Actions de Groupe : Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 12, 2 septembre 2022, 21/03480

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Actions de Groupe : Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 12, 2 septembre 2022, 21/03480

tion en forçant chaque victime à saisir la commission puis le tribunal, et mise sur l’absence d’action de groupe en matière de sécurité sociale pour la forcer à engager un avocat.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la CIPAV demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé de l’irrecevabilité du recours
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 02 septembre 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/03480 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQ77

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mars 2021 par le Pole social du TJ de MELUN RG n° 19/00839

APPELANTE

Madame [V] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

INTIMEE

LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ ASSURANCE VIEILLESSE (CIPAV)

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027 substituée par Me Kévin BOUTHIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour initialement prévu le 01 juillet 2022 et prorogé au 02 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par Mme [V] [R] d’un jugement rendu le 19 mars 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Melun dans un litige l’opposant à la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (la CIPAV).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [R] exerce une activité professionnelle en qualité d’auto-entrepreneur et est affiliée à la CIPAV; qu’elle a contesté son relevé de situation de retraite individuelle au regard de son statut ; qu’après vaine saisine de la commission de recours amiable, elle a porté le litige devant le tribunal de grande instance de Melun le 02 décembre 2019.

Par jugement en date du 19 mars 2021, le tribunal judiciaire de Melun a :

– déclaré le recours de Mme [R] irrecevable ;

– débouté Mme [R] de ses demandes ;

– débouté la CIPAV et Mme [R] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [R] aux dépens.

Le tribunal a retenu que le relevé de situation individuelle en cause, étant un document indicatif et provisoire n’émanant pas de la CIPAV, ne caractérisait pas une décision prise par cette dernière de sorte que l’intéressée ne pouvait pas contester directement ce relevé devant la commission de recours amiable. Il a ajouté qu’en l’espèce, la requérante n’avait pas saisi la CIPAV d’une demande de rectification.

Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 07 avril 2021.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, Mme [R] demande à la cour par voie d’infirmation du jugement déféré, de :

-déclarer son recours recevable,

-condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par elle sur la période 2015-2019 selon le détail suivant : 36 points en 2015, 72 points en 2016, 36 points en 2017, 36 points en 2018 et 36 points en 2019;

-condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

-condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

-condamner la CIPAV, outre aux dépens, à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que le relevé de situation individuelle retranscrit les droits à la retraite comptabilisés par chaque caisse de retraite dont le professionnel relève ; que la demande en ligne de l’adhérent sur le site dédié du Groupement d’Intérêt Public (GIP) INFO RETRAITE auquel la CIPAV renvoie elle-même, génère autant de décisions dématérialisées que de caisses concernées dont la CIPAV en dernière page ; qu’en téléchargeant le document, l’adhérent obtient la décision individuelle prise par la CIPAV de minoration de points jusqu’en 2015; que cette décision faisant à l’évidence grief pouvait donc être contestée directement devant la Commission de recours amiable puis devant le Tribunal, peu important à cet effet que les données y figurant ne soient pas définitives ; que c’est d’ailleurs la position de la Cour de cassation qui, par un arrêt publié du 11 octobre 2018 et au visa de l’article R142-1 du Code de la sécurité sociale dont excipe la CIPAV, a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris qui avait considéré qu’un particulier n’était pas recevable à contester son relevé de carrière (2ème Chambre civile, 11 octobre 2018, n°17-25.956, publié) ; que différentes cours d’appel, dont celle de [Localité 5], ont rendu plusieurs décisions en ce sens ; que la CIPAV est légalement tenue de mettre à jour le relevé de situation individuelle de ses adhérents ; que, pour une raison inexpliquée, la CIPAV a pris la décision de ne pas renseigner les données de son adhérente à compter de 2016 de sorte qu’aux termes de son recours amiable, elle sollicitait la mise en ligne conforme des données la concernant tant s’agissant de leur retranscription effective que s’agissant de leur quantum ;

que le 23 janvier 2020, par son arrêt Tate, la Cour de cassation a posé pour principe que l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement à l’auto-entrepreneur inscrit à la CIPAV; que selon ce texte et la Cour de cassation, « ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité » ; qu’est donc inévitable la censure de la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite complémentaire d’un montant inférieur à ceux de la première classe (à savoir moins de 40 points en « classe 1 » entre 2009 et 2012 et moins de 36 points depuis 2013 en « classe A ») ; que pour l’auto-entrepreneur dont le revenu excède la première classe de revenu en vigueur à compter de 2014 (soit 26 420 euros), une acquisition différente de 72 points correspondant à la classe B, 108 points en classe C, 180 points en classe D, etc. viole les prévisions de l’article 2 du décret précité ;

que de manière constante, l’assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable de l’autoentrepreneur est celle du chiffre d’affaires qui constitue l’assiette spécifique des cotisations (forfait social) ; que si l’article L 131-6 du code de la sécurité sociale définit l’assiette de cotisation des professionnels libéraux « classiques » comme étant le revenu retenu « pour le calcul de l’impôt sur le revenu », cette disposition n’est pas applicable aux auto-entrepreneurs pour lesquels l’article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale prévoit une assiette de cotisation différente tout en présumant un niveau de cotisations équivalent ; qu’à une assiette dissociée correspond ainsi une contribution réputée équivalente et des droits équivalents ; qu’au surplus, si l’auto-entrepreneur est autorisé à régler un impôt sur le revenu calculé sur la base de son chiffre d’affaires grâce au prélèvement libératoire (2,2% du chiffre d’affaires), l’abattement fiscal de 34% qui s’applique hors prélèvement libératoire ne peut pas être transposé, au demeurant sans fondement textuel (ni dans le code de la sécurité sociale, ni dans le décret 79-262), pour la détermination de la classe de revenu ;

qu’elle souffre d’exaspération au constat de l’obstruction par la CIPAVd’une décision de justice rendue au plus haut niveau, par la Cour de cassation ; qu’elle ne comprend pas que cette caisse investie d’une mission de service public élude aussi facilement, et spécialement dans la présente instance, l’apport clair, précis et non équivoque de l’arrêt Tate ;

que la CIPAV pratique l’obstruction en forçant chaque victime à saisir la commission puis le tribunal, et mise sur l’absence d’action de groupe en matière de sécurité sociale pour la forcer à engager un avocat.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la CIPAV demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé de l’irrecevabilité du recours de Mme [R] pour absence de décision préalable susceptible de recours ;

A titre subsidiaire

-juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de Mme [R];

-attribuer à Mme [R] les points de retraite complémentaire suivants : 9 points de retraite complémentaire en 2015, 43 points de retraite complémentaire en 2016, 27 points de retraite complémentaire en 2017, 9 points de retraite complémentaire en 2018, soit un total de 88 points ;

-débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes ;

-condamner Mme [R] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que la demande portée directement devant la commission et le tribunal sans avoir été formulée au préalable devant l’organisme concerné est irrecevable ; qu’en effet, le document sur lequel se fonde Mme [R] à savoir un relevé qu’elle s’est procurée sur le site internet « GIP INFO RETRAITE » n’est aucunement une décision ni un document émanant de sa part ; qu’étant purement indicatif et provisoire, ce document ne saurait pouvoir constituer une décision faisant grief, susceptible de contestation devant la commission de recours amiable ; que différents tribunaux ont rendu plusieurs décisions en ce sens ; que de plus, le relevé de situation individuelle de l’adhérente n’indique aucune donnée concernant les droits à la retraite auprès d’elle au titre de 2017 et 2018, ce qui ne peut précisément pas caractériser une quelconque décision prise par elle; qu’au surplus, la demande concernant l ‘année 2019 est en tout état ce cause irrecevable comme n’ayant pas été soumise préalablement à la CRA.

que le statut auto entrepreneur est un statut dérogatoire au régime « normal » ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique ; que pour chaque période d’affiliation, le statut d’auto entrepreneur permet aux professionnels libéraux, en fonction du chiffre d’affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d’acquérir des points de retraite de base et de retraite complémentaire ; que selon l’article D 131-5-1 du code de la sécurité sociale, pour les professionnels libéraux affiliés auprès d’elle relevant du régime de l’auto entrepreneur, le taux du forfait social est fixé à 22 % ; qu’elle ne perçoit elle-même que 52,5 % du forfait social acquitté par l’auto-entrepreneur ;

