Affichage publicitaire : 2 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01783

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2 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/01783

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 02/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/01783 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TQ7L

Jugement (N° 19/06073)

rendu le 1er mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

La SAS Urbaxim

représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Karl Vandamme, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

La SCI MWM

Prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Gérald Malle, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Claire Titran, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 10 novembre 2022 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 mars 2023 après prorogation du délibéré en date du 19 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 octobre 2022

****

La SAS Urbaxim a conçu le projet de réaliser une opération de construction de 38 logements sur un terrain situé [Adresse 2] qui nécessitait qu’elle acquière l’ensemble des lots de la copropriété sise à cette adresse, appartenant respectivement à la SCI’MWM, la SCI Hamza et M. [X] [U].

Par acte sous seing privé en date du 8 avril 2017, la SCI MWM a promis de vendre ses lots à la SAS Urbaxim pour le prix de 340 000 euros, cette promesse conférant au bénéficiaire la faculté d’acquérir lesdits lots pour une durée de 18 mois.

Par acte extra-judiciaire et par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2018, la SAS Urbaxim a levé l’option d’achat mais la SCI MWM s’est opposée à la régularisation de l’acte authentique de vente.

Par acte d’huissier du 8 août 2019, la SCI MWM a attrait la SAS Urbaxim devant le tribunal de grande instance de Lille afin de voir prononcer la nullité de la promesse de vente ou, subsidiairement, sa caducité, et de voir condamner cette dernière à retirer des panneaux publicitaires sous astreinte de 200 euros par jour de retard et à lui payer 17’000 euros «’à titre de préjudice subi ou d’indemnité d’immobilisation convenue’», 200 euros au titre de frais exposés pour le retrait de panneaux publicitaires et 10’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal a :

– débouté la SCI MWM de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la SAS Urbaxim de ses demandes d’indemnisation,

– condamné la SCI MWM aux dépens et à payer à la SAS Urbaxim la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire.

La SAS Urbaxim a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions remises le 26 avril 2021, demande à la cour de l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes d’indemnisation, de débouter la SCI MWM de l’ensemble de ses prétentions et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 943 083,53 euros à titre de dommages et intérêts «’en réparation du préjudice subi’» outre 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance que de la procédure d’appel.

La SCI MWM, aux termes de conclusions notifiées le 22 juillet 2021, demande pour sa part à la cour d’infirmer le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires de la société Urbaxim, et renouvelle ses demandes initiales en portant néanmoins à 15 000 euros le montant de l’indemnité demandée pour frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité de la promesse de vente

La SCI MWM se prévaut en premier lieu des articles 1112-1 et 1130 du code civil combinés.

Le premier de ces textes est ainsi rédigé :

« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants’».

Le second dispose que l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ; que leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

La SCI MWM soutient que la société Urbaxim, professionnelle de l’immobilier, s’est volontairement abstenue d’attirer son attention, alors qu’elle-même est profane en la matière, sur la nécessaire résiliation des baux consentis sur les lots objets de ladite promesse et ses conséquences, en particulier l’obligation où elle allait se trouver de régler à la société RCA’France, titulaire d’un bail commercial sur un des lots, une indemnité d’éviction pouvant s’avérer supérieure au prix de cession convenu, le tout dans un délai insuffisant de 18 mois ; qu’elle n’a en effet évoqué, noyées dans une clause parmi d’autres stipulations, qu’une éventuelle éviction et une éventuelle indemnité ; qu’elle a ainsi retenu une information essentielle pour son co-contractant non professionnel, que son consentement a donc été vicié par erreur provoquée et par dol, que cela apparaît d’autant plus vrai qu’il est avéré que «’pour ceux des propriétaires qui étaient assistés d’un conseil ou de leur notaire, la société Urbaxim a été contrainte de gérer la problématique des indemnités d’éviction en les prenant en charge sans dégrader le prix du foncier au mètre carré’».

