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6 septembre 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
21/07568
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°431
N° RG 21/07568 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SIQ2
S.A.S.U. SUR MER
C/
S.A.S. LES VEDETTES DE BREHAT
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me DI PALMA
Me VERRRANDO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, Rapporteur
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie Rouet lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Juin 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S.U. SUR MER, inscrite au RCS de SAINT BRIEUC sous Ie numéro 791 392 723, représentée par son Président, Monsieur [K] [V]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Hubert SOLAND de la SCP SOLAND & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LILLE
Représentée par Me Antoine DI PALMA, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.S. LES VEDETTES DE BREHAT, immatriculée au RCS de Saint-Brieuc sous le n° 422 271 296, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Kathleen BANNET substituant Me Olivier GUIDOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCÉDURE
Depuis 2011, la société Les Vedettes de Bréhat bénéficie d’une délégation de service public accordée par le département des Côtes d’Armor, et depuis 2017 par la région Bretagne, pour assurer toute l’année, y compris en basse saison, la desserte des passagers entre le port de l’Arcouest à [Localité 4] (22) et l’île de Bréhat.
Par ailleurs et pour l’accostage de ses navires comme pour le transit de ses passagers, elle bénéficie d’une convention d’occupation du domaine public portant sur les cales et les abords du port.
Depuis quelques années, la société Les Vedettes de Bréhat cohabite avec une entreprise concurrente, la société Sur Mer qui, sans être délégataire de service public, a obtenu l’autorisation d’exploiter un service commercial de transport de passagers entre le continent et l’île.
Ainsi, les deux entreprises sont censées se partager, en alternance, l’usage de la cale du port pour faire accoster leurs navires.
Plusieurs contentieux ont déjà opposé les parties, notamment’:
– des poursuites pénales engagées à l’encontre du dirigeant de la société Sur Mer du chef d’usage non conforme d’un navire de plaisance à utilisation commerciale, lesquelles se sont soldées par une relaxe prononcée par jugement du tribunal de police de Saint Brieuc en date du 25 janvier 2017′;
– une action intentée par la société Les Vedettes de Bréhat à l’encontre de la société Sur Mer devant le tribunal de commerce de Saint Brieuc pour pratiques commerciales déloyales, laquelle s’est achevée par un débouté prononcé par jugement du 25 septembre 2017′;
– une requête déposée par le département des Côtes d’Armor devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, à la suite de plaintes réitérées de la société Les Vedettes de Bréhat, pour voir enjoindre à la société Sur Mer de respecter strictement les horaires qui lui sont impartis pour ses accostages à l’embarcadère de l’Arcouest, laquelle a donné lieu à une ordonnance de rejet en date du 18 juin 2019.
Suivant acte du 4 août 2021, c’est la société Sur Mer qui, à son tour, a fait assigner la société Les Vedettes de Bréhat devant le président du tribunal de commerce de Saint Brieuc statuant en référé, aux fins, essentiellement, de voir retirer, sur le fondement d’un trouble manifestement illicite, les panneaux publicitaires qu’elle a installés sur [Adresse 3], sur les pignons des maisons, et tout le long du chemin menant du parking jusqu’à l’embarcadère.
Par ordonnance du 8 novembre 2021, le juge des référés a’:
– débouté la société Sur Mer de l’ensemble de ses demandes’;
– débouté la société Les Vedettes de Bréhat de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner la société Sur Mer au paiement d’une amende civile pour procédure abusive’;
– condamné la société Sur Mer à payer à la société Les Vedettes de Bréhat une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes’;
– condamné la société Sur Mer aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 décembre 2021, la société Sur Mer a interjeté appel de cette ordonnance.
L’appelante a notifié ses dernières conclusions le 28 décembre 2021, l’intimée les siennes le 26 janvier 2022.
La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 5 mai 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Sur Mer demande à la cour de :
– réformer l’ordonnance entreprise’;
– débouter la société Les Vedettes de Bréhat de toutes ses demandes, fins et conclusions’;
Faisant droit à la demande de la société Sur Mer,
– interdire à l’avenir à la société Les Vedettes de Bréhat de faire de la publicité sur le site classé de l’embarcadère de l’Arcouest, le tout sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et ce, pour toute l’année 2022′;
– condamner la société Les Vedettes de Bréhat au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel.
Au contraire, la société Les Vedettes de Bréhat demande à la cour de :
Vu l’article 873 du code de procédure civile,
– déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande d’interdiction formulée par la société Sur Mer’;
– rejeter l’appel interjeté par la société Sur Mer’;
– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions’;
– débouter la société Sur Mer de l’intégralité de ses demandes’;
– condamner la société Sur Mer au paiement d’une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande formée en appel par la société Sur Mer’:
L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Par ailleurs, il résulte de l’article 566 que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l’espèce, la société Sur Mer demandait au juge des référés de première instance de condamner la société Les Vedettes de Bréhat à démonter tous les panneaux publicitaires encombrant l’espace public de l’embarcadère de [Localité 4] de même que ceux figurant dans les deux procès-verbaux de constat des 7 septembre 2020 et 29 juin 2021.
Devant la cour, elle réclame désormais de lui voir interdire à l’avenir toute publicité sur le site classé de l’embarcadère de l’Arcouest.
