Les prêts participatifs sont des financements à long terme destinés avant tout à faciliter la création d’une entreprise ou son développement. Les sommes prêtées sont assimilées à des fonds propres et elles doivent être inscrites sur une ligne particulière du bilan de l’organisme qui les consent et de l’entreprise qui les reçoit (article L. 313-14 ). Le remboursement du prêt participatif est décalé par rapport aux autres créanciers, le prêt étant de dernier rang, ce qui signifie qu’en cas de redressement ou de liquidation, le prêteur passera après tous les créanciers munis de sûretés et également après les créanciers chirographaires. La rémunération des prêts participatifs comprend une participation aux bénéfices de l’emprunteur, ce qui implique un intérêt fixe peu élevé et un intérêt variable prenant la forme d’une participation calculée sur différentes bases possibles (article L. 313-17).
Dans cette affaire, le liquidateur judiciaire soutient que l’opération de promotion immobilière que devaient financer les prêts litigieux reposait elle-même sur une cause illicite, à savoir attirer des investisseurs sans jamais leur délivrer les biens immobiliers, les contrats de prêts n’ayant été conclus qu’aux fins d’orchestrer une vaste fraude aux droits d’investisseurs particuliers, et devant seulement permettre à monsieur [O] puis à la société Versantis de percevoir des sommes indues au titre des intérêts. Elles précisent que cette ‘opération séduction’ a notamment permis de lever pas moins de 14 000 000 € versés par des acquéreurs en l’état futur d’achèvement, qui ont à ce jour perdu leur investissement.
Il n’est pas sérieux de prétendre que Monsieur [O] d’abord, puis la société Versantis, auraient sciemment participé à une vaste escroquerie commise au préjudice des investisseurs, étant souligné ainsi que le relève Me [Z] dans le rapport précité que la société Versantis est le principal créancier des sociétés SI2P et des SCI de promotion, étant précisé que très peu de travaux ont été réalisés par les deux SCI Le Rucaër et Les Étangs, qu’aucun investisseur n’a été démarché , que Me [D] a précisé dans les deux rapports d’enquête que les seules dépenses engagées l’avaient été auprès d’un architecte et d’une société en bâtiment, pour la SCI Le Rucaër, ces deux dettes étant selon le rapport de Me [Z] (page 27) inférieures en tout à 500 000 €, l’autre créance déclarée d’un montant approximativement égal à celles-là, étant celle de la société SI2P, et que l’état du passif pour la société Les Étangs fait seulement apparaître une créance du Trésor public d’un montant de 23 920 € ainsi que celle de la ‘Sacer’ pour un montant de 12 308,27 €.
En toutes hypothèses, ainsi que le prétend à juste titre la société Versantis, la nullité d’un acte de prêt ne dispense pas l’emprunteur de rembourser le capital perçu et ne prive pas d’effet la cession de créance née du contrat de prêt intervenue entre monsieur [O] et la société Versantis.
Le liquidateur judiciaire soutient ensuite que les prêts sont frappés de nullité absolue en ce qu’ils constituent des prêts participatifs interdits aux particuliers.
Il rappelle qu’aux termes de l’article L. 313-13 du code monétaire et financier :
‘L’Etat, ‘les sociétés de financement, les autres sociétés commerciales, les établissements publics ‘, les sociétés et mutuelles d’assurances, les associations sans but lucratif ‘, les mutuelles et unions régies par le code de la mutualité et les institutions relevant ‘ du code de la sécurité sociale peuvent consentir sur leurs ressources disponibles à long terme des concours aux entreprises agricoles, artisanales, industrielles ou commerciales sous forme de prêts participatifs régis par les articles L. 313-14 à L. 313-20. Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l’application des dispositions pénales du titre IV du livre II du code de commerce.
L’attribution d’un prêt participatif à une entreprise individuelle n’emporte pas, par elle-même, constitution d’une société entre les parties au contrat’.
Il soutient que les parties aux deux actes de prêt les ont elles-mêmes qualifiés de prêts participatifs et que l’économie des contrats répond à la définition de tels prêts.
Tout d’abord , il y a lieu de noter que le terme ‘prêt participatif’ apparaît seulement dans la clause relative à la fixation de l’intérêt qui est la même dans les deux prêts litigeux. Il y est stipulé : ‘taux de 0,5 par mois hors assurance’ auquel s’ajoute 1 % par mois hors assurance à titre de prêt participatif (souligné par la cour) pour l’aide apportée à la mise en place du programme’.
L’acte reçu par le notaire entre Monsieur [O] et la SCI Les Étangs est simplement mentionné comme ‘contenant prêt’ et celui reçu entre Monsieur [O] et la SCI Le Rucaër comme ‘contenant prêt à usage’ entre les parties.
En outre, il convient de rechercher la commune intention des parties contractantes sans s’arrêter au sens littéral des termes employés.
Il résulte des actes conclus entre Monsieur [O] et les deux SCI que les prêts litigieux sont des prêts à court terme (12 et 14 mois) pour lesquels des hypothèques conventionnelles ont été consenties par les emprunteurs et dans lesquels les intérêts sont fixes et payables mensuellement. Ils figurent au bilan des SCI, ainsi que cela a déjà été précisé, sous l’intitulé ’emprunts et dettes auprès des établissements de crédit’.
Or les prêts participatifs sont des financements à long terme destinés avant tout à faciliter la création d’une entreprise ou son développement. Les sommes prêtées sont assimilées à des fonds propres et elles doivent être inscrites sur une ligne particulière du bilan de l’organisme qui les consent et de l’entreprise qui les reçoit (article L. 313-14 ). Le remboursement du prêt participatif est décalé par rapport aux autres créanciers, le prêt étant de dernier rang, ce qui signifie qu’en cas de redressement ou de liquidation, le prêteur passera après tous les créanciers munis de sûretés et également après les créanciers chirographaires. La rémunération des prêts participatifs comprend une participation aux bénéfices de l’emprunteur, ce qui implique un intérêt fixe peu élevé et un intérêt variable prenant la forme d’une participation calculée sur différentes bases possibles (article L. 313-17).
Ainsi, outre le fait que ni le prêteur ni l’emprunteur ne sont éligibles aux prêts participatifs, les prêts litigieux ne présentent aucune des caractéristiques des prêts participatifs et sont même complètement à l’opposé de ceux-ci puisqu’il s’agit de prêts hypothécaires, à court terme, s’analysant en des créances privilégiées, prévoyant des intérêts à taux fixes importants puisque payables mensuellement.
Contrairement à ce que soutient l’intimé, la corrélation entre la rémunération de la société Versantis et les résultats du programme immobilier de la société Les Étangs ne ressort pas de l’article 3 de la convention de compte courant du 15 février 2010 qui subordonne le remboursement du solde du compte courant de la société Versantis à la commercialisation de 50 % de son programme immobilier. En effet, les conventions de compte courant sont postérieures au terme des prêts eux-mêmes.
Il s’ensuit que la qualification de prêts participatifs est exclue, le terme ‘prêt participatif’ ayant été utilisé par les parties, non dans le sens technique du code monétaire et financier pour définir le prêt, mais seulement pour signifier que l’intérêt fixé (0,5) a été majoré de 1 % pour rémunérer l’effort consenti par le prêteur qui intervient au démarrage des programmes. Aucune violation des règles du code monétaire et financier n’est caractérisée.
Contestation relative à l’absence de qualité de créancier de la société Versantis :
Les sociétés intimées soutiennent que la société Versantis n’a pas la qualité de créancier, arguant d’une simulation entre le prétendu cédant, Monsieur [O], et la cessionnaire, la société Versantis. Elles affirment que cette simulation est établie par les déclarations de Monsieur [O] et une attestation des administrateurs de la société Versantis.
Il est à noter que Monsieur [O] a engagé une action en responsabilité civile professionnelle contre le notaire et son assureur, alléguant des prêts consentis à diverses sociétés civiles immobilières.
Recevabilité de l’intervention volontaire de la société Versantis :
La cour a jugé que la société Versantis avait la qualité de cessionnaire de Monsieur [O] et était recevable en tant que telle. Elle a débouté Monsieur [O] de sa demande en indemnisation de son préjudice financier, mais a reconnu son intérêt à agir pour un préjudice moral lié à ses relations avec le notaire.
Qualification des prêts litigieux :
La cour a établi que les prêts litigieux ne présentaient pas les caractéristiques des prêts participatifs, malgré l’utilisation du terme « prêt participatif » dans les contrats. Les prêts étaient à court terme, hypothécaires, et ne correspondaient pas à la définition légale des prêts participatifs.
Nature des créances de la société Versantis :
La cour a conclu que les prêts litigieux n’avaient pas été inscrits en compte courant et que la société Versantis avait agi en tant que créancier hypothécaire. Les créances de la société Versantis sur les SCI Le Rucaër et Les Étangs étaient donc privilégiées.
Quantum de la créance :
La cour a décidé d’appliquer le taux d’intérêt légal aux prêts litigieux en raison de l’absence de mention du taux effectif global dans les contrats. Le prêteur a été déchu de son droit aux intérêts au profit du taux légal, payable annuellement à compter de la date des contrats.
Frais irrépétibles et dépens :
Le liquidateur judiciaire, condamné aux dépens de première instance et d’appel, a été condamné à verser une somme de 5 000 € à la société Versantis au titre des frais irrépétibles.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 21 FEVRIER 2024
(n° , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/18307 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZ27
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Novembre 2020 -tribunal judiciaire de Créteil – 3ème chambre civile – RG n° 15/03131
APPELANTE
S.A. VERSANTIS
[Adresse 4]
[Localité 8]
Luxembourg
immatriculée au registre de commerce et des sociétés du Luxembourg sous le numéro 149 929
agissant poursuites et diligences de ses administrateurs domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
INTIMÉS
Maître [B] [P] [U], mandataire judiciaire, agissant suivant ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Créteil du 4 novembre 2020 en qualité de liquidateur judiciaire de la Société d’investissement, de participation et de patrimoine (SI2P), elle-même en sa qualité de gérante de la société civile immobilière Les Étangs et de la société civile immobilière Le Rucaër, en lieu et place de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée SMJ, prise en la personne de maître [V] [F] [J], suivant jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 25 avril 2012, et agissant également en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés civiles immobilières Les Étangs et Le Rucaër, en lieu et place de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée SMJ, prise en la personne de maître [V] [F] [J], désignée à ces fonctions suivant arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 28 mai 2015 aux lieu et place de maître [E] [D], mandataire judiciaire
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
S.C.I. SCI LES ETANGS prise en la personne de son gérant, la Sté SI2P elle-même domiciliée chez son ancien gérant, en raison de sa liquidation judiciaire [S] [C] [Adresse 1] [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Non constituée (signification de la déclaration d’appel en date du 23 février 2021 – procès-verbal de remise à étude en date du 23 février 2021)
S.C.I. SCI LE RUCAER prise en la personne de son gérant, la Sté SI2P elle-même domiciliée chez son ancien gérant, en raison de sa liquidation judiciaire [S] [C] [Adresse 1] [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Non constituée (signification de la déclaration d’appel en date du 23 février 2021 – procès-verbal de remise à étude en date du 23 février 2021)
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD,président chargé du rappport
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère
Madame Laurence CHAINTRON, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
– PAR DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Vincent BRAUD, président, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
Au début des années 2000, Monsieur [S] [C] et Madame [L] [X] ont constitué la sarl Steema dont ils détenaient chacun la moitié du capital et qui détenait elle même une participation très majoritaire (88,3%) de la sarl SI2P dont Monsieur [C] était le gérant.
La société SI2P est elle même la société mère de quatre SCI, la SCI Château d’Orgemont, la SCI Les Gaudinelles, la SCI Le Rucaër et la SCI Les Étangs.
Elle est le gérant des SCI Le Rucaër et Les Étangs.
Le groupe SI2P exerce une activité de promotion immobilière de résidence de tourisme et d’hôtellerie commercialisées dans le cadre d’opérations de défiscalisation.
Les quatre sociétés civiles immobilières ont été créées pour porter les programmes immobiliers, et notamment une résidence de services à [Localité 9] (Côte-d’Armor) pour la SCI Le Rucaër, et une résidence de service à [Localité 7] (Mayenne) pour la SCI Les Étangs.
Monsieur [O] a consenti à ces cinq sociétés des prêts d’un montant total de dix-huit millions et demi d’euros selon actes authentiques établis par maître [H], entre 2006 et 2007.
Les prêts intéressant la présente instance sont les suivants :
Par acte notarié du 15 juin 2007, Monsieur [K] [O] a consenti à la SCI Les Étangs, un prêt d’un montant de 2 300 000 € destiné à mener à bien l’acquisition d’un terrain dans la commune de [Localité 7] (Mayenne) et les premiers travaux d’un programme de construction d’un ensemble immobilier à usage de résidence de service à destination hôtelière. Ce prêt était d’une durée de 12 mois, le remboursement des intérêts devant être effectué par ‘les premiers prix de ventes à intervenir dans le cadre de ladite opération à intervenir et le premier paiement desdits intérêts interviendra au plus tard un mois après la signature de l’acte de prêt, soit le 15 juillet 2007’ et le capital devant être remboursé le 15 juin 2008 ‘au plus tard’. Le taux des intérêts était fixé à 0,5 % par mois hors assurance ‘auquel s’ajoute 1 % par mois hors assurance à titre de prêt participatif pour l’aide apporté à la mise en place du programme’. Il devait être garanti à hauteur de 2 300 000 € par une hypothèque en premier rang que l’emprunteur accordait sur le terrain acquis auprès de la commune de [Localité 7] et sur toutes les constructions et édifications qui s’y trouveront.
Par acte notarié du 10 octobre 2007, Monsieur [K] [O] a accordé à la SCI Le Rucaër un prêt pour un montant de 2 700 000 € destiné à financer l’acquisition de biens immobiliers sur la commune de [Localité 9] (Côtes-d’Armor) ainsi qu »une avance de trésorerie nécessaire au démarrage du programme à édifier (c’est à dire création d’une résidence de tourisme 3 étoiles, des équipements et fonds de commerce, 167 places de stationnement) sur ledit terrain par le paiement de différentes factures’. Ce prêt était d’une durée de 14 mois, le remboursement des intérêts devant être effectué par ‘ les premiers premiers prix de vente à intervenir dans le cadre de la dite opération. Le premier paiement desdits intérêts interviendra au plus tard un mois après la signature de l’acte de prêt’, le remboursement du capital intervenant à la fin du prêt.
Ce prêt était consenti au taux d’intérêt ‘ de 0,5 % par mois hors assurance auquel s’ajoute 1 % hors assurance à titre de prêt participatif pour l’aide apportée à la mise en place du programme’. Il était garanti à hauteur de 2 700 000 € par une hypothèque conventionnelle inscrite sur les parcelles acquises à [Localité 9].
La société de droit luxembourgeois Versantis a acquis, le 15 février 2010, une part du capital social de chacune des sociétés du groupe SI2P et le même jour, elle a conclu avec chacune des sociétés emprunteuses, un compte courant d’associé devant recevoir toutes les avances de fonds de la société Versantis et toutes les créances qu’elle viendrait à détenir sur elle ‘pour quelque raison que ce soit’.
Par actes notariés des 7 et 18 mai 2010, l’ensemble des créances que Monsieur [O] détenait sur les sociétés du groupe, et notamment sur les SCI Les Étangs et Le Rucaër, a été cédé par Monsieur [O] à la société Versantis, moyennant le prix de 20 075 000 € qui a été payé comptant ‘en dehors de la comptabilité du notaire’.
Par jugements du 14 décembre 2011 et du 25 avril 2012, le tribunal de commerce de Créteil a successivement ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société SI2P puis prononcé sa liquidation judiciaire. La selarl SMJ a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par quatre jugements distincts du 2 juillet 2012, des procédures de redressement judiciaires ont été ouvertes à l’égard des quatre SCI du groupe, lesquelles ont été converties en liquidation judiciaire par jugements du 26 novembre 2012, maître [D] étant désigné comme liquidateur judiciaire.
La société Versantis a déclaré ses créances, nées des prêts consentis initialement par Monsieur [O], au passif des SCI Les Étangs et Le Rucaër.
D’une part, le 27 juillet 2012, la société Versantis a déclaré une créance à titre privilégié (hypothécaire) à hauteur de 3 888 000 € (2 300 000 € en principal et 920 000 € au titre des intérêts) au passif de la SCI Le Rucaër. Le débiteur a contesté cette créance à hauteur de 1 143 000 €, la contestation portant sur les modalités de calcul des intérêts. Le créancier a réduit sa créance à 3 440 167 €.
À l’audience du juge-commissaire, la selarl SMJ, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SI2P, gérante de la SCI, a, à titre principal, demandé qu’il fût sursis à statuer sur l’admission de la créance dans l’attente de la décision à venir, prononcée dans le cadre de la procédure d’extension de la liquidation judiciaire ouverte à son égard aux sociétés Steema, Les Étangs, Le Rucaër, Château d’Orgemont et Les Gaudinelles ; à titre subsidiaire, de dire qu’en l’absence de stipulation écrite du taux effectif global, la stipulation d’intérêt conventionnel prévue par le contrat de prêt est nulle, que les intérêts afférents à ce prêt ne sauraient excéder le taux légal et qu’en conséquence d’une part, les intérêts payés au 28 février 2009 par la SCI Le Rucaër, soit la somme de 447 833 €, devront être restitués à cette dernière et, d’autre part, que la demande tendant au payement des intérêts d’un montant de 740 167 € soit rejetée.
Par ordonnance en date du 7 avril 2014, le juge-commissaire de la SCI Le Rucaër a rejeté la demande de sursis à statuer, admis la créance à hauteur de 3 186 000 € à titre hypothécaire (2 700 000 € en principal et 486 000 € au titre des intérêts, frais et accessoires) et de 254 167 € à titre chirographaire.
D’autre part, le 27 juillet 2012, la société Versantis a déclaré une créance à hauteur d’un montant de 3 220 000 €, à titre privilégié hypothécaire, au passif de la SCI Les Étangs. Le liquidateur judiciaire a contesté la créance à hauteur de 961 897 €, la contestation étant fondée sur le mode de calcul des intérêts. Le créancier a ramené sa créance à la somme de 2 932 500 €.
À l’audience du juge-commissaire, la selarl SMJ, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SI2P, gérante de la SCI, a, à titre principal, demandé qu’il fût sursis à statuer sur l’admission de la créance dans l’attente de la décision à venir, prononcée dans le cadre de la procédure d’extension de la liquidation judiciaire ouverte à son égard aux sociétés Steema, Les Étangs, Le Rucaër, Château d’Orgemont et Les Gaudinelles ; à titre subsidiaire, de dire qu’en l’absence de stipulation écrite du taux effectif global, la stipulation d’intérêt conventionnel prévue par le contrat de prêt est nulle, que les intérêts afférents à ce prêt ne sauraient excéder le taux légal et qu’en conséquence, d’une part, les intérêts payés au 28 février 2009 par la SCI Les Étangs, soit la somme de 517 500 €, devront être restitués à cette dernière et d’autre part, que la demande tendant au payement des intérêts d’un montant de 632 500 € soit rejetée.
Par ordonnance en date du 7 avril 2014, le juge commissaire a rejeté la demande de sursis à statuer et admis la créance de la société Versantis à hauteur de 2 714 000 €à titre hypothécaire (2 300 000 € en principal et 414 000 € au titre des intérêts, frais et accessoires) et de 218 500 € à titre chirographaire.
La société SI2P, représentée par son liquidateur judiciaire, a interjeté appel des deux ordonnances rendues le 7 avril 2014.
Par deux arrêts rendus le 15 janvier 2015, la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 9) a rappelé que si le juge-commissaire est bien compétent pour statuer sur l’admission de la créance dès lors que le juge du fond n’est plus saisi, l’appréciation des contestations concernant la validité ou l’exécution du contrat dépasse les limites du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire et par voie de conséquence de la cour statuant sur un recours à l’encontre de l’ordonnance critiquée. Elle a donc enjoint aux parties de saisir le juge du contrat avant le 19 mars 2015 et a sursis à statuer jusqu’au 26 mars 2015 ou, s’il est justifié de la saisine effective du juge du contrat avant cette date, jusqu’à la décision définitive de celui-ci.
Par arrêt en date du 28 mai 2015, la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 9) a, en infirmant sur ce point le jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 30 avril 2014, ordonné l’extension de la liquidation judiciaire ouverte à l’égard de la SI2P à la société Steema, et à la SCI Les Étangs, la SCI Le Rucaër, la SCI Château d’Orgemont et la SCI Les Gaudinelles, et dit que la confusion des patrimoines emporte unicité de la procédure de la liquidation judiciaire des sociétés SI2P, Steema, Les Étangs, Le Rucaër, Château d’Orgemont et Les Gaudinelles et désigné maître [U] en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Le Rucaër et Les Étangs.
Par exploits d’huissier de justice délivrés les 18 et 19 mars 2015, la selarl SMJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la sarl SI2P, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Créteil la société Versantis, et les SCI Les Étangs et Le Rucaër représentées par leur liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 26 janvier 2018, le juge de la mise en état a sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive du tribunal de grande instance de Paris dans une affaire enrôlée sous le numéro de répertoire général 16/18650. L’affaire a été réinscrite au rôle à la demande de la société Versantis.
Par jugement contradictoire en date du 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :
‘ déclaré les actes notariés de cession de créance reçus les 7 et 18 mai 2010 en l’étude de maître [W] [H] inopposables à la liquidation judiciaire des sociétés Les Étangs et Le Rucaër ;
‘ débouté la société Versantis de l’intégralité de ses demandes ;
‘ condamné la société Versantis à payer la somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la société SMJ, prise en la personne de maître [V] [F] [J], en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Les Étangs et Le Rucaër, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamné la société Versantis au payement des entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de l’avocat de la société SMJ, prise en la personne de maître [V] [F] [J], en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Les Étangs et Le Rucaër ;
‘ dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Pour l’essentiel, le tribunal a retenu que la société Versantis et [K] [O] avaient conclu de manière apparente deux actes portant cession de créances et étaient convenus simultanément que le payement de leur prix ne serait pas réclamé ; que ces deux actes du 18 mai 2010 revêtaient un caractère fictif et constituaient une fraude, dès lors que la simulation avait été réalisée dans un acte authentique ; que les actes de cession de créances étaient inopposables à la liquidation judiciaire des sociétés civiles immobilière Les Étangs et Le Rucaër alors que les déclarations de créance de la société Versantis se fondaient sur ces actes.
Par déclaration du 15 décembre 2020, la société anonyme Versantis a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 28 novembre 2023, la société anonyme Versantis demande à la cour de :
– réformer le jugement du tribunal judiciaire en date du 13 novembre 2020 en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes ;
– réformer le jugement du tribunal judiciaire en date du 13 novembre 2020 de ce qu’il a déclaré les actes notariés de cession de créance reçus les 7 et 18 mai 2010 en l’étude de Maître [W] [H] inopposables à la liquidation judiciaire des SCI Les Étangs et le Rucaër ;
en conséquence :
– constater que ces créances ont un caractère hypothécaire à hauteur du capital et des intérêts dans la limite de trois années seulement,
– constater que la selarl SMJ ne fait état d’aucun moyen sérieux pour contester l’existence ou le montant de la créance,
– dire et juger que ses créances à l’encontre des sociétés Le Rucaër et Les Étangs sont certaines dans leur montant et leur principe,
– fixer le montant de sa créance contre la société Le Rucaër à la somme de 256.167 euros, dont 2.700.000 euros à titre principal et 740.167 euros à titre chirographaire,
– fixer le montant de sa créance contre la société Les Étangs à la somme de 2.185.000 euros, dont 2.300.000 euros à titre principal et 632.500 euros à titre chirographaire,
– dire et juger que sa créance contre la société Le Rucaër est de nature hypothécaire à hauteur de 3.186.000 euros (soit 2.700.000 euros à titre principal et 486.000 euros au titre des intérêts), et de nature chirographaire à hauteur de 254.167 euros ;
– dire et juger que sa créance contre la société Les Étangs est de nature hypothécaire à hauteur de 2.714.000 euros (soit 2.300.000 euros à titre principal et 414.000 euros au titre des intérêts) et de nature chirographaire à hauteur de 218.500 euros ;
– débouter la société SMJ de l’ensemble de ses demandes et prétentions,
– condamner la société SMJ à la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera effectué par la Selarl JRF & Associés représentée par Maître Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 18 décembre 2023, maître [B] [P] [U], mandataire judiciaire, agissant suivant ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Créteil du 4 novembre 2020 en qualité de liquidateur judiciaire de la Société d’investissement, de participation et de patrimoine (SI2P), elle-même en sa qualité de gérante de la société civile immobilière Les Étangs et de la société civile immobilière Le Rucaër, en lieu et place de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée SMJ, prise en la personne de maître [V] [F] [J], suivant jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 25 avril 2012, et agissant également en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés civiles immobilières Les Étangs et Le Rucaër, en lieu et place de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée SMJ, prise en la personne de maître [V] [F] [J], désignée à ces fonctions suivant arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 28 mai 2015 aux lieu et place de maître [E] [D], mandataire judiciaire, demande à la cour de le recevoir en son intervention aux lieu et place de la selarl SMJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société d’investissement de participation et de patrimoine (SI2P), elle-même en sa qualité de gérante de la SCI Les Étangs et de la SCI Le Rucaër, et également ès qualités de liquidateur judiciaire des SCI Les Étangs et Le Rucaër, y faisant droit de :
-confirmer le jugement dont appel rendu le 13 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Créteil qui a :
– déclaré les actes notariés de cession de créance reçus les 7 et 18 mai 2010 en l’étude de Maître [W] [H] inopposables à la liquidation judiciaire des SCI Les Étangs et Le Rucaër ;
– débouté la SA Versantis de l’intégralité de ses demandes ;
– condamné la SA Versantis à payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la Selarl SMJ, prise en la personne de Maître [F] [J], ès-qualités de liquidateur judiciaire des SCI Les Étangs et Le Rucaër, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-débouter la société Versantis de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
Subsidiairement pour le cas où la cour ne retenait pas la simulation et l’inopposabilité des déclarations de créances Versantis et réformait le jugement dont appel,
Statuant à nouveau, vu notamment les articles1131, 1321, 1892, 1907 al. 2 anciens du Code civil, L. 313-2 et L. 313-13 du Code de la consommation, L. 311-1 et L. 511-5 du Code monétaire et financier, de
-débouter la société Versantis de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions de fixation de créances,
-juger que la société Versantis n’établit pas que les sommes litigieuses ont effectivement été remises aux SCI Le Rucaër et Les Étangs,
en conséquence, juger que la qualité de créancière de la société Versantis à l’encontre tant de la SCI Les Étangs que la SCI Le Rucaër n’est pas établie,
Plus subsidiairement,
juger que les actes sur lesquels la société Versantis fonde son droit de créance à l’encontre de la SCI Les Étangs et de la SCI Le Rucaër reposent sur une cause illicite,
en conséquence, juger que la qualité de créancière de la société Versantis à l’encontre tant de la SCI Les Étangs que de la SCI Le Rucaër n’est pas établie,
Plus subsidiairement encore,
juger que la société Versantis ne dispose d’aucune créance hypothécaire à l’encontre de la SCI Les Étangs et de la SCI Le Rucaër,
juger que la société Versantis ne justifie pas du quantum de sa créance,
juger qu’aucun intérêt n’est dû sur le capital qui aurait été prêté,
En tout état de cause,
condamner la société Versantis à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi selon les dispositions de l’article 699 du même code.
La déclaration d’appel et les conclusions d’appelant ont été signifiées en étude le 23 février 2021 aux sociétés civiles immobilières Les Étangs et Le Rucaër.
Les conclusions d’intimé ont été signifiées le 2 juin 2021 suivant procès-verbaux de vaines recherches aux sociétés civiles immobilières Les Étangs et Le Rucaër.
La société Versantis a fait signifier ses conclusions du 28 novembre 2023 par acte signifié le 12 décembre 2013 dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile.
Les sociétés civiles immobilières Les Étangs et Le Rucaër n’ont pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023 et l’audience fixée au 9 janvier 2024.