Toutefois, l’article 6 de la promesse stipule, en des caractères très lisibles et des termes habituels en pareille occurrence, que «’le promettant déclare que lesdits immeubles seront totalement libres de toute location, occupation, réquisition ou préavis de réquisition, au plus tard le jour de la réalisation de l’acte authentique de vente. Le promettant s’engage à faire son affaire personnelle de toute éviction éventuelle et de toutes les charges en résultant, et notamment du paiement de toute éventuelle indemnité’». Ainsi que le souligne l’appelante, en contractant avec un promoteur ayant l’intention de démolir les immeubles existant pour édifier un ensemble immobilier, la SCI MWM avait nécessairement conscience de ce que les lieux devraient être libérés. Elle ne peut, en ayant conclu un bail commercial, prétendre avoir ignoré légitimement les conséquences qui s’y attachent et notamment le paiement d’une indemnité d’éviction au locataire en cas de résiliation du bail, ni par conséquent reprocher à sa cocontractante de lui avoir dissimulé une information qui n’est qu’une disposition légale, qu’elle était censée connaître en tant que bailleresse et qui était aisément accessible. Dès lors, elle ne peut raisonnablement soutenir avoir été trompée par l’adjectif « éventuel’» dans la clause précitée, lequel au demeurant aurait dû susciter une interrogation et une recherche d’information de sa part si, vraiment, elle n’avait pas été au fait de la réglementation. Au surplus, elle ne verse aux débats aucune pièce justifiant du montant de l’indemnité d’éviction qu’elle aurait eu à verser à la société RCA France, du caractère soi-disant exorbitant de celle-ci et donc du caractère essentiel de l’information qui lui aurait été due sur son obligation de payer une telle indemnité. Par ailleurs et contrairement à ce qu’elle soutient, son engagement n’est pas contraire aux droits des locataires titulaires de baux d’habitation dès lors qu’elle était en droit de leur donner congé pour vendre avec un préavis de six mois que la durée contractuelle de la promesse de vente (18 mois) lui permettait de respecter.

La SCI MWM fait encore valoir, d’une part, que la société Urbaxim pouvait parfaitement acquérir l’immeuble avec les locataires en place et gérer l’indemnité d’éviction, d’autre part que celle-ci l’a amenée, par la rédaction de l’acte, à engager sa responsabilité par des déclarations sur l’état de l’immeuble, notamment en matière de pollution, qu’elle ne maîtrisait pas. Elle n’explique pas clairement quelles conclusions juridiques elle en tire.

Quoi qu’il en soit, sur ces derniers éléments comme sur la question de l’engagement à libérer les lieux, elle ne démontre pas que son gérant aurait été contraint de signer cet acte dans la précipitation, sans avoir la possibilité d’en examiner les termes, de se les faire expliquer voire de les négocier, et que les divers engagements susvisés lui auraient été en quelque sorte extorqués.

En l’absence de preuve apportée par la société MWM de la dissimulation par la société Urbaxim d’une information qu’elle savait essentielle pour sa co-contractante, et a fortiori d’une telle dissimulation en vue de la déterminer à contracter, le moyen de nullité fondé sur les articles 1112-1 et 1130 du code civil combinés ne peut prospérer.

La SCI MWM soulève en second lieu la nullité de la promesse de vente, au visa de l’article 1304-2 du code civil selon lequel «’est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur », au motif tiré de ce que l’une des conditions suspensives stipulées serait potestative, à savoir « l’acquisition par le bénéficiaire de l’ensemble des lots de copropriété constituant l’ensemble immobilier sis [Adresse 2] cadastré B n° [Cadastre 5]’», dès lors que la société Urbaxim pouvait décider de ne pas faire les démarches en vue d’acheter les différents lots.

Or, s’agissant d’une promesse unilatérale de vente, la seule obligation contractée est l’obligation de vendre contractée par la SCI MWM. Ce moyen n’a donc pas de sens et n’en aurait un que si la société Urbaxim s’était engagée à acheter le lot de la SCI MWM sous cette condition.

Le premier juge a donc légitimement débouté la SCI MWM de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la promesse de vente.

Sur la demande tendant à voir constater la caducité de la promesse de vente

La SCI MWM soulève cette caducité aux motifs tirés d’une part du défaut de consignation de l’indemnité d’immobilisation prévue par l’article 10 de l’acte, d’autre part du défaut de régularisation de l’acte authentique dans le délai de cinq semaines de la levée d’option prévu par l’article 5.

Or, la consignation de l’indemnité d’immobilisation et la constitution d’une caution bancaire destinée à la garantir, prévues par l’article 10, ne le sont pas comme condition suspensive ni à peine de caducité de la promesse.

Le délai de régularisation de l’acte authentique n’est pas davantage stipulé par l’article 5 de la promesse à peine de caducité.

Ces moyens sont donc inopérants.

Sur la demande de la SCI MWM en paiement de la somme de 17’000 euros à titre d’indemnité d’immobilisation ou d’indemnisation de préjudice

L’article 10 de la promesse stipule notamment que l’indemnité d’immobilisation restera acquise de plein droit au vendeur à titre de dommages et intérêts forfaitairement fixés pour l’indemniser du préjudice qu’il subirait au cas où, toutes les conditions suspensives étant réalisées dans le délai fixé, le bénéficiaire aurait refusé de signer l’acte authentique nonobstant la sommation à lui délivrée par le promettant.

