsable technique, M. M N « manageait directement les salariés des sous-traitants » et qu’il communiquait avec eux de façon « directe : par téléphone, par sms, à l’oral, à l’agence ou sur le terrain, tout comme un salarié ClearChannel ». M. M N explique enfin que les pratiques de la société Clear Channel France ont changé en mars 2016 après un contrôle de l’inspection du travail qui a sanctionné la société pour prêt de main d’oeuvre illicite et marchandage.
Dans son attestation (pièce 11 S), Mme C – ancienne salariée de la société Clear Channel France ayant travaillé 25 ans pour elle, jusqu’en juillet 2017 – évoque la situation des « sous-traitants » sans évoquer la situation spécifique de M. X ainsi que le fait justement observer la société. Toutefois, le témoignage est circonstancié et son contenu concorde avec le témoignage de M. M-N. Mme C explique que la société avait « des afficheurs salariés et quelques afficheurs sous-traitants ». Elle ajoute que lorsqu’ils travaillaient sur les panneaux d’affichage, les afficheurs, qu’ils soient sous-traitants ou salariés, « étaient toujours présents dans nos locaux pour effectuer diverses tâches : plier les affiches, faire le plein d’eau pure nécessaire au lavage des panneaux, commander et récupérer le matériel de réparation ou d’entretien, etc. » ; que « tout le nécessaire de travail d’un afficheur était fourni par Clear Channel et remis directement par nos adjoints techniques au salarié du sous-traitant » ; qu’elle préparait « chaque semaine les feuilles de route pour l’ensemble des afficheurs qu’ils soient salariés ou sous-traitants » ; que « l’un des adjoints techniques communiquait directement avec les afficheurs sous-traitants lorsqu’il y avait un problème sur un panneau comme il le faisait avec un afficheur salarié » ; qu’elle « n’a jamais vu de différence entre un afficheur salarié et un afficheur sous-traitant » ; que pour elle « ils étaient traités de la même manière ».
Il apparaît en outre que lorsque M. X a commencé à travailler pour la société Clear Channel France non plus dans le cadre d’un contrat de travail mais dans celui d’un contrat de sous-traitance, l’appelant s’est vu confier le même secteur qu’auparavant. M. X recevait directement ses instructions de la société Clear Channel France, laquelle lui transmettait ses ordres de travaux, ses feuilles de route et ses plannings d’affichage (cf. pièces 3.25 à 3.28). Il apparaît aussi que la société Clear Channel France mettait à la disposition de M. X ses outils de travail et ses locaux.
Il ressort en synthèse des éléments ci-dessus mais également des courriels produits que
M. X a continué après son licenciement à travailler pour la société Clear Channel France en exerçant les mêmes missions avec les mêmes méthodes ; qu’il recevait ses instructions de la société qui établissait son calendrier de travail et lui fournissait ses outils, ce qui d’une part accrédite les témoignages de M. M N et Mme C dont il ressort que le salarié des sous-traitants était « traité de la même manière » qu’un salarié de la société et d’autre part, illustre le lien de subordination entre M. X et la société Clear Channel France.
Par ailleurs, M. X était auparavant employé par la société Clear Channel France en qualité de salarié à temps plein. Dès lors qu’il a, après son licenciement, continué à travailler de la même façon, il ne peut pas être admis que M. X pouvait exercer son activité au profit d’autres sociétés que la société Clear Channel France de sorte que, travaillant exclusivement pour elle, il était avec elle dans un lien de dépendance économique évident. D’ailleurs, il n’est pas discuté qu’après que la société a mis un terme à leur relation, M. X a cessé son activité.
L’existence d’un lien de dépendance et de subordination de M. X à l’égard de la société Clear Channel France est établi.
Infirmant le jugement, il convient de requalifier les contrats d’entreprise liant Mme Y à la société Clear Channel France en contrat de travail liant M. X à la société Clear Channel France.
Sur les conséquences de la requalification : M. X demande la fixation de son salaire de référence à la somme de 2 563,95 euros calculée en fonction de son chiffre d’affaires. Il demande, sur cette base des dommages-intérêts liés à la rupture du 30 mai 2015 pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire et une indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d’une ancienneté de 1 an et 2 mois. Il demande aussi une indemnité de congés payés, expliquant qu’il n’a pas bénéficié de congés payés.
