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7 juillet 2022
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00393
SD/IC
S.A.S. [I]
C/
S.A.R.L. [I] [K] ET [E]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE [Localité 7]
2ème
chambre civile
ARRÊT DU 07 JUILLET 2022
N° RG 21/00393 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FU6X
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 25 février 2021,
rendue par le tribunal de commerce de [Localité 7] – RG : 19/000332
APPELANTE :
S.A.S. [I] prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis :
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Claude POLETTE, membre de la SCP ARGON-POLETTE-NOURANI- APPAIX AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de [Localité 7], vestiaire : 4
assistée de Me Antoine CHERON, membre de la SELARL ACBM, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.R.L. [I] [K] ET [E] représentée par ses gérants en exercice, Messieurs [K] et [E] [I] domiciliés au siège social sis :
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de [Localité 7], vestiaire : 127
assisté de Me Nicolas HOURNON, membre de la SELARL NH, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 mai 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,
Michel WACHTER, Conseiller,
Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés près le Tribunal de commerce de [Localité 7] depuis le 1er octobre 2007, la SAS [I] (initialement dénommée J2M ) exerce une activité de plomberie, chauffage électricité et climatisation à [Adresse 5].
Le 4 avril 2016, la SARL [I] a été immatriculée au même registre du commerce et des sociétés pour l’exercice d’une activité de plomberie, électricité, chauffage, génie climatique, énergies renouvelables, vente, installation, entretien et réparation de tous appareils concernant ces activités, à Savigny les [Localité 1].
Estimant que la SARL [I] lui fait une concurrence déloyale, la SAS [I] lui a demandé une modification de son nom commercial et de sa dénomination sociale.
Le 29 novembre 2018, la SARL [I] a décidé un changement de sa dénomination sociale et a substitué à la dénomination « [I] » celle de « [I] [K] et [E] ».
Considérant que l’ajout des deux prénoms n’est pas de nature à mettre un terme au risque de confusion, la SAS [I] a, par acte du 28 décembre 2018, fait assigner la SARL [I] [K] et [E] devant le tribunal de commerce de [Localité 7] aux fins de voir constater l’existence d’actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la défenderesse, voir ordonner à celle-ci de ne plus faire apparaître le nom [I] dans sa dénomination sociale ainsi que dans son nom commercial, et de la voir condamner à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages intérêts, à cesser tout acte de concurrence déloyale et tout acte de parasitisme et, en conséquence, à ne plus faire apparaître le nom [I] dans sa dénomination sociale ainsi que dans son nom commercial, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, et à lui verser une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
Au terme de ses écritures développées à l’audience, elle sollicitait en outre le rejet de la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la SARL [I] [K] et [E].
Elle faisait valoir que l’implantation de la société défenderesse dans le secteur de [Localité 1] pour exercer une activité identique à la sienne, en utilisant une dénomination sociale comprenant le même patronyme que le sien, était de nature à créer une confusion dans l’esprit du public et constituait un acte de concurrence déloyale, l’ajout des prénoms en novembre 2018 ne mettant pas fin au risque de confusion.
La SARL [I] [K] et [E] a demandé au tribunal, au visa de l’article 1240 du code civil et de l’article 32-1 du code de procédure civile, de :
à titre principal,
– dire et juger que les demandes de la SAS [I] sont mal fondées tant en fait qu’en droit,
– débouter la SAS [I] de l’ensemble de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et sur le parasitisme,
à titre reconventionnel,
– condamner la SAS [I] à lui verser la somme de 10 000 euros pour procédure abusive,
– ordonner la publication de la décision à intervenir dans le journal « Bien Public » sur une demi page aux frais exclusifs des demandeurs,
En tout état de cause,
– condamner la SAS [I] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS [I] aux entiers dépens de la procédure,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant l’appel.
Elle a fait valoir que le nom de [I], associé à l’activité de plomberie, était connu à [Localité 1] depuis plus de 40 ans et qu’il était utilisé bien antérieuremement à la création en 2007 de la société J2M par messieurs [F] et [W] [I].
