tion en forçant chaque victime à saisir la commission puis le tribunal, et mise sur l’absence d’action de groupe en matière de sécurité sociale pour la forcer à engager un avocat.
Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui s’y est oralement référé, la CIPAV reprend les demandes qu’elle avait déjà soumises à la cour à l’audience du 11 mai 2022.
Elle expose que la
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 17 Février 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/04410 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWOP
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Avril 2021 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 20/01802
APPELANT
Monsieur [I] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Alice COBLIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ ASSURANCE VIEILLESSE (CIPAV)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Hélène LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027 substitué par Me Philippe LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
M. Gilles BUFFET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Gilles REVELLES, Conseiller, pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre, légitimement empêché et Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par M. [I] [W] d’un jugement rendu le 07 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l’opposant à la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (la CIPAV).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [W] exerce une activité professionnelle en qualité d’auto-entrepreneur et est affilié à la CIPAV; qu’il a contesté son relevé de situation de retraite individuelle au regard de son statut ; qu’après vaine saisine de la commission de recours amiable, il a porté le litige devant le tribunal judiciaire de Bobigny le 22 octobre 2020.
Par jugement en date du 07 avril 2021, le tribunal a :
– rejeté la requête de M. [W] ;
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [W] aux dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Le tribunal a retenu que M. [W] ne démontrait pas avoir obtenu ou sollicité une décision de la CIPAV au sujet des informations portées sur son relevé informatif, et n’est donc pas recevable à contester directement cet état devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal en l’absence de réclamation préalable en rectification auprès de l’organisme concerné.
M. [W] a interjeté appel de ce jugement le 03 mai 2021.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience du 11 mai 2022 par son avocat, M. [W] demandait à la cour par voie d’infirmation du jugement déféré, de :
-déclarer son recours recevable,
-condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par lui sur la période 2012-2019 selon le détail suivant : 274,5 points en 2012, 156,4 points en 2013, 107 points en 2014, 442 points en 2015, 450,5 points en 2016, 448,6 points en 2017, 530,1 points en 2018 et 533,6 points en 2019 ;
-condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
-condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
-condamner la CIPAV, outre aux dépens, à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience du 11 mai 2022 par son avocat, la CIPAV demandait à la cour de :
Au principal,
-confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé de l’irrecevabilité du recours de M. [W] pour absence de décision préalable susceptible de recours ;
Au subsidiaire,
-juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de M. [W];
-attribuer à M. [W] les points de retraite de base suivants: 181,2 points de retraite de base en 2012, 103,2 points de retraite de base en 2013, 70,6 points de retraite de base en 2014, 291,8 points de retraite de base en 2015, 313, 2 points de retraite de base en 2016, 306,2 points de retraite de base en 2017, 360,5 points de retraite de base en 2018, 530,1 points de retraite de base en 2019, soit un total de 2156, 8 points ;
-attribuer à M. [W] les points de retraite complémentaire suivants :10 points de retraite complémentaire en 2012, 9 points de retraite complémentaire en 2013, 9 points de retraite complémentaire en 2014, 27 points de retraite complémentaire en 2015, 45 points de retraite complémentaire en 2016, 42 points de retraite complémentaire en 2017, 49 points de retraite complémentaire en 2018 82, points de retraite complémentaire en 2019, soit un total de 273 points ;
-débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes ;
-condamner M. [W] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 02 septembre 2022, la cour de ce siège a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 15 décembre 2022 à 13h30 afin que M. [W] s’explique sur les contradictions susvisées figurant à ses écritures, et fournisse le détail des calculs, année par année, aboutissant aux montants de points sollicités, et ce au motif essentiel qu’« il résulte des conclusions de M. [W] que celui-ci réclame au dispositif de celles-ci la rectification de ses points uniquement de retraite complémentaire acquis par lui sur la période 2012-2019 à hauteur de 274,5 points en 2012, 156,4 points en 2013, 107 points en 2014, 442 points en 2015, 450,5 points en 2016, 448,6 points en 2017, 530,1 points en 2018 et 533,6 points en 2019, alors que dans le corps de ses écritures il articule sa demande à ce titre pour 36 points en 2015, 72 points en 2016, 36 points en 2017, 36 points en 2018 et 36 points en 2019 ».
