Affaire Valeurs Actuelles : la sanction contractuelle de contenus racistes
Affaire Valeurs Actuelles : la sanction contractuelle de contenus racistes
Ce point juridique est utile ?

La résiliation anticipée du contrat de commercialisation d’espaces publicitaires est légitime en cas de publication, par l’éditeur, de contenus à caractère raciste.  L’éditeur Valeurs Actuelles a été débouté de son action en responsabilité contractuelle contre la plateforme Taboola.

Le contrat liant les parties stipulait que « l’éditeur ou Taboola pourront résilier le présent contrat immédiatement dans le cas où l’autre partie ne remédie pas à une violation essentielle du présent contrat et cette violation (s’il est possible d’y remédier) n’est pas réparée dans le délai de 5 jours à compter de la réception d’une mise en demeure écrite d’y remédier (un courriel est suffisant et la réception de ce courriel sera réputée avoir lieu 24 heures après l’envoi du courriel). Pour plus de clarté, toute violation du paragraphe 2 (‘conditions d’utilisation de la plateforme’) sera considérée comme une violation substantielle qui ne peut être réparée, autorisant la partie non fautive à résilier immédiatement le présent contrat’.

L’éditeur ne mettra pas en place la plateforme sur des biens qui comportent un contenu conçu pour promouvoir la haine de tout groupe social basé sur, sans que cela soit limitatif, l’ethnie, la race, la religion, l’orientation sexuelle, le statut de genre ou transgenre, ou conçu pour harceler, offenser, choquer, ou causer ou favoriser un préjudice à tout individu (…). Taboola se réserve le droit de supprimer les services des pages des biens qu’elle estime, de manière discrétionnaire, violer ce qui précède’ ;

L’éditeur n’engagera aucune action ou pratique qui dénigrerait ou dévaluerait Taboola, ses filiales ou les services ».

La société Taboola France a fait valoir avec succès que la publication d’un article sur une députée représentée en femme noire esclave dans l’hebdomadaire Valeurs Actuelles était ouvertement raciste et avait  d’ailleurs donné lieu à l’ouverture par le Parquet de Paris d’une enquête pour injures à caractère raciste.

Le fait que l’article ait été publié dans la version numérique du titre de presse a été jugée indifférente : la ligne éditoriale du journal Valeurs Actuelles est unique, indépendamment du support numérique ou papier sur lequel sont publiés les articles de presse et la couverture médiatique retentissante de la publication litigieuse a concerné l’ensemble de la ligne éditoriale du journal Valeurs Actuelles qui s’est vu associé à cette publication discriminatoire et offensante, fortement fustigée, sans ligne de démarcation entre les deux supports.

Il ne ressortait pas avec l’évidence requise en référé que la résiliation était manifestement intervenue en dehors des clauses contractuelles, tant la distinction des deux supports papier et numérique n’est pas aussi nette que le prétend l’éditeur puisqu’à la suite de l’émoi suscité par la publication dans la revue papier, la rédaction du journal Valeurs Actuelles a présenté ses excuses par l’intermédiaire d’un long communiqué de presse.

Par ailleurs, le contenu en cause était susceptible de recevoir une qualification pénale, si bien que l’atteinte à la liberté de la presse n’était pas manifeste (absence de trouble manifestement illicite).

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 07 AVRIL 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/15038 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQRH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Octobre 2020 -Président du TC de PARIS – RG n° 2020042967

APPELANTE

SASU TABOOLA FRANCE prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée par Me DE BERARD François, avocat au Barreau de PARIS, toque : R170

INTIMEE

S.A.S.U. VALMONDE ET CIE – COMPAGNIE FRANCAISE DE JOURNAUX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Robin CASTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B1161

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Février 2021, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Carole CHEGARAY, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Carole CHEGARAY, Conseillère

Edmée BONGRAND, Conseillère

Greffier, lors des débats : Olivier POIX

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

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La société Taboola France SAS est une société spécialisée dans la fourniture de prestations de services de publicité numérique et la vente de contenus internet à des éditeurs et annonceurs. Son activité consiste à mettre en relation des éditeurs de site internet de presse et des annonceurs souhaitant insérer leurs contenus publicitaires sur internet.

La société Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux- (dite Valmonde et Cie) est une société éditrice de journaux et revues, notamment des titres de presse ‘Valeurs actuelles’ et ‘Mieux vivre votre argent’. Elle exerce une partie de son activité en ligne, via les sites internet valeursactuelles.com et mieuxvivre-votreargent.fr dont elle est éditrice.

Ces deux sociétés ont conclu un contrat éditeur le 7 février 2020 d’une durée de trois ans arrivant à échéance le 7 février 2023.

