Actions de Groupe : Cour d’appel de Pau, Chambre sociale, 31 octobre 2019, 16/02452

·

·

Actions de Groupe : Cour d’appel de Pau, Chambre sociale, 31 octobre 2019, 16/02452

bilités syndicales CGT.

Il sera rappelé par ailleurs que le fait que dans le cadre d’une action de groupe menée par le syndicat CGT de la Fédération des Travailleurs de la métallurgie devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Snecma intégrée à la société Safran Aircraft Engine, laquelle n’est pas la société intimée, ait vu sa méthodologie pour déterminer l’existenc
* * *
SDA/SB

Numéro 19/4225

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 31/10/2019

Dossier : N° RG 16/02452 – N° Portalis DBVV-V-B7A-GIE7

Nature affaire :

Autres demandes d’un salarié protégé

Affaire :

[S] [P]

C/

Société SAFRAN LANDING SYSTEMS anciennement MESSIER BUGATTI DOWTY

La Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT (FTM-CGT

Le Syndicat CGT MESSIER DOWTY [Adresse 1]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 31 Octobre 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 04 Septembre 2019, devant :

Madame DEL ARCO SALCEDO, Président

Madame DIXIMIER, Conseiller

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [S] [P]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparant, assisté de Maître MENDIBOURE de la SCP MENDIBOURE-CAZALET, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

Société SAFRAN LANDING SYSTEMS anciennement MESSIER BUGATTI DOWTY

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Comparante en la personne du responsable des ressources humaines assistée de Maître

ROMAND de la SCP CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTERVENANTS VOLONTAIRES

La Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT (FTM-CGT)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Le Syndicat CGT MESSIER DOWTY [Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentés par Maître MENDIBOURE de la SCP MENDIBOURE-CAZALET, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 22 JUIN 2016

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : F15/00060

EXPOSE DU LITIGE

La SA Messier Bugatti Dowty, devenue SAS Safran Landing Systems a pour activité principale la conception et la fabrication de trains d’atterrissage et de systèmes de freinage pour l’industrie aéronautique. La société Safran dispose de 4 établissements: [Localité 2] (78), [Localité 4] (64), [Localité 5] (69) et [Localité 6] (67).

Son activité relève de la convention collective nationale de la métallurgie.

Le 3 mai 1999, M. [P] a été embauché le 3 mai 1999 par la société Messier Bugatti Dowty en qualité de monteur au service de la production, filière ouvrier, niveau 3, échelon 3, coefficient 255/1, suivant contrat à durée déterminée, puis suivant contrat à durée indéterminée à compter du 18 novembre 1999.

Il a été affecté à l’établissement de [Localité 4].

Le 22 avril 2003, M. [P] a intégré le service assurances qualité procédés, en qualité de technicien qualité, coefficient 285/1. Son salaire mensuel brut de base a été fixé à 2084,87 €.

Le 11 juin 2011, il a été élu délégué du personnel sur une liste présentée par la CGT.

Le 9 décembre 2011, il s’est vu attribuer deux primes exceptionnelles de 500 € au titre de sa participation à deux dossiers d’invention.

Suivant courrier du 18 juin 2012, M. [P] a été promu au coefficient 335, palier 1, avec effet rétroactif au 1er mars 2012. Son salaire mensuel brut de base a été ainsi porté à 2.836,92 €. L’employeur lui a rappelé dans ce courrier que sa rémunération avait fait l’objet en outre d’une augmentation générale de 1,5% au 1er janvier 2012.

Le 12 novembre 2012, M. [P] a été désigné en qualité de délégué syndical par la CGT.

Le 22 mars 2013, son salaire mensuel brut de base a été porté à 2.864,25 € avec effet rétroactif au 1er janvier.

Le 12 juin 2014, il a bénéficié d’une augmentation individuelle avec effet rétroactif au 1er janvier, son salaire mensuel de base étant ainsi porté à 2.993,71 € bruts.

Le 3 décembre 2014, M. [P] a été désigné en qualité de représentant syndical CGT au comité d’établissement, puis le 3 août 2015 au comité central d’entreprise.

Le 23 décembre 2014, les parties ont signé un avenant soumettant le salarié à un régime de forfait en heures sur une base hebdomadaire moyennant un salaire mensuel brut de base de 3068,55 €.

Toujours en poste au sein de la Société, il occupe à ce jour les fonctions de technicien qualité procédés, niveau 5, échelon 2, coefficient 335, pour un salaire mensuel brut de base de 3.372,58 €.

Le 28 janvier 2015, M. [P] , estimant que ses fonctions syndicales avaient freiné son évolution de carrière, et qu’il était victime d’une discrimination syndicale, a saisi le conseil de prud’hommes de Pau.

Par jugement de départage du 22 juin 2016, le conseil de prud’hommes de Pau a :

-débouté M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

-condamné M. [P] à payer à la société Messier Bugatti Dowty la somme de 1 000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

-condamné M. [P] aux entiers dépens.

Le 6 juillet 2016, M. [P] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai non contestées.

Par conclusions visées par le greffe le 16 juillet 2019, reprises oralement à l’audience du 4 septembre 2019, et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [P] demande à la cour de :

-réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

-dire et juger qu’il est victime de discrimination syndicale,

-condamner la société Safran Messier Bugatti Dowty, établissement de [Localité 4] à lui verser la somme de 63.408 € à titre de dommages et intérêts pour la totalité du préjudice subi,

-ordonner son repositionnement au coefficient cadre 2/120,

-condamner la société Safran Messier Bugatti Dowty à lui verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Safran Messier Bugatti Dowty aux entiers dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 4 septembre 2019, reprises oralement à l’audience du 4 septembre 2019, et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Safran Landing Systems, anciennement Messier Bugatti Dowty, demande à la cour de :

– à titre principal,

– juger que l’intervention volontaire du syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et de la FTM CGT est irrecevable,

-confirmer le jugement du 22 juin 2016 dans toutes ses dispositions,

– à titre subsidiaire,

– confirmer le jugement du 22 juin 2016 dans toutes ses dispositions,

– débouter le syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et la FTM CGT de ses demandes,

– en tout état de cause,

– condamner M. [P] à lui verser la somme de 5 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et la FTM CGT à lui verser la somme de 2.000€ chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 25 juillet 2019, reprises oralement à l’audience du 4 septembre 2019, et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la Fédération des Travailleurs de la métallurgie CGT demande à la cour de juger recevable et bien fondée son intervention volontaire, de condamner la société Safran Landing Systems anciennement dénommée Messier Bugatti Dowty à lui verser la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession ainsi que celle de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 25 juillet 2019, reprises oralement à l’audience du 4 septembre 2019, et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, le syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] demande à la cour de juger recevable et bien fondée son intervention volontaire, de condamner la société Safran Landing Systems anciennement dénommée Messier Bugatti Dowty à lui verser la somme de 8000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi moral et financier direct et indirect et de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession ainsi que celle de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’intervention volontaire du syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et de la FTM CGT

Aux termes de l’article L2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’il représentent.

En l’espèce, les critiques développées par les syndicats sur les audits de positionnement prévus par l’accord du groupe Safran du 19 juillet 2006 ne tendent pas à obtenir de la juridiction prud’homale leur nullité comme le soutient la société intimée mais s’insèrent dans la discussion relative à la discrimination invoquée par le salariée.

La violation alléguée par M. [P] des dispositions cumulées des articles L 1132-1, L2141-5 et L1134-1 du code du travail en raison de ses activités syndicales est de nature à porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par les syndicats de sorte que l’intervention de ces derniers au côté du salarié dans le cadre de la présente instance est recevable.

Le jugement entrepris sera complété sur ce point.

Sur la discrimination

Par application des dispositions cumulées des articles L 1132-1, L2141-5 et L1134-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de ses activités syndicales.

L’employeur ne peut prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions notamment en matière de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

En cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Deux élément sont combinés en matière de discrimination syndicale :

– une comparaison dans le temps, entre la situation du salarié avant et après le début de ses activités syndicales, permettant de prendre en compte la proximité temporelle du commencement d’une activité syndicale et de mesures qui lui sont défavorables ;

– une comparaison entre le sort du salarié concerné et celui des autres salariés placés dans une situation identique quant à leur ancienneté, leur catégorie professionnelle, leur qualification, leur coefficient, leurs diplômes, leurs compétences et leur expérience.

…………………………

Il sera d’abord relevé que le salarié ne peut fixer le point de départ de la discrimination dont il se dit victime à compter de l’année 2003, date à laquelle il soutient sans l’établir qu’il a adhéré à la CFDT. Il n’a été investi d’un mandat représentatif sur une liste présentée par la CGT qu’en juin 2011, étant rappelé qu’une présomption de discrimination syndicale ne peut exister qu’à compter du moment où une appartenance syndicale existe et où elle est connue de l’employeur.

Cela étant, les éléments de fait suivants, précis et circonstanciés, que M. [P] présente, laissent présumer l’existence d’une discrimination syndicale :

– en mai 2011, alors qu’il avait atteint le coefficient 305 palier 4, l’employeur a refusé de le passer au coefficient 335 ‘assimilé cadre’ ; est produit le courrier en ce sens du responsable assurance qualité, M. [X] ;

– or, il a intégré le service qualité en 2003 et il a constaté que sur le panel de 10 salariés présents dans ce service, 6 dont l’ancienneté était inférieure mais avec un diplôme équivalent ( BTS) s’étaient vu attribuer le statut de cadre dès l’entrée en fonction, notamment Mme [Q] ; en outre, les salariés non cadres de son service ont tous bénéficié d’une évolution de carrière plus rapide (M. [K], coefficient 365, M. [I], coefficient 395) ; par ailleurs, certains salariés ayant accédé au statut de cadre n’ont pas été sélectionnés au regard de leur niveau d’anglais ( Mme [Q]) de sorte que son évolution ralentie de sa carrière ne peut se justifier par un niveau d’anglais jugé insuffisant ; il a d’ailleurs suivi plusieurs formations en anglais, il communique régulièrement en anglais avec les fournisseurs et clients ; il s’est vu refuser par l’employeur en 2019 de nouvelles formations en anglais ;

– il produit un panel de 12 salariés (pièce 83-1) dont il déduit qu’il a subi une évolution de carrière ralentie en matière de coefficient et de salaire au regard de l’évolution de ses collègues de travail entrés en fonction à la même date, avec un diplôme équivalent ; sur les 12 salariés, 8 bénéficient d’un coefficient supérieur au sien et 2 sont cadres ;

– il n’a atteint le coefficient 335 présenté par l’employeur comme ‘assimilé cadre’ qu’en 2014 malgré des entretiens professionnels positifs ; l’employeur ne lui a jamais fourni d’explications sur son évolution de carrière et ne lui a pas communiqué les élements permettant d’établir un véritable panel comparatif malgré ses demandes réitérées ; l’employeur n’a en réalité jamais souhaité mettre en oeuvre une méthode objective et fiable permettant de mesurer l’évolution de la carrière des élus de la CGT ;

– les audits de positionnement pour les années 2009 à 2012 et 2010 à 2013 que l’employeur lui a communiqués présentent des incohérences et des insuffisances ; ils portent sur une population différente pour un même comparant et les coefficients comparés changent pour un seul et même salarié ;

– il a été soumis à des sujétions particulières pour accéder à la filière cadre alors que plusieurs salariés ont accédé directement à un statut de cadre sans être soumis aux mêmes sujétions ; en outre, il n’a jamais été inscrit par son employeur dans une démarche d’accès au statut de cadre malgré ses demandes ; une partie de ses fonctions a été transférée en 2012 à un nouvel arrivant qu’il avait formé, lequel avait le statut de cadre ;

– dans le cadre de la procédure de passage au statut d’agent de maîtrise auquel il avait postulé, l’employeur a signalé au cabinet d’évaluation son statut de représentant syndical, ce statut étant ainsi devenu un critère d’appréciation ; le compte-rendu d’évaluation ne présente aucun caractère objectif : il lui reconnaît les qualités techniques et managériales pour accéder au poste convoité mais conclut à l’impossibilité de le positionner pour cette fonction, ‘car il a été difficile d’évaluer ses réelles motivations et son positionnement de futur manager’; ce compte rendu ne fait que répondre au souhait de l’employeur qui ne veut pas positionner de représentant CGT dans le collège cadre ;

– les appréciations portées sur ses comptes-rendus d’entretien individuel, notamment celui de 2015, ont un lien avec son engagement syndical ; en réponse à sa demande d’évolution vers des responsabilités managériales, l’employeur souligne la nécessité de compétences comportementales, de disponibilité et de sens du compromis, ce qui est en lien avec son engagement syndical ;

– il a subi un management erratique se caractérisant d’abord par une surcharge de travail puis par une absence de travail et une mise à l’écart physique pendant plusieurs semaines, amenant le CHSCT à alerter l’entreprise ; il a été contraint de changer de bureau, ce qui l’a éloigné des salariés de son service ;

– l’objectif de l’entreprise a été rappelée en mars 2013 dans une étude réalisée à sa demande : ‘ faire front aux OS et notamment éviter que la CGT ne progresse trop fortement aux élections professionnelles de 2015’ .

En réponse, la société Safran conteste tout élement de discrimination.

L’analyse par la cour des pièces versées aux débats permet de constater que dès avant son élection en qualité de délégué du personnel sur une liste CGT en juin 2011, M. [P] demandait déjà à son supérieur hiérarchique les raisons de son absence de promotion.

Embauché au coefficient 255 filière ouvrier, il a obtenu le coefficient 285 en 2003 en qualité de technicien qualité et a obtenu le coefficient 305 en 2006.

Il a atteint le palier 2 de ce coefficient en 2007, le palier 3 en 2008, et le palier 4 en 2009.

Par courrier du 21 mai 2011 (donc antérieur à l’élection du salarié en qualité de représentant du personnel), M. [X], responsable assurance qualité, a communiqué à ce dernier les critères devant être remplis pour un passage au coefficient 335 « assimilé cadre », à savoir :

– l’acquisition d’une expérience significative dans le métier,

– la coordination d’activités différentes et complémentaires,

– une plus ample responsabilité technique, de gestion ou d’encadrement,

– la recherche de solutions techniques évolutives ou la réalisation d’objectifs à court ou moyen terme,

– avoir une certaine autonomie dans le mode de travail, de décision et de résolution de problèmes,

et en a conclu que l’application de ces critères au salarié ne permettait pas à la société de le faire passer à ce statut dès 2011.

La cour observe que si l’entretien d’évaluation du salarié pour l’année 2010 relève que les objectifs sont atteints pour la plupart, des points restaient à améliorer en matière de comportement, de ton employé dans les emails jugés trop polémiques, de suivi des actions, de rigueur et d’autonomie, de niveau d’anglais.

La promotion souhaitée par le salarié est cependant intervenue en juin 2012, c’est à dire un an après son élection en qualité de délégué du personnel. M. [P] a ainsi été promu au coefficient 335 palier 1 avec effet rétroactif au 1er mars 2012 et il a bénéficié du salaire de base mensuel brut correspondant (2.836,91 € au lieu de 2.646,71 €).

Il ressort par ailleurs de ses bulletins de salaire qu’entre 2013 et 2019, M. [P] a bénéficié régulièrement d’augmentations de son salaire de base, tel que cela a été rappelé dans l’exposé du litige. Il perçoit à ce jour une rémunération brute mensuelle de base de 3.372,58 €.

L’audit de positionnement 2013 produit par l’employeur (page 4 pièce 19) démontre en outre que le salaire de l’intéressé est chaque année supérieur à la majorité des salariés de même niveau. Sur 42 salariés, 16 ont un coefficient 305, 7 un coefficient 285, 2 un coefficient inférieur, les salariés dotés d’un coefficient 335 étant au nombre de 16, seuls 5 salariés bénéficiant d’un coefficient 365.

Pour autant, il appartient à l’employeur de démontrer, non que le salarié perçoit une rémunération supérieure aux salariés de sa catégorie mais qu’il n’a pas été discriminé dans son évolution de carrière.

M.[P] justifie n’avoir pas obtenu d’élévation de son niveau hiérarchique (au statut cadre ou agent de maîtrise) malgré ses demandes.

En août 2012, il a été informé de l’existence d’une filière de passage cadre par M. [A], RRH, et a accepté la proposition de rendez-vous aux fins de précisions sur ladite filière. Suivant courriel du 1er août 2012, M.[P] a toutefois précisé qu’il n’était pas ‘pour le moment’ très motivé pour présenter une demande de passage au statut cadre.

Après avoir obtenu le compte-rendu de l’entretien, le salarié a relancé l’employeur aux fins de connaître notamment les différences entre la mission d’un cadre et d’un non cadre au sein du service qualité dans lequel il était affecté.

M. [A], suivant courriel du 21 janvier 2013, a apporté au salarié des éléments de réponse que celui-ci a jugé incomplets.

A la suite d’un nouvel entretien du 1er mars 2013, l’employeur a expliqué au salarié que le statut cadre se caractérisait par son autonomie, son leadership, ses aptitudes à communiquer y compris en anglais, sa capacité à capitaliser et transmettre son savoir, sa capacité à représenter la société, sa capacité à mener des travaux au-delà de son périmètre de responsabilité, autant de critères présentés dans le document ‘Passage cadre’ mis en oeuvre dans l’entreprise.

M.[P] a, en septembre 2013, postulé non au statut de cadre mais au statut d’agent de maîtrise. Au cours d’un entretien, sa hiérarchie lui a expliqué le processus à suivre à cette fin et notamment l’organisation d’un bilan professionnel avec un cabinet extérieur ‘Expression de Talents’.

S’agissant du descriptif du poste, il figure dans le document ‘Passage agent de maîtrise’. Il est prévu notamment que l’agent de maîtrise, outre ses compétences techniques et qualité, représente la direction auprès de ses collaborateurs, soutient ses décisions, est flexible et capable d’accepter et accompagner le changement, communique avec ses équipes et réalise les entretiens individuels.

Le compte rendu d’évaluation établi par le cabinet requis relève les éléments suivants :

– le salarié a en charge la qualification des sous-traitants dont il est responsable et définit avec eux des plans d’action ;

– ses scores sont au-dessus de la moyenne du groupe de référence s’agissant de ses aptitudes cognitives ;

– dans ses activités d’encadrement, il mise sur la motivation de chacun, la satisfaction de ses collaborateurs, autant de garanties pour la viabilité des projets ; il a le sens des réalités ; il est capable de gérer l’impulsivité dont il peut faire preuve dans des situations managériales. Il est disponible, ne recherche ni la gloire, ni les compliments ;

– il privilégie l’échange et le dialogue ;

– il manque néanmoins de recul et d’ouverture dans l’analyse de certaines situations ; face à une situation qu’il estime injuste, il réagit parfois maladroitement notamment à l’écrit.

C’est ainsi que le cabinet d’évaluation, après avoir retenu que le salarié avait les compétences techniques et les connaissances de base en termes de comportement managérial, conclut ainsi : ‘ Il a été difficile d’évaluer ses réelles motivations et son positionnement de futur manager’. Il ne fait cependant aucune référence aux fonctions syndicales exercées par le salarié.

C’est sur cette base que M. [A] a, fin 2014 et au terme de nouveaux entretiens, informé le salarié qu’il ne passerait pas agent de maîtrise.

Même si dans son courrier du 18 décembre 2014, M. [A] affirmait qu’aucune information spécifique n’avait été donnée au cabinet d’évaluation sur la position syndicale du salarié et même si cette assertion n’est pas exacte au regard du courriel envoyé au cabinet Expression de Talents, libellé comme suit :

‘ Cette candidature est très sensible dans la mesure où ce dernier est notre délégué site CGT, nous souhaitons donc qu’il fasse le bilan classique comme tout futur agent de maîtrise….’, il n’en demeure pas moins qu’aucune preuve d’une quelconque discrimination n’en résulte.

En effet, cette phrase ne s’analyse que comme la recommandation donnée par M. [A] de soumettre M. [P] au même bilan que tout candidat aux fonctions d’agent de maîtrise et ainsi à le placer sur un pied d’égalité avec les autres candidats.

La position prise par l’employeur est en adéquation avec les entretiens individuels versés aux débats lesquels, s’ils confirment à compter de 2012 que tous les objectifs sont atteints, que le poste est maîtrisé, que le salarié a un comportement adapté aux attentes de la hiérarchie, mentionnent un point d’amélioration récurrent, à savoir le niveau d’anglais.

L’employeur justifie qu’il exigeait des cadres un niveau d’anglais courant, niveau que le salarié ne justifie pas avoir obtenu malgré les nombreuses formations suivies. Dès 2010, alors même que ce dernier n’était investi d’aucun mandat représentatif, son entretien annuel d’évaluation précise qu’il devait améliorer son niveau d’anglais. Lors de l’entretien d’évaluation portant sur l’année 2012, il lui a été rappelé qu’il devait poursuivre ses efforts en anglais. M. [P] n’a cependant obtenu qu’un score de 0/5 au test ‘Bright’ passé le 7 février 2013, ce qui correspond à un niveau débutant. Le bilan du test est le suivant : ‘ La communication est réduite à quelques expressions internationales courtes et le recours à des outils linguistiques est permanent’.

Enfin, le salarié ne peut valablement déduire des mentions portées par Mme [Z] sur le compte-rendu d’entretien individuel de 2015 sur les qualités nécessaires à l’exercice des fonctions de cadre de façon générale, à savoir le sens du compromis et la disponibilité, qu’il faisait l’objet de discrimination du fait de ses activités syndicales alors même que lesdites fonctions syndicales n’étaient pas évoquées par son supérieur hiérarchique.

La cour considère en conséquence comme les premiers juges que l’employeur justifie d’une procédure objective de passage au statut agent de maîtrise, appliquée à tout salarié faisant acte de candidature à ce statut.

Il convient encore d’examiner les panels produits en la cause par le salarié et de comparer l’évolution de sa carrière à celle de salariés placés dans une situation identique quant à leur ancienneté, leur catégorie professionnelle, leur qualification, leur coefficient, leurs diplômes, leurs compétences et leur expérience.

M. [P] produit un panel de comparaison composé de 12 salariés titulaires d’un même niveau de diplôme (BTS ou DUT), d’un âge proche, et disposant d’une même ancienneté.

La société intimée établit que seuls 4 salariés sur les 12 cités ont été recrutés au même coefficient 255 que M. [P] : M. [L], M. [O], M. [C], M. [B], ce qui n’est pas contredit par l’appelant. Les autres salariés n’ont pas été embauchés au même coefficient de sorte que leurs évolutions de carrière respectives ne peuvent servir de base de comparaison.

L’appelant ne peut par ailleurs valablement se prévaloir du non-respect de l’accord national du 21 juillet 1975 par l’employeur lequel ne détermine que le niveau de coefficient minimal garanti d’entrée en fonction correspondant à tel diplôme.

L’employeur élargit le panel présenté par M. [P] et présente 23 salariés d’un âge similaire, embauchés au même coefficient, à la même période, avec un niveau de diplôme équivalent. Ce panel doit donc être préféré au panel proposé par l’appelant.

Il en découle que celui-ci est positionné au coefficient 335 comme 16 salariés du panel, et que 7 salariés sont positionnés au coefficient 365. Il n’est donc pas victime d’une discrimination dans l’attribution de son coefficient puisqu’il se situe parmi les 16 salariés les mieux positionnés sur les 23 répertoriés.

L’appelant produit également un panel constitué des salariés de son service qualité.

L’étude comparative du salaire et coefficient de M. [P], qui est titulaire d’un BTS et dispose d’une ancienneté de 20 ans au sein de l’entreprise et de 16 ans au service qualité procédés, avec ceux des autres salariés dudit service permet de constater ;

– qu’en 2015, parmi les 10 salariés du service, 5 salariés ont le statut de cadre,

– que parmi ces 5 salariés, 3 d’entre eux ont un diplôme d’ingénieur et un niveau d’anglais courant ( Mme [U], M. [D], M. [F]) ; ils n’ont pas été recrutés à la même période que l’appelant ni avec la même qualification et expérience ; que deux autres salariés sont titulaires d’un BTS à savoir Mme [Q] et M. [R] ; cependant, la première est également titulaire d’un diplôme universitaire d’ingénierie technique ‘animateur qualité’ ainsi que d’un certificat de compétence en ‘management opérationnel’ et elle dispose de 19 années d’expérience acquise au sein d’une autre entreprise en qualité de responsable qualité ; M. [R] justifie de compétences acquises dans le cadre de formations continues avec le [Établissement 1] et d’une expérience de 32 ans acquise d’abord dans les fonctions de technicien qualité procédés au sein d’une autre entreprise, ensuite dans les fonctions de chef d’équipe unité procédés et enfin, à compter de 1993 au sein de la société intimée en qualité d’adjoint au responsable qualité procédés,

– que parmi les non cadres, 3 salariés disposent d’un coefficient supérieur à celui de l’appelant : M. [K], M. [I] et M. [Y] ; M. [K], disposant de 13 ans d’ancienneté et bénéficiant du coefficient 365, est titulaire d’un DUT en mesures physiques et mesures et contrôles physico-chimiques ; il a obtenu des certifications en ‘courants de Foucault- toutes techniques’ ; sa candidature au statut de cadre n’a pas été retenue par la commission de passage cadre mais il a été nommé spécialiste en techniques industrielles en procédés de contrôle ; M. [I] et M. [Y], bénéficiant du coefficient 395, disposent respectivement d’une ancienneté de 29 et de 31 ans au sein de la société, donc plus importante que celle de M. [P] ;

– enfin, M. [T], titulaire d’un master 1, avec une ancienneté de 3 ans, est positionné au même coefficient que M. [P].

La société Safran justifie que deux autres salariés ont intégré, respectivement en 2015 et 2016, le service auquel M. [P] appartient en qualité de cadres, M. [H] et M. [S], lesquels disposent d’un diplôme d’ingénieur.

Par ailleurs, suivant procès-verbal de la réunion plénière du CE du 30 juin 2015, Mme [Q], candidate CGT, a été élue membre du CHSCT. M. [R] s’est présenté aux élections du comité d’entreprise du 11 juin 2015 sur une liste CGT au sein du 3ème collège. Il n’a pas été élu. Ces éléments permettent cependant d’en déduire comme les premiers juges que le statut de cadre n’est pas incompatible avec les responsabilités syndicales CGT.

Il sera rappelé par ailleurs que le fait que dans le cadre d’une action de groupe menée par le syndicat CGT de la Fédération des Travailleurs de la métallurgie devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Snecma intégrée à la société Safran Aircraft Engine, laquelle n’est pas la société intimée, ait vu sa méthodologie pour déterminer l’existence d’une discrimination critiquée par le défenseur des droits ne caractérise pas un fait objectif de discrimination syndicale à l’égard de l’appelant.

Il en est de même du document établi par le cabinet Adéios en mars 2013, lequel n’est pas un document interne de la société intimée. La société Safran précise sans être contredite qu’elle n’avait finalement pas confié de mission à ce cabinet.

La lecture des courriels adressés par l’appelant à ses collègues de travail et à sa hiérarchie permet de constater qu’il emploie un ton inadapté. La cour considère comme les premiers juges que les critiques qui lui sont adressées depuis 2011 sont légitimes et que le fait que les entretiens individuels aient mentionné que le comportement du salarié devait s’améliorer n’était pas en lien avec ses fonctions syndicales.

L’employeur justifie par ailleurs de l’adaptation de la charge de travail du salarié lequel se plaignait d’être surchargé. Mme [Z], son supérieur hiérarchique, en a pris acte le 1er février 2019.

Enfin, l’employeur justifie sa décision de changer provisoirement le salarié de bureau en mai 2015 au regard de la nécessité de réaliser des travaux dans les locaux afin de pouvoir accueillir les nouveaux arrivants. Le choix du salarié repose sur des critères objectifs qui lui ont été expliqués, sans lien avec ses fonctions syndicales, notamment indépendance par rapport aux autres membres de son équipe, autonomie dans l’organisation du travail.

L’employeur, dans un courriel du 9 juillet 2015 rappelle au salarié que plusieurs réunions de délégués du personnel ont eu lieu sur ce projet de réimplantation, que le salarié avait été absent à la réunion d’équipe hebdomadaire au cours de laquelle ce projet avait été abordé et qu’un autre salarié avait également provisoirement déménagé.

La cour considère en conséquence comme les premiers juges que les faits présentés par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à ses activités syndicales.

Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande tendant à voir juger qu’il est victime de discrimination syndicale et des demandes subséquentes de dommages et intérêts et de repositionnement au coefficient cadre 2/120.

Il en découle que le syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT doivent être déboutés de leurs demandes, par ajout au jugement entrepris.

Sur le surplus des demandes

M.[P] qui succombe sera condamné aux dépens d’appel, ceux de première instance restant également à sa charge par confirmation du jugement entrepris, ainsi qu’à payer à la société intimée la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, somme qui s’ajoutera à celle allouée par les premiers juges sur le même fondement.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre du syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et de la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe

Déclare recevable l’intervention volontaire du syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et de la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute le syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT de leurs demandes,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre du syndicat CGT Messier Dowty [Adresse 1] et de la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT,

Condamne M. [P] à payer à la SAS Safran Landing Systems la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [P] aux dépens.

Arrêt signé par Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Chat Icon