Par ses conclusions écrites « d’appelant après réouverture des débats »déposées par son avocat qui s’y est oralement référé, M. [W] demande à la cour de:
-déclarer son recours recevable,
-condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par lui sur la période 2012-2019 selon le détail suivant: 40 points en 2012, 36 points en 2013, 72 points en 2014, 72 points en 2015, 72 points en 2016, 72 points en 2017, 72 points en 2018 et 252 points en 2019 ;
-condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par lui sur la période 2012-2019 selon le détail suivant : 274,5 points en 2012, 156,4 points en 2013, 107 points en 2014, 442 points en 2015, 450,5 points en 2016, 448,6 points en 2017, 530,1 points en 2018 et 533,6 points en 2019 ;
-condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
-condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
-condamner la CIPAV, outre aux dépens, à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il expose que le relevé de situation individuelle retranscrit les droits à la retraite comptabilisés par chaque caisse de retraite dont le professionnel relève ; que la demande en ligne de l’adhérent sur le site dédié du Groupement d’Intérêt Public (GIP) INFO RETRAITE auquel la CIPAV renvoie elle-même, génère autant de décisions dématérialisées que de caisses concernées dont la CIPAV en dernière page ; qu’en téléchargeant le document, l’adhérent obtient la décision individuelle prise par la CIPAV, en l’espèce de minoration de points à partir de 2012 puis d’absence de reconnaissance de droit à la retraite à compter de 2016; que cette décision faisant à l’évidence grief pouvait donc être contestée directement devant la Commission de recours amiable puis devant le Tribunal peu important à cet effet que les données y figurant ne soient pas définitives ; que c’est d’ailleurs la position de la Cour de cassation qui, par un arrêt publié du 11 octobre 2018 et au visa de l’article R142-1 du Code de la sécurité sociale dont excipe la CIPAV, a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris qui avait considéré qu’un particulier n’était pas recevable à contester son relevé de carrière (2ème Chambre civile, 11 octobre 2018, n°17-25.956, publié) ; que différentes cours d’appel, dont celle de [Localité 4], ont rendu plusieurs décisions en ce sens ; que la CIPAV est légalement tenue de mettre à jour le relevé de situation individuelle de ses adhérents ; que, pour une raison inexpliquée, la CIPAV a pris la décision de ne pas renseigner les données de son adhérent à compter de 2016 de sorte qu’aux termes de son recours amiable, il sollicitait la mise en ligne conforme des données le concernant tant s’agissant de leur retranscription effective que s’agissant de leur quantum ;que la CIPAV ne peut pas sérieusement prétendre ne pas devoir enregistrer les droits acquis de l’auto-entrepreneur ou ne pas autoriser celui-ci à critiquer ses opérations de comptabilisation et de renseignement ; que la CIPAV ne saurait prétendre être extérieure à l’information délivrée et au relevé puisqu’elle est membre à part entière du groupement.
que le 23 janvier 2020, par son arrêt Tate, la Cour de cassation a posé pour principe que l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement à l’auto-entrepreneur inscrit à la CIPAV; que selon ce texte et la Cour de Cassation, « ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité » ; qu’est donc inévitable la censure de la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite complémentaire d’un montant inférieur à ceux de la première classe (à savoir moins de 40 points en « classe 1 » entre 2009 et 2012 et moins de 36 points depuis 2013 en « classe A ») ; que pour l’auto-entrepreneur dont le revenu excède la première classe de revenu en vigueur à compter de 2014 (soit 26 420 euros), une acquisition différente de 72 points correspondant à la classe B, 108 points en classe C, 180 points en classe D, etc. viole les prévisions de l’article 2 du décret précité ;
que de manière constante, l’assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable de l’autoentrepreneur est celle du chiffre d’affaires qui constitue l’assiette spécifique des cotisations (forfait social) ; que si l’article L 131-6 du code de la sécurité sociale définit l’assiette de cotisation des professionnels libéraux « classiques » comme étant le revenu retenu « pour le calcul de l’impôt sur le revenu », cette disposition n’est pas applicable aux auto-entrepreneurs pour lesquels l’article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale prévoit une assiette de cotisation différente tout en présumant un niveau de cotisations équivalent ; qu’à une assiette dissociée correspond ainsi une contribution réputée équivalente et des droits équivalents ; qu’au surplus, si l’auto-entrepreneur est autorisé à régler un impôt sur le revenu calculé sur la base de son chiffre d’affaires grâce au prélèvement libératoire (2,2% du chiffre d’affaires), l’abattement fiscal de 34% qui s’applique hors prélèvement libératoire ne peut pas être transposé, au demeurant sans fondement textuel (ni dans le code de la sécurité sociale, ni dans le décret 79-262), pour la détermination de la classe de revenu ;
