Affaire Vente-privée : la rupture brutale de relations commerciales

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Affaire Vente-privée : la rupture brutale de relations commerciales
Ce point juridique est utile ?

Le transfert des prestations à une filiale n’interrompt pas le cours d’une relation commerciale établie.

L’article 442-1-II du code de commerce dispose que :

Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

En la cause, la cour a infirmé le jugement en ce qu’il a fixé le délai de préavis raisonnable de rupture de la société vente-privée avec son logisticien à huit mois, et a retenu un délai de quatre mois et demi.

Résumé de l’affaire : Le tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement le 27 juin 2022, joignant deux affaires et déboutant la société Vente-privée logistique de sa demande de mise hors de cause de la société Vente-privée.com. Les deux sociétés ont été condamnées in solidum à verser 269.798 euros à la société Stocklog pour rupture brutale de la relation commerciale, ainsi qu’à payer 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes ont été rejetées. Les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique ont interjeté appel le 11 juillet 2022.

Dans le cadre de l’appel, les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique ont demandé la mise hors de cause de Vente-privée.com, la déclaration d’irrecevabilité des demandes de Logi-Presse (successeur de Stocklog), et l’infirmation du jugement initial. Elles ont également soutenu que la relation commerciale avec Stocklog avait cessé en janvier 2018 et que Logi-Presse n’avait subi aucun préjudice.

De son côté, Logi-Presse a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que la rupture des relations commerciales était brutale et que des indemnités plus élevées étaient justifiées.

Le tribunal a finalement donné acte de l’intervention de Logi-Presse, a infirmé le jugement en partie, a reconnu la rupture régulière de la relation commerciale avec un préavis de quatre mois et demi, et a débouté Logi-Presse de ses demandes. Logi-Presse a été condamnée aux dépens et à verser 7.000 euros à chacune des sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/13114
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13114 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFDK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2022000263

APPELANTES

S.A. VENTE-PRIVEE.COM

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 434 317 293

S.A.S.U. VENTE-PRIVEE LOGISTIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 9]

[Localité 1]

immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 452 650 500

Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée de Me Nolwenn LOYER-SAAD, avocate au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A.R.L. STOCKLOG

prise en lapersonne des ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Me Frank LESEUR, avocat au barreau de MEAUX

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE:

Société LOGI-PRESSE

prise en la personne de ses représentants légaux

venant aux droits de la société STOCKLOG à la suite d’une fusion-absorption

[Adresse 6]

[Localité 4]

immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 334 785 144

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Me Frank LESEUR, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Denis ARDISSON, Président de chambre

Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE,conseillère,

CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère, chargée du rapport,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 27 juin 2022 par lequel il a, joint les deux affaires RG 2021000636 et RG 2021047939 sous le seul et même numéro de RG J2022000263, débouté la société Vente-privée logistique de sa demande de mise hors de cause de la société Vente-privée.com, condamné in solidum les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique à payer à la société Stocklog la somme de 269.798 euros d’indemnité au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, débouté la société Stocklog du surplus de sa demande à ce titre, condamné in solidum les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique à payer à la société Stocklog la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté comme inopérantes ou mal fondées toutes conclusions plus amples ou contraires au présent jugement et en a débouté respectivement les parties et condamné in solidum les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique aux dépens ;

* *

Vu l’appel du jugement par les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique enregistré le 11 juillet 2022 ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 juin 2024 pour les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique afin d’entendre, en application des articles L. 442-1-II du code de commerce, 1103 et 1104 du code civil :

– pendre acte de l’intervention de la société Logi-Presse venant aux droits de la société Stocklog suite à fusion absorption,

-recevoir les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique en leur appel,

– débouter la société Logi-Presse de son appel incident,

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

in limine litis,

– constater que la société Stocklog n’était plus en relation d’affaire avec Vente-privée.com depuis le mois de janvier 2018,

– déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Logi-Presse à l’encontre de Vente-privée.com,

