-qualités – à l’appui de sa demande de sursis à statuer- se résument :
° à l’appel à une action de groupe de consommateurs lancé par Maître Delomel, avocat au barreau de Rennes, à une date indéterminable, en vue d’intenter une action collective ( civile ou pénale) à l’encontre de la société ABD Solution et des personnes impliquées,
° au courrier adressé le 7 février 2020 par
* * *
MHD/PR
ARRET N° 32
N° RG 21/00026
N° Portalis DBV5-V-B7F-GFCI
[P]
C/
[V]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 25 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 décembre 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS
APPELANT :
SELARL MJO
Prise en la personne de Maître [K] [T]
Ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ABD SOLUTION
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me François-Xavier GALLET de la SELARL GALLET & GOJOSSO AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉES :
Madame [X] [U] [V]
née le 10 janvier 1973 à [Localité 8] (PORTUGAL)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me Philippe GAND de la SCP GAND-PASCOT, avocat au barreau de POITIERS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/000515 du 15/03/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 08 novembre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat à durée indéterminée prenant effet à compter du 29 décembre 2015 et faisant suite à un contrat de travail à durée déterminée du 30 novembre 2015, Madame [X] [U] [V] a été embauchée en qualité de secrétaire de direction, par la société ABD Solution appartenant à un groupe de sociétés dont un des gérants était Monsieur [N] [F], son compagnon.
Par jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 23 juillet 2019, la société a été placée en liquidation judiciaire et Maître [T] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Le liquidateur a notifié à la salariée :
– par courrier en date du 5 août 2019, à titre conservatoire, son licenciement pour motif économique et l’a avisée qu’il contestait sa qualité de salariée en raison des actes de gérance qu’elle avait accomplis et de l’absence de lien de subordination entre elle et la société ABD Solution,
– par courrier en date du 10 septembre 2019, un refus de prise en charge du fonds de garantie des salaires pour le règlement des sommes qu’elle réclamait au motif que la qualité de salariée ne lui était pas reconnue.
Par requête du 4 novembre 2019, Madame [X] [U] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins de voir constater l’existence et la réalité de son contrat de travail et de fixer ses créances salariales au passif de la liquidation de ladite société.
Par jugement du 15 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
– dit que l’absence de lien de subordination entre les parties n’est pas démontrée ;
– dit qu’il y a lieu de constater l’existence et la réalité d’un contrat de travail liant Madame [X] [U] [V] à la société ABD Solution,
– fixé la créance de Madame [V] au passif de la liquidation judiciaire de la société ABD Solution aux sommes suivantes :
° 777,14 € bruts de solde de salaire du mois de juin 2019 ;
° 3460,47 € bruts au titre du solde de congés payés dû à la date du licenciement
° 3108, 58 € brut au titre de l’indemnité de préavis
° 310, 85 € brut au titre des congés payés sur préavis
° 1488,23 € nets au titre de l’indemnité de licenciement
° 5000 € au titre des dommages et intérêts pour le préjudice lié au retard de paiement et à l’impossibilité de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle
– dit le jugement opposable au CGEA de [Localité 7] en qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites de la garantie légale ;
– dit que les dépens sont passés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société ABD Solution.
***
Par déclaration en date du 4 janvier 2021, la SELARL MJO prise en la personne de Maître [T], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ABD Solution, a interjeté appel de ce jugement.
***
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2022.
***
L’affaire a été plaidée le 8 novembre 2022 et mise en délibéré au 25 janvier 2023.
En cours de délibéré, comme elle y avait été autorisée par la cour le jour de l’audience, la SARL MJO, prise en la personne de Maître [T], agissant es-qualités, a communiqué à la cour le jugement prononcé le 13 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Poitiers.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 22 avril 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SELARL MJO prise en la personne de Maître [T], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ABD Solution demande à la cour de :
– à titre principal,
– prononcer un sursis à statuer en attendant l’issue de la procédure pénale pour escroquerie et abus de biens sociaux visant les dirigeants des sociétés ABD et l’issue de la procédure devant le tribunal de commerce,
– à titre subsidiaire :
– infirmer le jugement attaqué en tous ses chefs ;
– réformant le jugement,
– constater l’absence de qualité de salariée de Madame [V] et constater l’incompétence de la juridiction prud’homale au profit du tribunal de commerce concernant le présent litige,
– à titre infiniment subsidiairement :
– déclarer la demande de Madame [V] quant au paiement du salaire de juillet 2019 comme irrecevable et la rejeter,
– la débouter de l’ensemble de ses demandes,
– en tout état de cause :
– débouter Mme [V] de l’intégralité de ses demandes ;
– la condamner à lui payer la somme de 2500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 26 avril 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [X] [V] demande à la cour de :
– débouter Maître [T] de sa demande de sursis à statuer,
– ordonner le retrait des pièces provenant d’un dossier d’information et les citations desdites pièces dans les conclusions, à savoir les pièces n°7 à 10 produites par Maître [T] et les citations desdites pièces contenues dans les écritures signifiées par ce dernier devant la cour le 2 février 2021 aux pages 7 à 9,
– débouter Maître [T] de son appel et de toutes ses demandes,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Poitiers du 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
– y ajoutant,
– ajouter à sa créance salariale au passif de la liquidation de la société ABD Solution, à savoir le salaire du mois de juillet 2019, soit 1 554,29 € brut,
– condamner Maître [T] aux dépens.