En réplique sur ces demandes, la société Clear Channel France conclut au débouté des demandes de M. X, exposant qu’il n’y a pas de contrat de travail. A cet argument, la société ajoute :
. s’agissant de la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que M. X prétend sans en justifier que la rupture serait intervenue le 30 mai 2015 et que le salarié ne justifie pas de son préjudice,
. s’agissant de l’indemnité de licenciement, que le salarié ne jouissait pas d’une ancienneté de 2 ans minimum de sorte que ses prétentions doivent être réduites à l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité conventionnelle ne pouvant s’appliquer.
Ainsi qu’il a été jugé, la relation qui s’est nouée entre M. X et la société Clear Channel France à compter de son licenciement est constitutive d’un contrat de travail.
Cette relation a cessé. La société Clear Channel France est mal fondée à prétendre que M. X ne justifie pas de la rupture dès lors qu’il a été établi que le compte de Mme Y était régulièrement crédité de versements de la société Clear Channel France à partir d’avril 2014 et que ces versements ont cessé au début de l’année 2015, signe évident que la société a cessé de fournir du travail à M. X. Le contrat de travail a donc bien pris fin et la société n’invoquait alors aucun grief pour justifier de la fin du contrat de travail. Il s’ensuit que la rupture produit nécessairement les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. X peut donc prétendre aux indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base d’une ancienneté de 1 an et 2 mois et sur la base d’un référence salariale de 2 563,95 euros, référence non contestée. M. X peut également prétendre à une indemnité pour les congés payés qu’il a acquis et qu’il n’a pas pris.
S’agissant des indemnités suivantes, la société ne présente pas d’argument utile pour s’opposer à la demande du salarié :
. l’indemnité compensatrice de préavis,
. l’indemnité de congés payés.
Dès lors, infirmant le jugement, il conviendra de condamner la société Clear Channel France à payer à M. X :
. 2 563,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 256,39 euros au titre des congés payés afférents,
. 3 076,74 euros à titre d’indemnité de congés payés.
En ce qui concerne l’indemnité de licenciement, c’est à raison que la société expose que
M. X ne peut prétendre à l’indemnité conventionnelle de licenciement, laquelle est subordonnée à une condition de présence de 2 ans dans l’entreprise. A défaut d’une telle présence, M. X ne peut prétendre qu’à l’indemnité légale, dans sa version applicable au litige soit 512,79 euros ainsi qu’il résulte du calcul réalisé par la société.
Par conséquent, infirmant le jugement, la société Clear Channel France sera condamnée à payer à M. X la somme de 512,79 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.
En ce qui concerne l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, telle qu’elle découle de l’article L. 1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, compte tenu du niveau de rémunération de M. X, de son ancienneté, de ce qu’il n’a pas retrouvé d’emploi et percevait, en 2019, le RSA, il convient d’évaluer le préjudice qui résulte, pour lui, de la rupture de son contrat de travail à la somme de 20 000 euros, somme au paiement de laquelle, infirmant le jugement, la société Clear Channel France sera condamnée.
M. X demande également d’ordonner à la société Clear Channel France le remboursement de tout ou partie des indemnités de chômage payées aux salariés licenciés, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômages. Cette demande ne saurait être accueillie, l’article L. 1235-4 ne trouvant au cas d’espèce pas application.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé :
L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L. 8223-1 dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, le fait, pour la société d’avoir engagé M. X sous une autre forme – une relation de sous-traitance au lieu d’un contrat de travail en l’occurrence – immédiatement après son licenciement, en incitant de toute évidence le salarié à créer sa société sous un autre nom que le sien propre traduit une intention de dissimulation mais également l’intention de la société Clear Channel France de se soustraire à ses obligations déclaratives.