que par conséquent, sur la base de la classe de revenu (chiffre d’affaires), aucune contestation n’existant sur le paiement effectif des cotisations spécifiques au régime de l’auto-entreprise, les points de retraite complémentaire qu’il a acquis s’établissent ainsi : 36 points en 2015, 72 points en 2016, 36 points en 2017, 36 points en 2018 et 36 points en 2019 ;
– qu’il souffre d’une légitime exaspération au constat de l’obstruction par la CIPAV d’une décision de justice rendue au plus haut niveau, par la Cour de Cassation ; qu’il ne comprend pas que cette caisse investie d’une mission de service public élude aussi facilement, et spécialement dans la présente instance, l’apport clair, précis et non équivoque de l’arrêt Tate ;
– que la CIPAV pratique l’obstruction en forçant chaque victime à saisir la commission puis le tribunal, et mise sur l’absence d’action de groupe en matière de sécurité sociale pour la forcer à engager un avocat.
Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui s’y est oralement référé, la CIPAV reprend les demandes qu’elle avait déjà soumises à la cour à l’audience du 11 mai 2022.
Elle expose que la demande portée directement devant la commission et le tribunal sans avoir été formulée au préalable devant l’organisme concerné est irrecevable ; qu’en effet, le document sur lequel se fonde M. [W] à savoir un relevé qu’il s’est procuré sur le site internet « GIP INFO RETRAITE » n’est aucunement une décision ni un document émanant de sa part ; qu’étant purement indicatif et provisoire, ce document ne saurait pouvoir constituer une décision faisant grief, susceptible de contestation devant la commission de recours amiable ; que différents tribunaux ont rendu plusieurs décisions en ce sens ; que de plus, le relevé de situation individuelle de l’adhérent n’indique aucune donnée concernant les droits à la retraite au titre de la période 2016 à 2019, ce qui ne peut précisément pas caractériser une quelconque décision prise par elle ;
que le statut auto entrepreneur est un statut dérogatoire au régime « normal » ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique ; que pour chaque période d’affiliation, le statut d’auto entrepreneur permet aux professionnels libéraux, en fonction du chiffre d’affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d’acquérir des points de retraite de base et de retraite complémentaire ; que selon l’article D 131-5-1 du code de la sécurité sociale, pour les professionnels libéraux affiliés auprès d’elle relevant du régime de l’auto entrepreneur, le taux du forfait social est fixé à 22 % ; qu’elle ne perçoit elle-même que 52,5 % du forfait social acquitté par l’auto-entrepreneur ;
que pour la période antérieure à 2016, le BNC est bien l’assiette de calcul des points ; qu’en effet, dans le régime de droit commun, les cotisations dues au titre de la retraite complémentaire sont assises sur le revenu professionnel déclaré par l’adhérent à savoir son bénéfice non commercial ; que cependant, l’auto-entrepreneur ne déclare qu’un chiffre d’affaires brut mensuel ou trimestriel, c’est-à-dire le montant de ses recettes brutes correspondant aux factures effectivement encaissées, sur lequel il ne peut pas déduire ses charges ; que dans ces conditions, afin d’obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun, les cotisations de l’auto-entrepreneur sont calculées sur le CA après abattement de 34% reconstituant ainsi un revenu correspondant au BNC et en application des dispositions des articles L133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts ; que M. [W] commet une erreur en se fondant sur son chiffre d’affaires dans le calcul de ses points de retraite de base et complémentaire pour la période antérieure à 2016; que, s’agissant de la retraite complémentaire, ses statuts s’appliquent à tous ses assurés, quel que soit leur régime (régime de droit commun ou auto-entreprise) ; que ses statuts prévoient (article 3-12) une possibilité de réduction de 75 %, de 50 % ou de 25 % du montant de la cotisation pour les assurés dont les revenus d’activité sont inférieurs à un seuil fixé annuellement par le conseil d’administration ; que les auto-entrepreneurs étant soumis à un seuil de chiffre d’affaires ne peuvent en tout état de cause prétendre à 40 points sur le période de 2009 à 2012, ni à 36 points sur 2013 ; qu’il convient de calculer les points de retraite complémentaire pour la période antérieure