Elle a soutenu que la demanderesse exerçait toujours son activité sous le nom J2M, qu’elle était donc inconnue sous le nom de [I], et que la preuve du risque de confusion invoqué n’était pas rapportée, en précisant que [F] et [W] [I], cousins éloignés de [K] et [E], avaient sciemment déposé la marque [I] pour lui nuire, alors qu’elle était en cours de constitution, et que ce dépôt de marque était donc frauduleux.
Par jugement rendu le 25 février 2021, le Tribunal de commerce de [Localité 7] a :
– débouté la SAS [I] de l’ensemble de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et sur le parasitisme,
– débouté la SARL [I] [K] et [E] de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,
– ordonné à la SAS [I] de faire procéder à la publication du dispositif de la présente décision dans le journal « Le Bien Public » sur 1/8 de page aux frais exclusifs de la SAS [I]. Le dispositif de la présente décision sera précédé par la phrase suivante : ‘ Dans une affaire opposant la SAS [I] (initialement SARL J2M), spécialisée dans l’activité de plomberie, de chauffage, d’électricité et de climatisation, et la SARL [I] [K] et [E] (initialement SARL [I]) spécialisée dans l’activité de plomberie, de chauffage et de climatisation, le tribunal de commerce de [Localité 7] a rendu un jugement en date du 25 février 2021 dont le dispositif prévoit : ‘,
– dit que cette publication devra intervenir après l’épuisement des voies de recours,
– condamné la SAS [I] à payer à la SARL [I] [K] et Thibault la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– condamné la SAS [I] en tous les dépens de la procédure.
La SAS [I] a régulièrement interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 22 mars 2021, portant sur l’ensemble des chefs de dispositif de la décision, à l’exclusion de ceux ayant débouté la défenderesse de sa demande de dommages-intérêts et dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Aux termes de ses conclusions n°3 notifiées le 19 avril 2022, l’appelante demande à la Cour de :
– la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée,
Y faisant droit,
– infirmer le jugement rendu le 25 février 2021 par le Tribunal de commerce de [Localité 7] en ce qu’il a :
‘ débouté la SAS [I] de l’ensemble de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et sur le parasitisme,
‘ ordonné à la SAS [I] de faire procéder à la publication du dispositif de la présente décision dans le journal « Le Bien Public » sur 1/8 de page aux frais exclusifs de la SAS [I]. Le dispositif de la présente décision sera précédé par la phrase suivante : « Dans une affaire opposant la SAS [I] (initialement SARL J2M), spécialisée dans l’activité de plomberie, de chauffage, d’électricité et de climatisation, et la SARL [I] [K] et [E] (initialement SARL [I]), spécialisée dans l’activité de plomberie, de chauffage et de climatisation, le tribunal de commerce de [Localité 7] a rendu un jugement en date du 25 février 2021 dont le dispositif prévoit : »,
‘ dit que cette publication devra intervenir après l’épuisement des voies de recours,
‘ condamné la SAS [I] à payer à la SARL [I] [K] et Thibault la somme de 3 500 euros en application du code de procédure civile,
‘ condamné la SAS [I] en tous les dépens de la procédure,
Sur la demande de publication de la décision dans « Le Bien Public » :
– infirmer le jugement du Tribunal de commerce de [Localité 7] du 25 février 2021 en ce qu’il a ordonné la publication du dispositif dans le journal « Le Bien Public »,
Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :
– confirmer le jugement du Tribunal de commerce de [Localité 7] du 25 février 2021 en ce qu’il a débouté la société SARL [I] [K] et [E] de sa demande au titre de la procédure abusive,
Et, statuant à nouveau :
Sur les faits de concurrence déloyale et parasitaire :
– juger que la société SARL [I] [K] et [E] a commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice,
– juger que la société SARL [I] [K] et [E] a commis des actes de parasitisme à son préjudice,
En conséquence,
– condamner la société SARL [I] [K] et [E] à lui payer la somme de 62 539, 614 euros au titre de son manque à gagner,
– condamner la société SARL [I] [K] et [E] à lui payer la somme de 86 026, 53 euros au titre de l’économie injustement réalisée par la société SARL [I],
– condamner la société SARL [I] [K] et [E] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi,