– mettre hors de cause la société Vente-privée.com,

sur le fond,

– constater que la relation commerciale entre Vente-privée logistique et/ou Vente-privée.com et Stocklog devenue Logi-Presse n’était pas établie au sens de l’article L. 442-1-II du code de commerce,

– constater que la société Logi-Presse venant aux droits de la société Stocklog n’a subi aucun préjudice moral,

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Logi-Presse venant aux droits de société Stocklog,

subisidiairement,

– constater l’absence de caractère brutal de la rupture des relations commerciales entre les sociétés Stocklog devenue Logi-Presse et Vente-privée logistique et /ou Vente-privée.com,

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Logi-Presse,

très subsidiairement,

– constater que l’absence de pièces justificatives relatives notamment aux charges variables et fixes à déduire du chiffre d’affaire escompté par la société Stocklog ne permet pas de justifier du calcul de la perte de marge brute dont il est réclamé le paiement,

– rejeterla demande indemnitaire formulée à hauteur de 1.214.091 euros par la société Logi-Presse venant aux droits de la société Stocklog à l’encontre de Vente-privée logistique et de Vente-privée.com,

en tout état de cause,

– condamner la société Logi-Presse à verser la somme de 10.000 euros à la société Vente-privée logistique et celle de 10.000 euros à la société Vente-privée.com au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 28 mai 2024 pour la société Logi-Presse, intervenant volontairement comme venant aux droits de la société Stocklog afin d’entendre, en application des articles L. 442-1 II et suivants et L. 420-2, alinéa 2, du code de commerce, 1103, 1104 et suivants du code civil :

– recevoir la société Logi-Presse, venant aux droits de la Société Stocklog à la suite d’une fusion-absorption, en ses conclusions d’intimée et d’appel incident et les déclarer bien fondées,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Vente-privée.com de sa demande de mise hors de cause, jugé que les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique ont rompu brutalement leur relation commerciale établie d’une durée de 4 années avec la société Stocklog, jugé que le montant de la marge mensuelle moyenne de la société Stocklog à retenir est de 67.449,50 euros, condamné in solidum les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique à payer à la société Stocklog la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation in solidum des sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique au paiement de la somme de 269.798 euros d’indemnité au titre de la rupture brutale de la relation commerciale et débouté la société Stocklog de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral pour manquement au devoir de loyauté et de bonne foi,

statuant à nouveau,

– condamner in solidum les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique à payer la somme de 1.214.091 euros d’indemnité au titre de la rupture brutale de la relation commerciale avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2020,

– condamner in solidum les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique à payer la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice moral pour manquement au devoir de loyauté et de bonne foi,

– condamner in solidum les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique à payer la somme de 20.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

Et pour la clarté de la discussion, la cour adoptera la dénomination de la société Stocklog venant aux droits de la société Logi-Presse en cause d’appel.

1. Il sera succinctement rapporté que la société Stocklog, devenue Logi-Presse et dirigée par M. [X], détenue par la société holding Financelog, dirigée par M. [F], poursuit une activité de prestations de logistique dans des entrepôts situés, notamment, à [Localité 5].

2. Par un contrat manuscrit du 5 juillet 2016, M. [F] a convenu au nom de la société LogiPresse les conditions tarifaires pour la durée d’un an dédiées au stockage de 3400 palettes de marchandise de la société Vente-privée.com.

3. Par courriel du 4 janvier 2018, la société Vente-privée.com a demandé à la société Stocklog d’adresser ses factures de stockage à sa filiale la société Vente-privée logistique.

4. Par un courriel du 14 octobre 2019, M. [Y] , directeur de la société Vente-privée logistique, a adressé un courriel à l’adresse électronique ‘[Courriel 10] aux termes duquel il est indiqué que :

‘[I] et moi tenons tout d’abord à vous remercier pour votre accueil et la qualité de nos échanges lors de notre rencontre qui s’est tenue jeudi dernier.

Comme évoqué avec vous lors de cette rencontre et dans le cadre du vidage de nos stocks, nous prévoyons une fin de prestation à fin de février 2020 sur l’ensemble des 2 sites Garonor et Compan.

