r que les brevets donnés en licence sont nuls pour insuffisance de description et pour défaut d’activité inventive et qu’ils n’ont été délivrés qu’en raison d’informations erronées et falsifiées adressées aux offices des brevets pour lever les objections des examinateurs,
– annuler la partie française du brevet européen n° EP 2 941 268 pour insuffisance de description et défaut 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M me Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
M me Laurence LEHMANN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M me Brigitte CHOKRON, Présidente M me Laurence LEHMANN, Conseillère M me Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : M me Carole T
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par M me Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en remplacement de M me Brigitte CHOKRON, Présidente, empêchée, et par M me Carole T, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris rendue le 22 juin 2021,
Vu l’appel interjeté le 1 er juillet 2021 par la société ProGeLife,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Vu l’autorisation d’assigner à jour fixe donnée par ordonnance présidentielle du 3 août 2021 pour une audience fixée au 13 avril 2022,
Vu les assignations délivrées les 12 et 13 août 2021 aux intimés et remises au greffe le 1er septembre 2021,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 mars 2022 par la société ProGeLife, appelante,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 mars 2022 par la société d’accélération du transfert de technologies Aquitaine Science Transfert (SATT Aquitaine), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l’Université de [Localité 8] et le Centre hospitalier universitaire de [Localité 8] (CHU de [Localité 8]), intimés,
Vu l’envoi en cours de délibéré, ainsi que demandé par la cour, de l’assignation introductive d’instance délivrée le 30 décembre 2020 par la société ProGeLife et des conclusions au fond notifiées par cette société le 11 mai 2021 devant le tribunal judiciaire de Paris.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société ProGeLife, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Marseille, a été créée en 2014 par MM. [I] [R] et [L] [S], professeurs des universités et praticiens hospitaliers au CHU [10] à [Localité 3], afin de travailler sur des pathologies liées au vieillissement prématuré.
Cette société précise avoir deux projets en cours, le projet «Progeria» destiné à la recherche sur la lutte contre le vieillissement prématuré pathologique (la progeria) et physiologique et le projet «InhNOX» destiné à la recherche contre le xeroderma pogmentosum, aussi dénommée maladie des «enfants de la lune».
La société SATT Aquitaine est une société de droit privé inscrite au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux qui a pour mission d’aider à protéger et valoriser les inventions issues des travaux de la recherche publique. Il existe plusieurs SATT en France, la SATT en cause au présent litige étant celle de la région Nouvelle- Aquitaine.
L’INSERM est un établissement public national à caractère scientifique et technologique placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la recherche et du ministre chargé de la santé.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI L’Université de [Localité 8], créée par le décret n°2013-805 du 3 septembre 2013 par la fusion des universités de [Localité 8] I, II et IV est un établissement public à caractère scientifique culturel et professionnel, régi par les dispositions des articles L.711-1 à L.719-14 du code de l’éducation.
Le CHU de [Localité 8] est un établissement public de santé au sens de l’article 142- code de la sante publique »>L.6142- 1 du code de la santé publique. Il s’agit d’un établissement public de santé qui a passé une convention avec l’Université de [Localité 8] au sens de l’article L.6142-3 du code de la santé publique. Il est investi de missions de soins, d’enseignement et de recherche.
L’Université de [Localité 8] et l’INSERM ont déposé le 3 janvier 2013 une demande de brevet européen EP 13150187 portant sur des peptides inhibiteurs NOX-1 sélectifs et leurs utilisations.
Ils ont ensuite déposé le 3 janvier 2014, sous priorité de la demande de brevet EP 13150187, une demande de brevet PCT n° WO 2014/106649 portant sur des peptides inhibiteurs NOX-1, sélectifs et leurs utilisations, laquelle a donné lieu à la délivrance d’un brevet :
aux Etats-Unis : n°US 10,517,919, le 31 décembre 2019,
– en Europe : n°EP 2941268, le 24 juin 2020,
– au Japon : n°JP648237, le 1 mars 2019,
– au Maroc : n°38296, le 31 octobre 201
– en Russie : n°RU2015132087/RU2699726, le 9 septembre 2020.