– condamner la société SARL [I] [K] et [E] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice résultant de l’atteinte à son image et à sa notoriété,
– interdire à la société SARL [I] [K] et [E] de faire un usage du signe « [I] » dans quelque document ou support afin de nommer sa société et son activité,
– faire interdiction à la société SARL [I] [K] et [E], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, à cesser tout acte de concurrence déloyale et tout acte de parasitisme (sic), en conséquence, à ne plus faire apparaître le nom [I] dans sa dénomination sociale ainsi que dans son nom commercial (sic),
En tout état de cause,
– débouter la société SARL [I] [K] et [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens,
– juger qu’elle ne saisit d’aucune demande relative à la marque française « [I] » n°4240329 dont elle est titulaire, et par conséquent tout débat sur celle-ci est inopérant et échappe de sa compétence matérielle (sic),
– condamner la société SARL [I] [K] et [E] à verser la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société SARL [I] [K] et [E] aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions n°2 notifiées le 8 avril 2022, la SARL [I] [K] et [E] demande à la Cour de :
– confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de [Localité 7] le 25 février 2021,
– débouter la SAS [I] de l’ensemble de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et sur le parasitisme,
– condamner la SAS [I] à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais supportés au stade de l’appel,
– condamner la SAS [I] aux entiers dépens de la procédure.
La clôture de la procédure a été prononcée le 19 avril 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
SUR CE
La déclaration d’appel de la SAS [I] ne portant pas expressément sur le chef de dispositif ayant débouté la SARL [I] [K] et [E] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts et celle-ci n’ayant pas formé d’appel incident sur ce chef de dispositif, la cour n’en est pas saisie, en l’absence d’effet dévolutif.
Sur les actes de concurrence déloyale
L’appelante prétend que la dénomination sociale permet d’identifier une personne morale et que sa reprise par une société concurrente ou son imitation entraîne indéniablement un risque de confusion et constitue un acte de concurrence déloyale, en précisant que, s’il est admis que le nom patronymique puisse être utilisé dans une dénomination sociale ou un nom commercial, c’est à la condition d’être de bonne foi et de ne pas créer un risque de confusion dans l’esprit du public.
Elle considère qu’il ne fait aucun doute que l’implantation de la société intimée dans le secteur de [Localité 1] dans le but d’exercer la même activité de plomberie-chauffage, sous la dénomination [I], constitue un acte de concurrence déloyale, et ce d’autant plus qu’elle est titulaire d’une marque antérieure « [I] », les fiches infogreffe des deux sociétés comportant des éléments identiques, à savoir une même activité, un même secteur géographique et une dénomination comprenant le patronyme [I], ce qui est de nature à entraîner un risque de confusion pour la clientèle.
Elle prétend utiliser la dénomination sociale [I] pour l’exercice de son activité sur les panneaux publicitaires, les panneaux de chantier, les tenues de travail et les camions, de sorte qu’elle bénéficie d’une protection pour cette activité, et être en outre titulaire d’une marque française antérieure visant les classes 11, 19 et 37 (plomberie et chauffage), ce qui démontre sa volonté d’investissement durable dans le temps dans cette dénomination sociale, sans toutefois fonder son action sur un droit privatif de propriété intellectuelle.
Elle maintient que la société intimée est de mauvaise foi car elle avait parfaitement connaissance de son existence depuis 2007, ayant été créée par des membres de la famille des gérants de l’intimée, et elle avait nécessairement connaissance des difficultés qu’allait engendrer l’adoption d’une dénomination sociale exclusivement composée du nom [I] dans la même branche d’activité et sur le même secteur géographique.
Elle estime qu’il importe peu que les deux sociétés possèdent des codes APE différents dès lors que l’exercice d’activités similaires, relatives au chauffage et à la climatisation, entraînera nécessairement une confusion dans l’esprit des clients, les deux sociétés s’adressant aux mêmes consommateurs, sur le même secteur.
Elle ajoute que le risque de confusion s’est réalisé et qu’il est confirmé par les témoignages de sept personnes victimes de cette confusion, et considère que le changement de dénomination sociale de la société intimée à compter du 28 novembre 2018 s’interprète clairement comme la reconnaissance indirecte, par celle-ci, d’une situation de concurrence déloyale, en précisant que l’ajout de prénoms au patronyme ne met pas nécessairement un terme au risque de confusion car cet ajout n’est pas suffisamment évocateur pour permettre de différencier les deux sociétés.
En réponse à la SARL [I] qui affirme qu’elle « a toujours communiqué et communique exclusivement sous le nom J2M », elle objecte que, sur de nombreux supports, figurent les mentions « J2M [I] » et qu’elle communique donc bien à travers le nom [I], et prétend démontrer qu’elle faisait usage du signe « [I] » avant l’immatriculation de la SARL [I] le 4 avril 2016, la page Facebook invoquée par l’intimée n’étant plus active et les publications anciennes ne constituant pas son moyen principal de communication, à la différence des panneaux publicitaires, des papiers à entête, de son adresse mail et des camions ou tenues de travail des salariés qui affichent le nom [I].
La SARL [I] [K] et [E] expose que sa création par [K] et [E] [I] est née de la volonté de poursuivre l’activité de plombier chauffagiste exercée auparavant par leur père, [R] [I], et leur oncle, [D] [I], en qualité de salariés de la société Sani [Localité 1], pendant 45 ans, et souligne que le nom de [I] associé à l’activité de plomberie est connu à [Localité 1] depuis plus de 40 ans, bien antérieurement à la création de la société J2M en 2007.
Elle précise que ses associés ont fait établir une étude prévisionnelle par le Cabinet d’expertise-comptable Socodec Exco, au nom de la « SARL Entreprise [I] », ce qui prouve qu’ils avaient déjà, en janvier 2016, la volonté de choisir le nom patronymique «[I] » comme dénomination sociale et elle ajoute que les dirigeants de la société J2M étaient informés du projet de ses gérants dès le mois de janvier 2016 ainsi que du choix de leur dénomination sociale.
Elle relève, qu’en fin d’année 2015, l’appelante a initié une procédure devant le Tribunal de commerce de [Localité 7], afin de voir sanctionner l’utilisation de sa dénomination sociale J2M Plomberie par un artisan exerçant la même activité, ce qui prouve qu’elle était attachée à cette dénomination sociale, et elle ajoute qu’elle n’a jamais utilisé la dénomination sociale [I] avant le mois d’août 2016.
Elle fait valoir que, jusqu’en 2016, l’appelante était installée à [Localité 6], qu’elle ne s’est installée à [Localité 1] que postérieurement et que les deux sociétés exercent des activités différentes, elle-même ne réalisant aucun travaux d’électricité ou de pose de carrelage à la différence de la société [I], ayant d’ailleurs un code APE différent.
La société intimée rappelle le principe de liberté d’utiliser son propre nom en tant que dénomination sociale et affirme que ses associés ont choisi en toute bonne foi leur nom patronymique comme dénomination sociale et nom commercial, alors, qu’à la date de sa création, il n’existait aucune société dont la dénomination sociale était [I].
Elle soutient, qu’en matière de nom patronymique, la jurisprudence admet l’absence de confusion du fait des précautions prises par la personne mise en cause pour l’éviter et du fait des homonymies dans le secteur d’activité concerné en indiquant que, face aux protestations de la société J2M, elle a décidé d’accoler à son nom les prénoms de ses associés sur l’entête de leurs factures dès le mois de novembre 2018, pour éliminer tout risque de confusion, ce qui ne peut être interprété comme la reconnaissance d’une situation de concurrence déloyale.
Elle maintient que la société appelante exerce son activité sous le nom« J2M » depuis sa création et que, postérieurement à la modification de sa dénomination sociale, elle a continué à communiquer exclusivement sous le nom J2M, reconnaissant d’ailleurs dans ses conclusions être plus connue sous son ancien nom, et elle relève que les pièces produites par son adversaire, justifiant de l’utilisation du nom de [I] ajouté au nom de J2M, ne sont pas datées ou sont toutes postérieures à son choix de dénomination sociale.
Elle précise que l’huissier qu’elle a mandaté a constaté, le 18 janvier 2019, que la société appelante poursuit son activité sous le nom « J2M » et communique sous ce nom, son siège social arborant l’enseigne J2M et en déduit qu’elle ne rapporte pas la preuve d’une confusion entre les deux sociétés, étant inconnue sous le nom [I].
La protection de la dénomination sociale est assurée par la sanction des actes de concurrence déloyale, dans le cadre de la responsabilité civile délictuelle.
La jurisprudence a pu tirer un critère global de responsabilité à partir du risque de confusion entre la dénomination sociale usurpée et le signe distinctif qui l’imite.
Pour caractériser le risque de confusion, il ne suffit pas de constater une identité ou une similarité entre la dénomination sociale et le signe exploité par le concurrent de la société, il faut que la confusion s’opère dans le respect des principes de spécialité et de territorialité qui délimitent la protection de la dénomination.
Comme l’a relevé le tribunal, si la SARL [I] [K] et [E] a été créée le 4 avril 2016, sous le nom de SARL [I], postérieurement au dépôt de la marque « [I] » par la SARL J2M, le 13 janvier 2016, la société appelante n’est devenue la SAS [I] que le 1er juillet 2016, à la suite d’une assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2016.
Or, ainsi qu’elle le revendique, la SAS [I] n’agit pas sur le fondement de l’article L 713-6 du code de la propriété intellectuelle, aux fins de protection de la marque déposée le 13 janvier 2016, et la seule utilisation de cette marque dans sa dénomination sociale par la société intimée, laquelle marque correspond au nom de ses associés, ne saurait constituer un acte de concurrence déloyale, et ce d’autant moins que, comme l’ont retenu les premiers juges, l’étude prévisionnelle établie le 4 janvier 2016, en vue de la création de la SARL [I] [K] et [E], établit que les associés de celle-ci avaient envisagé d’utiliser leur nom dans la dénomination sociale, avant même le dépôt de la marque [I].
Si la dénomination sociale choisie par la SARL [I] [K] et [E] comporte le nom [I], identique à celui de la SAS [I], si les deux sociétés exercent leur activité dans un domaine similaire, celui de la plomberie et des activités annexes, et si elles exploitent toutes deux leur activité à une distance géographique proche, il résulte des propres écritures de l’appelante que celle-ci est plus connue auprès de sa clientèle sous son ancien nom « J2M » et les pièces du dossier confirment que la SAS [I] a communiqué sous la dénomination « J2M » au moins jusqu’en juillet 2016, qu’elle a d’ailleurs revendiqué cette dénomination sociale et ce nom commercial dans le cadre d’une procédure de référé engagée en décembre 2015, et que, postérieurement à l’assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2016, elle a continué à utiliser le nom de J2M sur Facebook, sur son site internet mais également sur les tenues de travail, ainsi que le révèle un article du Bien Public du mois de février 2019, et sur les enseignes présentes à son siège social, ce qu’établissent les procès-verbaux de constat de Me [M], huissier de justice à [Localité 1], en date des 18 janvier 2019, 31 août et 3 septembre 2021.
Les attestations produites par la SAS [I], émanant de sa secrétaire, qui affirme ‘recevoir des appels et des personnes qui passent au bureau régler des factures de la SARL [I]’, et de M. [H], qui indique être en contact avec la société [I] à [Localité 2] alors qu’il essaye de contacter la société [I] de [Localité 1], ne sont pas circonstanciées dans le temps et il n’est pas permis de déterminer la période durant laquelle ces témoins ont fait ces constatations.
Le témoignage de Mme [O], qui déclare avoir croisé à plusieurs reprises le camion [I] qu’elle pensait être celui de JM2 avec laquelle elle travaille régulièrement, manque également de précision sur la date des constatations, et le risque de confusion dont atteste ce témoin n’est pas confirmé par les photographies des camions respectifs des deux sociétés, dont la similitude résulte davantage du format et de la couleur blanche des camionnettes que des inscriptions qu’elles comportent.
En outre, aucune des pièces produites par l’appelante n’établit que ses clients seraient captés par la société [I] [K] et [E].