Afin de pouvoir respecter cette date, il est indispensable de mettre les moyens nécessaires évoqués lors de notre réunion et dont vous trouverez une synthèse ci-dessous.’

5. Puis le 19 novembre 2019, M. [Y] , a adressé un second courriel à nouveau à l’adresse électronique ‘[Courriel 10] avec pour objet ‘protocole de sortie’, auquel étaient attachés une proposition de ‘lettre-accord’ ainsi qu’un ‘planning définitif de sortie’ et dans lequel il était indiqué :

‘Vous trouverez, en pièce joint la lettre d’accord ainsi que le planning du tri et des expéditions dans le cadre du plan de sortie. Celui-ci reprend les éléments évoqués lors de notre point du jeudi 10 octobre 2019 sur le site de [Localité 7].

Comme évoqué par téléphone ce jour, après relecture de celui-ci, nous attendons votre validation pour procéder à la signature du courrier.’

6. A la suite d’une réunion du 6 mars 2020 qui s’est tenue entre les parties à la relation d’affaire, la société Stocklog a dénoncé par lettres des 9 mars et 14 mai 2020 la rupture brutale de la relation commerciale établie depuis quatre ans alors qu’en raison du chiffre d’affaires et de ses investissement, la société Stocklog était placée sous leur dépendance économique de la société Vente-privée.

7. Après que les société Stocklog ait terminé l’enlèvement de toutes les palettes dans ses entrepôts, différée au 26 juin 2020 en raison de la pandémie de la Covid 19 et des mesures de confinement du Gouvernement, la société Stocklog a assigné devant le tribunal de commerce de Paris le 16 décembre 2020 les sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique en dommages et intérêts fondés sur la rupture brutale de la relation commerciale établie ainsi qu’en réparation de son préjudice moral.

I. Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la Vente-privée.com

8. Pour voir infirmer le jugement en ce qu’il a dit recevable l’action de la société Stocklog en condamnation solidaire de la société Vente-privée.com avec la société Vente-privée logistique, les appelantes opposent le principe d’autonomie de la personne morale des deux sociétés du groupe auquel ne déroge pas le fait que l’une soit détenue à 100 % des parts de l’autre, et relèvent, d’autre part, qu’en matière de relation commerciale établie, la preuve d’une solidarité est subordonnée à la démonstration que les deux entretenaient directement cette relation commerciale.

9. Elles se prévalent ainsi de la publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du 20 décembre 2017 de la décision de l’apport partiel d’actif par lequel la société Vente-privée.com a transféré à la société Vente-privée logistique toute son activité logistique, ce dont la société Vente-privée.com avait expressément informé la société Stocklog par courriel du 4 janvier 2018 aux termes duquel elle lui a indiqué que :

‘dans le cadre d’une dynamique d’amélioration des services proposés à ses membres, Vente-privée.com a décidé de mettre en place une filiale en charge de la gestion des prestations logistiques de Vente-privee.com.

Ainsi, à compter d’aujourd’hui, toutes les factures concernant la logistique doivent être adressées à : Vente-privee Logistique, [Adresse 2].

N° de TVA intracommunautaire : FR 12 452 650 500

Le RIB est en pièce jointe, ainsi qu’une fiche de renseignement.’

10. Les sociétés Vente-privée logistique et Vente-privée.com se prévalent en outre des correspondances que la première a, seule, adressées à son nom à la société Stocklog au titre de la rupture de leur contrat d’octobre 2019 à 29 mai 2020.

11. Et pour contester la preuve que la société Vente-privée.com donnait des instructions à la société Stocklog relatives à la gestion du transport des marchandises et que celle-ci prétend déduire des courriels (pièces n° 30 à 39) émis par MM. [K], [P], [R] et [Y] à partir de l’adresse électronique Vente-privée.com, la société Vente-privée logistique met aux débats une attestation de son directeur général selon laquelle MM. [K], [P], [R] et [Y] étaient tous ses employés, et non ceux de la société Vente-privée.com