Il s’ensuit qu’infirmant le jugement, la société Clear Channel France sera condamnée à payer à M. X la somme de 15 384 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur le prêt de main d’oeuvre illicite :
M. X expose que sa situation est caractéristique d’un prêt de main d’oeuvre illicite dès lors qu’il démontre :
. qu’il ne disposait pas d’une compétence particulière justifiant le recours à la sous-traitance, . que la société Clear Channel France lui fournissait tous les moyens nécessaires à la prestation,
. l’existence d’un lien de subordination,
. qu’en procédant comme elle l’a fait, la société Clear Channel France l’a privé de l’ensemble des droits auxquels il pouvait prétendre au titre de la convention collective, des avantages de la société (mutuelle, comité d’entreprise,’) de la législation sur les accidents du travail.
En réplique, la société Clear Channel France rappelle que le prêt de main d’oeuvre à but lucratif qui s’inscrit dans le cadre d’un contrat de sous-traitance ou de prestation de service est licite ; qu’au cas d’espèce, M. X se prévaut d’un prétendu contrat de sous-traitance dont l’objet exclusif n’est aucunement le prêt de main d’oeuvre. Surabondamment, la société Clear Channel France reproche à M. X de ne pas détailler ni motiver juridiquement sa demande ; qu’au surplus, M. X n’établit pas son préjudice.
Il ressort de l’article L. 8241-1 du code du travail que « Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.
Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :
1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;
2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;
3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.
Une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition. »
Il ne peut y avoir opération de sous-traitance que lorsque est confié à une entreprise un travail précisément identifié et objectivement défini, faisant appel à une compétence spécifique qu’elle va réaliser en toute autonomie, avec son savoir-faire propre, son personnel, son encadrement et son matériel.
Inversement, il y a prêt illicite de main d’oeuvre lorsque la convention a pour objet la fourniture de main d’oeuvre moyennant rémunération pour faire exécuter une tâche permanente de l’entreprise utilisatrice, sans transmission d’un savoir-faire ou mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse.
En l’espèce, comme jugé précédemment, tel est le cas en l’espèce, M. X n’ayant mis en oeuvre que des compétences qui étaient communes à tous les salariés de la société Clear Channel France. Au surplus, M. X n’a été amené à travailler pour la société Clear Channel France que dans le cadre de son activité permanente et avec les outils qu’elle mettait à sa disposition.
En ce qui concerne l’appréciation du caractère lucratif de l’opération : cette appréciation s’opère non seulement vis à vis de l’entreprise prêteuse mais également vis à vis de l’entreprise utilisatrice.
Au cas d’espèce, le caractère lucratif de l’opération ayant consisté, pour la société Clear Channel France, à inciter M. X à travailler pour elle dans le cadre d’un contrat de sous-traitance est caractérisé par le fait qu’elle a eu pour conséquence de réduire le coût de la main d’oeuvre notamment en raison des congés payés qui ne lui étaient pas accordés et qui ont fait l’objet d’un rappel de 3 076,74 euros.
Il s’ensuit que le prêt de main d’oeuvre illicite est caractérisé.
Il en est résulté, pour M. X, un préjudice qui sera intégralement réparé par une indemnité de 2 000 euros, somme au paiement de laquelle, infirmant le jugement, la société Clear Channel France sera condamnée.
Sur les intérêts :
Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Les condamnations au paiement des indemnités de rupture produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société Clear Channel France de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes soit en l’espèce le 3 août 2016.
Sur la demande tendant à la capitalisation des intérêts :
L’article 1343-2 du code civil (dans sa nouvelle rédaction) dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par M. X et la loi n’imposant aucune condition pour l’accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, d’ordonner la capitalisation des intérêts.
Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.
Sur la remise des documents :
Il conviendra de donner injonction à la société Clear Channel France de remettre à M. X un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant, la société Clear Channel France sera condamnée aux dépens.
Il conviendra de condamner la société Clear Channel France à payer à M. X une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
REQUALIFIE la relation de sous-traitant en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein liant M. X à la société Clear Channel France,
CONDAMNE la société Clear Channel France à payer à M. X les sommes suivantes :
1) avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2016 :
. 2 563,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 256,39 euros au titre des congés payés afférents,
. 3 076,74 euros à titre d’indemnité de congés payés,
. 512,79 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
2) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :
. 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 15 384 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
DONNE injonction à la société Clear Channel France de remettre à M. X un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,
REJETTE la demande d’astreinte,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Clear Channel France à payer à M. X la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel,
CONDAMNE la société Clear Channel France aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffierauquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente