Affichage publicitaire : 15 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/18780

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15 décembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/18780

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022

hg

N°2022/515

Rôle N° RG 19/18780 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFIZI

[Y] [U]

C/

[J] [I]

[E] [D]

[L] [F] épouse [D]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Enzo PAOLINETTI

Me Dominique DI COSTANZO

SELARL NEMESIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/08781.

APPELANT

Monsieur [Y] [U] exerçant en qualité d’artisant-commerçant au nom commercial ‘CHEZ TONTON’, dont l’établissement principal est situé [Adresse 3]

représenté par Me Enzo PAOLINETTI, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Monsieur [J] [I]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Dominique DI COSTANZO, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [E] [D]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean Laurent ABBOU de la SELARL NEMESIS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Chloé AUBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [L] [F] épouse [D]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean Laurent ABBOU de la SELARL NEMESIS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Chloé AUBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre, empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

[J] [I] est propriétaire d’un pavillon dans un immeuble en copropriété situé [Adresse 4].

Ce bien jouxte un local à usage commercial appartenant à [E] [D] et son épouse [L] [F], situé dans le même immeuble en copropriété qui, suivant acte sous-seing privé du 1er avril 2009, est donné à bail commercial à [Y] [U] pour une durée de 9 années afin d’y exercer une activité de vente à emporter ou à consommer sur place, pizza, petite restauration sous réserve d’autorisations administratives.

Le fonds de commerce de pizzeria lui a été vendu par la SARL « Chez Tonton » le 1er mai 2009.

De précédents litiges ont déjà opposé [J] [I] aux époux [D] alors qu’il se plaint depuis 1998 des nuisances occasionnés par l’activité du local commercial.

Par jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 5 avril 2011, les époux [D] ont notamment été condamnés à :

-prendre toutes les dispositions de nature à mettre en conformité le local de pizzeria et notamment le conduit de cheminée d’évacuation des fumées, sous astreinte de 50 € par jour de retard dans les trois mois à compter de la signification du jugement ;

-régler à [J] [I] les sommes de 2 000 € à titre de dommages et intérêts, et de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêts des 4 juillet 2014 et 23 octobre 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a liquidé l’astreinte à hauteur de 20.000 € au total pour les périodes échues au 19 décembre 2013.

En parallèle, un litige a opposé les époux [D] à [Y] [U], alors que le 31 août 2011, ils lui ont fait signifier un commandement visant la clause résolutoire, d’avoir à justifier :

– du remplacement du four à bois par un four électrique ;

– de la conformité de l’installation électrique du local commercial ;

– de l’ensemble des autorisations de travaux et documents de conformité de ceux-ci aux règlements d’urbanisme émis par la ville de [Localité 7].

Par jugement du 22 janvier 2013, confirmé en appel le 13 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Marseille a notamment déclaré nul et non avenu ce commandement.

Suite à l’assignation de [J] [I] et de [Y] [U] par les époux [D], un expert a été désigné par ordonnance de référé du 8 janvier 2014, aux fins notamment, de définir les nuisances liées à l’extraction de fumées du four à bois du local commercial de pizzeria et de déterminer les travaux de conformité devant être effectués.

Le rapport d’expertise de [M] [S] a été déposé le 15 octobre 2015.

Par acte d’huissier du 12 juillet 2016, [J] [I] a assigné les époux [D] et [Y] [U] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de constater la persistance des nuisances subies depuis la décision du tribunal de grande instance de Marseille du 5 avril 2011 et de prononcer leur condamnation au paiement de 15 000 € au titre des préjudices subis, d’ordonner la suppression du raccordement des eaux usées des époux [D] au regard de l’égout privatif de [J] [I] sous astreinte ainsi que d’ordonner l’enlèvement de la canalisation apparente en cuivre desservant le local litigieux sous astreinte.

Par jugement du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a statué comme suit :

« -Condamne in solidum les époux [D] et [Y] [U] à payer à [J] [I] la somme de 4 000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

-Déboute [J] [I] de sa demande de suppression du raccordement des eaux usées ;

-Déboute [J] [I] de sa demande de suppression de la canalisation d’eau ;

-Déboute [J] [I] de sa demande de suppression du panneau publicitaire ;

-Déboute les époux [D] de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

-Condamne in solidum les époux [D] et [Y] [U] à payer à [J] [I] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 ;

– Condamne in solidum les époux [D] et [Y] [U] aux dépens;

-Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement. »

Le tribunal a considéré que :

-les travaux nécessaires pour mettre fin aux nuisances et conformes aux préconisations de l’expert ont été achevés le 21 septembre 2016 ;

-aucune preuve de la persistance des nuisances au delà de cette date n’est rapportée ;

ces nuisances ont duré de 2011 à 2016 ;

– les époux [D] sont tenus de la réparation du préjudice en leurs qualités de propriétaires des lieux, les clauses contractuelles les liant à leur preneur n’étant pas opposables à [J] [I] ;

[Y] [U] doit également en être tenu pour responsable alors que connaissant les nuisances, et ayant indiqué qu’il changerait le four à bois pour un four électrique, il a poursuivi son exploitation ;

-la réparation du préjudice subi devait être distinguée de la liquidation des astreintes.

Par déclaration du 10 décembre 2019, [Y] [U] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a accédé à la demande de réparation de [J] [I] au titre du préjudice de jouissance à son encontre in solidum avec les époux [D] et, en ce qu’il l’a condamné au paiement des frais irrépétibles et des dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant remises et notifiées au greffe par RPVA le 8 juillet 2022, [Y] [U] demande à la Cour, sur le fondement de l’article L.421-1 du code de l’urbanisme, des articles 606 et 1310 du code civil, de :

-le recevoir en son appel,

-réformer le jugement, seulement en ce qu’il a accédé à la demande de réparation de [J] [I] à son encontre de manière solidaire et l’a condamné au paiement des frais irrépétibles et des dépens.

statuant à nouveau :

-le mettre hors de cause;

-débouter les époux [D] et [J] [I] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

-condamner seulement les époux [D] à payer à [J] [I] la somme de 4.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

-condamner seulement les époux [D] à payer à [J] [I] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

-condamner [J] [I] et les époux [D] à lui payer la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

-condamner [J] [I] et les époux [D] aux entiers dépens.

Il soutient en substance que :

-bien qu’il n’ait eu aucune obligation à cet égard, il avait accepté de remplacer son four à bois pour un four électrique, mais aux frais exclusifs des bailleurs, qui s’y sont refusé et ont préféré « résilier le bail au motif du paiement d’une indemnité d’éviction, qui n’a jamais été payée » ;

-ils ont fait preuve de mauvaise foi en ce qu’ils avaient été mis en demeure de procéder au rehaussement du conduit de cheminée et de mettre en conformité le système d’évacuation de la cheminée conformément aux préconisations depuis le 6 juillet 1998 (Pièce n°3) par la Commission Communale de Sécurité de la Ville de [Localité 7] alors qu’il appartenait au bailleur de se conformer aux dispositions prévues par l’article L.421-1 du code de l’urbanisme édictant des règles de sécurité suite au changement d’affectation du local ;

-au visa de l’article 606 du code civil, et de la jurisprudence de la Cour de Cassation, ces réparations incombent aux bailleurs y compris lorsque ces ouvrages doivent être réalisés pour leur mise en conformité avec des travaux ordonnés par décision de justice ou en vue de faire cesser des troubles de voisinage ;

-Il a toujours fait usage des locaux conformément à la destination prévue au bail commercial ;

– ses bailleurs n’ont pas satisfait à leurs obligations, y compris à celles auxquelles ils ont été condamnés, et il n’y a pas lieu qu’en sa qualité de locataire, il se substitue à leurs obligations ;

-au regard des dispositions de l’article 1310 du code civil, la solidarité ne se présume pas si bien qu’il n’est pas solidaire du paiement de dommages et intérêts dus à [J] [I], exclusivement par les époux [D], à raison de leur mauvaise foi.

Selon ses dernières conclusions d’intimé adressées et notifiées au greffe par RPVA en date du 9 juin 2020, [J] [I], demande à la cour, sur le fondement de l’article 544 du code civil, de :

-Confirmer la décision en ce qu’elle a :

-reconnu l’existence du trouble de jouissance subi par lui, et le droit à indemnité qui en découle.

-fait droit à la demande présentée au titre des frais irrépétibles et des dépens.

-Infirmer ladite décision en ce qu’elle a minoré l’importance du trouble de jouissance subi, écarté sa persistance, et rejeté les demandes d’astreintes émises par [J] [I].

Statuant à nouveau,

-Constater la persistance des nuisances subies par lui depuis la décision du tribunal de grande instance de Marseille du 5 avril 2011.

-Condamner in solidum les époux [D] et [Y] [U] à lui payer la somme de 15.000 € au titre des préjudices subis.

-Condamner les époux [D] à supprimer le raccordement de leurs eaux usées à son regard d’égout privatif, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé un délai de un mois suivant la signification de la décision à intervenir.

-Condamner les époux [D] à supprimer la canalisation apparente en cuivre desservant leur local, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé un délai de un mois suivant la signification de la décision à intervenir.

-Condamner [Y] [U] à supprimer le panneau publicitaire fixé sur la clôture privative de [J] [I], et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé un délai de un mois suivant la signification de la décision à intervenir.

-Condamner in solidum les requis à payer la somme de 3 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Dominique Di Costanzo.

Il fait valoir :

– la persistance des désordres liés à l’exploitation de la pizzeria, en dépit des nombreuses procédures engagées depuis 2007 ;

Sur l’existence du trouble de jouissance :

-Au vu du rapport de l’expert judiciaire, la géométrie du conduit de cheminée ne respecte pas les préconisations du DTU 24-1, tant par les angles des déviations que par les longueurs de ces dernières, la distance de sécurité « d’écart de feu » n’est pas respectée entre le conduit et la poutre en bois ;

-le travail a été réalisé par des non-professionnels ignorant la réglementation et les règles de l’art ;

-la non-conformité de l’installation est source de préjudices pour lui ;

-les préconisations de l’expert judiciaire n’ont pas été respectées, ainsi que cela résulte du rapport de Mr [A], cabinet d’expertise indépendant ;

-le conduit a une hauteur de 5 m au lieu de 7,5 m minimum ;

-il n’est pas équipé d’un extracteur mécanique ;

-il est situé à moins de 8 m de sa villa, en infraction avec l’article 5.4.7 du DTU 24-2.1

-les nuisances qu’il subit avec sa famille perdurent, leur logement étant quotidiennement envahi de fumées et de dépôts de suies (sur appuis de fenêtres, zone de l’étendage du linge, carrelage de la salle à manger) (constat du 9 septembre 2016) ;

Sur le raccordement des eaux usées du fonds des consorts [D]

-À proximité immédiate de la façade-est du local commercial, au sein du lot appartenant à [J] [I], l’évacuation des eaux usées se trouve toujours raccordée à son regard d’égout privatif (rapport de Mr [A] en date du 23 décembre 2012).

-le tronçon de la canalisation apparente en cuivre desservant le local commercial traverse, sur plusieurs mètres linéaires, le lot de [J] [I],

-le panneau publicitaire de [J] [I] est installé sur la clôture .

Par conclusions d’intimés déposées et notifiées par RPVA le 24 juillet 2020, les époux [D] demandent à la Cour de :

-Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel de [Y] [U] ;

-Dire et juger que les seuls chefs du jugement critiqués par [Y] [U] pourront faire l’objet d’un nouvel examen compte tenu du défaut d’appel incident de [J] [I].

Aussi,

-Réformer le jugement, seulement en ce qu’il a accédé à la demande de réparation de [J] [I] à l’encontre de [Y] [U] de manière solidaire et a condamné [Y] [U] au paiement des frais irrépétibles et des dépens.

-Rejeter l’ensemble des demandes de [J] [I] au titre du raccordement des eaux usées du fonds des époux [D], au titre la demande formulée au titre de la canalisation d’arrivée d’eau ainsi que celle relative aux panneaux publicitaires.

Statuant à nouveau,

à titre principal,

-Débouter [J] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions concernant le préjudice de jouissance allégué et non démontré ;

-Condamner [J] [I] à verser la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

à titre subsidiaire :

-Dire et juger qu’ils ont réalisé les travaux conformément aux préconisations de l’expert judiciaire ;

-Dire que s’il existe un trouble de jouissance, celui-ci résulte de l’activité de [Y] [U].

Aussi,

-les mettre hors de cause et condamner [Y] [U] à réparer le préjudice allégué.

en tout état de cause,

-Condamner solidairement [J] [I] et [Y] [U] à verser la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure Civile.

-Condamner solidairement [J] [I] et [Y] [U] aux entiers dépens.

Ils font valoir que :

-[J] [I] a déjà obtenu à trois reprises la liquidation de l’astreinte pour une somme totale de 24.000 € ;

-le Juge de l’exécution avait considéré dans son dernier jugement du 12 septembre 2017 qu’ils avaient pris toutes les dispositions de nature à mettre en conformité le local de restauration rapide (pizzeria), et notamment le conduit de cheminée d’évacuation des fumées ;

-Il appartient à [J] [I] de démontrer que les nuisances dont il se plaint depuis le jugement du 5 avril 2011 excèdent les inconvénients normaux du voisinage ;

-La procédure qui avait été diligentée par [J] [I] devant le Tribunal de grande instance de Marseille en 2017 ne concernait que les troubles de voisinage postérieurs à la réalisation des travaux de mise en conformité, soit à la fin de l’exercice 2015. En cela, le trouble de voisinage allégué résulte exclusivement des agissements du preneur postérieurement à la mise en conformité ;

-Les préconisations de l’expert judiciaire, [M] [S], ont été respectées et l’ensemble des travaux prévus au rapport ont été effectués très rapidement après le dépôt de celui-ci, soit le 15 octobre 2015 (voir en ce sens pièces n°8 à n°13).

-Le rapport de Monsieur [A] du 10 mars 2016 est un rapport privé et non contradictoire ; il n’a pu pénétrer à l’intérieur du local commercial, ni monter sur la toiture ;

-suivant le constat effectué par leur architecte suite à la réception des travaux, ceux-ci sont conformes aux préconisations de l’expert judiciaire ;

-la hauteur au débouché de la cheminée a fait l’objet d’un constat de Maître [Z] du 27 mars 2017 ;

-les préconisations relatives à la hauteur du conduit doivent se mesurer à partir du sol et ont été parfaitement respectées, la copropriété avait d’ailleurs voté le 25 juin 2015 les travaux réalisés et ce en présence de [J] [I] ;

– Concernant la préconisation n°3 de l’expert, relative à « un conduit métallique isolé sous le niveau de la poutre en renforçant l’isolation au passage de la poutre », un tube en acier inoxydable double paroi 300 mm a été installé pour remédier à l’anomalie portant sur « l’écart du feu » ; l’architecte indique que « concernant l’écart au feu, la poutre en bois ne respectant pas la distance de sécurité a été supprimée, afin de ne laisser en place que les seuls boisseaux maçonnés.»

-la poutre en bois a été remplacée par du béton cellulaire. (Factures desdits travaux émises par la société Benni, pièces produites en pièce 17).

-La preuve de l’ampleur du trouble de jouissance lié aux fumerolles et aux cendres depuis 2011 n’est pas rapportée, d’autant plus que la maison de [J] [I] est équipée de trois cheminées en toiture, sans compter la maison voisine qui dispose aussi de trois cheminées ;

-Les fumées seraient perceptibles par [J] [I] dans des conditions météorologiques particulières, et par moment seulement quand ces conditions ont lieu, étant précisé qu’elles représentent 20 % du temps et que la pizzeria est ouverte 6 jours sur 7 de 17h30 à 21 h30.

-La réalisation des travaux en vue de faire cesser les nuisances, a été différée de près d’une année du fait des recours engagés par [J] [I] ;

-Les désordres dont se plaint [J] [I], touchent une extension se rapprochant du local litigieux, réalisée apparemment sans aucune autorisation administrative, et en tout cas avec certitude sans aucune autorisation de la copropriété horizontale. Ce faisant, [J] [I] a contribué à créer son propre préjudice ;

-Les demandes formulées au titre de la suppression du raccordement des eaux usées du fonds des époux [D] et de la canalisation d’arrivée d’eau (apparente en cuivre) ne peuvent prospérer dans la mesure où il résulte du règlement de copropriété que ces installations constituent bien des parties communes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l’appel de [Y] [U] :

Nul ne conteste utilement la recevabilité de cet appel de [Y] [U] en ce que le jugement l’a condamné in solidum avec les époux [D] :

– à la réparation du préjudice de jouissance de [J] [I],

– au paiement des frais irrépétibles et des dépens.

Sur l’appel incident de [J] [I] :

Contrairement à ce que soutiennent les époux [D], [J] [I] a formé un appel incident dans les conclusions qu’il a déposées le 9 juin 2020, dans le délai qui lui était imparti par l’article 909 du code de procédure civile, et qui avait commencé à courir le 10 mars 2020.

Sur la condamnation in solidum des époux [D] et de [Y] [U] à payer à [J] [I] la somme de 4 000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance :

Les époux [D] ne demandent pas expressément l’infirmation du jugement en ce qu’il les a condamnés à réparer le préjudice de jouissance de [J] [I].

Ils se contredisent en demandant :

d’une part, de réformer le jugement, seulement en ce qu’il a accédé à la demande de réparation de [J] [I] à l’encontre de [Y] [U] de manière solidaire et a condamné [Y] [U] au paiement des frais irrépétibles et des dépens,

et, d’autre part, à titre subsidiaire, leur mise hors de cause et la condamnation de [Y] [U] à réparer le préjudice allégué.

Au regard de leurs conclusions, il doit être considéré qu’ils n’ont pas formé d’appel incident tendant à réformer le jugement les ayant condamnés à payer 4 000 € à [J] [I].

En revanche, [J] [I] entend les voir condamner in solidum avec [Y] [U] à leur payer 15 000 € en réparation de son préjudice de jouissance.

Sur le préjudice de jouissance de [J] [I] :

[J] [I] prétend continuer à subir des nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage depuis le jugement du 5 avril 2011.

Aux termes des articles 544 et 651 du code civil, «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.» et « la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention. »

La limite au droit de propriété est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu’à défaut, il en devra réparation, même en l’absence de faute.

L’anormalité du trouble doit s’apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu’il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d’en rapporter la preuve.

A cet égard, il produit :

-trois certificats médicaux établis le 12 mai 2014 par le docteur [V] suivant lesquels chacun des trois membres de la famille souffre de pathologies (sinusite chronique pour Monsieur et allergies pour Madame et leur fille) qui sont aggravées par l’inhalation de fumées,

-un procès-verbal de constat établi par huissier le 9 septembre 2016 décrivant la présence de suie sur la terrasse de [J] [I], sur son terrain et notamment la zone d’étendage du linge, les marches d’escalier à l’entrée de la villa, le sol de la salle à manger sous les fenêtres,

-deux rapports établis par le Cabinet Méditerranéen d’Expertises les 23 février 2012 et 10 mars 2016 qui tendent à établir en quoi l’installation critiquée n’est pas conforme aux normes.