12. Toutefois, la société Stocklog produit en pièce n°21 un courriel que lui a adressé le 31 décembre 2018 M. [V], présenté comme directeur des opérations logistiques établi à l’adresse de la société Vente-privée.com à [Localité 11], dont il n’est pas établi qu’il était salarié de la société Vente-privée logistique, et qui a informé la société Stocklog, en réponse à ses interrogations, des procédures à suivre pour ‘Point n°1 : facturation des palettes stockées’, du rappel de l’application du contrat et les directives pour les tarifications du traitement des ordres de transfert ‘Point n°2 :activité complémentaire OT « Main d’oeuvre ” tri + quai’, de ce que, suivant le Point n°3, ‘ll n’y [avait] pas de changement en terme de contacts privilégiés’ avec MM [K], [Y] et [B] et que ‘Si ce canal de communication ne suffit pas, ou/ et n’est pas efficace, [M. [V] devenait] alors votre interlocuteur’, ce courriel se terminant par l’information :

En conclusion, Nous vous réitérons toute notre confiance, quant à la gestion et le pilotage de notre dossier. Et je vous confirme qu’il n’y aucune remise en cause de notre part du partenariat établi depuis plusieurs années. Mais qu’aux vues des montants importants facturés sur les trois derniers mois, nous avons besoin d’une meilleure maîtrise de nos coûts versus les différents flux traités.

13. Il s’en déduit la preuve de l’immixtion dans les prestations de logistique, si ce n’est la direction même, de la société Vente-privée.com dans la définition du cadre contractuel des relations d’affaires avec sa filiale pour les prestations logistique avec la société Stocklog, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré l’action recevable de ce chef.

14. Pour la suite de la discussion, la cour désignera les deux sociétés par le nom de ‘vente-privée’.

II. Sur le bien fondé de la rupture brutale de la relation commerciale établie

15. Il est rappelé que l’article 442-1-II du code de commerce dispose que :

Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

– d’après la preuve de l’existence d’une relation commerciale établie 

16. Pour entendre infirmer le jugement en premier lieu, en ce qu’il a retenu l’existence d’une relation commerciale établie entre les parties de quatre ans, les sociétés Vente-privée estiment que la société Stocklog ne pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires, alors qu’après que la relation commerciale a d’abord été interrompue avec la société Vente-privée.com, et que celle qui a reprise avec la société Vente-privée logistique n’a duré que deux ans de janvier 2018 à 30 juin 2020.

17. Les sociétés Vente-privée soutiennent d’autre part que la société Logistique connaissait la précarité de la relation commerciale, alors qu’aucune exclusivité ni engagement de flux stockage de marchandises n’ont été convenus entre les sociétés Logistique et Stock, lesquelles n’ont par ailleurs signé aucun contrat écrit.

18. Elles se prévalent encore des termes du courriel du 31 décembre 2018 cité ci-dessus en conclusion duquel M. [V] avait indiqué les difficultés que posait à l’entreprise le coût du transport qu’elle supportait et qui résultait des prix excessifs réclamés par la société Stocklog pour le stockage des marchandises de deux à trois fois supérieurs à ceux pratiqués par les autres entreprises de stockage des sociétés Vente-privée, en particulier par une application uniforme des tarifs y compris pour les cellules de stockages qui ne faisait pas l’objet d’un bail précaire supporté par les sociétés Vente-privée.

19. Par ailleurs, les sociétés Vente-privée contestent la stabilité du chiffre d’affaires de la société Stocklog et dont elles soutiennent que la progression en 2018 résulte seulement de l’augmentation du tarif de stockage qu’elle a facturé en 2017 en moyenne à 11,30 euros par palette par mois contre 14,30 euros en 2018.

20. Enfin, elles contestent être à l’origine des investissements dont la société Stocklog soutient qu’elle a dû les dédier à l’accroissement des prestations de stockage qu’elles lui aurait confiées, la société Stocklog n’établissant par ailleurs pas la preuve qu’elle a conclu de nouveaux baux commerciaux pour la mise à disposition d’entrepôts supplémentaires.