Par courriel du 17 septembre 2020, à la suite de la publication par le journal Valeurs Actuelles le 27 août 2020 d’une fiction politique concernant la députée Y X, intitulée ‘Y X au temps de l’esclavage !’, la société Taboola France a fait part à la société Valmonde et Cie de son intention de mettre fin au contrat avec effet immédiat, motif pris de ce que les ‘contenus qui sont, ou qui peuvent raisonnablement être considérés comme abusifs, menaçants, nuisibles, vulgaires, susceptibles d’inciter à la haine raciale, discriminatoires (racialement, ethniquement ou autrement) ne sont pas autorisés sur le réseau Taboola’.

Après une mise en demeure de la société Valmonde et Cie, la société Taboola France a rétabli l’accès à ses services sur les deux sites internet, vérification faite que le contenu litigieux n’avait été publié que dans la version papier du journal ‘Valeurs Actuelles’ et non sur le site web, annonçant toutefois par un courriel du 18 septembre 2020 se réserver le droit d’adresser à la société Valmonde et Cie ‘une nouvelle correspondance concernant l’impact matériel du contenu papier publié par Valeurs Actuelles sur Taboola et son business, et de ses implications pour le contrat’.

Par courrier du 24 septembre 2020 adressé à la société Valmonde et Cie, la société Taboola a ‘maintenu qu’elle souhaitait mettre fin au contrat en ce qui concerne le site web www.valeursactuelles.com, considérant que la ‘publication du contenu (soit le roman-fiction susvisé) constitue une violation matérielle incurable de l’article 2 §j des conditions générales du contrat qui nous autorise à résilier immédiatement le contrat en cas d’action de l’éditeur susceptible de nuire à l’image et à la valeur des services de Taboola’. Ce courrier précise in fine que ‘toutefois, compte tenu du contexte, en signe de bonne volonté, et bien que nous soyons parfaitement en droit de résilier le contrat avec effet immédiat en vertu des clauses précitées et des fautes commises par Valmonde,

Taboola est disposé à discuter à l’amiable des conditions de cette résiliation, en particulier de sa date d’effet et de son caractère partiel’.

Par acte du 8 octobre 2020, la société Valmonde et Cie, dûment autorisée, a fait assigner en référé d’heure à heure la société Taboola France devant le tribunal de commerce de Paris afin de voir cesser le trouble manifestement illicite provoqué par cette résiliation, prévenir la survenance du dommage imminent susceptible d’en résulter dès la fin du préavis le 14

octobre 2020 et d’obtenir sous astreinte la poursuite du contrat d’éditeur jusqu’à son terme fixé au 7 février 2023.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 13 octobre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

Vu l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile,

— déclaré la demande de la société Valmonde et Cie -Compagnie française de journaux recevable et bien fondée,

— constaté que la résiliation du contrat par la société Taboola France SAS constitue un trouble manifestement illicite et en conséquence,

— ordonné la poursuite de l’exécution du contrat éditeur conclu le 7 février 2020 entre les sociétés Valmonde et Cie -Compagnie française de journaux- et Taboola France SAS jusqu’à son terme contractuellement fixé au 7 février 2023 ou à tout le moins jusqu’à ce qu’une décision sur le fond intervienne sur la rupture du contrat et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance,

De surcroît,

— constaté que la résiliation du contrat par la société Taboola France SAS occasionne un dommage imminent et en conséquence,

— ordonné la poursuite de l’exécution du contrat éditeur conclu le 7 février 2020 entre les sociétés Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux – et Taboola France SAS jusqu’à son terme contractuellement fixé au 7 février 2023 ou à tout le moins jusqu’à ce qu’une décision sur le fond intervienne sur la rupture du contrat et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance et ce pendant un délai de 30 jours passé lequel délai il pourra être fait droit,

— s’est réservé la liquidation de l’astreinte,

— condamné la société Taboola France SAS à verser la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné en outre la SAS Taboola France aux dépens de l’instance.

Suivant déclaration du 21 octobre 2020, la société Taboola France a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance.