Par conclusions du 26 août 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l’AGS CGEA de [Localité 7] demande à la cour de :
– infirmer le jugement attaqué dans l’ensemble de ses dispositions ;
– statuant à nouveau,
– à titre principal, surseoir à statuer dans l’attente de l’issue des procédures pénale et commerciale impliquant Madame [V] ;
– subsidiairement, dire et juger que Madame [V] ne peut se prévaloir du statut de salariéé ;
– en conséquence, se déclarer incompétent pour statuer sur la créance alléguée:
– très subsidiairement, débouter Madame [V] de ses demandes ;
– dire et juger que la décision à intervenir ne lui sera opposable que dans les limites légales et sous réserve d’un recours pouvant être introduit.
– dire et juger qu’il ne pourra consentir d’avances au représentant des créanciers que dans la mesure où la demande entre bien dans le cadre des dispositions des articles L3253-6 et suivants du code du travail.
– dire et juger qu’elle ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances de la salariée confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants et D.3253-5 du code du Travail.
– dire et juger que les sommes qui pourraient être fixées au titre des dommages et intérêts procéduraux ou ne découlant pas directement de l’exécution du contrat de travail, telles qu’astreintes, dépens, ainsi que sommes dues au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sont exclues de sa garantie, de sorte que les décisions à intervenir sur de telles demandes ne pourront lui être déclarées opposables et qu’il devra être mis hors de cause.
SUR QUOI,
I – SUR LA DEMANDE DE SURSIS À STATUER :
Si l’article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale prévoit que : » La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil », les articles 377 et 378 du code de procédure civile disposent respectivement :
– » en dehors des cas où la loi le prévoit, l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l’affaire ou ordonne son retrait du rôle »,
– » la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ».
Il en résulte donc que lorsqu’une instruction pénale ou un dossier civil présente un intérêt dans le cadre d’une procédure civile, le juge peut dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, surseoir à statuer jusqu’à la fin de l’enquête pénale ou de l’affaire civile.
A – Sur le sursis à statuer dans l’attente de la fin de la procédure pénale :
En l’espèce, le mandataire liquidateur expose :
– qu’une information judiciaire a été ouverte près le tribunal de grande instance de Poitiers portant sur des faits d’escroquerie en bande organisée contre la société et que le gérant du groupe de sociétés, Monsieur [F] a été placé sous contrôle judiciaire pour des faits d’escroquerie,
– qu’il aurait bénéficié de la complicité de Madame [U] [V], sa compagne, qui se serait comportée comme une gérante de fait de la société ABD Solution,
– qu’ainsi, en qualité de mandataire liquidateur, il a sollicité l’extension de l’enquête pénale en cours à l’encontre de Madame [X] [U] [V] et de sa s’ur Madame [O] [V],
– que la procédure pénale présente donc un intérêt indéniable pour éclairer la cour sur le statut de Madame [V] et que de ce fait, pour une bonne administration de la justice, il y a lieu à surseoir à statuer jusqu’à la fin de l’enquête pénale.
Le CGEA rejoint la demande de l’appelant en relevant que seules les investigations en cours peuvent permettre d’éclairer utilement la cour sur la nature exacte de la relation existant entre Madame [V] et les dirigeants de droit ou de fait des sociétés du Groupe ABD.
En réponse, Madame [V] soutient :
– qu’elle n’a jamais été convoquée ni entendue dans le cadre de l’enquête pénale,
– que de ce fait, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer,
– que la seule lettre adressée par l’appelant au procureur de la République afin d’étendre l’enquête ne justifie en rien l’enclenchement d’une quelconque procédure pénale à son encontre.