21. Néanmoins, il est constant que la relation commerciale engagée en 2016 entre la société vente-privée.com et la société vente-privée logistique s’est poursuivie pour le même objet et aux mêmes conditions à l’occasion du transfert des opérations de logistiques de la société mère à sa filiale, étant au surplus relevé au point 1 ci-dessus que la première avait conservé la direction du cadre contractuel exécuté par la seconde.

22. Et tandis que ni les moyens tirés de l’absence d’exclusivité, ou d’un accord sur un minimum de commandes, ni davantage les investissements de la prestataire, ne sont de nature, par eux-mêmes, à contester la tangibilité et la durée de la relation commerciale attestée par le chiffre d’affaires réalisé sur les quatre années de relation commerciale, les premiers juges ont dûment retenu la réalité de cette relation était établie pendant quatre ans.

– d’après la preuve de la dénonciation de la rupture avec préavis

23. Pour voir infirmer le jugement en ce qu’il a relevé le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie et subsidiairement, les sociétés Vente-privée se prévalent d’abord de l’information de la société Stocklog sur les tarifs excessifs qu’elle pratiquait basée sur une prestation de ‘stockage précaire’ au lieu du ‘stockage classique’, de sorte qu’elle ne pouvait être surprise par leur décision de rompre la relation commerciale.

24. Afin d’établir la preuve qu’elles ont manifesté leur intention non équivoque de ne pas poursuivre la relation commerciale et fait courir un délai de préavis régulièrement délivré pour la durée de quatre mois et demi, les sociétés Vente-privée se prévalent, d’abord des termes du courriel auquel était attaché un planning adressé le 14 octobre 2019 à M. [F] cité au paragraphe 4 ci-dessus.

25. Et pour conforter cette preuve, les sociétés Vente-privée se prévalent du courriel adressé le 19 novembre 2019 à M. [F] cité au paragraphe 5 ci-dessus avec pour objet ‘protocole de sortie’ et auquel étaient attachés une proposition de ‘lettre-accord’ ainsi qu’un ‘planning définitif de sortie’.

26. La société Stocklog conteste pour sa part ces appréciations en relevant, en liminaire, que les sociétés Vente-privée étaient informées des différences de tarification du stockage des palettes et que par ailleurs pendant les quatre années de relation commerciale, elle n’a pas reçu de courrier formulant des reproches, et de sorte que la rupture n’était pas prévisible.

27. Elle relève que la preuve de la réalité des réunions et des échanges dont elles ont été l’occasion et que les sociétés Vente-privées invoquent n’est pas rapportée et qu’il est par ailleurs constant qu’elle n’a pas signé la lettre-accord que la société Vente-privée logistique lui a adressée.

28. La société Stocklog conclut que les courriels des 14 octobre et 19 novembre 2019 n’annoncent pas clairement et sans équivoque la fin de leur relation commerciales, le point de départ ainsi que la durée du délai de préavis, et informent non d’une cessation définitive des relations commerciales, mais d’une simple éventualité.

29. La société Stocklog retient enfin, que M. [F] n’était pas investi du pouvoir pour recevoir la dénonciation de la rupture du contrat à la place du représentant légal de la société Stocklog pris en la personne de son gérant, M. [L] [X], et qu’en tout état de cause, la preuve que M. [F] a été destinataire du courriel du 14 octobre 2019 n’est pas rapportée par l’expertise informatique non contradictoire que les sociétés Vente-privée en ont confiée à M. [W].

30. Au demeurant, en premier lieu, l’activité de stockage de marchandises que les sociétés Vente-privée ont convenue avec la société Stocklog a, dans sa nature, pour objet et pour effet de confier au prestataire de logistique un flux d’entrées et de sorties de marchandises.

31. Il en résulte qu’entre professionnels du stockage et de l’acheminement de marchandises, le courriel précité du 14 octobre 2019 indiquant que ‘dans le cadre du vidage de nos stocks, nous prévoyons une fin de prestation à fin de février 2020’ ainsi que la communication du planning hebdomadaire pour cette opération jusqu’à son terme défini, dénoncent sans équivoque par écrit la rupture de la relation commerciale fondée sur le flux de marchandises devant être stockées ainsi que son préavis dans les conditions de l’article 442-1-II du code de commerce précité.

32. En deuxième lieu, les sociétés Vente-privée rappellent que M. [F] est l’auteur du contrat manuscrit du 5 juillet 2016 et relèvent que d’après l’essentiel des courriels produits par la société Stocklog, M. [F] se présente sous la mention ‘LOGIPRESSE / STOCKLOG’ pour communiquer les tarifs de stockage de la société Stocklog (pièce n°22), décidait d’approuver ou non les commandes (pièces Stocklog n°24, 40, 41), la cour relevant en outre que l’essentiel des autres courriels dont la société Stocklog se prévaut, n°23 à 28 et n°31 à 46, M. [F] est aussi destinataire en premier ou en copie des échanges de courriels entre les sociétés Stocklog et Vente-privée.

33. Au surplus, M. [X], atteste dans sa correspondance du 9 mars 2020 qu’il a reçu le courriel du 19 novembre 2019 dans lequel était joint le protocole d’accord et par lequel les sociétés Vente-privée ont réitéré les conditions de délai de déstockage de leurs produits dans les entrepôts de la société Stocklog, il se déduit de ce faisceau de présomptions graves, précises et concordantes la preuve que M. [F], gérant de la société mère XXX, exerçait une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et indépendance sur sa filiale société Stocklog, le représentant de celle-ci ayant par ailleurs accusé réception du protocole de sortie du contrat adressé le 19 novembre 2019.

34. Alors enfin que l’expertise privée de l’enregistrement électronique du transfert du courriel précité du 14 octobre 2019 depuis la messagerie de M. [Y] de la société Vente privée logistique, à l’adresse électronique de M. [F] n’est pas pertinemment contestée par la société Stocklog, et que derechef et au surplus, le représentant de la société Stocklog reconnaît avoir reçu le courriel du 19 novembre 2019, il convient pour l’ensemble de ces motifs d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu que la relation commerciale a été dénoncée sans préavis le 6 mars 2020 et de dire régulière la rupture dénoncée le 14 octobre 2019 avec un préavis à la fin du mois de février 2020.

– d’après l’appréciation du délai de préavis nécessaire et suffisant

35. Les sociétés Vente-privée contestent la durée de préavis de huit mois que les premiers juges ont jugé raisonnable pour justifier l’allocation d’une indemnité de rupture, et soutiennent qu’était suffisant pour permettre à la société Stocklog de redéployer son activité, le délai de quatre mois et demi qu’elles ont dénoncé dans le courriel du 14 octobre 2019, ou subsidiairement le délai de sept mois qui a séparé la dénonciation par courriel du 19 novembre 2019 et le 26 juin 2020, jour de l’enlèvement définitif de leurs marchandises dans les entrepôts de la société Stocklog.

36. La société Stocklog se prévaut quant à elle de la dépendance économique que les premiers juges ont retenu, mais prétend que celle-ci justifie la reconnaissance d’un préavis de dix-huit mois en se prévalant, en premier lieu, du chiffre d’affaires réalisé avec les sociétés Vente-privée qui représentait 12,64 % de son chiffre d’affaires total en 2016 , puis 58,30 % en 2017, 76,47 % en 2018 et 64,26 % en 2019, la société Stocklog établissant par ailleurs la preuve qu’elle a enregistré au bilan de l’année 2020 une perte de 305.737 euros.

37. La société Stocklog se prévaut en second lieu de ce que, pour répondre aux demandes volumétriques de stockage des sociétés Vente-privée, sa société holding Financelog a dû souscrire deux baux commerciaux, le premier le 4 décembre 2017 auprès de la société Progolis France CXLV pour des locaux situés à [Localité 8] d’une surface de stockage de 10.000 m², pour une durée de neuf ans au prix annuel de 586.872 euros HT, outre 120.400 euros de charges annuelle et 119.000 euros de taxes, et le second bail le 29 novembre 2018 pour des entrepôts situés à [Localité 8] pour une surface de 6.940 m² et moyennant un loyer annuel de 388.640 euros HT outre 64.500 euros de charges et 92.800 euros de taxes. Elles se prévaut encore des de l’embauche en intérim de personnels supplémentaire en mars et juin 2017 ainsi qu’en novembre 2018.

38. Toutefois, la dépendance économique de la société Stocklog dont elle supporte la charge de la preuve, ne peut se déduire de la seule part arithmétique du chiffre d’affaires réalisée avec les sociétés Vente-privée dans le chiffre total de son activité, ou de celle des salariés embauchés en intérim, et doit être étayée par la preuve des moyens et des efforts qu’elle a déployés pour obtenir de nouveaux contrat dans la durée du préavis de quatre mois et demi que les sociétés Vente-privée ont dénoncé, et par conséquent des contrats qu’elle a effectivement pu souscrire ou manquer pendant cette période, étayée au besoin par la preuve de sa situation particulière et des obstacles posés par la concurrence avec les entreprises de son secteur et des offres du marché.

39. Ainsi que le relèvent les sociétés Vente-privée, la société Stocklog n’établit pas les conditions financières auxquelles la société Financelog lui a consenti la location des entrepôts que celle-là a souscrit auprès de tiers, de sorte qu’il ne peut être déduit arithmétiquement qu’elle supportait la charge de ces locations, ni par conséquent que cet investissement était exclusivement dédié à la relation commerciale entre les sociétés Vente-privée et la société Stocklog.

40. La cour constate d’autre part que la société Stocklog ne produit aucun élément de nature à apprécier son effort pour la recherche de clients de subsitution au flux d’affaire entretenu avec les sociétés Vente-privée sur la durée de préavis du 14 octobre 2019 à la fin du mois de février 2020, ceci, avant que les mesure de confinement du Gouvernement du 17 mars au 11 mai 2020 en réponse à la pandémie de la Covid 19 ne perturbent l’activité économique des entreprises en particuliers dans le secteur des logisticiens.

41. Pour l’ensemble de ces motifs, la cour infirmera le jugement en ce qu’il a fixé le délai de préavis raisonnable à huit mois, retiendra que le délai de quatre mois et demi notifié le 14 octobre 2019 était suffisant et déboutera par conséquent la société Stocklog de sa demande indemnitaire sur le fondement de l’article 442-1-II du code de commerce.

III. Sur les dommages et intérêts fondés sur le préjudice moral

42. Pour réclamer la condamnation des sociétés Vente-privée à payer la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qui est résulté de leur manquement au devoir de loyauté et de bonne foi, la société Stocklog leur fait grief d’avoir dissimulé leur statégie d’externalisation de la gestion de leur stock de marchandises et d’avoir créé la dépendance économique de la société Stocklog avant d’anticiper déloyalement la réorientation de la gestion de leur stock par d’autres sociétés de logistique qu’elle a découverte et dénoncé le 6 mars 2020.

43. Toutefois, l’essentiel de ces moyens est contraire à la discussion et aux motifs adoptés au point 2 de l’arrêt ci-dessus à la suite desquels les conditions de la rupture commerciale est déclarée régulière, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

IV. Sur les dépens et les frais irrépétibles

44. La société Stocklog succombant à l’action, le jugement sera infirmé ce qu’il a décidé de la charge des dépens et des frais irrépétibles, et statuant à nouveau de ces chefs y compris en cause d’appel, elle sera condamnée à payer les dépens ainsi qu’à verser à chacune des sociétés Vente-privée la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

DONNE acte à la société Logi-Presse de son intervention volontaire aux droits de la société Stocklog ;

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf celles qui ont dit recevable l’action de la société Stocklog à l’encontre de la société Vente-privée.com, retenu l’existence d’une relation commerciale établie de quatre ans et débouté la société Stocklog  de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

DIT régulière la rupture de la relation commerciale établie avec un préavis de quatre mois et demi ;

DÉBOUTE la société Logi-Presse de l’ensemble de ses demandes de ce chef ;

CONDAMNE la société Logi-Presse aux dépens de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la société Logi-Presse à payer à chacune des sociétés Vente-privée.com et Vente-privée logistique la somme de 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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