Enfin, la modification de sa dénomination sociale par la société intimée, au mois de novembre 2018, ne saurait s’analyser comme une reconnaissance d’un risque de confusion.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que le risque de confusion n’était pas caractérisé et que l’utilisation dans sa dénomination par la SARL [I] [K] et [E] du nom [I] ne constituait pas un acte de concurrence déloyale.
Sur les actes de parasitisme
La SAS [I] soutient que la SARL [I] [K] et [E], qui ne pouvait ignorer que la société de ses cousins (sic) était installée depuis 2007 en Côte d’Or dans le secteur de la plomberie et du chauffage, a tiré profit de sa réputation, sans faire de véritables efforts ni d’investissements financiers.
Elle prétend qu’elle a pu notamment profiter de sa visibilité dans le département et plus particulièrement depuis la conclusion d’un partenariat avec le club de football du DFCO qui diffuse son nom lors des matchs officiels, avec le club de handball de [Localité 1] qui diffuse son nom sur les maillots des joueurs et avec le [Localité 1] Blues Boogie festival et le Bien Public.
Elle lui reproche d’avoir ainsi tenté de s’approprier sa valeur économique.
L’intimée objecte qu’elle a développé son activité sans parasiter celle de la société J2M et sans profiter d’une quelconque confusion avec cette dernière, bénéficiant de la notoriété du père de ses associés sur le secteur géographique, sans publicité depuis sa création, et du « bouche à oreille», tout en diffusant des cartes de visites qu’elle a fait éditer.
Elle ajoute s’être fait connaître également grâce à l’association La Table ronde qui regroupe plusieurs dirigeants de la ville de [Localité 1], à laquelle elle a adhéré, et avoir recouru à une publicité locale en sponsorisant le Club de football de [Localité 2] dont le père des associés est président.
Elle soutient avoir développé une clientèle qui lui est propre, en toute loyauté, et relève que l’appelante ne démontre aucune perte de clientèle et que les partenariats dont elle se prévaut pour établir sa notoriété ont été conclus sous sa dénomination J2M.
Comme l’ont exactement relevé les premiers juges, la SAS [I] ne démontre pas que sa notoriété sous le nom de [I] est antérieure à la création de la SARL [I] [K] et [E], alors que les partenariats avec le DFCO ([Localité 7] Football Club) et le BHB ([Localité 1] Handball) sont antérieurs à son changement de dénomination sociale et que les pièces qu’elle produit, qui permettent d’établir que ces partenariats existent depuis plusieurs années, n’apportent pas la preuve que le nom de [I] était affiché dans ces clubs antérieurement à la création de la société intimée.
La société [I] ne jutifie pas des investissements qu’elle aurait réalisés et dont l’intimée aurait prétendument profité, les frais engagés auprès de l’AFSMD étant destinés à contrôler l’utilisation de sa marque [I] et les contrefaçons de celle-ci.
Si la SARL [I] [K] et [E] a pu profiter de la notoriété du nom [I] c’est à travers l’histoire familiale, liée localement à l’activité de plomberie, et la preuve de l’existence d’actes parasitaires imputables à cette dernière n’est donc pas rapportée.
Enfin, il n’est pas inutile de relever que la société appelante qui se prévaut d’un préjudice financier n’en rapporte pas la moindre preuve, la balance comptable qu’elle produit démontrant au contraire qu’entre l’exercice comptable de l’année 2015 et celui de l’année 2016, son chiffre d’affaires annuel est passé de 253 081 euros à 461 547,25 euros.
Le jugement entrepris mérite ainsi confirmation en toutes ses dispositions.
Sur la demande de publication du jugement du Tribunal de commerce
Tout en concluant à l’infirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la publication du jugement déféré, l’appelante ne saisit la cour d’aucune prétention.
Le jugement ne pourra donc qu’être confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
L’appelante qui succombe supportera la charge des dépens de la procédure d’appel.
Il est équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure exposés par l’intimée et non compris dans les dépens.
Elle sera ainsi condamnée à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité de procédure allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de l’appel,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 25 février 2021 par le Tribunal de commerce de [Localité 7],
Y ajoutant,
Condamne la SAS [I] à payer à la SARL [I] [K] et Thibault la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS [I] aux dépens d’appel.
Le Greffier, Le Président,