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29 septembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/12393
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AVANT DIRE DROIT
(réouverture des débats)
DU 29 SEPTEMBRE 2022
hg
N° 2022/ 384
Rôle N° RG 19/12393 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEV67
[N] [U]
[L] [U]
C/
SCI FRANELLA
Société GRAND PORT MARITIME DE [Localité 9]
[A] [P] [B] [M]
[R] [J] [W] [M]
[I] [K] [E] [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Gisèle PORTOLANO
SELARL CRUDO REMY
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/05519.
APPELANTES
Madame [N] [U]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Gisèle PORTOLANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Sylvain MARCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Madame [L] [U]
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Gisèle PORTOLANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Sylvain MARCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
SCI FRANELLA, dont le siège social est [Adresse 10], agissant par son gérant en exercice
représentée par Me Rémy CRUDO de la SELARL CRUDO REMY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
ETABLISSEMENTPUBLIC GRAND PORT MARITIME DE [Localité 9] Pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 8]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jacques GOBERT de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
Madame [A] [P] [B] [M]
intervenante volontaire par conclusions du 14.11.20
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Gisèle PORTOLANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Sylvain MARCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [R] [J] [W] [M]
intervenant volontaire par conclusions du 14.11.20
demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Gisèle PORTOLANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Sylvain MARCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [I] [K] [E] [M]
intervenant volontaire par conclusions du 14.11.20
demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Gisèle PORTOLANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Sylvain MARCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Hélène GIAMI, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Sylvaine ARFINENGO, Président
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022,
Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
[L] [U] et [N] [S] épouse [U] (mesdames [U]) étaient respectivement nue-propriétaire et usufruitière des parcelles cadastrées [Adresse 1], section BN n° [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] pour 1a 84 ca au total, sur lesquelles est édifiée une maison d’habitation.
Les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 4] forment le lot n°9 du lotissement « les Cabaniers ».
Par acte du 8 février 2017, [L] [U] a fait donation de la nu-propriété de ce bien à [A] [M], [R] [M] et [I] [M].
Par acte authentique reçu par Maître [Y], notaire à [Localité 11] le 31 janvier 2005, la SCI Frannella a acquis de la SARL Méditerranée II la propriété bâtie, cadastrée section BN n°[Cadastre 6] pour 1a 22 ca, qui jouxte au sud les parcelles de mesdames [U].
[T] [Z] était associé dans les deux sociétés, acheteuse et vendeuse, la première ayant pour gérant [O] [C] veuve [V] [H] [G] épouse [F] [Z]
Au terme de l’acte du 31 janvier 2005 , il est précisé que « la véranda vitrée de la partie commerciale est située sur le domaine public maritime compris dans la circonscription du Port Autonome de [Localité 9] n° D 688 occupant une surface de 44,85 m², et que cette occupation a été autorisée au terme d’une décision d’occupation temporaire du domaine public du 25 octobre 1984, accordée pour une année à compter du 1er janvier 1985 et renouvelable ensuite d’année en année par tacite reconduction », et ce, moyennant une redevance annuelle de 1 583,43 € TTC pour l’année 2005.
Mesdames [U], considérant cette construction illégale et se plaignant d’un trouble anormal de voisinage en raison d’une perte de vue et d’ensoleillement et d’une visibilité directe du fonds de la SCI sur leurs fonds, ont, par acte d’huissier des 6 et 19 septembre 2017, fait assigner la SCI Frannella et le Grand Port Maritime de [Localité 9] (GPMM) devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, en sollicitant, par leurs dernières conclusions, au visa des articles 455 du code de procédure civile, 544, 560 et 566 du code civil, de voir :
-condamner la SCI Frannella, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du premier jour suivant la signification, de la décision à intervenir à détruire totalement la véranda vitrée existante, construite en 1994 illégalement sur le domaine public maritime et matérialisée sur le plan erroné de 2005 afin que ne subsiste à sa place, aucune terrasse, même nue, ce qui implique que lui soit interdit tout décroché tel que celui-ci apparaît sur tous les plans d’une part et à obstruer d’autre part la fenêtre, côté [U], de la salle 2 du plan erroné de 2005, fenêtre photographiée sur la pièce 4, m page 2 du constat d’huissier ainsi qu’à enlever les barreaux de fer forgé, rouilles, la sécurisant, cette fenêtre ayant une vue oblique sur leur propriété ;
-condamner solidairement la SCI Frannella et GPMM au paiement des sommes suivantes:
79 200 € correspondant à 300 € par mois à compter de la construction illégale pour laquelle GPMM n’a pas réagi, soit de 1995 à 2017 durant 22 ans ;
10 000 € remboursement des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de leur conseil.
A titre subsidiaire, elles sollicitaient une mesure d’expertise.
Par jugement contradictoire du 17 juin 2019, le tribunal de grande instance d’Aix en Provence a statué en ces termes:
-déboute Madame [L] [U] et Madame [N] [X] épouse [U] de l’intégralité de toutes leurs demandes tant principales que subsidiaires, fins et conclusions;
-condamne solidairement Madame [L] [U] et Madame [N] [X] épouse [U] â verser à chacune des parties en défense, la SCI Frannella et le Grand Port Maritime de [Localité 9] la somme de 2 500 €, soit la somme totale de 5 000 €, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-rejette le surplus de toutes les demandes des parties plus amples ou contraires ;
-condamne solidairement Madame [L] [U] et Madame [N] [X] épouse [U] aux entiers dépens de la procédure avec distraction au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande ;
-ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
Le premier juge a considéré que :
la preuve n’était pas rapportée de ce que :
-la SCI ne disposerait pas d’une AOT,
-elle aurait man’uvré pour créer l’apparence d’un droit et tromper à la fois le PAM et le notaire ayant instrumenté la vente à son profit, en faisant construire deux vérandas, en 1985 puis en 1994 et en incorporant la première, appartenant au Domaine Public Maritime dans son domaine privé,
-une construction aurait été faite illégalement en 1994 ou 1995,
-une première véranda vitrée existait depuis 1984,
-seule celle-ci et la fenêtre donnent sur le Domaine Public Maritime, avec autorisation temporaire d’occupation,
-la preuve d’un trouble anormal de voisinage n’est pas rapportée, même si la véranda prive partiellement Mesdames [U] de la vue sur mer depuis leur terrasse, et d’ensoleillement dans une mesure non précisée, alors qu’elle existe depuis plus de 30 ans, sans avoir donné lieu à des recours ou plaintes antérieurs.
Mesdames [U] ont fait appel de ce jugement par déclaration du 26 juillet 2019.
Aux termes de leurs dernières conclusions n°5 remises au greffe et notifiées le 12 janvier 2021 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, mesdames [U] entendent voir, au visa des articles 452 à 570 du code de procédure civile, 544, 560, 566, 679 du code civil, L 514-19 du code de l’environnement et de la théorie jurisprudentielle des troubles anormaux de voisinage, de la sommation contenue dans les présentes aux parties et notamment à la SCI Frannella d’avoir à communiquer le permis de construire relatif à la surface totale occupée par la véranda actuelle, le certificat de fin des travaux et de conformité y afférant, ainsi que la sommation restée sans réponse d’avoir à produire le justificatif du paiement des redevances visées par l’AOT qu’elle prétend détenir et des pièces régulièrement communiquées :
-déclarer recevable leur appel,
-au fond, réformer en toutes ces dispositions le jugement dont appel,
I : Condamner Frannella, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 1° jour du mois suivant la signification de la décision à venir :
-à détruire totalement la véranda vitrée existante construite en 1994 illégalement sur le domaine public maritime et matérialisée sur le plan erroné de 2005 (notre pièce 6-1) afin que ne subsiste à sa place, aucune terrasse, même nue, ce qui implique que lui soit interdit tout décroché tel que celui-ci apparaît sur tous les plans ;
-à obstruer la fenêtre, côté [U], de la salle 2 du plan erroné de 2005 (notre pièce 6-1), fenêtre photographiée sur la pièce 4, page 2/7, du constat de l’huissier, ainsi qu’à enlever les barreaux de fer forgé, rouillés, la sécurisant, cette fenêtre ayant une vue oblique sur la propriété [U] ;
II : Condamner solidairement Frannella et GPMM au paiement des sommes suivantes:
79 200 euros correspondant à 300 euros par mois à compter de la construction illégale pour laquelle GPMM n’a pas réagi, soit de 1995 à 2017, 22 ans, soit 300 x 12 x 22,
10 000 euros en remboursement des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens, ces derniers étant distraits au profit de Maître Gisèle Portolano sur ses offres de droit.
III : Subsidiairement :
Pour le cas où la Cour ne s’estimerait pas suffisamment informée, nommer, avant dire droit, tel consultant ou expert géomètre qu’il appartiendra pour mesurer la partie de la propriété de Frannella qui empiète sur le domaine public maritime et dire que cet expert retracera le préjudice environnemental, esthétique, de vue ou d’ensoleillement subi par [U] du fait des conséquences de cette construction illicite, ainsi que le fait de savoir si la fenêtre de la salle 2 du plan erroné de 2005 (notre pièce 6-1), fenêtre photographiée sur la pièce 4, page 2/7, a une vue oblique sur la propriété [U] et si les barreaux de fer forgé, rouillés, sécurisant cette fenêtre, empiètent sur la terrasse, partie AOT, [U].
Compte tenu des demandes subsidiaires présentées par GPMM relatives à la mission de cet expert, dire que les frais d’expertise seront partagés entre GPMM et [U].
Elles font valoir que :
-la décision d’occupation temporaire du domaine public du 25 octobre 1984 mentionnait une surface de 44,85 m² pour le calcul de la redevance, tandis que le plan annexé mettait en évidence que l’occupation était limitée à 19,57 m², (partie hachurée), le surplus de 25,28 m² étant constitué d’une simple terrasse nue,
-ce n’est qu’après 1993, en 1994 que la construction a été agrandie,
-puis, un permis de construire a été obtenu le 22 juillet 2005 pour transformer le rez-de-chaussée d’un immeuble existant avec changement de destination d’un local commercial en trois appartements,
-le plan joint était faux en ce qu’il plaçait faussement la limite du Domaine Public Maritime, et de ce fait, intégrait la véranda existante dans la construction principale et non plus sur le Domaine Public Maritime,
-la terrasse devenait le support de la véranda,
-l’AOT qui n’avait été accordée que pour une activité commerciale servira à la construction de biens privés,
-la véranda construite leur cause un trouble anormal de voisinage en ce qu’elle est vitrée, illégale, inesthétique, avance sur le bord de mer, supporte des panneaux publicitaires et est transformée en débarras,
-les intimés sont en faute d’avoir bâti ou laissé bâtir cette véranda sur le Domaine Public Maritime.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 28 novembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, la SCI Frannella demande à la cour, au visa des articles , de :
-Dire infondé l’appel de Mesdames [U].
-Confirmer le jugement entrepris dans son intégralité.
-Déclarer les appelantes infondées en droit et en fait.
-Constater qu’elle bénéficie d’une autorisation d’occupation temporaire du Domaine Public Maritime du chef de la SARL la Réserve et en vertu d’une autorisation expressément donnée par le Port Autonome de [Localité 9] le 5 septembre 2005, pour une surface occupée de 44,85m² concernant le maintien d’une véranda vitrée.
-Constater que [N] [S] épouse [U] ne détient aucune autorisation d’occupation temporaire du Domaine Public Maritime, du chef de feu son père [D] [S], sous l’autorisation du Port Autonome de [Localité 9] devenue Grand Port Maritime de [Localité 9], ni de son propre chef.
-Constater qu’il en est de même pour Madame [L] [U].
-Dire qu’il n’y a lieu, ni a obstruction de la fenêtre donnant sur la terrasse illicitement
occupée par les consorts [U], ni la démolition de la véranda donnant sur la
plage [Localité 12].
-Dire et juger qu’en l’absence de tout trouble anormal de voisinage préjudiciable a la
propriété des demanderesses, celles-ci seront déboutées de leurs demandes en
dommages et intérêts et article 700 du code de procédure civile .
-Condamner les demanderesses au paiement d’une somme de 4.000 Euros au visa
de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 3 décembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, l’établissement public Grand Port Maritime de [Localité 9] (GPMM), entend voir :
-confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, et par suite :
-Dire et juger mesdames [U], mal fondées en toutes leurs demandes à son encontre, et les en débouter ;
Sur la demande d’expertise :
à titre principal,
-Dire et juger que celle-ci n’a pas pour objet de pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve qui lui incombe de sorte que la demande d’expertise judiciaire de mesdames [U] sera rejetée ;
à titre subsidiaire,
-Dire et juger que le GPMM s’en remet à justice, mais que s’il y était fait droit, d’amplier la mission d’expertise comme suit :
-Convoquer les parties, se rendre sur place et procéder à l’examen des lieux ;
-organiser les réunions d’expertise nécessaires au bon déroulement de sa mission ;
-Se faire communiquer et prendre connaissance de tous documents qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment les permis de construire déposés et/ou obtenus par M. [Z], les autorisations d’occupation du domaine public délivrées aux requérantes et défendeurs, la concession de plage conclue avec la commune de [Localité 7] ;
-Fournir tous éléments d’information sur les préjudices immatériels subis du fait des travaux et ouvrages réalisés ;
-estimer en particulier la valeur vénale des biens fonciers des requérantes avant et après réalisation des travaux et ouvrages litigieux.
-Condamner tout succombant à payer la somme de 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner tout succombant aux entiers dépens.