***
Cela étant, il convient de relever que les seules pièces produites par la SELARL MJO ès-qualités – à l’appui de sa demande de sursis à statuer- se résument :
° à l’appel à une action de groupe de consommateurs lancé par Maître Delomel, avocat au barreau de Rennes, à une date indéterminable, en vue d’intenter une action collective ( civile ou pénale) à l’encontre de la société ABD Solution et des personnes impliquées,
° au courrier adressé le 7 février 2020 par le mandataire liquidateur au procureur de la République de Poitiers aux fins de solliciter l’extension de l’enquête à Madame [V].
Aucun élément récent n’est versé permettant d’éclairer la cour sur la réponse qui a été apportée à cette dernière demande formée il y a bientôt presque trois ans ou à tout le moins d’être informé sur l’état d’avancement de l’enquête pénale ; le mandataire liquidateur ne contestant pas les affirmations de Madame [V] selon lesquelles elle n’a jamais été convoquée et encore moins entendue par les enquêteurs.
En conséquence, la cour – qui ne peut donc pas apprécier le bien – fondé de la demande de sursis à statuer fondée sur une éventuelle enquête pénale – rejette la demande formée par le mandataire liquidateur aux fins de sursis à statuer.
B – Sur le sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal de commerce :
En l’espèce, dans ses dernières conclusions, le mandataire liquidateur – suivi en cela par le CGEA – a sollicité – en se fondant sur l’intérêt d’une bonne administration de la justice et la nécessité d’ éviter toute contradiction de décision – un sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal de commerce statuant sur l’assignation qu’il avait faite délivrer, par acte d’huissier en date du 10 septembre 2020, à Madame [V] aux fins de comparaître devant le tribunal de commerce de Poitiers pour se voir déclarer responsable pour insuffisance d’actif et en faillite personnelle en tant que gérante de fait de la société ABD Solution.
En cours de délibéré, il a communiqué le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Poitiers le 13 décembre 2022 qui l’a débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions formées contre Madame [V] au motif que » le conseil de prud’hommes de Poitiers a reconnu la qualité de salariée de Madame [V], en vérifiant l’existence d’un lien de subordination vis à vis de la société qui l’employait. Même si la SELARL [K] [T] a relevé appel de ce jugement du conseil de prud’hommes, le tribunal ( note de la cour : de commerce ) jugera que Madame [V] n’a pas la qualité de dirigeant de fait de la société ABD Solution, faute d’éléments de preuve suffisamment probants… »
***
Cela étant, les questions d’une part de l’existence ou de la non existence d’un contrat de travail au profit de Madame [V] et d’autre part celle de la reconnaissance de la qualité de gérante de fait de celle – ci ne sont pas nécessairement liées ou interdépendantes, le conseil de prud’hommes n’étant saisi que d’une demande de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail.
En conséquence, il n’y a pas lieu à faire droit à la demande de sursis à statuer.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la SELARL MJO prise en la personne de Maître [T], ès – qualités, de sa demande formée de ce chef.
II – SUR LA PRODUCTION DES PIECES 7 A 10 DU DOSSIER DU MANDATAIRE LIQUIDATEUR :
En application des articles :
* 11 du code de procédure pénale : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal. Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause »,
* 114 alinéa 6 dudit code : » Seules les copies des rapports d’expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense ».
Il en résulte que comme le secret de l’instruction n’est opposable ni aux parties civiles ni au ministère public, il est admis que le ministère public peut » verser aux débats, pour être soumis à la discussion contradictoire des parties, tous documents ou renseignements de nature à contribuer à la solution du litige » et également autoriser les parties civiles « à communiquer des pièces extraites du dossier de l’information judiciaire ».
En l’espèce, Madame [V] demande le retrait des pièces 7 à 10 produites par le mandataire liquidateur ainsi que leurs citations dans ses conclusions figurant en pages 7 à 9 dans la mesure où ces pièces sont extraites d’un dossier d’information en cours devant le juge d’instruction.
Elle expose que cette production et la citation de ces pièces dans les écrits de l’appelant :
– sont illicites en ce qu’elles violent le secret de l’instruction, soumis à l’article 11 du code de procédure pénale,
– enfreignent le principe de loyauté des débats et des preuves car étant étrangère à la procédure d’information, elle n’a pas été en mesure de consulter le dossier dont il s’agit ou d’y chercher les pièces qui pourraient être en sa faveur.
En réponse, pour justifier la production des procès-verbaux de l’enquête conduite par le parquet pour escroquerie et abus de biens sociaux, le mandataire liquidateur soutient qu’il a obtenu du procureur de la République l’autorisation de produire les pièces litigieuses dans le cadre de la procédure prud’homale.
Cela étant, il verse aux débats :
– le courriel qu’il a adressé le 7 juillet 2020 au procureur de la République adjoint près le TGI de Poitiers aux fins d’être autorisé à produire dans la procédure prud’homale engagée par Madame [V] quatre procès – verbaux d’audition, réalisés en avril et mai 2019 par l’antenne de police judiciaire de Poitiers / La Rochelle, sur instructions du parquet de Poitiers, qui lui avaient été transmis par l’administration fiscale, à savoir les PV :
* n° 2017/147/52 relatif à l’audition de Madame [Y] [I] du 12 avril 2019,
* n° 2017/147/85 relatif à la constatation sur les scellés 9 à 20 du 3 mai 2019,
* n°2017/147/87 relatif à la deuxième audition de Madame [Y] [I] du 7 mai 2019,
* n° 2017/147/96 relatif à la troisième audition de Madame [Y] [I] du 13 mai 2019,
– le courriel du 7 juillet 2020 que lui a adressé en réponse le procureur de la République adjoint près le TGI de Poitiers aux fins de l’autoriser à produire les pièces litigieuses,
– les trois procès-verbaux d’audition litigieux, réalisés en avril et mai 2019 par l’antenne de police judiciaire de Poitiers / La Rochelle, sur instructions du procureur de la République adjoint près le TGI de Poitiers et le procès-verbal de constatation des scellés.
Sur le fondement des principes sus-rappelés, il convient de rejeter la demande de Madame [V] tendant à voir écarter ces quatre pièces des débats dans la mesure où la SELARL MJO prise en la personne de Maître [T], agissant comme mandataire liquidateur, a obtenu l’autorisation du procureur de la République pour les produire dans le cadre de la procédure prud’homale et qu’en tout état de cause, elle ne les avait pas extraites elle – même du dossier d’instruction mais n’avait fait que verser des pièces qui lui avaient été communiquées par l’administration fiscale.
De surcroît, la loyauté des débats a été respectée dans la mesure où Madame [V] a reçu communication de ces pièces et a pu faire valoir ses explications.
En conséquence, l’appelante doit être déboutée de sa demande formée de ce chef.
III – SUR LE FOND :
L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité litigieuse, la relation de travail étant caractérisée par l’exécution d’une prestation, par le versement d’une rémunération en contre partie et par l’existence d’un lien de subordination.
Celui-ci est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
S’il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence, à l’inverse, en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
***
En l’espèce, le mandataire liquidateur conteste l’existence d’un contrat de travail entre Madame [V] et la société ABD Solution en se fondant :
– sur le mail de Monsieur [R] [L] et les auditions de l’ancienne comptable de la société Madame [Y] [I] dont il ressortirait selon lui que Madame [V] aurait agi comme gérante de fait en prenant des décisions engageant le groupe et la société ABD Solution,
– sur les déclarations de Monsieur [W],
– sur le fait que Madame [V] était actionnaire de la société ABD Formation qui appartient au Groupe ABD et qu’elle y détenait plus de parts que son compagnon Monsieur [F].
Le CGEA fait siens les moyens de fait développés par l’appelant.
En réponse, Madame [V] fait valoir :
– qu’elle était liée par un contrat de travail, d’abord déterminé, ensuite indéterminée, à la société ABD Solution,
– que la preuve de l’existence du lien de subordination résulte des courriels que lui envoyaient les co-gérants des société ABD Solution et ABD Patrimoine et ABD Formation, qui contenaient les instructions qu’ils lui adressaient,
– qu’enfin, elle n’a accompli aucun acte de gestion, comme en atteste Madame [S] dans son attestation, et qu’elle n’a jamais disposé d’aucune procuration ou délégation de pouvoirs.
***
Cela étant, il résulte des procès verbaux d’audition de Madame [I], ancienne comptable du Groupe ABD, entendue comme témoin au titre de l’enquête menée par le parquet pour escroquerie et abus de biens sociaux, de la déclaration écrite de Monsieur [L], du compte rendu écrit rédigé par Monsieur [W] :
1 – que Madame [I] a déclaré qu’elle faisait l’objet de « consignes vives de la part de Madame [V] [U], laquelle lui demandait de ne plus prendre contact directement avec n’importe qui dans la société, excepté elle et Monsieur [F] » et qu’à compter de 2016, Madame [V] [U] lui avait laissé entendre qu’elle allait préparer des tableaux d’amortissement aux fins de facturer des intérêts aux sociétés filiales qui bénéficiaient des avances d’ABD Solution,
2 – que Monsieur [R] [L] a mentionné qu’il avait été recruté par Madame [V] et Monsieur [F] dans une société du Groupe pour exercer la fonction de manager et que l’embauche avait été réalisée par Madame [V] et Monsieur [F], agissant en qualité de co-gérants de la société, qu’il a ajouté que selon lui, Madame [V] [U] était gérante de fait de toutes les structures juridiques et qu’en tout état de cause, elle prétendait qu’elle était associée dans les sociétés du groupe ABD mais ne souhaitait pas apparaître officiellement,
3 – que Monsieur [W], salarié du groupe, a également expliqué qu’il avait été pris à part par Madame [V] qui « souhaitait que ses seuls interlocuteurs soient dorénavant elle ou Monsieur [F] », c’est-à-dire qu’il n’adresse ses demandes qu’à elle ou à Monsieur [F].
Par ailleurs, la teneur des courriels que Madame [V] adressait aux salariés – dont des exemples sont produits aux débats – en leur donnant des instructions allant au – delà de ses fonctions d’assistante de direction et concernant l’établissement des mandats de vente et le fonctionnement de façon plus large de la société confirment qu’elle prenait des décisions financières et gérait avec son compagnon Monsieur [F] le groupe ABD et plus particulièrement la société ABD Solution.
En effet, elle apparaît dans ces messages – non comme une intermédiaire entre les gérants et les salariés, retransmettant les directives – mais comme une donneuse d’ordres sans laquelle rien ne pouvait être fait ; ce rôle correspondant davantage à un statut d’actionnaire majoritaire dans une des sociétés du groupe – ABD Formation- .
Aussi, contrairement à ce qu’elle soutient, ce ne sont pas les quelques courriels que Monsieur [F] lui a envoyé en y écrivant un seul mot « archivage » qui peuvent démontrer qu’elle était sous ses ordres et sa direction et qu’elle se situait dans un lien de subordination par rapport à lui.
En conséquence, il convient de dire que le mandataire liquidateur rapporte la preuve de l’absence de tout lien de subordination entre la société ABD Solution et Madame [V], de sorte que c’est à tort que celle – ci tente de se prévaloir de la qualité de salariée.
Il convient donc – sans qu’il soit nécessaire de rentrer dans le détail des dépenses prises éventuellement en charge indûment par la société au titre des vacances passées en Italie ou au Portugal par le couple [V]/[F] – d’infirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions.
Enfin, contrairement à ce que soutient le liquidateur, il n’y a pas lieu de déclarer la juridiction prud’homale incompétente et de renvoyer les parties devant les juridictions commerciales dès lors que le conseil de prud’hommes et la chambre sociale sociale de la cour ont été saisis de demandes relatives à un prétendu contrat de travail et que l’absence d’un tel contrat ne peut conduire qu’au débouté des demandes formulées et non à la détermination de la nature exacte des relations liant Madame [V] à la société ABD Solution ; le tribunal de commerce étant au surplus incompétent pour connaître de demandes de rappel de salaire et d’indemnités consécutives à un éventuel licenciement.
IV – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens doivent être supportés par Madame [V].
***
Il n’est pas inéquitable de condamner Madame [V] à verser une somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile à la SELARL MJO prise en la personne de Maître [T], ès qualités tout en la déboutant de sa propre demande présentée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Poitiers le 15 décembre 2020,
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de sursis à statuer présentée par la SELARL MJO prise en la personne de Maître [T], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ABD Solution,
Rejette la demande présentée par Madame [X] [U] [V] tendant à faire écarter des débats les pièces numérotées 7 à 10 figurant au dossier de la SELARL MJO prise en la personne de Maître [T], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ABD Solution et à faire retrancher les citations desdites pièces contenues dans les pages 7 à 9 des conclusions signifiées devant la cour le 2 février 2021,
Déboute Madame [X] [U] [V] de l’intégralité de ses demandes relatives à des rappels de salaires, d’indemnités afférentes à son licenciement et à des dommages intérêts afférents au contrat de sécurisation professionnelle,
Rejette l’exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce soulevée par la Selarl MJO prise en la personne de Maître [T], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ABD Solution,
Y ajoutant,
Condamne Madame [X] [U] [V] à verser à la SELARL MJO prise en la personne de Maître [T], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ABD Solution la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Madame [X] [U] [V] de sa demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [X] [U] [V] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,