à 2016, en prenant en compte le bénéfice non commercial déclaré de l’autoentrepreneur affilié afin de déterminer la plus faible cotisation non nulle dont il aurait pu être redevable au titre du régime classique en application de l’article 2 du décret du n°79262 du 21 mars 1979 et conformément à l’article R.133-30-10 du code de la sécurité sociale ; que depuis le 1er janvier 2016, la compensation de l’Etat ayant été supprimée, il y a lieu de vérifier pour chaque année, en application du décret, le montant de la cotisation versée par l’adhérent au titre de la retraite complémentaire pour lui attribuer les droits correspondants à la cotisation payée ; que le calcul des points acquis par l’adhérent ne résulte que de l’application des dispositions réglementaires applicables au régime de l’auto entrepreneur et du principe de proportionnalité des droits à la retraite aux cotisations versées ; que ce mode de calcul a été expressément validé à la fois par le Ministère de l’économie et des finances, le Ministère des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d’Etat chargé du budget ;
que M. [W] ne subit aucun préjudice et qu’il ne peut lui être reproché aucune faute au regard d’une simple divergence d’interprétation des textes applicables à la situation litigieuse.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 15 décembre 2022 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité du recours
Il résulte des dispositions des articles R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable, que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisie de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l’intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois.
Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l’assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou nombre de points figurant sur ce relevé (en ce sens 2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956).
La CIPAV soutient que la commission de recours amiable puis la juridiction ne peuvent être saisies qu’à la suite de la notification d’une décision émanant de cet organisme et qu’en l’espèce le document dont se prévaut l’intéressé n’a qu’un caractère informatif et ne justifie d’aucune décision prise par l’organisme, qui permette à l’intimé de saisir la commission de recours amiable. Elle affirme qu’il appartenait à M. [W] de former une réclamation préalable auprès d’elle avant de saisir la commission de recours amiable. Mais cette assertion ne ressort d’aucun texte normatif. La commission de recours amiable étant déjà un organe de la caisse, sa saisine constitue l’exercice aménagé du recours préalable que revendique M. [F].
En conséquence, dès lors que les mentions figurant sur le relevé individuel de situation procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d’un assuré social, ce dernier est recevable à contester devant la commission de recours amiable de l’organisme concerné puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale les mentions ou omissions objet du relevé, l’absence de notification n’ayant que pour seule conséquence de ne faire courir aucun des délais de forclusion prévus par les textes sus mentionnés.
Au cas présent, il convient de constater qu’à la suite de l’obtention de son relevé individuel de situation édité le 04 mars 2020 portant mention d’un certain nombre de points pour les années 2012 à 2015 au titre du régime de retraite de base et du régime de retraite complémentaire de la CIPAV, M. [W], affilié à la CIPAV à effet du 01er janvier 2012, a saisi la commission de recours amiable de la caisse d’une réclamation, sollicitant la rectification de ses droits à la retraite en terme d’attribution de points de retraite de base et de points de retraite complémentaire au titre des années 2012 à 2019.
L’intéressé est donc recevable à contester les mentions ou omissions objet du relevé au titre des années 2012 à 2019 soumises à l’examen de la commission de recours amiable.
Le jugement déféré sera donc infirmé et le recours de M. [W] sera déclaré recevable.
Sur le nombre de points au titre du régime de retraite de base
L’article L 131-6-2 du code de la sécurité sociale dans ses versions applicables au litige, énonce que :
« Les cotisations sont dues annuellement.
Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d’activité de l’avant-dernière année. Pour les deux premières années d’activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale concernés. « Lorsque le revenu d’activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l’exception de celles dues au titre de la première année d’activité, sont recalculées sur la base de ce revenu (ajouté par la loi n°2013-1203 du 23 décembre 2013)».
Lorsque le revenu d’activité de l’année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l’objet d’une régularisation.
Par dérogation au deuxième alinéa, sur demande du cotisant, les cotisations provisionnelles peuvent être calculées sur la base du revenu estimé de l’année en cours. Lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d’un tiers au revenu estimé par le cotisant, une majoration de retard est appliquée sur la différence entre les cotisations provisionnelles calculées dans les conditions de droit commun et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, sauf si les éléments en la possession du cotisant au moment de sa demande justifiaient son estimation. Le montant et les conditions d’application de cette majoration sont fixés par décret.
Lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations n’ont pas été transmises, celles-ci sont calculées dans les conditions prévues à l’article L. 242-12-1 ».
Par renvoi à l’article L 131-6 du même code, les revenus des professions indépendantes non soumises au statut d’auto-entrepreneur sont calculés par référence au revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu.
Selon l’article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable aux cotisations dues entre 2012 et 2015 inclus :
« Par dérogation à l’article L. 131-6-2, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l’ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants. Des taux différents peuvent être fixés par décret pour les périodes au cours desquelles le travailleur indépendant est éligible à une exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale. Ce taux ne peut être, compte tenu des taux d’abattement mentionnés aux articles 50-0 ou 102 ter du même code, inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l’article L. 136-3 du présent code et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
L’option prévue au premier alinéa est adressée à l’organisme mentionné à l’article L. 611-8 du présent code au plus tard le 31 décembre de l’année précédant celle au titre de laquelle elle est exercée et, en cas de création d’activité, au plus tard le dernier jour du troisième mois qui suit celui de la création. L’option s’applique tant qu’elle n’a pas été expressément dénoncée dans les mêmes conditions.
Le régime prévu par le présent article demeure applicable au titre des deux premières années au cours desquelles le chiffre d’affaires ou les recettes mentionnés aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont dépassés.
Toutefois, ce régime continue de s’appliquer jusqu’au 31 décembre de l’année civile au cours de laquelle les montants de chiffre d’affaires ou de recettes mentionnés aux 1 et 2 du II de l’article 293 B du même code sont dépassés ».
Les modifications apportées à cet article par la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 n’ont pas modifié le principe, la loi substituant à la notion de « revenus non commerciaux effectivement réalisés », celle de « recettes effectivement réalisé(e) ». L’article L 133-6-8 du code de la sécurité sociale étant dérogatoire n’opère pas de renvoi aux dispositions de l’article L 131-6 du même code.
Il résulte de ces textes, nonobstant le renvoi aux articles 50-0 et 102-ter du code général des impôts, qui ne régit que le régime fiscal des auto-entrepreneurs, que les cotisations appelées selon un taux spécifique, sont calculées sur l’ensemble du chiffre d’affaires ou du revenu, à l’exception de la notion de bénéfice et sans référence à une déduction pour charges, dès lors que le cotisant a opté pour le régime micro-social.
Les modifications apportées par la loi n° 2015-1702 n’ont pas eu pour effet de modifier la notion mais d’éviter toute interprétation fondée par la notion de bénéfice, dès lors qu’à compter de cette date, le régime micro-social est devenu obligatoire pour les auto-entrepreneurs.
En l’espèce, M. [W] a opté pour le régime micro-social. En conséquence, l’abattement pratiqué par la CIPAV n’est pas fondé.
Le principe de proportionnalité invoqué ne saurait écarter les dispositions légales en vigueur.
Dès lors, le calcul doit être le suivant, calculé sur le montant du chiffre d’affaires sur lequel s’accordent les parties au terme de leurs conclusions respectives, sans que celui-ci ait à subir une quelconque réfaction :
2012 : 18 861 euros de CA, représentant 274,5 points
2013 : 10 940 euros de CA, représentant 156,4 points
2014 : 7 588euros de CA, représentant 107 points
2015 : 31 725 euros de CA, représentant 442 points
2016 : 32 822 euros de CA, représentant 450,5 points
2017 : 33 200 euros de CA, représentant 448,6 points
2018 : 40 500euros de CA, représentant 530,1 points
2019 :70 000 euros de CA, représentant 533,6 points
Le décompte sera donc fixé en ce sens.
Sur le nombre de points au titre du régime de retraite complémentaire
Il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l’article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d’administration de cet organisme. Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012, applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite, pour la première de ces classes, fixé à 40 points jusqu’à l’année 2012, puis à 36 points à compter de 2013.