Dans ses dernières conclusions du 3 février 2021, la SAS Taboola France demande à la cour de:

Vu l’article 873 du code de procédure civile,

— infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris de ces chefs suivants :

* Déclarons la demande de la société Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux recevable et bien fondée,

* Constatons que la résiliation du contrat par la société Taboola France SAS constitue un trouble manifestement illicite et en conséquence,

* Ordonnons la poursuite de l’exécution du contrat éditeur conclu le 7 février 2020 entre les sociétés Valmonde et Cie -Compagnie française de journaux et Taboola France SAS jusqu’à son terme contractuellement fixé au 7 février 2023 ou à tout le moins jusqu’à ce qu’une décision sur le fond intervienne sur la rupture du contrat et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance,

* De surcroît,

* Constatons que la résiliation du contrat par la société Taboola France SAS occasionne un dommage imminent et en conséquence,

* Ordonnons la poursuite de l’exécution du contrat éditeur conclu le 7 février 2020 entre les sociétés Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux et Taboola France SAS jusqu’à son terme contractuellement fixé au 7 février 2023 ou à tout le moins jusqu’à ce qu’une décision sur le fond intervienne sur la rupture du contrat et ce sous astreinte de 5000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance et ce pendant un délai de 30 jours passé lequel délai il pourra être fait droit,

* Nous réservons la liquidation de l’astreinte,

* Condamnons la société Taboola France SAS à verser la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* Condamnons en outre la SAS Taboola France aux dépens de l’instance,

— rejeter l’ensemble des demandes présentées par la société Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux,

— condamner l’intimée à payer la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’appelante,

— condamner l’intimée aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 5 janvier 2021, la SAS Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux demande à la cour de :

Vu l’article 873 du code de procédure civile,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces,

— confirmer l’ordonnance de référé du 13 octobre 2020 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,

— rejeter l’ensemble des demandes formulées par la société Taboola France SAS dans ses premières conclusions d’appelantes signifiées le 7 décembre 2020,

— condamner la société Taboola France SAS à verser la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Taboola France SAS aux entiers dépens.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

La société Valmonde et Cie fonde sa demande sur l’article 873 alinéa 1er du code de procédure civile qui dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

En l’espèce, les relations des parties sont régies par un contrat éditeur entré en vigueur le 7 février 2020 d’une durée de trois ans, expirant le 7 février 2023.

L’article V du contrat ‘durée et résiliation’ stipule que ‘l’éditeur ou Taboola pourront résilier le présent contrat immédiatement dans le cas où l’autre partie ne remédie pas à une violation essentielle du présent contrat et cette violation (s’il est possible d’y remédier) n’est pas réparée dans le délai de 5 jours à compter de la réception d’une mise en demeure écrite d’y remédier (un courriel est suffisant et la réception de ce courriel sera réputée avoir lieu 24 heures après l’envoi du courriel). Pour plus de clarté, toute violation du paragraphe 2 (‘conditions d’utilisation de la plateforme’) sera considérée comme une violation substantielle qui ne peut être réparée, autorisant la partie non fautive à résilier immédiatement le présent contrat’.

Le paragraphe 2 prévoit notamment que :

c. ‘L’éditeur ne mettra pas en place la plateforme sur des biens qui comportent un contenu conçu pour promouvoir la haine de tout groupe social basé sur, sans que cela soit limitatif, l’ethnie, la race, la religion, l’orientation sexuelle, le statut de genre ou transgenre, ou conçu pour harceler, offenser, choquer, ou causer ou favoriser un préjudice à tout individu (…). Taboola se réserve le droit de supprimer les services des pages des biens qu’elle estime, de manière discrétionnaire, violer ce qui précède’ ;

j. ‘L’éditeur n’engagera aucune action ou pratique qui dénigrerait ou dévaluerait Taboola, ses filiales ou les services’.

Les parties s’accordent pour considérer que la notification par la société Taboola de son intention de mettre fin au contrat par courriel du 17 septembre 2020 vise implicitement l’article 2 §c des conditions d’utilisation de la plateforme relatif au contenu haineux ou discriminatoire et l’article V ‘résiliation’ du contrat et que la réitération par courrier du 24 septembre 2020 de la volonté ferme de la société Taboola de résilier le contrat se fonde sur l’article 2 §j expressément visé, relatif aux actions de dénigrement ou de dévaluation à l’égard de la société Taboola.

La société Valmonde et Cie soutient que la société Taboola France a mis en oeuvre la clause résolutoire de manière fautive, ce qui caractérise un trouble manifestement illicite et l’expose à un dommage imminent, en ce que l’article 2 §c ne pouvait manifestement pas être invoqué dès lors que le contenu litigieux n’a pas été publié en ligne mais uniquement sur support papier du journal Valeurs Actuelles, lequel n’est pas couvert par le contrat éditeur, et que l’article 2 §j ne pouvait manifestement pas non plus être invoqué en l’absence de tout acte de dénigrement ou de dévaluation directement commis par la société Valmonde et Cie envers la société Taboola France ni être étendu à toute potentielle atteinte à l’image de la société Taboola France liée à des publications de la société Valmonde et Cie.

La société Taboola France fait valoir que la publication de l’article sur la députée Y X représentée en femme noire esclave dans l’hebdomadaire Valeurs Actuelles est ouvertement raciste, a d’ailleurs donné lieu à l’ouverture par le Parquet de Paris d’une enquête pour injures à caractère raciste et se trouve en parfaite contradiction avec les valeurs de la société Taboola France, valeurs que le contrat éditeur a entendu protéger en stipulant une clause de résiliation unilatérale visant cette hypothèse. Elle soutient que la ligne éditoriale du journal Valeurs Actuelles est unique, indépendamment du support numérique ou papier sur lequel sont publiés les articles de presse, et que la couverture médiatique retentissante de la publication litigieuse a concerné l’ensemble de la ligne éditoriale du journal Valeurs Actuelles qui s’est vu associé à cette publication discriminatoire et offensante, fortement fustigée, sans ligne de démarcation entre les deux supports. Elle considère qu’en raison de son association avec la marque Valeurs Actuelles, la publication en cause a nui à son image et à la qualité de ses services, qu’elle constitue une violation du contrat conclu entre les parties auquel elle était en droit de mettre fin en application de l’article 2 dudit contrat.

En la matière, le trouble manifestement illicite ne peut être constitué que dans l’hypothèse où la résiliation est manifestement illicite. Or au vu des circonstances de l’espèce, il ne ressort pas avec l’évidence requise en référé que la résiliation est manifestement intervenue en dehors des clauses contractuelles, tant la distinction des deux supports papier et numérique n’est pas aussi nette que le prétend la société Valmonde et Cie puisqu’à la suite de l’émoi suscité par la publication dans la revue papier, la rédaction du journal Valeurs Actuelles a présenté ses excuses à Mme Y X par l’intermédiaire d’un long communiqué publié le 29 août 2020 sur le site valeursactuelles.com, et que l’effet d’une telle publication d’un support sur l’autre ne peut d’emblée, au regard des termes du contrat, être écarté, sans un examen au fond excédant les pouvoirs du juge des référés.

La société Valmonde et Cie fait encore valoir que la résiliation du contrat constitue un trouble manifestement illicite en ce qu’elle porte directement atteinte au principe de la liberté de la presse et de la liberté éditoriale, la société Taboola France exerçant ainsi une pression économique confinant à une censure puisqu’elle la prive de revenus escomptés essentiels.

L’atteinte à la liberté de la presse et à la liberté éditoriale invoquée par l’intimée ne peut s’apprécier en faisant abstraction du contenu publié, dès lors qu’il est constant que la publication d’un contenu illicite ne peut être protégée par ces libertés. Or en l’espèce, le contenu incriminé, qui a donné lieu aux excuses présentées par la société Valmonde à Mme X, est suceptible de recevoir une qualification pénale, si bien que l’atteinte à la liberté de la presse n’est pas manifeste.

Il s’ensuit que la résiliation anticipée du contrat par la société Taboola France ne revêt pas le caractère d’un trouble manifestement illicite.

La société Valmonde et Cie argue également d’un dommage imminent du fait de la résiliation anticipée consistant en la disparition des services de la société Taboola France privant l’éditeur de tous les revenus publicitaires pouvant être générés sur internet, représentant plus d’un tiers de ses revenus publicitaires globaux et une part significative pour son équilibre financier, et ce d’autant que la seule autre société présente sur ce marché pour des services similaires est la société Outbrain, son précédent cocontractant, avec laquelle elle a résilié son contrat le 21 novembre 2019.

Il convient de relever que la notion de dommage imminent est indépendante de celle du trouble manifestement illicite, l’article 873 du code de procédure civile ne les liant pas et ne faisant aucune référence au caractère licite ou non de la situation à l’origine du dommage à prévenir.

Il apparaît que la société Valmonde et Cie ne justifie d’aucun péril économique lié à la perte d’une partie de ses revenus publiciaires générés sur internet, pendant une période tout au plus de deux mois et demi -pour ne prendre que la durée écoulée entre la résiliation du précédent contrat conclu avec la société Ligatus et l’entrée en vigueur du contrat conclu avec la société Taboola France- nécessaire à la mise en place d’un autre partenariat, ni du refus de contracter qu’aurait pu, le cas échéant, lui opposer un autre fournisseur de services similaires, y compris la société Outbrain qui a acquis la société Ligatus.

L’existence d’un dommage imminent résultant de la résiliation anticipée du contrat éditeur n’est donc pas établie.

En conséquence, il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Valmonde et Cie.

La société Valmonde et Cie, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à verser à la société Taboola France la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux,

Condamne la société Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Valmonde et Cie – Compagnie française de journaux à verser à la société Taboola France la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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