que pour la période antérieure à 2016, le BNC est bien l’assiette de calcul des points ; qu’en effet, dans le régime de droit commun, les cotisations dues au titre de la retraite complémentaire sont assises sur le revenu professionnel déclaré par l’adhérent à savoir son bénéfice non commercial ; que cependant, l’auto-entrepreneur ne déclare qu’un chiffre d’affaires brut mensuel ou trimestriel, c’est-à-dire le montant de ses recettes brutes correspondant aux factures effectivement encaissées, sur lequel il ne peut pas déduire ses charges ; que dans ces conditions, afin d’obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun, les cotisations de l’auto-entrepreneur sont calculées sur le CA après abattement de 34% reconstituant ainsi un revenu correspondant au BNC et en application des dispositions des articles L133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts ; que Mme [R] commet une erreur en se fondant sur son chiffre d’affaires dans le calcul de ses points de retraite de base et complémentaire; que, s’agissant de la retraite complémentaire, ses statuts s’appliquent à tous ses assurés, quel que soit leur régime (régime de droit commun ou auto-entreprise) ; que ses statuts prévoient (article 3-12) une possibilité de réduction de 75 %, de 50 % ou de 25 % du montant de la cotisation pour les assurés dont les revenus d’activité sont inférieurs à un seuil fixé annuellement par le conseil d’administration ; que les auto-entrepreneurs étant soumis à un seuil de chiffre d’affaires ne peuvent en tout état de cause prétendre à 40 points sur le période de 2009 à 2012, ni à 36 points sur 2013 ; qu’il convient de calculer les points de retraite complémentaire pour la période antérieure à 2016, en prenant en compte le bénéfice non commercial déclaré de l’autoentrepreneur affilié afin de déterminer la plus faible cotisation non nulle dont il aurait pu être redevable au titre du régime classique en application de l’article 2 du décret du n°79262 du 21 mars 1979 et conformément à l’article R.133-30-10 du code de la sécurité sociale ; que depuis le 1er janvier 2016, la compensation de l’Etat ayant été supprimée, il y a lieu de vérifier pour chaque année, en application du décret, le montant de la cotisation versée par l’adhérent au titre de la retraite complémentaire pour lui attribuer les droits correspondants à la cotisation payée ; que le calcul des points acquis par l’adhérent ne résulte que de l’application des dispositions réglementaires applicables au régime de l’auto entrepreneur et du principe de proportionnalité des droits à la retraite aux cotisations versées ; que ce mode de calcul a été expressément validé à la fois par le Ministère de l’économie et des finances, le Ministère des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d’Etat chargé du budget ;

que Mme [R] ne subit aucun préjudice et qu’il ne peut lui être reproché aucune faute au regard d’une simple divergence d’interprétation des textes applicables à la situation litigieuse.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité du recours

Il résulte des dispositions des articles R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable, que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisie de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l’intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois.

Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l’assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou nombre de points figurant sur ce relevé (en ce sens 2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956).

La CIPAV soutient que la commission de recours amiable puis la juridiction ne peuvent être saisies qu’à la suite de la notification d’une décision émanant de cet organisme et qu’en l’espèce le document dont se prévaut l’intéressée n’a qu’un caractère informatif et ne justifie d’aucune décision prise par l’organisme, qui permette à l’adhérente de saisir la commission de recours amiable. Elle affirme qu’il appartenait à Mme [R] de former une réclamation préalable auprès d’elle avant de saisir la commission de recours amiable. Mais cette assertion ne ressort d’aucun texte normatif. La commission de recours amiable étant déjà un organe de la caisse, sa saisine constitue l’exercice aménagé du recours préalable que revendique Mme [R].

En conséquence, dès lors que les mentions figurant sur le relevé individuel de situation procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d’un assuré social, ce dernier est recevable à contester devant la commission de recours amiable de l’organisme concerné puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale les mentions ou omissions objet du relevé, l’absence de notification n’ayant que pour seule conséquence de ne faire courir aucun des délais de forclusion prévus par les textes sus mentionnés.

Au cas présent, il convient de constater qu’à la suite de l’obtention de son relevé individuel de situation édité le 26 février 2019 portant mention d’un certain nombre de points pour l’année 2015 au titre du régime de retraite de base et du régime de retraite complémentaire de la CIPAV, Mme [R], affiliée à la CIPAV à effet du 01er juillet 2015, a saisi le 13 mars 2019 la commission de recours amiable de la caisse d’une réclamation, sollicitant la rectification de ses droits à la retraite acquis sous le statut d’auto-entrepreneur et la mise en conformité de son relevé de situation individuelle au titre des points de retraite complémentaire pour les années 2015 à 2018.

L’intéressé est donc recevable à contester les mentions ou omissions objet du relevé au titre des années 2015 à 2018 soumises à l’examen de la commission de recours amiable. L’année 2019 en revanche n’était pas visée lors de la saisine de la commission de recours amiable, ce qui s’explique du reste par la date à laquelle le relevé a été demandé et édité.

Il s’ensuit que le recours formé par l’assurée est recevable, à l’exception de la contestation des points de retraite complémentaire afférents à l’année 2019, qui n’a pas été préalablement soumise à la commission de recours amiable.

Le jugement déféré sera donc partiellement infirmé et le recours de Mme [R] sera déclaré recevable au titre des années 2015 à 2018 .

Sur le nombre de points au titre du régime de retraite complémentaire

Il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l’article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d’administration de cet organisme. Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012, applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite, pour la première de ces classes, fixé à 40 points jusqu’à l’année 2012, puis à 36 points à compter de 2013.

Il résulte des dispositions de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale que les cotisations et les contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants mentionnés au II du présent article bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée aux mêmes articles. Les dispositions de l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la Cipav (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15.542).

Cette dernière ne saurait pour s’opposer à la demande, se fonder sur ses statuts qui ne sont pas applicables à la fixation du nombre de points de retraite ou encore sur les règles de compensation résultant notamment de l’application des articles L. 131-7 et R. 133-10-10 du code de la sécurité sociale qui n’intéressent que les rapports entre l’Etat et cet organisme. En effet, il n’existe pas de lien direct et impératif entre l’absence de compensation appropriée par l’Etat des ressources de la CIPAV et le montant des prestations que celle-ci sert à ses affiliés.

De même, la CIPAV ne saurait faire état d’un défaut de respect du principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis dès lors que ce principe découle des dispositions de l’article 2 sus-mentionné par l’attribution d’un nombre de points de retraite procédant directement de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15.542).

Le grief tiré d’une rupture d’égalité entre les auto-entrepreneurs et les autres adhérents est sans portée, dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d’entreprises par la mise en place, notamment, d’un régime de déclaration et de paiement fiscal et social simplifié, sans porter atteinte aux droits de ceux qui ont choisi d’opter pour le régime micro-social.

Enfin, l’argument de l’organisme selon lequel le nombre de points revendiqué par l’assurée conduit à lui attribuer des points pour une valeur d’achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d’administration de la CIPAV est dénué de toute pertinence, puisqu’il se heurte au principe même du forfait social institué, au surplus, par des dispositions législatives.

Au cas présent, il est constant que l’intéressée s’est acquittée de ses cotisations telles que déterminées selon les modalités prévues à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale.

Mme [R], n’a en l’espèce jamais sollicité auprès de la caisse de réduction de cotisations ; s’étant acquittée du forfait mis à sa charge, elle est en droit de prétendre aux points revendiqués au titre des années 2015 à 2018, peu important en la matière « la position commune du Ministère de l’économie et des finances, du Ministère des affaires sociales et de la santé, et du secrétaire d’Etat chargé du budget » dont se prévaut la CIPAV.

Mme [R] a donc droit, en fonction de ses revenus aux points suivants :

– année 2015 : 36 points (classe A pour un revenu de 4 500 €);

– année 2016 : 72 points (classe B pour un revenu de 31 590 €);

– année 2017 : 36 points (classe A pour un revenu de 21 500 €);

– année 2018 : 36 points (classe A pour un revenu de 7 750 €).

Le décompte sera donc rectifié en ce sens.

Sur les autres demandes

La CIPAV sera condamnée à transmettre à Mme [R] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt. Aucune circonstance ne démontre la nécessité de prononcer une astreinte qui ne sera pas accordée.

La divergence d’interprétation opposant la CIPAV à l’intéressée ne saurait constituer une faute engageant la responsabilité de cet organisme de sécurité sociale, alors qu’elle porte sur une situation complexe, étant observé que l’arrêt de la deuxième chambre civile du 23 janvier 2020 statuant en matière de retraite complémentaire n’est pas un arrêt publié.

Dès lors, la résistance de la CIPAV ne peut être qualifiée d’abusive. La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

La Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse, qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement d’une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE recevable l’appel de Mme [R] ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a déclaré irrecevable le recours de Mme [R] en contestation de ses points de retraite complémentaire afférents à l’année 2019 ;

L’INFIRME pour le surplus ;

ET statuant à nouveau des chefs infirmés :

DÉCLARE Mme [R] recevable en son recours en contestation de ses points de retraite complémentaire afférents aux années 2015 à 2018.

CONDAMNE la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [R] sur la période 2015-2018 selon le détail suivant :

-36 points en 2015,

-72 points en 2016,

-36 points en 2017,

-36 points en 2018.

CONDAMNE la CIPAV à transmettre à Mme [R] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

DÉBOUTE Mme [R] de sa demande d’astreinte ;

DÉBOUTE Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts ;

DÉBOUTE la CIPAV de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la CIPAV à payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la CIPAV aux dépens.

La greffièreLe président


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