Le 28 août 2014, l’Université de [Localité 8] a accordé une licence sur cette demande de brevet EP 13150187 à la société SATT Aquitaine.
Le 18 mai 2015, un contrat de sous-licence exclusive du brevet EP 13150187 et de ses extensions a été conclu entre la société SATT Aquitaine et la société ProGeLife pour une durée prévue, sauf résiliation anticipée, jusqu’à la cessation pour quelque cause que ce soit de la protection accordée par le dernier des brevets.
Le 4 juin 2020, la société ProGeLife a envoyé une lettre de mise en demeure à la SATT Aquitaine, à l’INSERM, et à l’Université de [Localité 8], faisant état des problèmes qu’elle rencontrait pour développer le produit, et notamment pour reproduire certains résultats présentés dans les figures du brevet et dans des publications scientifiques. Selon la société ProGeLife, certaines des données scientifiques présentées dans ces documents seraient erronées ou falsifiées et elle sommait les destinataires de cette lettre de lui apporter la preuve du fondement scientifique de ces résultats.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Par acte du 30 décembre 2020, la société ProGeLife a assigné la SATT Aquitaine, l’INSERM, l’Université de Bordeaux et le CHU de Bordeaux devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité du contrat de sous-licence de brevet du 18 mai 2015.
Le dispositif de l’assignation introductive d’instance est ainsi rédigé :
Vu les articles 1104,1112-1, 1130,1137, l178,1240, 1719 et 1721 du code civil,
Vu l’article 42 du code du code de procédure civile et l’article L. 615- 17 du code de la propriété intellectuelle,
* A titre principal :
– juger que la sous-licence de brevet du 18 mai 2015 consentie par la SATT AST à la société ProGeLife est nulle pour vice du consentement, la société ProGeLife ayant été trompée par la SATT AST et les titulaires du brevet (l’Inserm, l’Université de Bordeaux et le CHU de Bordeaux) associés aux échanges précontractuels sur l’efficacité de la technologie brevetée,
* A titre subsidiaire :
– juger que la SATT AST est tenue de garantir la société ProGeLife contre les vices cachés de l’invention objet de la sous-licence du 18 mai 2015,
– juger que la SATT AST et les titulaires du brevet ont manqué à leurs obligations contractuelles de livraison et d’exécution de bonne foi et commis une faute vis-à-vis de la société ProGeLife en ne lui fournissant pas toutes les informations nécessaires à l’exploitation de la technologie donnée en licence, en entretenant cette société dans la croyance de l’efficacité des peptides et en fournissant des informations erronées aux offices des brevets,
– juger que les titulaires du brevet, à savoir l’Inserm, l’Université de Bordeaux et le CHU de Bordeaux, ont commis une faute en ne fournissant pas à la société ProGeLife toutes les informations nécessaires à l’exploitation de la technologie donnée en licence, en entretenant cette société dans la croyance de l’efficacité des peptides et en fournissant des informations erronées aux offices des brevets,
* A titre encore plus subsidiaire :
– juger que la sous-licence doit être résiliée en raison de l’impossibilité pour la société ProGeLife de mettre en œuvre la technologie donnée en licence,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI * En tout état de cause :
– condamner solidairement la SATT AST, l’Inserm, l’Université de Bordeaux et le CHU de Bordeaux à réparer le préjudice subi par la société ProGeLife, lequel sera évalué à :
. la somme de 7.350.000 euros au titre de la perte de chance,
. la somme de 600.000 euros au titre de la perte de chance complémentaire liée à l’absence de levée de fonds de sa filiale la société Calysens,
. la somme de 800.000 euros au titre du retard sur le second programme de la société ProGeLife,
– la somme de 1.000.000 euros au titre du préjudice moral.