CELA EXPOSÉ,
Sur la procédure :
Il doit être rappelé que :
L’article L. 624-2 du code de commerce (applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l’article L. 641-14, dans sa rédaction applicable à l’espèce), prévoit qu’ ‘au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence’.
La procédure de vérification et d’admission des créances tendant uniquement à la détermination de l’existence, du montant et de la nature de la créance, une hypothèse supplémentaire a été introduite à l’article L. 624-2 du code de commerce par la Cour de cassation qui juge de manière constante que ne relèvent pas des pouvoirs du juge de l’admission des créances, notamment, l’interprétation et l’exécution d’un contrat.
Le constat d’une contestation excédant les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, constitue une fin de non recevoir suivie d’un sursis à statuer, qui ne dessaisit pas le juge-commissaire, lequel, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, et au vu de la décision rendue par le juge compétent, soit admettra la créance au passif, soit la rejettera.
Par arrêts en date du 15 janvier 2015, la cour d’appel de Paris (pôle 5 chambre 9), juridiction d’appel du juge-commissaire, a, d’une part, enjoint aux parties de saisir le juge du contrat, l’appréciation des contestations concernant la validité ou l’exécution du contrat dépassant les limites juridictionnelles du juge-commissaire et par voie de conséquence de la cour statuant sur un recours formé contre son ordonnance, d’autre part, a sursis à statuer sur l’admission de la créance jusqu’à l’intervention d’une décision définitive du juge du contrat.
En l’espèce, la cour statue en appel sur le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil, juge du contrat.
Il s’ensuit que la cour tranchera les contestations relatives à la validité et à l’exécution des contrats et qu’ensuite l’une ou l’autre des parties qui y a intérêt devra ressaisir la Chambre 9 du Pôle 5, qui n’a pas été dessaisie par la décision de sursis à statuer et qui, seule, peut statuer sur l’admission des créances, la présente cour ne pouvant, sauf à méconnaitre l’étendue de saisine, fixer, ainsi que le demande la société Versantis, sa créance au passif de chacune des SCI ou, comme le demande le liquidateur judiciaire, débouter la société Versantis de ses demandes de fixation de créances.
Sur le fond :
La société Versantis fait valoir qu’elle produit les ordres de payement qui établissent indiscutablement la mise à disposition des fonds via la comptabilité du notaire, les contrats de prêts, lesquels sont corroborés par les écritures comptables des deux sociétés comportant au passif à la rubrique Dettes les sommes en question, étant rappelé qu’en application de l’article 1330 du code civil, la comptabilité commerciale d’une personne morale lui est opposable et donc est opposable à maître [U]. Elle relève que les créances n’ont jamais été discutées et que si les fonds avaient été détournés par le notaire, il lui appartenait d’agir contre lui.
L’appelante déclare que la partie adverse conteste à tort la licéité de la cause des contrats de prêt, dans la mesure où elle ne démontre aucunement le caractère frauduleux de l’opération et n’a pas cherché à engager de poursuites pénales ; qu’en toutes hypothèses la nullité d’un acte de prêt ne dispense pas l’emprunteur de rembourser le capital perçu et ne prive pas d’effet la cession ultérieure de la créance née du contrat de prêt.
Elle indique qu’elle a joint à sa déclaration de créance les bordereaux de renouvellement d’inscription hypothécaire et qu’en application des articles 1689 et suivants du code civil, la cession de créance n’emportant pas novation, elle a vu entrer dans son patrimoine les deux créances et tous leurs accessoires dans l’état où ils se trouvent à la date de la cession, étant précisé que les conventions de compte courant ne sauraient constituer un avenant aux prêts.
Sur la cession de créance, la société Versantis ajoute qu’elle a produit devant les premiers juges, d’une part, l’acte authentique des 7 et 18 mai 2010 emportant notamment cession des créances que [K] [O] détenait contre les sociétés Les Gaudinelles et Le Château d’Orgemont ; et qu’une dette d’égal montant a été comptabilisée au crédit du compte courant de [K] [O] au titre du payement du prix de la cession de créances. Elle déclare qu’il est de jurisprudence constante que l’inscription en compte courant équivaut à un payement et précise que l’attestation de ses administrateurs retenue par les premiers juges signifie seulement que les sommes portées au crédit du compte courant d’associé ouvert dans ses livres au nom de [K] [O] n’ont pas été prélevées par ce dernier depuis leur inscription.
Elle fait état d’un précédent déjà tranché par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 29 mai 2019, qui dans le cadre d’un litige l’opposant à la société SI2P, à propos de la fixation de sa créance, a dit que l’attestation prétendument établie par ses représentants légaux n’avait aucun caractère probant, que la cession de créance était irréprochable et qu’elle devait produire ses effets, qu’il en découlait sa qualité à agir.
Le liquidateur judiciaire conclut à la confirmation du jugement et précise au préalable qu’en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés civiles immobilières, il représente tout à la fois ces dernières et les créanciers de celles-ci dans leur intérêt collectif et qu’il est donc un tiers au sens de l’article 1321 ancien du code civil.
Il considère que c’est par une exacte appréciation des faits et du droit que le jugement retient que la société Versantis ne saurait se prévaloir de la qualité de créancière desdites sociétés civiles immobilières, cette qualité lui étant inopposable.
Il soutient que l’acte de cession qu’elle invoque pour prétendre venir aux droits du prêteur, [K] [O], est fictif et relève d’une simulation entre le prétendu cédant, [K] [O], et la prétendue cessionnaire, la société Versantis, et que cette simulation étant intervenue dans un acte authentique est une fraude. Il indique que dans le cadre d’un litige opposant [K] [O] et sa société Versantis à maître [H] en responsabilité civile professionnelle du notaire, [K] [O] et la société Versantis, dont il est le seul bénéficiaire effectif, ont produit une attestation datée du 30 novembre 2012 aux termes de laquelle la société Versantis reconnaît n’avoir versé aucune somme à [K] [O] en contrepartie des cessions de créance, contrairement à ce qui est indiqué dans l’acte notarié de cession. Cette attestation faite ‘à Luxembourg le 30 novembre 2012″ est ainsi rédigée : ‘Nous soussignés, Messieurs [N] [A], [T] [M], et [I] [Y] en notre qualité d’administrateurs de la société Versantis, société de droit luxembourgeois … confirmons que le bénéficiaire effectif de la société est Monsieur [K] [R] [O] , né le … à … De plus nous confirmons que le prix de la cession de créances du 18 mai 2010, d’un montant de 20 075 000 € n’a jamais été réglé par la société à [K] [O] contrairement à ce qui est indiqué dans l’acte de cession.’
L’intimé indique, qu’ainsi que [K] [O] et la société Versantis l’ont déclaré devant le tribunal, cette cession avait pour seul objet d’éviter à [K] [O] un risque de condamnation pénale fondé sur le délit d’exercice illégal de la profession de banquier, de sorte que la société Versantis qui n’avait pour objet social que le portage de la créance pour le compte de son seul bénéficiaire effectif, [K] [O], n’a donc pas réglé le prix.
Il en déduit que la cession étant frauduleuse, elle ne peut produire aucun effet à l’encontre de la liquidation judiciaire.
Subsidiairement, pour le cas où la cour ne retiendrait pas la simulation et l’inopposabilité des déclarations de créances Versantis, il soutient que les prétendues créances de la société Versantis sont dépourvues de cause, la société Versantis n’apportant pas la preuve de la remise aux sociétés civiles immobilières des sommes prétendument prêtées par [K] [O], et qu’en tout état de cause, ces prêts auraient une cause illicite, puisque le programme du groupe Steema semble être l’instrument d’une fraude qui aurait notamment permis à [K] [O] de percevoir des sommes indues.
Sur le premier point, il indique que les sociétés Les Étangs et Le Rucaër ont chacune contracté un prêt auprès de [K] [O], respectivement d’un montant de 2 300 000 euros et de 2 700 000 euros, et que les actes authentiques de prêt ne contiennent aucune mention relative à la remise aux sociétés emprunteuses des sommes prêtées, la société Versantis justifiant seulement que ces montants ont été transférés par [K] [O] à son propre notaire. Sur la reconnaissance de leurs dettes par les sociétés civiles immobilières, le liquidateur judiciaire prétend qu’il s’agit d’une seule présomption et qu’en tout état de cause, ‘cette présomption ne concerne la charge de la preuve de la remise des fonds que dans la relation entre le prêteur et l’emprunteur qui conteste ladite remise après avoir signé une reconnaissance de dette, [alors qu’en l’espèce il poursuit] l’absence de cause des contrats de prêt en sa qualité de liquidateur judiciaire représentant la collectivité des créanciers et non en sa qualité de représentant des SCI qui ont emprunté’. Il en déduit que ‘les actes de prêts invoqués ne peuvent ainsi être opposés au représentant des créanciers sauf à méconnaître l’effet relatif des conventions’ ; qu’il incombe à la société Versantis de prouver la remise de fonds, ce qu’elle échoue à faire, notamment parce qu’elle ne démontre pas que les sommes qu’elle indique avoir remises au notaire aient été dédiées à la réalisation des programmes immobiliers, lesquels n’ont pas été réalisés ; qu’elle ne peut faire état de la comptabilité des sociétés civiles immobilières, qu’elle a au surplus refusé d’approuver, puisqu’« elle agit en nullité des contrats de prêts en sa qualité de représentante des créanciers auxquels les écritures comptables des deux SCI ne peuvent être opposées en sa qualité de tiers » ; qu’au visa de l’article 1356 du code civil, l’aveu judiciaire ne peut résulter que d’une déclaration, et non d’une simple absence de contestation.