Pour lui :
-la décision d’occupation temporaire du domaine public du 25 octobre 1984 portait sur une surface de 44,85 m², dont 19,57 m² étaient occupés en véranda, le surplus de 25,28 m² étant constitué d’un terrain,
-cette décision n’a jamais été transférée à la SCI Frannella, seul un accord de principe étant donné sous réserve de produire des pièces qui ne l’ont jamais été,
-il a émis un avis défavorable au projet de construction présenté en 2015,
-depuis le 10 avril 2010, il a accordé pour douze ans à la commune de [Localité 7] la concession des plages de [Localité 12], à charge pour elle d’accorder des AOT,
-Madame [U] en bénéficie d’ailleurs,
– la situation de la SCI Frannella est identique,
-son permis de construire date de 2005, et n’est pas délivré par lui mais par la mairie,
-il a émis un avis défavorable à la demande de la SCI Frannella de 2015,
– depuis 2005, il n’a accordé aucun droit à la SCI Frannella,
-aucune faute ne peut lui être reprochée,
-en toute hypothèse, seule la juridiction administrative serait compétente pour statuer sur une faute de gestion relative au Domaine Public Maritime,
-la preuve d’un trouble anormal de voisinage n’est pas rapportée,
-il ne peut être recherché sur des permis de construire délivrés par la commune.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur la qualité à agir de [L] [U] :
[L] [U] et [N] [S] épouse [U] (mesdames [U]) étaient respectivement nue-propriétaire et usufruitière des parcelles cadastrées [Adresse 1], section BN n° [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] pour 1a 84 ca au total, sur lesquelles est édifiée une maison d’habitation.
Les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 4] forment le lot n°9 du lotissement « les Cabaniers ».
Par acte du 8 février 2017, [L] [U] a fait donation de la nu-propriété de ce bien à [A] [M], [R] [M] et [I] [M].
Aux côtés de [N] [S] épouse [U], usufruitière, [L] [U] a assigné les 6 et 19 septembre 2017 en responsabilité pour trouble anormal de voisinage ou faute la SCI Frannella et le Grand Port Maritime de [Localité 9] (Grand Port Maritime de [Localité 9]), et sollicite non seulement la réparation de préjudices par l’allocation de dommages et intérêts, mais aussi la démolition de la construction qu’elle conteste.
La question de sa qualité à agir se pose :
-d’une part, à propos de la période où elle était nu-propriétaire, sur son éventuel préjudice découlant d’un trouble anormal de voisinage, qui ne peut exister que si elle réside sur place ;
-d’autre part, pour demander la démolition alors qu’elle n’avait plus aucune qualité de
nu-propriétaire lorsqu’elle a engagé l’action.
Par application des articles 122 et 125 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée. »
Il convient de soulever cette fin de non recevoir, mais préalablement, d’inviter les parties à s’en expliquer.
Sur la compétence du juge judiciaire :
Les appelantes agissent non seulement sur le fondement du trouble anormal de voisinage mais également sur celui de la faute des intimés, et notamment du Grand Port Maritime de [Localité 9] en ce qu’il aurait laissé bâtir la véranda litigieuse sur le Domaine Public Maritime.
Elles reprochent à cet établissement public de ne pas avoir répondu aux courriers de leur conseil leur demandant des explications sur les droits de la SCI Frannella à occuper le Domaine Public Maritime, et de ne pas veiller à la licéité des constructions réalisées sans autorisation.
Si le Grand Port Maritime de [Localité 9] invoque la compétence exclusive de la juridiction administrative pour statuer sur une faute dans sa gestion du Domaine Public Maritime, il n’en tire aucune conséquence dans le dispositif de ses conclusions, se limitant à demander la confirmation du jugement et le débouté de toutes les demandes de Mesdames [U].
L’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 prévoit que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. »
Avant de statuer sur les demandes des parties, il convient sur la question de la compétence du tribunal judiciaire, de soulever cette exception, en invitant préalablement les parties à s’en expliquer.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Ordonne la réouverture des débats en invitant les parties à s’expliquer :
-sur la qualité à agir de [L] [U],
-sur la compétence du juge judiciaire pour statuer sur les fautes reprochées au Grand Port Maritime de [Localité 9],
Renvoie l’affaire à l’audience collégiale du Mardi 14 Février 2023 à 14h15 salle 5 PALAIS MONCLAR,
Dit que les appelantes devront conclure sur les points soulevés avant le 16 Novembre 2022,
Dit que les intimés devront y répondre avant le 16 Janvier 2023,
Sursoit à statuer sur l’appel,
Réserve les dépens.
Le greffier Le président