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26 janvier 2021
Cour d’appel de Versailles
RG n°
19/05497
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
13e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 JANVIER 2021
N° RG 19/05497 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TLQB
AFFAIRE :
[I] [C]
C/
[R] [U]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2018F01350
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 26.01.2021
à :
Me Joséphine COLIN
Me Stéphanie ARENA
TC de NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [I] [C]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 10] (92) de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Maître Joséphine COLIN, avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701 et par Maître Gayané BALEKIAN, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANT
****************
Monsieur [R] [U]
né le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 9] (75) de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représenté par MaîtreStéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637 et par Maître François NORDMANN, avocat plaidant au barreau de PARIS substitué par Maître Jocelyn NORDMANN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Décembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,
M. [R] [U] détenait 117 des 210 parts du capital social de la SARL Société des Grands Garages Duchemin (la société SGGD) dont il était le gérant et dans laquelle il était associé avec avec Mme [N] [Z] qui en détenait 93 parts ; cette société, d’après ses statuts, a notamment pour activité la réalisation de toutes opérations de garage et de parking, l’achat, la vente et la location de véhicules neufs ou d’occasion, l’exécution de tous travaux de réparations de véhicules, la vente de tous carburants et lubrifiants ainsi que de façon générale toutes activités se rattachant, directement ou indirectement, au commerce de l’automobile.
La société SGGD, aux termes de trois autorisations d’occupation, conclues respectivement les 11 juin et 7 juillet 1987 et le 2 octobre 1995 avec la SNCF, exerçait son activité à [Localité 9], d’une part sur des emplacements d’une surface de 1 700 m² formant le dessous des voûtes et les parties latérales du viaduc de Vaugirard, dans la partie comprise entre la [Adresse 11] et la [Adresse 5], et dans des locaux de 100 m² [Adresse 11], d’autre part sur un emplacement de 8,32 m² situé au sud de la culée du viaduc de Vaugirard au niveau du [Adresse 5] et enfin sur un emplacement de 12 m² environ situé [Adresse 4], ces immeubles bâtis ou non bâtis dépendant tous du domaine public du chemin de fer.
Par une convention en date du 1er février 2016, M. [U] a cédé 60 des 117 parts sociales qu’il détenait dans la société SGGD à M. [I] [C] au prix de 82 857,60 euros, payable à compter du 1er février 2016 en 42 mensualités de 1 950 euros et une mensualité de 957,60 euros.
Par deux conventions du même jour, Mme [Z] a cédé l’intégralité des 93 parts sociales qu’elle détenait dans la société SGGD , d’une part 17 parts sociales à M. [I] [C] au prix de 23 476,32 euros, payable à compter du 1er février 2016 en 42 mensualités de 550 euros et une dernière de 376,32 euros, et d’autre part 76 parts sociales à M. [D] [Y] [L] au prix de 104 952,96 euros, payable également à compter du 1er février 2016 en 42 mensualités de 2 450 euros et une mensualité de 372,96 euros.
Par lettre recommandée du 30 octobre 2017, le gestionnaire du patrimoine immobilier de l’établissement public SNCF réseau, la société Nexity property management (la société Nexity), a adressé à la société SGGD une mise en demeure de quitter les lieux au plus tard le 31 mars 2018 et de les restituer libres de toute occupation, en lui indiquant dans ce courrier que ‘la convention d’occupation temporaire à effet du 1er juin 1987 a été résiliée le 31 octobre 2011 par la SNCF’, ce qui était confirmé par mail du 13 novembre 2017 adressé au conseil de MM. [C] et [L].
Par courriel du 16 mai 2018, la société Nexity a informé la société SGGD qu’elle pourrait se maintenir dans les lieux jusqu’au 15 novembre 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 février 2018, le conseil de M. [U], observant que M. [C] n’avait réglé qu’un total de 33 500 euros sur les 44 850 euros qui étaient alors exigibles, l’a vainement mis en demeure de régler les sommes dont il restait redevable.
Par ordonnance de référé en date du 27 juin 2018, le président du tribunal de commerce de Nanterre, saisi par M. [U] pour avoir paiement des sommes dont il se considérait créancier, a dit n’y avoir lieu à référé en raison de la contestation sur la validité de l’obligation.
La société SGGD a quitté les lieux qu’elle exploitait à [Localité 9], le 5 mars 2019.
Par jugement contradictoire rendu le 20 juin 2019, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par M. [U], a :
– débouté M. [C] de sa demande de condamnation de M. [U] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– condamné M. [C] à payer à M. [U] la somme de 38 650 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, en exécution de la cession de parts sociales du 1er février 2016;
– débouté M. [U] de sa demande de condamnation de M. [C] à des dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– condamné M. [C] à payer à M. [U] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [C] aux dépens.
Un second jugement a été rendu le même jour entre Mme [Z] et MM. [C] et [L].
Par déclaration du 23 juillet 2019, M. [C] a interjeté appel du jugement, de même qu’il a interjeté appel, avec M. [L], du second jugement concernant la cession des parts sociales de Mme [Z].
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 octobre 2019, M. [C] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, condamné au paiement de la somme de 38 650 euros en principal majorée des intérêts, au titre de l’article 700 euros et des dépens et ordonné la capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau,
– constater que M. [U] a manqué à son obligation d’information précontractuelle et a volontairement dissimulé la résiliation des conventions d’occupation intervenue en 2011 ;
– constater que cette dissimulation est constitutive d’un dol et que, de ce fait, son consentement a été vicié ;
– subsidiairement, constater que l’acte de cession conclu avec M. [U] le 1er février 2016 est entaché d’une erreur sur la substance ;
En conséquence,
– déclarer nulle la cession de parts sociales conclue le 1er février 2016 ;
– débouter M. [U] de sa demande de condamnation en paiement ;
– condamner M. [U] à lui payer la somme 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
En tout état de cause,
– condamner M. [U] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [U] aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 12 décembre 2019, M. [U] demande à la cour :
– le recevoir en ses conclusions et l’y déclarer bien fondé ;
– condamner M. [C] à lui payer les sommes de 49 357,60 euros au titre des échéances échues arrêtées au 31 juillet 2018 inclus sauf à parfaire à la date de la décision à intervenir et 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner la capitalisation des intérêts à compter des mises en demeure du 22 février 2018 ;
– condamner M. [C] aux dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 novembre 2020.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
M. [C], après avoir rappelé les dispositions de l’article 1134 ancien du code civil, l’obligation d’information précontractuelle ainsi que les textes et la jurisprudence sur le dol, soutient que M. [U] qui devait lui donner une informations pertinente pour lui permettre de s’engager en toute connaissance de cause et mesurer la portée de son engagement, a manqué à cette obligation d’information précontractuelle et qu’il a fait preuve d’une réticence dolosive en lui remettant les autorisations d’occupation dont bénéficiait la société SGGD et qu’il a cru toujours valables. M. [C], s’il ne conteste pas le caractère précaire de ces conventions, explique en effet que ce n’est qu’en novembre 2017 qu’il a eu connaissance de la réalité de la situation locative lorsque la société gestionnaire du patrimoine de la société SNCF réseau lui a fait part de la résiliation intervenue depuis 2011, date depuis laquelle la société se maintenait dans les lieux sans droit ni titre, information que le cédant lui a volontairement dissimulée pour l’encourager à acquérir les parts sociales. Il précise qu’une copie des lettres de résiliation a été adressée à son conseil à sa demande par la société Nexity en soulignant que l’expert-comptable qui a rédigé les actes de cession s’est basé sur les éléments qui lui ont été remis par M. [U] qui n’est pas en mesure de prouver qu’il lui aurait remis ces lettres de résiliation comme il le prétend ; il ajoute qu’il ne lui appartenait pas de se rapprocher de la SNCF pour vérifier la situation locative de la société et la véracité des dires de M. [U] et que la dissimulation de ce dernier est constitutive d’un dol qui a vicié son consentement et d’un manquement à son obligation de loyauté ; que de plus, les termes des courriers de résiliation adressés par lettre recommandée sont très clairs de sorte que M. [U] ne peut prétendre qu’il pensait, après avoir reçu les deux courriels adressés par la société Nexity postérieurement au congé délivré en 2011, que l’occupation des lieux était redevenue régulière et qu’il avait nécessairement connaissance du risque d’expulsion qu’il lui faisait courir.
Il expose qu’une autorisation d’occupation précaire résiliée depuis plusieurs années ne peut être assimilée à une autorisation d’occupation précaire dès lors qu’elle n’en a pas les mêmes conséquences de sorte que s’il avait eu connaissance de cette résiliation, il n’aurait pas acquis les parts au prix qu’il a payé.
Subsidiairement, si la cour ne retenait pas d’élément intentionnel, il lui demande de retenir l’erreur sur la substance dans la mesure où l’activité principale exercée par la société SGGD était une activité de parking de véhicules, le local principal mis à sa dispositions par la SNCF ayant une superficie de 1 700 m² et que la société, dépourvue de ces locaux, ne présente ni valeur ni intérêt. Il prétend que les ‘muliples’ recherches effectuées pour retrouver un local du même type n’ont pas abouti et que malgré ses démarches auprès de la société Nexity, il n’a pu être conclu une nouvelle convention d’occupation mais qu’il a pu uniquement obtenir un délai supplémentaire pour quitter les lieux.
Il conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande en nullité de la cession de parts sociales alors même qu’il n’y a pas donné un consentement libre et éclairé.
Il soutient que la nullité de la cession, exclusivement due au fait que M. [U] a commis une faute, lui cause un préjudice direct, qu’il a perdu une chance d’acquérir des parts dans une autre société viable et occupant des locaux de façon régulière et qu’il a ainsi subi un préjudice d’ordre moral et professionnel, quittant un emploi stable pour intégrer cette société dont il pensait qu’elle occupait régulièrement les locaux et soulignant qu’en sus des sommes importantes qu’il a réglées pour l’achat des parts sociales, il s’est énormément investi pour redynamiser et développer l’activité existante.
M. [U] souligne que M. [C] a cessé tout règlement au titre de la cession de parts après un dernier versement du 16 octobre 2017 portant ainsi la somme réglée à 33500 euros sur les 39 000 euros exigibles et qu’il ne s’est pas exécuté à la suite de la mise en demeure qui lui a été délivrée en lui opposant alors une prétendue réticence dolosive. Il soutient que sa créance, au titre de la cession de parts sociales dont toutes les échéances sont désormais exigibles, est en outre certaine et liquide à hauteur de la somme totale de 49 357,60 euros telle qu’actualisée en appel.
Après avoir rappelé que M. [C] n’a pas engagé d’action aux fins de nullité de la convention qu’il ne lui a opposée qu’à titre reconventionnel et que le dol qui ne se présume pas doit être prouvé dans toutes ses composantes puis relevé que les actes de cession de parts ont été rédigés par l’expert-comptable des cessionnaires qui s’est procuré les pièces relatives à la situation locative de la société SGGD, il fait valoir que celui-ci a pu constater que la société ne disposait pas d’un bail commercial et occupait le domaine public de sorte que la convention d’occupation, consentie pour des périodes d’un an, était affectée d’une précarité caractérisée, les bilans de la société ne valorisant d’ailleurs le fonds de commerce que pour une somme symbolique par rapport à la valorisation des parts lors de la cession et que les cessionnaires, ayant en outre le devoir de se renseigner en particulier en vérifiant la situation locative auprès du gestionnaire du bien, ne peuvent valablement soutenir avoir ignoré le caractère précaire des autorisations d’occupation.
Il soutient que l’affirmation de M. [C] selon laquelle il ne lui a pas été communiqué ainsi qu’à M. [L] les notifications de 2011 mettant fin aux conventions d’occupation, outre qu’elle n’est pas prouvée, est démentie dès lors que les cessionnaires ont produit ces éléments lors de la procédure de référé et que l’appelant, parfaitement au fait de la situation de la société dont il acquérait les parts, a tout au contraire pris en compte cet aléa. Il ajoute que si cet aléa a pu paraître limité dès lors qu’aucune procédure de libération forcée des lieux n’avait été mise en oeuvre plus de cinq ans après les notifications de 2011 et que dans les échanges avec la société SGGD, la société Nexity faisait référence à la situation de locataire et non d’occupant sans droit ni titre, il n’en demeure pas moins que les candidats à la reprise, habitués du monde des affaires dès lors qu’ils dirigeaient chacun une autre société, ne pouvaient ne pas connaître la précarité de l’occupation en l’absence d’actes de reconduction et qu’à tout le moins, il leur appartenait de s’enquérir auprès du propriétaire des lieux de ce qui permettrait de pérenniser l’occupation de la société ; qu’en outre si les cessionnaires avaient découvert ces notifications postérieurement à la cession des parts comme ils le prétendent, ils n’auraient pas manqué de l’interpeller en sa qualité de précédent gérant et d’initier une action en nullité des cessions de parts sociales, ce qu’ils se sont bien gardés de faire, la prétendue dissimulation des lettres de résiliation n’étant qu’un prétexte pour tenter de justifier a posteriori leur défaillance à honorer le paiement des échéances qu’ils réglaient déjà avec retard avant de cesser tout paiement.
M. [U] conteste avoir eu conscience de l’irrégularité de l’occupation des locaux par la société SGGD et agi dans l’intention de tromper le consentement de M. [C], observant qu’il n’avait aucune raison de dissimuler les notifications de 2011 alors qu’il était persuadé que celles-ci étaient obsolètes.
Il fait en outre valoir que la dissimulation alléguée, à la supposer avérée, n’a pu être déterminante de l’engagement des cessionnaires au vu en premier lieu du décalage entre le prix payé pour la cession des parts et la valorisation minime du fonds de commerce ; qu’en second lieu, la société SGGD n’a finalement quitté les lieux que le 5 mars 2019, soit plus de trois ans après la date de la cession de parts, ce qui représente trois fois la durée prévue par les conventions d’occupation précaire, les notifications de 2011 n’ayant pas ainsi aggravé l’aléa résultant de la précarité inhérente à ces conventions de sorte qu’il n’est pas démontré que les acquéreurs auraient proposé un prix moindre en ayant connaissance des notifications de 2011.
M. [U] observe enfin que lorsque la société SNCF réseau a manifesté sa volonté de reprendre les lieux occupés en novembre 2017, elle ne l’a pas fondée sur les notifications de 2011 même si elle s’en est prévalue, celle-ci invoquant la valorisation du bien dans le projet de Petite ceinture en lien avec la ville de Paris et dans le mémoire aux fins d’expulsion devant le tribunal administratif, son inquiétude générée par les manquements à ses obligations de la société SGDD exploitée depuis près de trois ans par les cessionnaires, de sorte que les conditions légales pour que la cession de parts soit annulée font toutes défaut.
Subsidiairement, M. [U] expose que l’erreur, à supposer qu’elle existe, ne porte pas sur les qualités substantielles de la chose vendue, les acquéreurs, détenteurs des parts de la société SGDD, pouvant toujours l’exploiter dans d’autres locaux en région parisienne d’autant qu’elle n’avait pas exclusivement une activité de parking ; qu’en outre l’erreur n’a pas été déterminante du consentement des acquéreurs puisqu’ils savaient que l’occupation de la société pouvait cesser moyennant le respect d’un préavis d’une année et qu’ils étaient ainsi conscients de l’aléa affectant l’occupation des locaux qu’ils ont accepté.
M. [U] soutient enfin qu’en tout état de cause et à supposer établie une faute de sa part, celle-ci ne constitue pas le fait générateur du préjudice invoqué qui, au demeurant, n’est aucunement justifié par le cessionnaire des parts qui exerçait un autre mandat social et ne s’est pas retrouvé dépourvu après son départ des lieux précédemment occupés.
Aux termes de l’ancien article 1109 du code civil, applicable à la cession de parts sociales signée entre M. [U] et M. [C] antérieurement au 1er octobre 2016, il n’y a pas de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été surpris par dol.
Le dol, selon l’ancien article 1116 du code civil, est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par une partie sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, doit être prouvé et exige, en outre, la preuve de l’intention de tromper son cocontractant. Aux manoeuvres sont assimilés le mensonge et la réticence destinés à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement du cocontractant.
Pèse en outre sur le vendeur une obligation précontractuelle d’information destinée à pleinement éclairer le consentement de l’acquéreur ; il lui appartient de le prévenir de toute circonstance ayant un rôle déterminant dans la décision de contracter, étant rappelé que conformément aux dispositions de l’ancien article 1134 du code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi par ceux qui les ont faites.
Il est constant que lorsque M. [C] a acquis les parts sociales de la société SGGD, le cédant lui a remis une copie des autorisations d’occupation relatives aux sites exploités par la société SGGD, en particulier l’emplacement de 1 700 m² destiné à être affecté d’après la convention à ‘usage de garage-parking, à la vente et la location de voitures neuves et d’occasion et au maintien de diverses installations (bureaux, vestiaires, douches pour le personnel, magasin)’.
Si l’appelant ne conteste nullement que ces conventions étaient précaires dans la mesure où elles portaient sur des emplacements et locaux appartenant au domaine public et étaient données pour une durée limitée d’une année, il est cependant constant qu’après leur signature à l’été 1987 elles ont été renouvelées annuellement à compter de l’été 1988, étant précisé que l’autorisation relative à l’emplacement de 12 m², signée le 2 octobre 1995 et également renouvelée annuellement, a été établie en remplacement d’une précédente convention signée les 11 juin et 7 juillet 1987 comme celles relatives aux autres emplacements.
Alors que M. [C] soutient qu’aucune autre information relative à l’occupation des lieux ne lui a été donnée par le cédant préalablement à la cession de parts et que ce n’est qu’à réception de la mise en demeure de libérer les lieux datée du 30 octobre 2017 que la société SGGD a été informée de la résiliation de ces conventions, M. [U] n’en apporte pas la preuve contraire ; celui-ci, tenu d’informer complètement l’acquéreur des parts sociales de la situation de la société SGGD, est défaillant à démontrer qu’il s’est acquitté de cette obligation, le fait que l’acte de cession aurait été rédigé par l’expert-comptable des cessionnaires, comme le prétend l’intimé, ne permettant pas pour autant d’en déduire que le cédant a informé le rédacteur de l’acte des conditions dans lesquelles la société, lors de la cession, occupait les lieux dans lesquelles elle exploitait son activité.
M. [C] verse de surcroît aux débats un mail du 13 novembre 2017 justifiant que c’est à la demande de son conseil que les lettres de ‘congé’ à effet du 31 mai 2011 et du 31 octobre 2011 ont été adressées en pièces jointes de ce message.
En outre, dans le cadre de la loyauté des rapports contractuels entre les parties, il ne saurait être reproché à l’acquéreur de parts sociales auquel le cédant a remis les conventions d’occupation relatives aux lieux exploités par la société de ne pas en avoir vérifié les conditions d’occupation auprès du propriétaire des lieux ou de son mandataire.
Ce n’est donc que bien postérieurement à la cession de parts sociales que M. [C] a découvert que, par lettres recommandées avec accusé de réception des 14 février et 11 mai 2011, l’établissement public à caractère industriel et commercial Réseau ferré de France (RFF) devenu SNCF réseau, a adressé à la société SGGD ‘un congé ferme et définitif’ à effet du 31 mai 2011 pour le terrain de 1 700 m² et l’emplacement de 100 m² et à effet du 31 octobre 2011, pour les terrains bâtis de 12 m² et 8 m², tout en se disant disposée à étudier les termes et conditions d’une nouvelle convention lui permettant de maintenir son activité dans les lieux.
Le cédant qui ne discute pas en avoir eu connaissance même s’il n’est communiqué que l’avis de réception qu’il a signé le 12 mai 2011 en sa qualité de gérant de la société SGGD, n’a pu se méprendre sur la portée de ces courriers particulièrement explicites, laquelle n’a pas été modifiée en l’absence de conclusion de nouvelles conventions, d’autant qu’à l’occasion d’une mise en demeure adressée le 10 mai 2012 à propos de la dépose de panneaux publicitaires implantés sur le domaine de la société RFF, la gestionnaire de ces biens, la société Nexity, a rappelé à la société SGGD qu’elle se maintenait ‘ sur site sans droit ni titre’. Le fait que le 30 septembre 2014 un message électronique confirmant à la société SGGD, occupante sans droit ni titre, que le ‘compte locataire’ était à jour et qu’aucune mesure d’expulsion n’ait été entreprise pendant plus de quatre ans n’a pu sérieusement faire croire au gérant de la société SGGD que la poursuite de l’occupation des lieux pouvait être régulière et que la cession des parts sociales pouvait intervenir sans informer les cessionnaires de cette difficulté.
Ce défaut d’information n’a ainsi pu être qu’intentionnel.
Quand bien même le fonds de commerce n’a été valorisé qu’à la somme de 3 049 euros d’après les écritures de M. [U], sans que le bilan correspondant ait été versé aux débats, ce défaut d’information a incontestablement eu des conséquences sur le consentement de M. [C] : en effet, celui-ci, alors qu’il croyait acquérir une société exploitant son activité dans des locaux et emplacements s’étendant sur plus de 1 700 m² dans le [Localité 9], dans le cadre d’une convention d’occupation certes précaire mais annuellement renouvelée depuis plus de 25 ans, a acquis une société, occupante sans droit ni titre des emplacements et locaux où elle poursuivait son activité, la résiliation étant intervenue plus de quatre ans avant la cession de parts sociales. L’aléa était ainsi beaucoup plus important qu’il ne le pensait et il a été privé d’une information déterminante de son consentement. Il est certain que M. [C] n’aurait pas acquis les parts sociales de la société SGGD aux conditions dans lesquelles il a contracté s’il avait eu connaissance de ce congé intervenu depuis plus de quatre ans. En effet, faute de disposer d’emplacements aussi étendus, la poursuite de l’activité de parking se trouvait particulièrement compromise, quand bien même la société avait d’autres activités.
Par conséquent, le dol étant caractérisé, il convient, infirmant le jugement, de prononcer la nullité de la cession de parts sociales.
La nullité étant prononcée, M. [U] ne pourra qu’être débouté de sa demande en paiement du solde des parts sociales et le jugement infirmé de ce chef, étant relevé que M. [C] ne sollicite pas la restitution des sommes qu’il a déjà versées en paiement du prix des parts sociales. Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, ce dernier ne relevant pas appel incident du jugement à cet égard.
S’agissant de la demande en dommages et intérêts, M. [C] qui sollicite la réparation d’un préjudice d’ordre moral et professionnel n’a versé aucun avis d’imposition aux débats pour justifier de l’étendue du préjudice professionnel allégué et notamment des revenus perçus dans le cadre de l’activité de la société G.A.S (Groupe auto service) dont il était le président.
En outre, si d’après les pièces communiquées par les appelants dans le dossier concernant la cession des parts sociales de Mme [Z], cette société bénéficiait d’un contrat de location-gérance depuis le 1er février 2015, il est cependant établi que celui-ci a été résilié par anticipation le 30 novembre 2016, la société G.A.S expliquant à cette occasion être dans l’impossibilité d’acquitter les redevances de la location-gérance en raison de l’importance des loyers du bail commercial, ’emportant impossibilité de son exploitation commerciale’.
Il n’en demeure pas moins que le manquement de M. [U] à son obligation d’information, à l’origine de la nullité de la cession de parts, a affecté moralement M. [C] qui s’est trouvé dans l’impossibilité de poursuivre l’exploitation de la société SGGD dans les locaux initiaux alors même qu’il s’est investi dans cette société dont il était le gérant ; il justifie avoir entrepris des démarches pour tenter de trouver d’autres locaux, celui-ci expliquant que ses recherches sont demeurées infructueuses. A ce jour, d’ailleurs, d’après l’extrait Kbis versé aux débats, à la suite de la demande de la cour à l’audience, aucune modification du siège social de la société SGGD n’a été opérée. M. [C] justifie que depuis le 27 mars 2020, il est inscrit comme demandeur d’emploi auprès de Pôle emploi.
Au regard de ces éléments, il sera alloué à M. [C] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’indemniser de son préjudice moral consécutif à la réticence dolosive du cédant des parts sociales de la société SGGD et à la nullité de la cession des parts sociales.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du 20 juin 2019 sauf en ce qu’il a débouté M. [R] [U] de sa demande de condamnation de M. [I] [C] à des dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Prononce la nullité de la cession de parts sociales conclue le 1er février 2016 entre M. [R] [U] et M. [I] [C] ;
Condamne M. [R] [U] à payer à M. [I] [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute M. [R] [U] de toutes ses demandes à l’encontre de M. [I] [C] ;
Condamne M. [R] [U] à payer à M. [I] [C] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [R] [U] aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,