Les dispositions de l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV.
Cette dernière ne saurait pour s’opposer à la demande, se fonder sur ses statuts qui ne sont pas applicables à la fixation du nombre de points de retraite ou encore sur les règles de compensation résultant notamment de l’application des articles L. 131-7 et R. 133-10-10 du code de la sécurité sociale qui n’intéressent que les rapports entre l’Etat et cet organisme.
De même, la CIPAV ne saurait faire état d’un défaut de respect du principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis dès lors que ce principe découle des dispositions de l’article 2 sus-mentionné par l’attribution d’un nombre de points de retraite procédant directement de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15.542).
En effet, il n’existe pas de lien direct et impératif entre l’absence de compensation appropriée par l’Etat des ressources de la CIPAV et le montant des prestations que celle-ci sert à ses affiliés.
Le grief tiré d’une rupture d’égalité entre les auto-entrepreneurs et les autres adhérents est sans portée, dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d’entreprises par la mise en place, notamment, d’un régime de déclaration et de paiement fiscal et social simplifié, sans porter atteinte aux droits de ceux qui ont choisi d’opter pour le régime micro-social.
De même, l’argument de l’organisme selon lequel le nombre de points revendiqué par l’assuré conduit à lui attribuer des points pour une valeur d’achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d’administration de la CIPAV est dénué de toute pertinence, puisqu’il se heurte au principe même du forfait social institué, au surplus, par des dispositions législatives.
Au cas présent, il est constant que l’intéressé s’est acquitté de ses cotisations telles que déterminées selon les modalités prévues à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale.
M. [W], n’a en l’espèce jamais sollicité auprès de la caisse de réduction de cotisations ; s’étant acquitté du forfait mis à sa charge, il est en droit de prétendre aux points revendiqués, peu important en la matière « la position commune du Ministère de l’économie et des finances, du Ministère des affaires sociales et de la santé, et du secrétaire d’état chargé du budget » dont se prévaut la CIPAV.
M. [W] a donc droit, en fonction de ses revenus aux points suivants :
2012 : 40 points
2013 : 36 points
2014 : 72 points
2015 : 72 points
2016 : 72 points
2017 : 72 points
2018 : 72 points
2019 : 252 points
Le décompte sera donc fixé en ce sens.
Sur les autres demandes
La CIPAV sera condamnée à transmettre à M. [W] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt. Aucune circonstance ne démontre la nécessité de prononcer une astreinte qui ne sera pas accordée.
La divergence d’interprétation opposant la CIPAV à l’intéressé ne saurait constituer une faute engageant la responsabilité de cet organisme de sécurité sociale, alors qu’elle porte sur une situation complexe, étant observé que l’arrêt de la deuxième chambre civile du 23 janvier 2020 statuant en matière de retraite complémentaire n’est pas un arrêt publié. De plus, la transposition de la solution dégagée aux points acquis pour la retraite de base part d’un raisonnement identique quant à la nature du revenu à prendre en compte, mais la question n’a toutefois pas été tranchée par la Cour de cassation en l’état.
Dès lors, la résistance de la CIPAV ne peut être qualifiée d’abusive ou de fautive. La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sera donc rejetée.
La Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse, qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement d’une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE recevable l’appel de M. [W];
INFIRME le jugement déféré ;
Et statuant à nouveau ;
DÉCLARE recevable le recours de M. [W];
CONDAMNE la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par M. [W] sur la période 2012 à 2019 selon le détail suivant :
-274,5 points en 2012
-156,4 points en 2013
-107 points en 2014
– 442 points en 2015
-450,5 points en 2016
-448,6 points en 2017
-530,1 points en 2018
-533,6 points en 2019
CONDAMNE la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par M. [W] sur la période 2012 à 2019 selon le détail suivant :
-40 points en 2012
-36 points en 2013
-72 points en 2014
-72 points en 2015
-72 points en 2016
-72 points en 2017
-72 points en 2018
-252 points en 2019
CONDAMNE la CIPAV à transmettre à M. [W] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
DÉBOUTE M. [W] de sa demande d’astreinte ;
DÉBOUTE M. [W] de sa demande de dommages et intérêts ;
DÉBOUTE la CIPAV de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la CIPAV à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la CIPAV aux dépens.
La greffière Pour le président empêché