Incontestablement, la demande a évolué, comme n’ayant plus strictement le même objet puisque’:
– d’une part elle tend désormais à une interdiction plus marge, non seulement sous la forme de panneaux publicitaires, mais plus largement de toute forme de publicité (distribution de prospectus etc)’;
– d’autre part elle vise un espace différent, le «’site classé’» s’entendant en effet d’une aire géographique précise et délimitée par un arrêté ministériel pris en application de l’article L341-1 du code de l’environnement’; or, en tout état de cause, cette aire n’est pas strictement superposable à celle sur laquelle la société Les Vedettes de Bréhat a installé ses panneaux.
Pour autant et nonobstant cette évolution, il peut être considéré que la demande, telle qu’elle est désormais formulée devant la cour, est l’accessoire, au sens de l’article 566, de celle présentée devant le premier juge.
Par suite et sans préjuger de son bien-fondé, elle est recevable.
Sur le fond’:
Par application de l’article 873 premier alinéa du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Pour fonder sa demande d’interdiction, la société Sur Mer fait essentiellement valoir que, par l’installation massive et sauvage de panneaux tout le long du parcours menant du parking jusqu’à la cale d’embarquement du port de l’Arcouest, la société Les Vedettes de Bréhat abuse de la publicité, a fortiori sur un site classé où toute forme de publicité est interdite, et qu’elle «’étouffe’» l’activité de sa concurrente en l’empêchant d’exister.
Elle reproche également à la société Les Vedettes de Bréhat d’avoir installé une billetterie qui, par sa taille et son emplacement, masque celle de la société Sur Mer qui, de ce fait, n’est plus visible de la clientèle.
La société Sur Mer rappelle en effet qu’elle dispose elle aussi d’un droit d’occupation sur la place du port et que les installations de sa concurrente ne devraient pas déborder de la zone d’occupation qui lui a été attribuée.
A l’appui de ses affirmations, elle produit deux procès-verbaux de constat établis par huissier de justice successivement les 7 septembre 2020 et 29 juin 2021.
S’agissant du grief tiré d’un usage excessif de panneaux publicitaires, a fortiori dans un site classé, la cour rappelle’:
– que si l’article L 581-4 du code de l’environnement interdit «’toute publicité [‘] sur les monuments naturels et dans les sites classés’», pour autant la société Sur Mer ne démontre pas que les panneaux publicitaires qu’elle reproche à la société Les Vedettes de Bréhat d’avoir implantés le soient précisément dans le périmètre concerné par l’interdiction’; en effet, la société Sur Mer ne produit aucun plan à l’appui de cette affirmation’;
– qu’en outre, les panneaux litigieux relèvent davantage d’enseignes ou de pré-enseignes commerciales que de panneaux publicitaires stricto sensu, celles-ci obéissant à des règles encore différentes – les articles L 581-18 et suivants, sans que la société Sur Mer explique en quoi la société Les Vedettes de Bréhat les aurait transgressées.
Quant à l’occultation de la billetterie de la société Sur Mer par celle de la société Les Vedettes de Bréhat, elle n’est pas non plus démontrée.
En effet, ni le procès-verbal du 7 septembre 2020 ni celui du 29 juin 2021 n’établissent que les installations de la société Les Vedettes de Bréhat obstruent la vue de celles de la société Sur Mer, pas plus qu’ils ne démontrent une restriction de l’accès à la billetterie de cette dernière.
Au contraire et s’agissant du premier procès-verbal, il contient des photographies qui montrent une billetterie de la société Sur Mer très éloignée et complètement dégagée de celle de la société Les Vedettes de Bréhat.
Quant au second procès-verbal, s’il contient certes l’affirmation par l’huissier «’qu’à la sortie du parking privé, depuis le trottoir devant le magasin le comptoir des océans, la billetterie du requérant est occulté par les panneaux publicitaires de la compagnie Les Vedettes du Bréhat’», cette affirmation, qui relève en réalité de l’interprétation et non du constat, est démentie par les photographies qui, bien que censées l’illustrer, démontrent au contraire qu’en dépit de sa proximité avec les installations de la société Les Vedettes de Bréhat, la billetterie de la société Sur Mer demeure parfaitement visible depuis le parking, les panneaux voisins étant en effet positionnés à côté de la billetterie, et non pas devant celle-ci.
Pas davantage la société Sur Mer n’établit que les installations de la société Les Vedettes de Bréhat débordent de la zone géographique qui lui a été attribuée par la convention d’occupation du domaine public qu’elle a conclue.
Il résulte de ce qui précède que la preuve n’est pas rapportée d’un trouble manifestement illicite qui serait imputable à la société Les Vedettes de Bréhat et qui justifierait, du moins au stade du référé, de prononcer des mesures d’interdiction à son encontre.
En conséquence, l’ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions, et la société Sur Mer déboutée de l’intégralité de ses demandes.
Sur les autres demandes’:
L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société Sur Mer à payer à la société Les Vedettes de Bréhat une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
La société Les Vedettes de Bréhat sera déboutée de la demande qu’elle forme au titre des frais irrépétibles d’appel.
Partie perdante, la société Sur Mer supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
– confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions’;
– y ajoutant :
* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
* déboute la société Les Vedettes de Bréhat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
* condamne la société Sur Mer aux entiers dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,