– ordonner l’actualisation de ces sommes à compter de la signature du contrat de sous-licence, le 18 mai 2015,
– condamner solidairement la SATT AST, l’Inserm, l’Université de [Localité 8] et le CHU de Bordeaux à payer à la société ProGeLife une somme de 100.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement la SATT AST, l’Inserm, l’Université de Bordeaux et le CHU de Bordeaux aux entiers dépens de l’instance,
– juger que l’exécution provisoire est compatible avec la nature des condamnations prononcées en particulier au paiement des dommages intérêts.
Les défendeurs ont constitué le même avocat et ont avant toute défense au fond soulevé un incident devant le juge de la mise en état aux de voir juger que :
‘ le tribunal judiciaire de Paris est incompétent pour connaitre des demandes formées à l’encontre des établissements publics qui relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives,
‘ le tribunal judiciaire de Paris est incompétent pour connaitre des demandes formées à l’encontre de AST qui relèvent de la compétence du tribunal de commerce de Bordeaux.
Postérieurement à ces conclusions d’incident, la société ProGeLife a fait notifier par RPVA, le 11 mai 2021, des conclusions au fond ajoutant à son dispositif un renvoi à l’article L613-25 du code de la propriété intellectuelle et à l’article 138 de la Convention sur le Brevet Européen et énonçant une demande ainsi formulée :
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI A titre encore plus subsidiaire :
– juger que les brevets donnés en licence sont nuls pour insuffisance de description et pour défaut d’activité inventive et qu’ils n’ont été délivrés qu’en raison d’informations erronées et falsifiées adressées aux offices des brevets pour lever les objections des examinateurs,
– annuler la partie française du brevet européen n° EP 2 941 268 pour insuffisance de description et défaut d’activité inventive, faute de pour les peptides revendiqués de produire les effets annoncés,
– En conséquence, juger que la sous-licence de brevet du 18 mai 2015 consentie par la SATT AST à la société ProGeLife est nulle pour défaut d’objet.
L’ordonnance du juge de la mise en état dont appel a :
– déclaré le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître de l’action introduite par la SAS ProGeLife,
– renvoyé la SAS ProGeLife à mieux se pourvoir en ce qui concerne ses demandes formées à l’encontre de l’institut national de la santé et de la recherche médicale, de l’Université de [Localité 8] et du Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 8], – dire que le tribunal de commerce de Bordeaux est compétent pour connaître de l’action engagée par la SAS ProGeLife à l’encontre de la SAS SATT Aquitaine Science Transfert,
– ordonné la transmission de la procédure pour compétence de la SAS SATT Aquitaine Science Transfert,
– condamné la SAS ProGeLife à payer à la SAS SATT Aquitaine Science Transfert, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Université de [Localité 8] et le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 8] ensemble la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS ProGeLife aux dépens de l’incident.
La société ProGeLife sollicite de la cour l’infirmation de l’ordonnance entreprise et de :
– rejeter l’exception d’incompétence soulevée par les défendeurs, tant au bénéfice du tribunal de commerce de Bordeaux qu’au bénéfice des juridictions administratives, au motif que le tribunal de céans est exclusivement compétent pour connaître du présent litige, contre tous les défendeurs, car l’examen des demandes d’annulation et de résiliation du contrat de licence de brevet nécessite en l’espèce de mettre en œuvre des mécanismes propres au droit des brevets et car
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI le tribunal est aussi exclusivement compétent pour statuer sur la demande en nullité’ du brevet donné en licence,
– dire et juger, en conséquence, que le tribunal judiciaire de Paris est seul compétent pour statuer sur les demandes formées par la société’ ProGeLife à l’encontre de l’ensemble des défendeurs, à savoir la SATT AST, l’Inserm, l’Université’ de Bordeaux et le CHU de Bordeaux,
– condamner solidairement les défendeurs à payer à la société’ ProGeLife une somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens de l’instance,
– débouter la SATT AST, l’Inserm, l’Université de Bordeaux et le CHU de Bordeaux de leurs demandes reconventionnelles devant la Cour d’appel de Paris.