-le rapport d’expertise d'[M] [S] du 15 octobre 2015 concluant que le conduit de cheminée n’est pas conforme à la réglementation en vigueur, et notamment à la DTU 24-1 du 6 février 2006, précisant les travaux nécessaires pour cette mise en conformité et indiquant que les fumées du four à pizza étaient perceptibles lorsqu’elles étaient rabattues jusque sur la façade de la maison de [J] [I], dans des conditions météorologiques de vent particulières, estimées statistiquement à environ 20 % du temps, alors que la pizzeria était exploitée 6 jours sur 7 de 17h30 à 21 h30. L’expert a précisé que même après une mise aux normes de l’installation, des nuisances pourraient persister en cas de vent particulièrement fort.

Il convient en premier lieu de rappeler que l’absence de conformité de l’installation aux normes n’est pas en elle-même constitutive d’un trouble anormal de voisinage lequel s’apprécie en fonction des nuisances subies, qui peuvent être considérées comme anormales, si le respect de la réglementation suffit à les empêcher.

L’ampleur des nuisances subies est faiblement documenté, en ce que :

-les certificats médicaux produits ne sauraient établir la réalité et l’importance des fumées dégagées par l’installation critiquée, le médecin ne les ayant pas constatées par lui-même ;

-le constat de 2016 ne permet pas d’attribuer aux émanations de la cheminée incriminée la présence de suie relevée en divers endroits de la propriété de [J] [I], ni de dater cette présence ;

Toutefois, les appréciations de l’expert lui-même permettent de considérer qu’en cas de vent, soit environ 20 % du temps, alors que la pizzeria fonctionne 6 jours sur 7 de 17h30 à 21 h30, des fumées du four à pizza sont perceptibles, même si leur ampleur n’est pas documentée.

Le caractère anormal des fumées dégagées résulte en l’espèce, au moins pour partie, du non respect de la réglementation de l’installation qui était avéré jusqu’aux travaux réalisés par les époux [D] et achevés le 21 septembre 2016, suivant procès-verbal de réception.

Avant cette date, il n’est pas démontré que la réalisation des travaux a été différée de près d’une année du fait des recours engagés par [J] [I] ou que les nuisances touchent une extension se rapprochant du local litigieux, qui aurait été réalisée sans autorisation administrative ni de la copropriété et qu’ainsi, [J] [I] aurait contribué à créer son propre préjudice, aucun élément ne permettant d’établir ces affirmations.

Au-delà de cette date, bien que [J] [I] prétende qu’il continue à subir des nuisances constitutives d’un trouble anormal de voisinage, il n’en démontre pas la persistance, aucune des pièces produites n’étant postérieure à cette date.

Il n’établit pas davantage, par le seul rapport de Monsieur [A] du 10 mars 2016, que les travaux réalisés et réceptionnés le 21 septembre 2016 ne seraient pas conformes aux préconisations de l’expert, et que les nuisances anormales perdureraient depuis cette date.

C’est dès lors à juste titre que le premier juge a limité le préjudice de jouissance subi par [J] [I] à la période du 5 avril 2011 au 21 septembre 2016, en le chiffrant à 4 000 €, [J] [I] n’apportant pas de justificatifs suffisants qui permettent de lui accorder une somme supérieure, et notamment les 15 000 € qu’il sollicite.

Sur la demande de mise hors de cause de [Y] [U]:

La responsabilité in solidum des époux [D] et de [Y] [U] a été retenue par le premier juge qui a considéré qu’ils avaient contribué au préjudice de [J] [I], les premiers en leur qualité de propriétaires des lieux à l’origine des nuisances, et le second, pour avoir poursuivi son exploitation alors qu’il connaissait les nuisances, et avait indiqué qu’il changerait le four à bois pour un four électrique.

Bien que [Y] [U] fasse valoir à juste titre que dans sa relation avec ses bailleurs, la mise aux normes de la cheminée leur incombait, c’est à juste titre que le premier juge a considéré qu’il était tenu, avec eux, de réparer le préjudice de jouissance causé par l’utilisation du four à bois en connaissance des nuisances qu’il occasionnait, sa responsabilité étant engagée comme auteur des nuisances causées à des tiers au contrat de location commerciale.

Enfin, si la solidarité ne se présume pas eu égard des dispositions de l’article 1310 du code civil, les co-auteurs d’un dommage sont condamnés à le réparer en totalité, sans préjudice des recours qu’ils peuvent exercer l’un à l’encontre de l’autre.

C’est donc encore à juste titre que le premier juge a condamné in solidum les époux [D] et [Y] [U] à payer la somme de 4 000 € à [J] [I], en réparation de son préjudice de jouissance.

Sur la demande de condamnation sous astreinte des époux [D] à supprimer le raccordement de leurs eaux usées au regard d’égout privatif de [J] [I] :

Les époux [D] et [J] [I] sont propriétaires de lots dans la même copropriété.

[J] [I] forme cette demande de suppression du raccordement des eaux usées à ce qu’il indique être son regard privatif sur la seule base du rapport établi par le Cabinet Méditerranéen d’Expertises le 23 février 2012, missionné par son assureur, qui ne procède que par affirmation sans aucune démonstration de ce qui relève des parties communes ou privatives.

Or, après avoir examiné la définition des parties communes et privatives dans le règlement de copropriété, et relevé que rien ne démontrait que seules les eaux usées du lot des époux [D] étaient raccordées audit regard, le premier juge a rejeté cette demande par des motifs pertinents que l’argumentation développée en appel sans élément nouveau ne permet pas de contrer.

Il sera ajouté qu’aucun fondement juridique autre que l’article 544 du code civil visé de manière générale pour l’ensemble des prétentions, n’est invoqué à l’appui de cette prétention, alors que les raccordements relèvent du règlement de copropriété.

Le jugement ayant rejeté cette demande sera donc confirmé.

Sur la demande de condamnation sous astreinte des époux [D] à supprimer la canalisation apparente en cuivre desservant leur local :

De même, à propos de la suppression d’une canalisation apparente qui traverserait le lot de [J] [I], cette demande n’est fondée que sur le rapport établi par le Cabinet Méditerranéen d’Expertises le 23 février 2012, qui énonce :

« depuis le compteur SEM situé sur le trottoir en bordure du [Adresse 6], le tronçon de la canalisation apparente en cuivre desservant le local commercial traverse sur plusieurs mètres linéaires le lot de Monsieur [I] ».

Ce constat est insuffisant à établir que la canalisation est implantée en infraction au règlement de copropriété et sur une partie privative du lot de [J] [I].

Le jugement ayant rejeté cette demande sera donc confirmé.

Sur la demande de condamnation de [Y] [U] à supprimer le panneau publicitaire fixé sur la clôture privative de [J] [I] :

[J] [I] forme également cette demande sur la seule base du rapport établi par le Cabinet Méditerranéen d’Expertises le 23 février 2012, missionné par son assureur, qui affirme le caractère privatif de la clôture où serait apposé un panneau publicitaire, dont on ne sait rien de plus.

A défaut par [J] [I] de fournir toutes les précisions utiles sur la consistance de son lot et ses parties privatives et tout élément précis sur l’implantation d’un tel panneau, il ne peut qu’être débouté de cette prétention, le jugement étant confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Les époux [D] forment cette demande contre [J] [I], mais celui-ci étant partiellement reconnu fondé en ses prétentions, ne peut être condamné pour procédure abusive.

Le jugement ayant rejeté cette demande sera donc confirmé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions, le sera également à propos des dépens et indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant en son appel, [Y] [U] sera condamné aux dépens d’appel, mais chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne [Y] [U] aux dépens d’appel, avec distraction dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Dominique Di Costanzo.

Rejette les demandes de chacune des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Pour le président empêché

 


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