Le liquidateur judiciaire ajoute que s’il venait à être établi que [K] [O] a effectivement versé les sommes litigieuses aux sociétés Les Étangs et Le Rucaër, la cause des contrats de prêt est indéniablement illicite, puisque l’opération de promotion immobilière que devaient financer les prêts litigieux reposait elle-même sur une cause illicite, à savoir attirer des investisseurs sans jamais leur délivrer les biens immobiliers et que ‘les contrats de prêt n’ont manifestement été conclus qu’aux fins d’orchestrer une vaste fraude aux droits d’investisseurs particuliers (….) la multiplication du nombre de structures impliquées dans l’opération et le montant des sommes prétendument affectées à des investissements immobiliers [étant] deux des instruments mis en place dans l’unique dessein de créer une apparente solidité financière à même d’emporter la conviction des investisseurs sur le caractère sérieux du projet et sa viabilité, cette « opération séduction » [ayant] notamment permis de lever pas moins de 14 000 000 € versés par des acquéreurs de lots en Vefa qui ont à ce jour perdu leur investissement’. Il indique que les sociétés du groupe Steema, qui ne disposaient d’aucun salarié ni d’aucune activité réelle, ont été utilisées pour faire transiter entre elles des sommes très importantes en procédant à des payements tout aussi importants et sans contrepartie.
Il ajoute que les prêts litigieux ont été mis en place en violation des règles applicables aux prêts participatifs, telles que prévues par l’article L. 313-13 du code monétaire et financier qui prévoient notamment qu’un particulier a l’interdiction absolue de consentir de tels prêts et que la sanction est la nullité absolue du prêt participatif octroyé par un particulier, d’où il s’ensuit que ‘s’agissant d’une nullité absolue, la Selarl SMJ,, liquidateur judiciaire des SCI, a qualité et intérêt à demander la nullité de tels prêts, tant en sa qualité de représentant de l’intérêt collectif de créanciers qu’en sa qualité de représentant du débiteur/emprunteur’ puisque les prêts consentis ont été qualifiés comme tels dans les actes.
À titre subsidiaire, encore, il soutient que les créances de la société Versantis seraient en tout cas incontestablement chirographaires, la société Versantis ne justifiant ni du fondement de ses inscriptions d’hypothèques ni de la régularité de ses inscriptions et de leur renouvellement, et qu’en tout état de cause, la société Versantis a perdu ses sûretés par l’inscription des créances en compte, puisque par deux actes sous seing privé en date du 15 février 2010, elle est convenue d’une part avec la société Les Étangs, d’autre part avec la société Le Rucaër que chacune des sociétés civiles immobilières ouvre dans ses livres au nom de la société Versantis un compte courant d’associé où seront inscrites toutes les avances de fonds qui interviendraient ou qui seraient consenties par la société Versantis à la demande de la gérance, et toutes les créances que la société Versantis serait susceptible de détenir sur la société pour quelque raison que ce soit, car l’inscription d’une créance entrée en compte entraîne son extinction, puisqu’elle est considérée comme payée, et ne laisse place qu’à un article du compte, que le créancier étant réputé désintéressé, les sûretés réelles ou personnelles qui garantissaient la créance entrée en compte s’éteignent automatiquement dès l’inscription de cette créance à un compte courant, et que les hypothèques ne garantissant pas le solde des comptes mais seulement les prêts consentis par [K] [O] aux sociétés civiles immobilières, l’inscription en compte des créances de la société Versantis a eu pour effet de faire disparaître ces hypothèques.
Maître [U] conteste enfin le quantum de la créance, en relevant l’absence de mention dans les actes de prêt du taux effectif global, qui est une mention substantielle prescrite ad validitatem et non seulement à titre de preuve, de sorte qu’il y a lieu de faire application du taux d’intérêt légal à compter de la date de chacun des prêts et de soumettre à répétition le surplus d’intérêts, illégalement perçus au regard des articles 1907 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation, et que si la cour devait juger que les prêts litigieux ne sont pas des prêts participatifs, elle devrait dire que la majoration de 1% du taux d’intérêt prévu au contrat ‘à titre de prêt participatif ‘ n’aurait aucune cause de sorte que cette stipulation devra être annulée, enfin qu’à défaut de clause dans les contrats de prêt relative à la durée des intérêts, la cour devrait dire que les intérêts perçus au-delà de la durée contractuelle des prêts sont indus et représentent un trop-perçu qui doit s’imputer sur le reliquat des éventuelles créances en principal, et en tout état de cause, compte tenu de la convention de compte courant qui ne précise pas l’intérêt, il y a lieu de dire que les sommes dues au titre des prêts consentis par [K] [O] aux sociétés civiles immobilières et qui auraient été cédés à la société Versantis sont entrées en compte courant à compter du 15 février 2010 et ne sont donc productive d’aucun intérêt, et subsidiairement que de l’intérêt au taux légal.
Sur la contestation relative à l’absence de qualité de créancier de la société Versantis :
Les sociétés intimées soutiennent que la société Versantis n’a pas la qualité de créancier dès lors que l’acte de cession qu’elle invoque pour prétendre venir aux droits du prêteur, Monsieur [O], est fictif et relève d’une simulation entre le prétendu cédant, Monsieur [O], et la cessionnaire, la société Versantis, ce qui est établi tant par les propres déclarations de Monsieur [O] que par l’attestation délivrée le 30 novembre 2012 par les trois administrateurs de la société Versantis. Elles expliquent qu’elles ont découvert ces faits à l’occasion de l’action en responsabilité engagée par Monsieur [O] contre le notaire et son assureur.
Il y a lieu de préciser que par assignation des 31 mars, 1er et 21 avril 2011, Monsieur [O] a assigné Maître [H] en responsabilité civile professionnelle et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris, ainsi que la SCP [W] [H] et la société Mutuelles du Mans IARD, son assureur de responsabilité civile professionnelle.
Il a exposé qu’il avait entre le 15 septembre 2006 et le 17 décembre 2007, par actes reçus par maître [H], notaire à Paris, consenti plusieurs prêts d’un montant total de 18,5 millions d’euros à diverses sociétés civiles immobilières animées par Monsieur [C] pour financer la réalisation de résidences hôtelières avec services destinées tant à une clientèle de tourisme et de loisirs qu’à une clientèle d’affaires, que le 15 février 2010, il n’avait perçu que la somme de 800 000 € sur le prêt consenti à la SCI Les Gaudinelles (3 500 000 €) qui était remboursable au 15 mai 2007 au plus tard et seulement 600 000 € sur le prêt consenti à hauteur de 4 800 000 € à la société SI2P alors que tous les prêts étaient arrivés à échéance, et que le versement des intérêts avait cessé au cours de l’année 2009. Il avait alors pris, par l’intermédiaire de la société Versantis qu’il avait créée à cet effet le 10 décembre 2009, des participations minoritaires dans le capital des SCI emprunteuses. Puis craignant un risque de commission du délit d’exercice illégal de la profession de banquier, il avait cédé à la société Versantis, par acte reçu par maître [H] les 7 et 18 mai 2010, l’ensemble des créances nées des prêts pour le prix de 20 075 000 € ‘payé comptant par le cessionnaire au cédant, directement et hors la comptabilité du notaire’. Il a indiqué que toutes les sociétés du groupe avaient fait l’objet de procédures collectives, que la société Versantis avait déclaré des créances à hauteur de 29 932 313,92 €.
Il a réclamé la somme de 23 473 640 € à titre de dommages-intérêts.
La société Versantis a réclamé la somme de 1 852 813,92 € à titre de dommages-intérêts, au titre de son préjudice matériel et, dans l’hypothèse où le tribunal ne ferait pas droit aux demandes de Monsieur [O], en raison de la cession de créances intervenue, elle a réclamé le payement de la somme de 23 079 500 €.
Les défendeurs ont contesté la qualité et l’intérêt à agir de Monsieur [O], compte tenu de la cession de créances des 7 et 18 mai 2010, et ont souligné le caractère non probant de l’attestation versée aux débats en observant que seule la société Versantis a déclaré des créances au passif des sociétés emprunteuses qui ont été admises. Monsieur [O] a exposé que la société Versantis n’a jamais payé le prix de cession en raison de la faute du notaire et qu’en conséquence il subit un préjudice du fait du non remboursement des prêts, lesquels, s’ils avaient été remboursés, auraient permis à la société Versantis de le régler. Il a soutenu qu’il avait seul un intérêt direct et certain à voir la responsabilité civile délictuelle du notaire engagée.
Par jugement du 24 décembre 2014, le tribunal a retenu que par acte reçu par maître [H], les 7 et 18 mai 2010, monsieur [O] a cédé à la société Versantis, l’ensemble des créances résultant des prêts consentis par Monsieur [O] moyennant le prix de 20 075 000 € payé comptant par le cessionnaire au cédant, directement et hors la comptabilité du notaire ; que la validité de cette cession qui a été valablement publiée le 18 février 2011 n’a jamais été remise en cause ; qu’elle n’est pas fictive et qu’elle a produit ses effets à l’égard des tiers ; que la société Versantis avait déclaré ses créances, lesquelles avaient été admises. Il a conclu que M. [O], qui n’est plus titulaire d’aucun droit de créance contre les sociétés emprunteuses, était dépourvu d’intérêt et de qualité pour agir contre le notaire en responsabilité civile professionnelle pour obtenir réparation d’un préjudice matériel et moral résultant du non-payement des prêts consentis à ces sociétés, préjudice qui, par la suite de la cession intervenue, ne pouvait être réalisé que dans le patrimoine de la société Versantis. Il a également noté que la mention selon laquelle le prix avait été payé ne faisait foi que jusqu’ à preuve contraire, qu’il appartenait
à Monsieur [O] d’apporter la preuve que le prix n’avait pas été payé, ce qu’il ne faisait pas en produisant seulement l’attestation, qu’au surplus même si le prix n’avait pas été payé, Monsieur [O] n’aurait pas d’intérêt à agir contre le notaire, puisque son préjudice découlerait du non-payement du prix par la société Versantis.
S’agissant de la recevabilité de l’intervention volontaire de la société Versantis, qui faisait valoir qu’elle intervenait en qualité de cessionnaire de Monsieur [O], le tribunal a dit qu’il résultait des articles 1615 et 1692 du code civilque la cession de créance transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée et notamment sauf stipulation contraire, l’action en responsabilité contractuelle ou délictuelle qui en est l’accessoire fondée sur la faute antérieure d’un tiers dont il est résulté la perte ou la diminution de la créance à l’exclusion des actions extrapatrimoniales, incessibles ou strictement personnelles au cédant, ce que n’était pas l’action en responsabilité engagée contre le notaire.
Le tribunal a dit que Monsieur [H] avait manqué à ses obligations professionnelles et qu’il était responsable du préjudice subi par la société Versantis correspondant à la perte de chance, évaluée à 50 %, de ne pas subir le défaut de remboursement des prêts, a rejeté la demande de la société Versantis en payement de la somme de 1 852 813,92 euros à titre de dommages-intérêts et sur la fixation du préjudice, a sursis à statuer dans l’attente du résultat de la répartition à la suite des opérations de liquidation de la SCI Les Gaudinelles, de la SCI Le Rucaër, de la SCI Les Étangs, de la SCI Château d’Orgemont et de la société SI2P.
Maître [H], les MMA et Monsieur [O] ont interjeté appel de ce jugement.
Aucune des parties ne produit l’arrêt d’appel intervenu. Le liquidateur judiciaire verse aux débats les conclusions de monsieur [O] et de la société Versantis en date du 13 octobre 2016 dans lesquelles il est écrit que la cession de créance du premier à la seconde ‘n’a pour unique objet que d’éviter à monsieur [O] un risque de condamnation pénale fondée sur le délit d’exercice illégal de la profession de banquier’ et que la société Versantis, ‘qui en réalité assure le portage de cette créance pour le compte de son seul bénéficiaire, Monsieur [O]’ et qui ‘n’a pas d’autre objet social’, ‘n’a donc pas réglé le prix de cession des créances’.
Il ajoute que ‘cette déclaration par voie judiciaire est des plus claires et ne parait souffrir aucune interprétation’, compte tenu au surplus de l’attestation du 30 novembre 2012 produite par laquelle trois administrateurs de la société Versantis attestent que le prix de cession n’a jamais été réglé par la société Versantis.
Il résulte de la pièce no 27 de la société Versantis, qui est constitué d’un arrêt rendu par la présente cour dans l’instance opposant la société Versantis, à maître [B] [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire des SCI Les Gaudinelles et le Château d’Orgemont, que, d’une part, la société SMJ, ès qualités, déclarant agir pour la défense de l’intérêt collectif des créanciers sur le fondement de l’article L. 622-20 du code de commerce, aux droits de laquelle vient maître [U], a été déclarée recevable à intervenir dans l’instance en responsabilité, par arrêt en date du 23 mai 2018, puis que par arrêt en date du 6 mars 2019, la cour d’appel a, notamment, infirmé le jugement déféré en ce qu’il a déclaré l’action de monsieur [O] irrecevable. La cour a déclaré son action recevable mais elle a débouté Monsieur [O] de sa demande en indemnisation de son préjudice financier.
La cour a en effet dit que monsieur [O] avait un intérêt à agir lorsqu’il sollicitait l’indemnisation d’un préjudice moral lié à ses relations avec maître [H] et qu’il lui appartenait de démontrer la réalité du préjudice financier allégué ainsi que le lien de causalité direct avec la faute éventuelle du notaire. Elle a dit que pour établir la réalité d’un préjudice financier, Monsieur [O] devait faire la preuve qu’il n’avait pas reçu le prix prévu par l’acte de cession de créance malgré les mentions de l’acte notarié indiquant que le prix était payé comptant directement au cédant hors la comptabilité du notaire. Elle a relevé que pour ce faire Monsieur [O] versait aux débats une attestation des administrateurs de la société Versantis ainsi qu’un extrait de la comptabilité de cette dernière au 31 décembre 2010 alors qu’il ressortait du relevé de compte courant de monsieur [O] dans ses livres que la créance de Monsieur [O] au titre de la cession de créance formait une ligne dudit compte courant et que l’inscription en compte vaut payement de sorte que la preuve contraire aux mentions de l’acte notarié sur le payement du prix n’est pas rapportée.
Dans le cadre de la présente instance, la cour doit rappeler que les cessions de créances entre [K] [O] et la société Versantis constatées par actes notariés en date des 7 et 18 mai 2010 ont été régulièrement signifiées par exploits d’huissier de justice aux sociétés civiles immobilières débitrices et qu’elles ont été publiées le 18 février 2011.
La cour relève que la cession n’a jamais été remise en cause, qu’elle n’est pas fictive et qu’elle a produit ses effets à l’égard des tiers.
Elle retient que la société Versantis verse aux débats le relevé du compte courant de Monsieur [O] dans ses livres, que la créance de Monsieur [O] au titre de la cession susmentionnée y figure, que l’inscription en compte courant équivaut à un payement, et qu’ainsi le créancier est considéré comme désintéressé.
D’autre part, l’attestation des administrateurs de la société Versantis ne peut en aucun cas caractériser une fraude. En effet, dans cette attestation qui a été établie le 30 novembre 2012, [N] [A], [T] [M] et [I] [Y], administrateurs de la société Versantis, confirment, d’une part, que le bénéficiaire de la société Versantis est Monsieur [K] [R] [O] , ce qui n’est pas contesté, d’autre part, que ‘le prix de la cession de créance du 18 mai 2010, d’un montant de 20 075 000 EUR n’a jamais été réglé par la société [Versantis] à [K] [O], contrairement à ce qui est indiqué dans l’acte notarié de cession’, ce qui signifie seulement, ainsi que le dit la société Versantis, que les sommes ont été portées au crédit du compte courant d’associé ouvert dans ses livres au nom de Monsieur [O] en application des cessions de créance constatées par actes authentiques et ne lui ont pas été remboursées par un payement en numéraire.
Il s’ensuit que la cour infirmera le jugement déféré, qu’elle déclarera les actes de cession de créances conclus les 17 et 18 mai opposables à la liquidation judiciaire et dira que la société Versantis a la qualité de créancière des SCI Les Étangs et Le Rucaër et qu’elle est recevable en ses demandes de fixation de ses créances.
Sur l’absence de cause :
Le liquidateur judiciaire soutient que la société Versantis ne justifie pas avoir remis effectivement aux SCI Les Étangs et Le Rucaër les fonds empruntés, alors que les actes authentiques de prêts ne contiennent aucun mandat qui aurait été donné par les SCI emprunteuses au notaire aux fins de recevoir les sommes empruntées et qu’aux termes de l’article 1131 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance no 2016-131du 10 février 2016, applicable en l’espèce ‘l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet’, de sorte que les deux contrats de prêts sont nuls et de nullité absolue, pour défaut de cause.
La société Versantis justifie que Monsieur [K] [O] a procédé au versement des sommes de 2 300 000 € (montant du prêt consenti à la SCI Les Étangs) et de 2 700 000 € (montant du prêt consenti à la SCI Le Rucaër) sur un compte du notaire rédacteur de l’acte, en produisant les ordres de payement datés du 6 juin 2007 et 2 octobre 2007. D’autre part, il résulte du bilan établi au 31 décembre 2009, que le prêt et la remise des fonds (2 300 000 € et 2 700 000 €) sont comptabilisés dans les livres comptables de chacune des deux sociétés, au passif du bilan, sous l’intitulé ’emprunts et dettes’ et que des intérêts versés apparaissent au sein du compte de résultat, de sorte qu’il est établi non seulement que les fonds ont été versés mais que le contrat de prêt a été exécuté par les sociétés, et que les sociétés intimées ne peuvent sérieusement pas prétendre que toute obligation de remboursement mise à leur charge serait dépourvue de cause, ou que la société Versantis n’établirait la réalité de sa créance qu’à hauteur de l’acquisition des terrains dont le prix était de 97 984,91 € et 109 710 €.
Il doit être au surplus relevé que le liquidateur judiciaire verse aux débats les rapports d’enquête établis par maître [D] pour les SCI Les Étangs et Le Rucaër ainsi que le bilan économique et social, rapport sur la situation juridique, sociale et financière de la SCI Le Rucaër établi par Me [Z], en sa qualité d’administrateur judiciaire. Il résulte des deux premiers rapports qu’ils ont été rédigés après que Me [D] eut reçu le 14 mai 2012 en son étude Monsieur [S] [C], représentant la société SI2P, elle-même gérante des SCI, qui lui a fourni les informations qu’ils contiennent. Il en ressort que c’est donc M. [C] qui a expliqué que ‘la SCI Le Rucaër a bénéficié des moyens de financement suivants : un capital social de 10 000 €, un prêt de 2 700 000 € octroyé le 10 octobre 2007 par M. [K] [O] et garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle. Aux termes d’un acte notarié régularisé les 7 et 18 mai 2010, Monsieur [O] a cédé à la société Versantis la créance dont il était titulaire à l’encontre de la SCI. Cette cession de créance a été signifiée à la SCI Le Rucaër le 19 juillet 2010″, que ‘la SCI Les Étangs a bénéficié des moyens de financements suivants : un capital social de 10 000 €, un prêt de 2 300 000 € octroyé le 15 juin 2007 pour une durée de 12 mois par monsieur [G] [O] et garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle. Aux termes d’un acte notarié régularisé les 7 et 18 mai 2010, Monsieur [O] a cédé à la société Versantis la créance dont il était titulaire à l’encontre de la SCI Les Étangs.cette cession de créance a été signifiée à la SCI Les Étangs le 9 juillet 2010″, que les difficultés rencontrées par les deux SCI s’expliquaient par un ‘retrait de la société Versantis qui a cessé d’apporter son concours financier (aux) opération(s) de contruction’et qui aurait engagé une procédure pour réclamer le recouvrement des sommes prêtées. Me [D] a noté que la société SI2P avait bénéficié, de la part des deux SCI, d’une ‘avance’ d’un montant de 1 465 020 € par la SCI Le Rucaër et de 1 201 052 € par la SCI Les Étangs.
Dans son rapport, Me [Z] a fait les mêmes constatations au niveau du groupe Steema quant à l’historique du financement. Il a précisé : ‘selon les indications recueillies lors d’un rendez vous du 13 septembre 2012 qui s’est tenu en présence de monsieur [O] et ses conseils, de Monsieur [C] et de la société SI2P représentée par l’étude de Me [F] [J], Monsieur [O] professionnel du secteur de la finance souhaitant diversifier ses placements dans l’immobilier a été mis en relation avec MM. [C] et [X], initiateurs des projets de promotion, par l’intermédiaire de Me [H] notaire à [Localité 10]. Le financement de ces projets a ainsi été assuré en décembre 2006 par Monsieur [O] qui a investi globalement 18,5 millions d’euros … au titre de divers prêts consentis à chaque SCI de promotion et à la société SI2P pour des durées courtes s’étalant de 7 à 14 mois. M. [C] a indiqué … que son associé et lui-même n’avaient pas investi de fonds autres que le capital social dans ces opérations’.
Ainsi la remise des fonds est établie et elle n’a jamais été contestée par les SCI empunteuses ou leur gérant, la société SI2P, qui a bénéficié à titre ‘d’avances’, de sommes représentant approximativement la moitié des sommes empruntées.
Sur la cause illicite :
Le liquidateur judiciaire soutient que l’opération de promotion immobilière que devaient financer les prêts litigieux reposait elle-même sur une cause illicite, à savoir attirer des investisseurs sans jamais leur délivrer les biens immobiliers, les contrats de prêts n’ayant été conclus qu’aux fins d’orchestrer une vaste fraude aux droits d’investisseurs particuliers, et devant seulement permettre à monsieur [O] puis à la société Versantis de percevoir des sommes indues au titre des intérêts. Elles précisent que cette ‘opération séduction’ a notamment permis de lever pas moins de 14 000 000 € versés par des acquéreurs en l’état futur d’achèvement, qui ont à ce jour perdu leur investissement.
Il n’est pas sérieux de prétendre que Monsieur [O] d’abord, puis la société Versantis, auraient sciemment participé à une vaste escroquerie commise au préjudice des investisseurs, étant souligné ainsi que le relève Me [Z] dans le rapport précité que la société Versantis est le principal créancier des sociétés SI2P et des SCI de promotion, étant précisé que très peu de travaux ont été réalisés par les deux SCI Le Rucaër et Les Étangs, qu’aucun investisseur n’a été démarché , que Me [D] a précisé dans les deux rapports d’enquête que les seules dépenses engagées l’avaient été auprès d’un architecte et d’une société en bâtiment, pour la SCI Le Rucaër, ces deux dettes étant selon le rapport de Me [Z] (page 27) inférieures en tout à 500 000 €, l’autre créance déclarée d’un montant approximativement égal à celles-là, étant celle de la société SI2P, et que l’état du passif pour la société Les Étangs fait seulement apparaître une créance du Trésor public d’un montant de 23 920 € ainsi que celle de la ‘Sacer’ pour un montant de 12 308,27 €.
En toutes hypothèses, ainsi que le prétend à juste titre la société Versantis, la nullité d’un acte de prêt ne dispense pas l’emprunteur de rembourser le capital perçu et ne prive pas d’effet la cession de créance née du contrat de prêt intervenue entre monsieur [O] et la société Versantis.
Le liquidateur judiciaire soutient ensuite que les prêts sont frappés de nullité absolue en ce qu’ils constituent des prêts participatifs interdits aux particuliers.
Il rappelle qu’aux termes de l’article L. 313-13 du code monétaire et financier :
‘L’Etat, ‘les sociétés de financement, les autres sociétés commerciales, les établissements publics ‘, les sociétés et mutuelles d’assurances, les associations sans but lucratif ‘, les mutuelles et unions régies par le code de la mutualité et les institutions relevant ‘ du code de la sécurité sociale peuvent consentir sur leurs ressources disponibles à long terme des concours aux entreprises agricoles, artisanales, industrielles ou commerciales sous forme de prêts participatifs régis par les articles L. 313-14 à L. 313-20. Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l’application des dispositions pénales du titre IV du livre II du code de commerce.
L’attribution d’un prêt participatif à une entreprise individuelle n’emporte pas, par elle-même, constitution d’une société entre les parties au contrat’.
Il soutient que les parties aux deux actes de prêt les ont elles-mêmes qualifiés de prêts participatifs et que l’économie des contrats répond à la définition de tels prêts.
Tout d’abord , il y a lieu de noter que le terme ‘prêt participatif’ apparaît seulement dans la clause relative à la fixation de l’intérêt qui est la même dans les deux prêts litigeux. Il y est stipulé : ‘taux de 0,5 par mois hors assurance’ auquel s’ajoute 1 % par mois hors assurance à titre de prêt participatif (souligné par la cour) pour l’aide apportée à la mise en place du programme’.
L’acte reçu par le notaire entre Monsieur [O] et la SCI Les Étangs est simplement mentionné comme ‘contenant prêt’ et celui reçu entre Monsieur [O] et la SCI Le Rucaër comme ‘contenant prêt à usage’ entre les parties.
En outre, il convient de rechercher la commune intention des parties contractantes sans s’arrêter au sens littéral des termes employés.
Il résulte des actes conclus entre Monsieur [O] et les deux SCI que les prêts litigieux sont des prêts à court terme (12 et 14 mois) pour lesquels des hypothèques conventionnelles ont été consenties par les emprunteurs et dans lesquels les intérêts sont fixes et payables mensuellement. Ils figurent au bilan des SCI, ainsi que cela a déjà été précisé, sous l’intitulé ’emprunts et dettes auprès des établissements de crédit’.
Or les prêts participatifs sont des financements à long terme destinés avant tout à faciliter la création d’une entreprise ou son développement. Les sommes prêtées sont assimilées à des fonds propres et elles doivent être inscrites sur une ligne particulière du bilan de l’organisme qui les consent et de l’entreprise qui les reçoit (article L. 313-14 ). Le remboursement du prêt participatif est décalé par rapport aux autres créanciers, le prêt étant de dernier rang, ce qui signifie qu’en cas de redressement ou de liquidation, le prêteur passera après tous les créanciers munis de sûretés et également après les créanciers chirographaires. La rémunération des prêts participatifs comprend une participation aux bénéfices de l’emprunteur, ce qui implique un intérêt fixe peu élevé et un intérêt variable prenant la forme d’une participation calculée sur différentes bases possibles (article L. 313-17).
Ainsi, outre le fait que ni le prêteur ni l’emprunteur ne sont éligibles aux prêts participatifs, les prêts litigieux ne présentent aucune des caractéristiques des prêts participatifs et sont même complètement à l’opposé de ceux-ci puisqu’il s’agit de prêts hypothécaires, à court terme, s’analysant en des créances privilégiées, prévoyant des intérêts à taux fixes importants puisque payables mensuellement.
Contrairement à ce que soutient l’intimé, la corrélation entre la rémunération de la société Versantis et les résultats du programme immobilier de la société Les Étangs ne ressort pas de l’article 3 de la convention de compte courant du 15 février 2010 qui subordonne le remboursement du solde du compte courant de la société Versantis à la commercialisation de 50 % de son programme immobilier. En effet, les conventions de compte courant sont postérieures au terme des prêts eux-mêmes.
Il s’ensuit que la qualification de prêts participatifs est exclue, le terme ‘prêt participatif’ ayant été utilisé par les parties, non dans le sens technique du code monétaire et financier pour définir le prêt, mais seulement pour signifier que l’intérêt fixé (0,5) a été majoré de 1 % pour rémunérer l’effort consenti par le prêteur qui intervient au démarrage des programmes. Aucune violation des règles du code monétaire et financier n’est caractérisée.
Sur la nature des créances de la société Versantis :
Le liquidateur judiciaire soutient tout d’abord que les créances de la société Versantis sont chirographaires en l’absence de renouvellement régulier des hypothèques et qu’en toutes hypothèses l’inscription des créances en compte, aux termes des deux actes sous seings privés en date du 15 février 2010, a entraîné la perte des sûretés.
