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La reproduction de témoignages et de pièces d’enquête judiciaire dans un ouvrage n’emporte pas diffamation, pas plus que la thèse avancée par un ouvrage qui relève de la libre expression de l’auteur.
Dans cette affaire, le livre « Gregory, la machination familiale » n’a pas été jugé diffamatoire.
La juridiction a considéré que malgré la peine des proches du petit Grégory à voir associer le nom du défunt, celui qu’ils portent eux-mêmes, à ‘l’affaire Grégory’, ils ne peuvent sérieusement reprocher à un journaliste se livrant à une enquête exhaustive sur cette affaire et ses derniers rebondissements, de suivre les différentes pistes et donc de revenir sur l’ ‘inculpation’ de [G] [ZO] et les différents éléments ou indices l’ayant justifiée.
Malgré la douleur de ses proches de voir constamment le nom de [G] [ZO] ressurgir à l’évocation de cette enquête sur la mort jamais élucidée de [F] [ZP], le nom de [G] [ZO] sera toujours associé à l’enquête sur la mort de cet enfant de quatre ans quand bien même le ou les auteurs de cet assassinat seront un jour condamné(s).
En la cause, l’ensemble des propos dénoncés par les consorts [ZO] vise en réalité à faire le procès d’un ouvrage qui livre le dernier état des investigations judiciaires, élaboré par la justice, à partir d’une série d’éléments factuels exacts, dont de nombreux témoignages recoupés, qui lui a permis à ce stade de l’enquête de dessiner le scénario de la machination familiale, d’une concertation d’un clan, d’un acte collectif pour enlever l’enfant le 16 octobre 1984, vers 17h15 à [Localité 22], au domicile de ses parents, le livrer à un ou des complices qui le tu(ent), l’attache(nt) et le met(tent) à l’eau.
C’est également très exactement que le premier juge a retenu que l’ensemble de ces propos mis en perspective avec la lecture du livre dans son entier, n’imputent en réalité aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération de [G] [ZO].
Retracer une enquête et ses rebondissements récents dus à la mise en oeuvre de méthodes modernes d’investigations policières au sujet d’un crime aux répercussions médiatiques majeures, communément désigné sous le titre ‘l’affaire Grégory’, passe nécessairement par la description de cet aspect de l’enquête et occulter complètement les soupçons pesant sur [G] [ZO] ne répondrait pas à la définition d’une enquête sérieuse et exhaustive.
Pour rappel, l’article 29, paragraphe 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que :
’Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés’.
Selon l’article 34 de cette loi, ‘Les articles 31, 32 et 33 ne seront applicables aux diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts que dans le cas où les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants.
Les auteurs des diffamations ou injures aient eu ou non l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants, ceux-ci pourront user, dans les deux cas, du droit de réponse prévu par l’article 13.’
La diffamation est définie par l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881sur la liberté de la presse comme ‘toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé’.
Elle diffère de la dénonciation calomnieuse, prévue et réprimée par l’article 226-10 du code pénal, notamment en ce que la fausseté des faits n’est pas un élément constitutif de l’infraction.
Pour que l’élément matériel de l’infraction soit caractérisé, la jurisprudence exige seulement :
– d’une part, que le fait allégué ou imputé, qu’il soit vrai, faux ou imaginaire, soit ‘précis’ et ‘de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire'(Ass. Plén., 25 juin 2010, pourvoi n 08-86.891) ;
– d’autre part, que ce fait soit de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps visé(e), de telles atteintes pouvant résulter aussi bien des allégations d’infractions pénales que des mises en cause qui visent le mode de vie, les activités professionnelles et sociales, la vie politique.
Ainsi, toute expression qui contient l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation.
S’agissant précisément du délit de diffamation ou d’injure envers la mémoire des morts, pour qu’il soit constitué, il est nécessaire que le propos incriminé constitue une diffamation ou une injure à l’égard du défunt, et que l’auteur des propos ait eu l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants. La loi exige ici un ‘dol spécial’.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé le fonctionnement de ce mécanisme ‘à double détente’ : pour que la diffamation dirigée contre la mémoire des morts constitue un délit, il n’est pas nécessaire que les propos incriminés contiennent l’imputation de faits précis et déterminés contre les héritiers, il suffit que la diffamation envers les morts ait été commise avec intention de nuire aux héritiers des personnes décédées (Cass. crim., 9 janvier 1948, Bull. n° 9 ; 29 avril 1897, Bull n° 146).
En outre, si la diffamation envers la mémoire des morts suppose une atteinte à l’honneur et à la considération, elle n’exige pas que l’héritier y soit formellement désigné (Crim 28 février 1956 Bull 206).
Toutefois, dans un arrêt du 15 mars 2011 (pourvoi n° 10. 281-216), la chambre criminelle a rejeté un pourvoi à l’encontre d’un arrêt d’appel qui avait retenu que l’héritier poursuivant n’était pas désigné, qu’aucune allusion n’était faite à sa personne et que la preuve d’une volonté de porter atteinte aux héritiers n’était pas rapportée, la Cour de cassation ayant estimé que la cour d’appel avait justifié sa décision en particulier parce que l’intention de l’auteur de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires encore vivants exigée par l’article 34 de la loi du 29 juillet 1881 n’était pas établie.