Affaissement important du sol : la responsabilité du prestataire des travaux

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Affaissement important du sol : la responsabilité du prestataire des travaux

L’association « association Monsieur [G] » a agi en tant que maître d’ouvrage pour l’extension et la réhabilitation de la Résidence Jean XXIII (EHPAD) à L’HAY LES ROSES. La réception de la première phase des travaux a eu lieu le 22 juillet 2015. En 2021, des affaissements du sol dans les douches à l’italienne de plusieurs chambres ont été constatés. Le 11 mars 2024, l’association a assigné la SA MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en référé, demandant la désignation d’un expert judiciaire, une provision de 154.200 euros, 5.000 euros pour les frais d’avocat, et la condamnation des sociétés. Après l’assignation, des fissures dans le carrelage mural de certaines salles de bain ont été observées. Lors de l’audience du 30 juillet 2024, l’association a retiré sa demande de provision et de frais d’avocat, mais a maintenu sa demande d’expertise. Les sociétés ont exprimé des réserves. L’affaire a été mise en délibéré, et une ordonnance a été rendue pour ordonner une mesure d’expertise, désignant un expert et précisant les missions à accomplir. L’expert devra examiner les désordres, déterminer leurs causes et évaluer les préjudices. Une provision de 4.000 euros pour les frais d’expertise a été fixée, avec des conditions de consignation. Les dépens resteront à la charge de l’association, et l’ordonnance est exécutoire provisoirement.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Créteil
RG
24/00446
MINUTE N° :
ORDONNANCE DU : 09 Septembre 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/00446 – N° Portalis DB3T-W-B7I-U6XD
CODE NAC : 62B – 0A
AFFAIRE : ASSOCIATION MONSIEUR [G] C/ Société MMA IARD, Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL

Section des Référés

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

LE JUGE DES REFERES : Madame Elise POURON, Juge

LE GREFFIER : Madame Stéphanie GEULIN, Greffier

PARTIES :

DEMANDERESSE

ASSOCIATION MONSIEUR [G], inscrite au répertoire SIREN sous le n° 785 668, dont le siège social est sis 77, rue de Reuilly – 75012 PARIS

représentée par Me Marie-Pierre ALIX, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : T07

DEFENDERESSES

MMA IARD, SA immatriculée au RCS du MANS sous le n° 440 048 882, dont le siège social est sis 160 rue Henri Champion – 72030 LE MANS CÉDEX

et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, immatriculée au RCS du MANS sous le n° 775 652 126, dont le siège social est sis 160 rue Henri Champion – 72030 LE MANS CÉDEX

représentées par Me Guillaume AKSIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0293

Débats tenus à l’audience du : 30 Juillet 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 09 Septembre 2024
Ordonnance rendue par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2024

EXPOSE DU LITIGE

L’association dénommée « association Monsieur [G] » est intervenue en qualité de maître d’ouvrage pour l’extension et la réhabilitation de la Résidence Jean XXIII (EHPAD) sise 6 rue albert Schweitzer 94240 L’HAY LES ROSES.

La réception de la phase 1 des travaux d’extension et de restructuration a été prononcée le 22 juillet 2015.

Un affaissement important du sol des douches à l’italienne de plusieurs chambres a été constaté en 2021.

Par acte de commissaire de justice du 11 mars 2024, l’association dénommée « association Monsieur [G] » a fait assigner la SA MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire, ainsi qu’une provision de 154.200 euros et la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamnation de la SA MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES. Par ailleurs, l’association dénommée « association Monsieur [G] » demande que les dépens soient réservés.

Postérieurement à l’assignation, la fissuration du carrelage mural de certaines salles de bain a été constatée.

Vu les conclusions signifiées par l’association dénommée « association Monsieur [G] » à la SA MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES par acte d’huissier du 30 mai 2024,

Le dossier a été évoqué à l’audience du 30 juillet 2024, au cours de laquelle l’association dénommée « association Monsieur [G] » a indiqué se désister de sa demande de provision et de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, maintenant toutefois sa demande de désignation d’un expert judiciaire.

Aux termes de leurs observations orales à l’audience du 30 juillet 2024, la SA MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ont émis les plus vives réserves et protestations.

Il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens qui y sont contenus.

A l’audience du 30 juillet 2024, l’affaire a été mise en délibéré, les parties étant informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’expertise :

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il est acquis que l’article 145 du code de procédure civile est un texte autonome auquel les conditions habituelles du référé ne sont pas applicables. Il n’est ainsi pas soumis à la condition d’urgence ou à la condition d’absence de contestation sérieuse.

Ce texte suppose l’existence d’un motif légitime c’est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

La faculté prévue à l’article 145 du code de procédure civile ne saurait, en outre, être exercée à l’encontre d’un défendeur qui, manifestement, et en dehors même de toute discussion au fond, ne serait pas susceptible d’être mis en cause dans une action principale.

De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, l’application de cet article n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

En l’espèce, l’association dénommée « association Monsieur [G] » n’a pas à démontrer l’existence de désordres ou fautes qu’elle invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir. Elle doit seulement justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions.

Or, tel est le cas au vu notamment :
– du rapport intermédiaire dommages-ouvrage du 6 juillet 2022 réalisé par le cabinet STELLIANT, constatant un phénomène d’affaissement du sol dans les 11 cabines préfabriquées des salles d’eau des chambres 252, 253, 254, 256, 257, 258, 277, 279, 281, 283 et 375,
– du rapport provision dommages-ouvrage du 7 juillet 2022 réalisé par le cabinet STELLIANT constant le phénomène d’affaissement du sol dans l’ensemble des cabines préfabriquées des salles d’eau des 59 chambres mentionnées dans la déclaration, en précisant que « l’affaissement des matériaux, support du revêtement souple crée des creux, des boursouflures du revêtement et des bosses, régulièrement observés autour du siphon d’évacuation implanté en partie centrale de la cabine et devant le lavabo ».

Il importe peu à ce stade que ces éléments n’aient pas été contradictoirement débattus, la mesure d’instruction sollicitée ayant précisément pour objet de rendre les constatations de l’expert contradictoires.

Au regard de ces éléments, et alors que le débat sur la teneur et l’imputabilité des désordres relève du juge du fond, l’association dénommée « association Monsieur [G] » dispose d’un motif légitime à faire établir les désordres qu’elle allègue, un procès éventuel n’étant pas manifestement voué à l’échec.

Du tout, il résulte que les conditions d’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile sont réunies et qu’il convient d’ordonner la mesure d’expertise requise, dans les termes du dispositif, en mettant à la charge de l’association dénommée « association Monsieur [G] » le paiement de la provision initiale.

Les protestations et réserves ont été mentionnées dans la présente décision, de sorte qu’un donner-acte formel dans le dispositif ci-après, qui serait dépourvu de toute portée décisoire, est inutile.

Sur le désistement de la demande de provision et d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de déclarer parfait le désistement de l’association dénommée « association Monsieur [G] » de sa demande de provision initialement formée ainsi que de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires :

L’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile précise que la juridiction des référés statue sur les dépens. L’article 696 dudit code dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il n’y a donc pas lieu de réserver les dépens : en effet, la juridiction des référés est autonome et la présente ordonnance vide la saisine du juge.

A la lumière de ce qui précède, l’expertise étant ordonnée à la demande et dans l’intérêt de l’association dénommée « association Monsieur [G] », pour lui permettre ultérieurement et éventuellement d’engager une instance judiciaire, les dépens doivent provisoirement demeurer à sa charge.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition de la présente ordonnance au greffe le jour du délibéré après débats en audience publique, par décision contradictoire, en premier ressort et en matière de référé,

ORDONNONS une mesure d’expertise,

DÉSIGNONS pour y procéder :

[P] [Y] (1985)
19 rue Georges Clémenceau
78000 VERSAILLES
Tél : 01.39.53.69.24 Fax : 01.39.50.42.42
Port. : 06.74.34.72.05 Mèl : [email protected]

expert inscrit sur les listes de la Cour d’appel de Versailles, lequel, sollicité préalablement à sa désignation l’a acceptée par courriel du 1er août 2024 et pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission de :

– se faire préciser les liens contractuels entre les divers intervenants ;
– relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l’assignation, à savoir :
* les douches concernant les chambres 252, 253, 254, 256, 257,258, 277,279, 281,283,375, 152, 153, 154, 155, 156, 157,158,159,160,161,162,163,174,175,176,177,178,179,180, 181, 182, 183, 184, 185, 186,255, 259, 260, 261,263, 275,276, 278, 282, 285, 286, 352, 353, 354, 355, 356, 357, 358, 359, 360,361, 362, 374, 376, 377, 378, 379, 380, 381, 382, 383, 385 et 386 de I‘EHPAD JEAN XXIII ;
* la fissuration du carrelage mural des salles de bains dans les chambres 4, 5, 6, 27, 29, 100, 102, 105, 116, 123, 125, 127,201,21 1, 257, 263, 265, 280, 285, 286, 376, 377, 380, 385 et 386 de I‘EHPAD JEAN XXIII ;
– en détailler l’origine, les causes et l’étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ;
– donner son avis sur les conséquences de ces désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
– dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art ;

– à partir de devis d’entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d’œuvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour remédier aux désordres entachant l’ouvrage et sur le coût des travaux utiles ;
– donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
– rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties ;
– donner, le cas échéant, son avis sur les comptes entre les parties ;

DÉSIGNONS le magistrat chargé du contrôle des expertises pour contrôler les opérations d’expertise,

DISONS que pour procéder à sa mission l’expert devra :

– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;
– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission ;
– se rendre sur les lieux, à la Résidence Jean XXIII (EHPAD) sise 6 rue albert Schweitzer 94240 L’HAY LES ROSES et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
– à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
* en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations;
* en indiquant les mises en cause, les interventions volontaires ou forcées qui lui paraissent nécessaires et en invitant les parties à procéder auxdites mises en cause dans le délai qu’il fixera ;
* en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent ;
* en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

– au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex. : réunion de synthèse; communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
* fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,
* rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.

DISONS qu’en cas d’urgence ou de péril en la demeure reconnu par l’expert, ce dernier pourra autoriser l’association dénommée « association Monsieur [G] » à faire exécuter à leurs frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, sous la direction du maître d’œuvre de l’association dénommée « association Monsieur [G] », par des entreprises qualifiées de son choix ; que, dans ce cas, l’expert déposera une note circonstanciée aux parties, précisant la nature, l’importance et le coût de ces travaux,

FIXONS à la somme de 4 000 € la provision concernant les frais d’expertise qui devra être consignée par l’association dénommée « association Monsieur [G] » à la régie du tribunal judiciaire de Créteil dans le mois qui suit la demande de consignation adressée par le greffe,

DISONS que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque et de nul effet,

DISONS que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du tribunal (service du contrôle des expertises), dans les six mois de la réception de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai, dûment sollicitée en temps utile auprès du juge du contrôle, ainsi qu’une copie du rapport à chaque partie (ou à son avocat pour celles étant assistées),

DISONS que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des mesures d’instruction de ce tribunal, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code,

RAPPELONS aux parties les dispositions de l’article 2239 du code civil :

« La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée »,

DECLARONS parfait le désistement de l’association dénommée « association Monsieur [G] » de sa demande de provision et de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DISONS que les dépens resteront à la charge de l’association dénommée « association Monsieur [G] »,

RAPPELONS que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

FAIT AU PALAIS DE JUSTICE DE CRETEIL, le 9 septembre 2024.

LE GREFFIER LE JUGE DES REFERES


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