Les intimés sollicitent de la cour la confirmation de l’ordonnance entreprise et la condamnation de la société ProGeLife aux dépens d’appel et à leur payer ensemble la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’article L.615-17, alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« Les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention, y compris dans les cas prévus à l’article L.611-7 ou lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire, à l ‘exception des recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle qui relèvent de la juridiction administrative ».
Le tribunal judiciaire de Paris est seul compétent pour connaître de ces actions depuis le décret 2009-1205 du 9 octobre 2009.
C’est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a rappelé que pour déterminer la compétence de la juridiction susceptible de statuer sur l’instance engagée par la société ProGeLife, il y a lieu de rechercher si les prétentions de celle-ci supposent qu’il soit fait application des dispositions propres au droit des brevets, notamment celles relatives à la validité des brevets et a précisé qu’une demande fondée sur des règles extérieures au droit des brevets ne relève pas de la compétence exclusive du tribunal judiciaire de Paris, même si elle a un lien avec un brevet dont une des parties est titulaire.
C’est également pertinemment qu’il a jugé que la compétence doit s’apprécier au jour où l’acte introductif d’instance et donc au regard de
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI l’assignation délivrée le 30 décembre 2020 à la demande de la société ProGeLife, ses conclusions au fond notifiées par voie électronique le 11 mai 2021 sont indifférentes quant à la détermination de la juridiction compétente.
Pour autant, c’est à tort que le premier juge a retenu que l’appréciation des fautes alléguées par la société ProGeLife, telles que la fourniture de données scientifiquement erronées ou le fait d’adresser aux offices des données erronées et falsifiées pour obtenir la délivrance indue de brevets, ne nécessite pas l’application des règles propres au droit des brevets, notamment celles relatives à la délivrance des brevets et à la condition de leur validité.
La société ProGeLife expose dans son assignation que les données figurant dans le brevets WO 2014/106649 sont erronées ou falsifiées et que le brevet a été obtenu frauduleusement. Elle expose les raisons qui selon elle peut entraîner l’annulation du brevet et qualifie cette possibilité de vice caché.
Ainsi et même si au stade de l’acte introductif d’instance l’annulation de la partie française du brevet EP n°2 941 268, découlant du brevet WO 2014/106649, n’était pas sollicitée, les débats relatifs au sort du contrat de sous licence et à la responsabilité contractuelle ou délictuelle d’une part du cocontractant la société SATT Aquitaine et d’autre part des titulaires du brevet, pour les motifs développés par la société demanderesse, ressort de la mise en œuvre des règles relatives à la délivrance des brevets par l’Office européen des brevets (OEB).
L’ordonnance du juge de la mise en état sera dès lors infirmée en ce qu’elle n’a pas retenu la compétence du tribunal judiciaire de Paris à l’égard de toutes les parties, étant précisé qu’il n’est pas contesté que l’article L.615-1 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle a vocation à s’appliquer même en présence de personnes morales de droit public.
Elle sera également infirmée en ses condamnations relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les intimés seront condamnés aux dépens de l’incident de première instance et d’appel et, en équité, condamnés in solidum à payer à la société ProGelife la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Statuant à nouveau,
Rejette les exceptions d’incompétence soulevées par la société Aquitaine Science Transfert, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Université de [Localité 8] et le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 8],
Déclare le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître de l’action engagée par la société ProGeLife,
Condamne in solidum la société Aquitaine Science Transfert, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Université de [Localité 8] et le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 8] à payer à la société ProGeLife la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Aquitaine Science Transfert, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Université de [Localité 8] et le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 8] aux dépens de l’incident de première instance et d’appel.
La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI