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Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 février 2020 et le 8 octobre 2020, la société à responsabilité limitée (SARL) Access France Sécurité demande au tribunal de prononcer la restitution des montants de crédit d’impôt recherche dont elle estime disposer au titre des dépenses qu’elle a engagées en 2017 et 2018.
Elle soutient que :
– elle a réalisé des travaux de recherche développement relevant du développement expérimental, éligibles au crédit d’impôt recherche ;
– elle a rencontré divers verrous technologiques dans la mise en œuvre des technologies existantes pour concevoir un dispositif UHF (Ultra Haute Fréquence) faisant appel à la technologie RFID (Radio Fréquence Identification) destiné au secteur des magasins d’optique ;
– ses travaux de recherche lui ont permis de développer des algorithmes permettant de gérer les fonctionnalités qu’elle entendait proposer et d’associer les différentes technologies utilisées entre elles ;
– l’administration fiscale a opéré une confusion entre la notion de nouveauté prévue par l’article L. 611-11 du code de la propriété industrielle et celle d’inventivité visée par l’article L. 611-14 de ce code ;
– la circonstance qu’elle a utilisé de nouveaux algorithmes, ainsi que l’a relevé l’administration fiscale, révèle que ses travaux participent de la recherche développement ;
– elle a déposé une demande de brevet d’invention, ce qui permet de présumer de ce que ses travaux relèvent du développement expérimental ;
– elle a fait procéder à une expertise technique par une entreprise agréée en qualité de centre de recherche par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui confirme qu’elle remplit les conditions pour bénéficier du crédit d’impôt recherche demandé ;
– elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, paragraphe n° 310 et du guide du crédit d’impôt recherche.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2020, la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme A,
– les conclusions de M. Vauterin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
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1. La SARL Access France Sécurité exerce une activité de conception, commercialisation et installation d’équipements électroniques et de télécommunication spécialisée dans les services de gestion et de mise en sécurité des magasins d’optique. Elle a sollicité, le 29 avril 2019, la restitution d’un crédit d’impôt recherche au titre des exercices clos en 2017 et 2018 à hauteur des sommes respectives de 24 391 euros et 42 790 euros. L’administration fiscale a refusé de faire droit à sa demande par une décision du 17 janvier 2020. Par sa requête, la SARL Access France Sécurité demande au tribunal de prononcer la restitution du crédit d’impôt recherche sollicité au titre des exercices clos en 2017 et 2018.
Sur le bien-fondé du refus de restitution de crédit d’impôt en litige :
En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l’article 244 quater B du code général des impôts : » I. – Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d’après leur bénéfice réel () peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année. Le taux du crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. () / II. – Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt sont : () / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. () « . Aux termes de l’article 49 septies F de l’annexe III au code général des impôts : » Pour l’application des dispositions de l’article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : () / c. Les activités ayant le caractère d’opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d’installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d’une simple utilisation de l’état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. « .
3. La SARL Access France Sécurité a sollicité le remboursement d’un crédit d’impôt en faveur de la recherche au titre des exercices clos en 2017 et 2018 au titre d’un projet de conception d’un dispositif UHF (Ultra Haute Fréquence) dédié à la gestion des magasins d’optique, reposant en particulier sur l’utilisation de la technologie RFID (Radio Fréquence Identification). Ce dispositif, reliant au sein d’un système d’information global les données RFID aux logiciels de caisse et d’inventaire, est destiné à permettre la sécurisation des produits et la protection contre les risques de vol, le suivi de l’inventaire, la localisation des articles proposés au sein des magasins, la reconnaissance personnalisée de la clientèle, la gestion de la présence du personnel ainsi que l’assistance logistique à la gestion des ventes. L’administration fiscale a toutefois refusé à l’intéressée le bénéfice de ce crédit d’impôt en estimant, en particulier, que les travaux réalisés par la SARL Access France Sécurité dans ce cadre ne constituaient pas des opérations de développement expérimental au sens du c) de l’article 49 septies F de l’annexe III au code général des impôts éligibles au crédit d’impôt recherche.
4. D’une part, il résulte de l’instruction que les travaux effectués par la SARL Access France Sécurité, portant sur la mise en œuvre de la technologie RFID, déjà connue, ont essentiellement consisté à adapter des logiciels existants afin de permettre l’échange de données et la correction des anomalies. Si la société requérante soutient que, compte tenu des caractéristiques de ces logiciels, elle a dû développer de nouveaux algorithmes afin d’intégrer les technologies E-Paper et RFID à son dispositif de gestion globale, il ne résulte pas de l’instruction, et notamment du rapport établi à sa demande par un expert conseil agréé à partir du dossier technique présenté dans le cadre de sa demande de remboursement de crédit d’impôt et de ses propres explications, que ses travaux auraient permis de lever des verrous technologiques et apporté des améliorations substantielles aux outils existants, notamment en termes d’innovation technique. La demande de brevet déposée par l’intéressée le 12 février 2019 ne permet par ailleurs pas, en elle-même, de regarder les dépenses exposées dans le cadre de ses travaux comme étant éligibles au crédit d’impôt recherche en application des dispositions précitées du code général des impôts et de son annexe III.
5. D’autre part, la SARL Access Sécurité France ne peut utilement soutenir, à l’appui de sa demande de restitution de crédit d’impôt recherche, que les travaux en cause constitueraient une nouveauté ou une activité inventive au sens des articles L. 611-11 et L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que ces dispositions sont relatives aux conditions de délivrance des brevets d’invention, et sont à ce titre sans incidence sur le bénéfice de ce crédit d’impôt qui est exclusivement régi par les dispositions du code général des impôts.
En ce qui concerne l’interprétation de la loi fiscale :
6. Aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales: » Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été à 1’époque, formellement admise par 1’administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente () « .
7. En premier lieu, la SARL Access France Sécurité n’est pas fondée à se prévaloir des énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, paragraphe n° 310, qui ne comportent aucune interprétation contraire de la loi fiscale qui lui a été appliquée.
8. En second lieu, la société requérante ne peut utilement invoquer les dispositions du guide du crédit d’impôt recherche, qui émane du ministère de l’enseignement et de la recherche, et non de l’administration fiscale, et ne constitue pas à ce titre une interprétation administrative de la loi fiscale dont elle pourrait se prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Access France Sécurité n’est pas fondée à demander la restitution des montants de crédit d’impôt recherche dont elle estime disposer au titre des dépenses qu’elle a engagées en 2017 et 2018. Sa requête doit, par suite, être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Access France Sécurité est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Access France Sécurité et à la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l’audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Livenais, président,
Mme Rosemberg, première conseillère,
Mme Thierry, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.
La rapporteure,
V. A
Le président,
Y. LIVENAIS
Le greffier,
E. LE LUDEC
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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