Ce cas n’est pas celui de l’espèce puisque c’est la SCI MWM qui, sommée de régulariser l’acte authentique, s’y est soustraite ainsi que cela ressort du procès-verbal de carence dressé le 10 décembre 2018 par Me [R], notaire, de sorte que sa demande ne peut prospérer.

Sur la demande relative aux panneaux publicitaires

La SCI MWM est mal fondée à demander tant le remboursement de la somme de 200 euros qu’elle dit avoir déboursée pour faire procéder, en raison de la caducité de la promesse de vente, au retrait de panneaux publicitaires apposés sur son immeuble par la société Urbaxim, alors que cette caducité n’avait pas été consacrée, que la condamnation sous astreinte de la société Urbaxim à retirer des panneaux alors qu’il n’est pas démontré que de nouveaux panneaux auraient à nouveau été posés après le retrait intervenu. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Urbaxim

La société Urbaxim sollicite la condamnation de la SCI MWM à l’indemniser, à hauteur de 943 083,53 euros, du préjudice que celle-ci lui aurait causé par son refus de régulariser l’acte authentique, cause de l’échec de l’opération immobilière projetée, et constitué tant par les frais exposés en vain que par le gain manqué, le tribunal l’ayant déboutée faute de justificatifs suffisants et de preuve d’un lien de causalité entre le préjudice allégué et le fait de la SCI MWM.

Cette dernière, pour s’opposer à cette demande, fait valoir qu’à supposer que sa rétractation ne soit pas jugée justifiable au regard des articles 1112-1 et 1130 du code civil, elle a fait savoir dès le 22 août 2017 qu’elle ne procéderait pas à la réitération de la vente et a toujours confirmé sa position, que la société Urbaxim est dès lors à l’origine du préjudice qu’elle allègue subir pour avoir refusé de prendre en compte ses observations, notamment sur les indemnités d’éviction qu’elle a accepté de prendre en charge dans ses contrats avec les autres vendeurs, en poursuivant son projet malgré cette rétractation et en s’abstenant en définitive de solliciter la réitération forcée de la vente qu’elle aurait obtenue si les moyens tirés de la nullité et de la caducité de la promesse étaient rejetés, préférant en réalité abandonner le projet en raison sans doute d’une insuffisance de commercialisation et de rentabilité tout en lui imputant la responsabilité de l’échec de l’opération.

Il a été démontré ci-dessus que les moyens soulevés par la SCI MWM pour faire prononcer la nullité ou constater la caducité de la promesse de vente étaient mal fondés et un courrier de son avocat en date du 12 décembre 2017 exprime très clairement sa volonté en toute hypothèse de se rétracter purement et simplement de ses engagements, volonté encore caractérisée par un recours en annulation du permis de construire délivré à Urbaxim que l’un de ses locataires, M. [Y], a reconnu avoir formé à son instigation si ce n’est sous sa pression. Cette rétractation, dont il est acquis qu’elle était injustifiée, constitue donc un manquement à ses obligations contractuelles et une faute qui engage sa responsabilité.

Toutefois, ainsi que cela a été exposé, le projet initial de création de 38 logements supposait l’achat des trois lots de la copropriété située [Adresse 2] mais la société Urbaxim expose que la commune, pour des considérations d’urbanisme, a exigé l’extension du projet, porté à la création de 49 logements et 3 cellules commerciales, nécessitant l’acquisition de deux autres propriétés et l’éviction d’au moins un locataire.

Or, ainsi que l’a relevé le tribunal sans entraîner la production de justificatifs supplémentaires et suffisamment probants en cause d’appel à ce sujet, la société Urbaxim ne verse pas aux débats d’éléments permettant de connaître exactement le déroulement du projet dans son ensemble et la concrétisation des autres ventes et ne démontre pas que l’opération n’aurait échoué qu’en raison du manquement de la SCI MWM. La cour n’est donc pas en mesure d’apprécier le lien de causalité entre la faute de cette dernière et le préjudice allégué ni, par conséquent, de faire droit, totalement ou partiellement, à la demande d’indemnisation de l’appelante. Le jugement ne peut donc qu’être confirmé en ce qu’il l’en a déboutée.

Sur les autres demandes

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

confirme le jugement entrepris,

déboute la SCI MWM de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

la condamne aux dépens et au paiement à la société Urbaxim d’une indemnité de 4 000 euros par application dudit article 700.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet

 


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