Aux termes des deux conventions de compte courant d’associé signées le 15 février 2010, il a été convenu : ‘article 1 : avance en compte courant d’associé : la SCI (Le Rucaër, Les Étangs) ouvre dans ses livres au nom de la société Versantis, qui l’accepte, un compte courant d’associé où seront inscrites toutes les avances de fonds qui interviendraient ou qui seraient consenties par la société Versantis à la demande de la gérance et toutes les créances que la société Versantis serait susceptible de détenir sur la société pour quelque raison que ce soit
article 2: rémunération du compte courant : les sommes versées en compte courant par la société Versantis seront productives d’un intérêt dans les limites du taux annuel fiscalement admis en déduction (article 39-1-3o du CGI).
L’intérêt commencera à courir à compter de la date de mise à disposition des fonds et s’agissant des fonds d’ores et déjà inscrits, à compter de la signature des présentes.
Les intérêts seront décomptés trimestriellement sur une assiette égale à la différence entre le solde du compte le dernier jour du trimestre civil considéré et le solde du compte existant au 1er jour de ce même trimestre civil.
Les intérêts acquis chaque année et laissés à la disposition de la société porteront eux-mêmes intérêts au même taux à compter de l’année suivante.
Article 3 remboursement : de convention expresse entre les parties, la société Versantis s’interdit de solliciter le remboursement des créances figurant au crédit du compte courant ouvert dans les livres de la société (Le Rucaër et Les Étangs) jusqu’à ce que [ces dernières aient] commercialisé 50 % du programme immobilier dont la réalisation est prévue par son objet social et le 31 décembre 2011 au plus tard.
À compter de cette date, le solde du compte courant d’associé sera remboursable à la société Versantis sur première demande moyennant le respect d’un préavis minimum de un mois …
Article 4 règlement des litiges : le présent contrat est soumis au droit français. Tout litige sera de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Créteil’.
Ainsi que le souligne la société Versantis cette convention de compte courant est antérieure aux cessions de créances intervenues les 7 et 10 mai 2010.
Il est constant que la convention de compte courant ne vise pas les prêts objet des cessions de créance, que les cessions de créance ne font aucunement référence aux conventions de compte courant, qu’aucun avenant aux contrats de prêt postérieur aux cessions de créance n’a été conclu entre les sociétés Les Étangs, et Le Rucaër, d’une part, et la société Versantis d’autre part, pour constater la novation, laquelle ne se présume pas, en une avance en compte courant.
Il est d’autre part manifeste que les conventions de compte courant constituent des conventions autonomes relatives aux ‘avances de fonds qui interviendraient ou qui seraient consenties par la société Versantis à la demande de la gérance’, au calcul du taux d’intérêt et à sa périodicité, aux conditions de remboursement, lesquels sont totalement différents de ceux qui sont prévus aux contrats de prêt.
La société Versantis conteste que les prêts consentis aux SCI par Monsieur [O] aient été concernés par la convention de compte courant qui, selon elle, viserait d’autres futures avances. Les intimées affirment que les créances de la société Versantis sont nécessairement entrées en compte courant par l’effet de la convention de compte courant qui stipule que seront inscrites au compte courant d’associé ‘toutes les créances que la société Versantis serait susceptible de détenir sur la société pour quelque raison que ce soit’.
Compte tenu de l’ambiguïté de cette stipulation, dont le sens est différent si on l’analyse isolément ou si on l’inclut dans l’économie de la convention, la cour doit interpréter le contrat d’après la commune intention des parties, sans s’arrêter au sens littéral de ses termes.
La cour relève tout d’abord, ainsi que cela a été vu plus haut, que les contrats de prêts et la convention de compte courant forment deux blocs distincts, incompatibles entre eux, en ce qui concerne leurs stipulations essentielles, étant précisé que les contrats de prêts étaient arrivés à échéance quand les conventions de compte courant ont été conclues, et qu’il est prévu que les intérêts des sommes versées en compte courant par la société Versantis commenceraient à courir ‘à compter de la date de mise à disposition des fonds et s’agissant des fonds d’ores et déjà inscrits, à compter de la signature des présentes’, étant précisé qu’à la date de la signature de la convention, les sommes empruntées, qui avaient été mises à la disposition des sociétés près de trois ans plus tôt, n’étaient pas encore inscrites en compte courant puisque les prêts n’avaient pas encore été cédés à la société Versantis.
Elle note d’une part, qu’il résulte des pièces versées aux débats par le liquidateur judiciaire, et très précisément du rapport de Me [Z], qu’une inscription d’hypothèque conventionnelle a été prise pour sûreté du prêt par monsieur [O] à la conservation des hypothèques de Guingamp le 4 novembre 2007, que la cession de créance a été mentionnée en marge de l’inscription hypothécaire, laquelle a été renouvelée, que par exploit d’huissier de justice du 19 avril 2012 un commandement de payer valant saisie immobilière a été délivré à la SCI Le Rucaër, qui a été régulièrement publié le 2 mai 2012, qu’ainsi la société Versantis s’est comportée en créancier hypothécaire.
D’autre part il est difficile de concevoir que la société Versantis soit devenue associée des SCI, qui ne remboursaient ni les prêts, ni les intérêts, pour avoir un droit de regard sur leur gestion, et que simultanément elle se soit privée des privilèges attachés à ses créances.
La cour souligne d’autre part, qu’il ressort du même rapport de Me [Z] (pages 24 et 25), que cet administrateur judiciaire a constaté en examinant les livres comptables de la SCI Le Rucaër qu’en 2011, c’est-à-dire postérieurement à la signature de convention de compte courant, le poste ‘autres créances’ comprenait ‘des intérêts participatifs’ versés à la société Versantis pour 337 500 € et que le bilan mentionne pour 2009, 2010, 2011, sous la ligne ’emprunts’ qui vise le prêt d’un montant de 2 700 000 €, la ligne ‘dettes financières diverses’, c’est-à-dire les intérêts de cet emprunt qui ont été de 351 000 € en 2009, 351 000 € en 2010 et 523 632 € en 2011. ll n’est pas contesté que la situation de la société Le Rucaër est transposable à la SCI Les Étangs, en ce qui concerne le payement des intérêts, la société SI2P étant intervenue devant le juge-commissaire, ainsi que cela a été vu plus haut, pour demander le remboursement des intérêts conventionnels versés.
Il découle de ce qui précède que les prêts litigieux n’ont pas été inscrits en compte courant et qu’ils ont été exécutés suivant les modalités prévues dans les contrats de prêts conclus en 2007 et non pas selon celles des conventions de compte courant signées en 2010.
La société Versantis justifie avoir régulièrement renouvelé les inscriptions d’hypothèque.
Il s’ensuit que le caractère privilégié des créances de la société Versantis sur les SCI Le Rucaër et Les Étangs, au titre des prêts, est établi.
Sur le quantum de la créance :
Le liquidateur judiciaire fait valoir qu’aux termes de l’article L. 313-2 du code de la consommation ‘le taux effectif global déterminé comme il est dit à l’article L. 313-1 alinéa 1er doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section’ et que la jurisprudence a appliqué cette règle à tous les prêts.
Il ajoute que l’indication dans un écrit du taux effectif global est une mention substantielle prescrite ad validitatem.
Il est exact que les deux contrats de prêt litigieux devaient contenir la mention du taux effectif global et constant qu’il ne figure dans aucun des deux contrats de prêt de stipulation par écrit du taux effectif global.
En cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de crédit conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juillet 2019, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur.
En l’espèce et comme le demande subsidiairement le liquidateur judiciaire, la cour dira que le prêteur est suffisamment sanctionné et l’emprunteur suffisamment indemnisé par la substitution du taux légal au taux conventionnel, l’intérêt au taux légal étant payable annuellement, à compter de la date des contrats soit le 15 juin 2007 pour la SCI Les Étangs et le 10 octobre 2007 pour la SCI Le Rucaër, jusqu’au remboursement total des sommes prêtées, étant précisé qu’en l’espèce sont applicables les dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le liquidateur ès qualités, qui succombe et qui sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, ne peut prétendre à l’octroi de sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile , l’équité commande au contraire de le condamner, ès qualités, à payer la somme de 5 000 € à ce titre à la société Versantis.
Les dispositions du jugement sur ces points seront infirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de sa saisine,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT les actes notariés de cession de créance reçus les 7 et 18 mai 2010 en l’étude de maître [W] [H] opposables à la liquidation judiciaire des sociétés Les Étangs et Le Rucaër ;
DÉBOUTE maître [B] [P] [U], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SI2P et des SCI Les Étangs et Le Rucaër, de sa demande tendant à prononcer la nullité des prêts consentis le 15 juin 2007 et le 10 octobre 2007, respectivement à la SCI Les Étangs et à la SCI Le Rucaër, pour absence de cause, pour illicéité de la cause ou parce qu’ils constituent des prêts participatifs ;
DIT que la société Versantis justifie du caractère hypothécaire de ses créances au titre des prêts consentis le 15 juin 2007 à la société Les Étangs et le 10 octobre 2007 à la SCI Le Rucaër ;
DÉCHOIT la société Versantis de son droit aux intérêts conventionnels,
DIT que l’intérêt au taux légal sera appliqué annuellement aux prêts consentis le 15 juin 2007 pour la SCI Les Étangs et le 10 octobre 2007 pour la SCI Le Rucaër, jusqu’au remboursement total des sommes prêtées, étant précisé qu’en l’espèce sont applicables les dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce ;
CONDAMNE maître [B] [P] [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SI2P et des SCI Les Étangs et Le Rucaër, à payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens de première instance et d’appel seront comptés en frais de liquidation judiciaire et recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT