Actions de Groupe : Cour d’appel de Paris, Pôle 4 – Chambre 10, 8 décembre 2022, 22/01920

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Actions de Groupe : Cour d’appel de Paris, Pôle 4 – Chambre 10, 8 décembre 2022, 22/01920

e la consommation.

Elles considèrent qu’en l’espèce, l’association exerce en réalité une action de groupe visant à la défense d’intérêts individuels de personnes tierces au procès, qui sont des parents d’élèves, voire des élèves, dont la qualité de membres de l’association n’est pas établie.

Elles relèvent le fondement contractuel invoqué, témoignant de la volonté d’agir au
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01920 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFDVN

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Janvier 2022 -Juge de la mise en état de PARIS – RG n° 20/08867

APPELANTES

S.A.S.U. AGL DIGITAL, agissant poursuites et diligences ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

ET

S.A.S.U. FINANCIERE LSL, es qualités de liquidateur amiable de la ALMA LEARNING GROUP, agissant poursuites et diligences ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

ET

S.E.L.A.R.L. ATHENA, agissant poursuites et diligences ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège, représentée par Maître [T] [V] et intervenant es qualité de mandataire liquidateur de la société [7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentées par Me Julie BELLESORT de la KPMG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2515

Assistées de Me Olivier MASI de la KPMG Avocats, avocat au barreau des Hauts de Seine.

INTIMÉE

ASSOCIATION DE DÉFENSE DES ENFANTS DE L’ANCIEN [7], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Me Karine ALTMANN de la SELEURL AL-TITUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2070

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Laurent NAJEM dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d’un litige opposant l’Association de soutien et de défense des droits des parents et anciens parents d’élèves du [7] (ci-après l’Association) et la SAS AGL DIGITAL, la SAS FINANCIERE LSL ès qualités de « liquidateur amiable » de la société Alma Learning Group et la SELARL ATHENA, représentée par Maître [T] [V], intervenant ès qualités de « mandataire liquidateur » de la société [7], et portant sur le rachat puis la fermeture de l’établissement d’enseignement privé hors contrat [7], les sociétés ont saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris d’un incident.

Ces sociétés contestaient la validité de l’acte introductif d’instance de l’Association soutenant que cette dernière n’avait pas la capacité à agir, ainsi que la recevabilité de l’action de l’Association pour défaut d’intérêt et de qualité à agir.

Le 11 janvier 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

Rejeté la demande tendant à voir prononcer « l’irrecevabilité de l’incident » ;

Dit que le juge de la mise en état n’est pas tenu de statuer sur l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation non reprise dans le dispositif des conclusions d’incident ;

Rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de l’association association de défense des enfants de l’ancien [7] ;

Condamné in solidum la SAS AGL digital et la SAS financière LSL ès qualités et Me [T] [V] ès qualités à payer à l’association ADEACR la somme totale de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné in solidum la SAS AGL digital et la SAS financière LSL ès qualités et Me [T] [V] ès qualités aux dépens de l’incident;

Renvoyé à la mise en état dématérialisée du 28 février 2022 à 13h30 pour préciser au juge de la mise en état si un rapprochement amiable a pu avoir lieu entre les parties et, à défaut, pour conclusions de l’association association de défense des enfants de l’ancien [7] au plus tard le 24 février 2022 à 18 heures.

Ces Sociétés ont interjeté appel de l’ordonnance le 21 janvier 2022.

Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, les appelantes demandent à la cour de :

– Infirmer l’ordonnance entreprise du 11 janvier 2022, en ce qu’elle a dit que le juge de la mise en état n’est pas tenu de statuer sur l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation non reprise dans le dispositif des conclusions d’incident ;

– Infirmer l’ordonnance entreprise du 11 janvier 2022, en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de l’Association de Défense des Enfants de l’Ancien [7] ;

– Infirmer l’ordonnance entreprise du 11 janvier 2022, en ce qu’elle a condamné in solidum la SASU AGL DIGITAL, la SASU FINANCIERE LSL ès qualités et Maître [T] [V] ès qualités, à payer à l’Association ADEA[7] la somme totale de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Infirmer l’ordonnance entreprise du 11 janvier 2022, en ce qu’elle a condamné in solidum la SASU AGL DIGITAL, la SASU FINANCIERE LSL ès qualités et Maître [T] [V] ès qualités, aux dépens de l’incident.

En Conséquence, Jugeant A Nouveau :

A titre principal,

Déclarer l’assignation du 4 août 2020 nulle, à tout le moins PRONONCER la nullité partielle de l’assignation du 4 août 2020 en ce qu’elle est adressée à la SASU FINANCIERE LSL et à l’égard de cette dernière

A Titre Subsidiaire

– Déclarer l’Association ADEA[7] irrecevable en son action, faute d’intérêt à agir, à tout le moins à l’égard de la société FINANCIERE LSL ;

En Tout Etat De Cause

– Débouter l’Association ADEA[7] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner l’Association ADEA[7] au paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner l’Association ADEA[7] aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

S’agissant de la nullité de l’assignation, elles font valoir que l’association ne produisait dans son assignation aucun élément permettant de constater son existence légale et la réalité de sa personnalité morale ; qu’ainsi, il n’était pas justifié des mesures de publicité prévues par la loi du 1er juillet 1901 ni de la capacité juridique prévue à l’article 6 de cette même loi.

Elles relèvent que le récépissé versé concerne la déclaration de modifications de l’association et non la déclaration préalable ; que ni le procès-verbal ni les statuts constitutifs ne sont versés aux débats.

Elles soulignent que la cause de nullité n’avait pas disparu lorsque le juge de la mise en état a statué. Elles rappellent que la nullité de l’acte entraîne nécessairement l’irrecevabilité des demandes, de sorte que la demande aux fins de voir ordonner l’action irrecevable « englobait » bien l’exception de nullité tirée de la nullité de l’assignation.

Elles relèvent qu’en tout état de cause, les moyens de défense, dont font partie les exceptions de procédure, sont recevables en cause d’appel.

Elles font valoir que l’assignation délivrée à un liquidateur qui n’est plus désigné, notamment si les opérations de liquidation sont terminées, encourt la nullité partielle, au visa de l’article 118 du code de procédure civile. Elles relèvent qu’à la date de l’assignation, la société ALMA LEARNING GROUP était dissoute, de sorte que la société FINANCIER LSL n’avait aucun pouvoir pour la représenter.

A titre subsidiaire, sur le défaut d’intérêt à agir de l’association, elles soutiennent que l’action d’une association visant à la défense de l’intérêt collectif de ses membres, ne saurait se confondre avec l’exercice par l’association d’actions individuelles conjointes de ses membres, lequel est limité par les conditions fixées par l’article L622-1 du code de la consommation.

Elles considèrent qu’en l’espèce, l’association exerce en réalité une action de groupe visant à la défense d’intérêts individuels de personnes tierces au procès, qui sont des parents d’élèves, voire des élèves, dont la qualité de membres de l’association n’est pas établie.

Elles relèvent le fondement contractuel invoqué, témoignant de la volonté d’agir au nom et pour le compte des parents d’élèves sur le fondement de contrats qu’ils ont pu individuellement conclure.

Elles soutiennent que l’action n’entre pas dans son objet social, s’agissant d’actions individuelles ; que cet objet ne permet pas d’agir pour le compte de ses membres devant des juridictions civiles ni d’agir à l’encontre des sociétés appelantes, à tout le moins des sociétés [7] et ALMA LEARNING GROUP. Elles contestent l’existence d’un groupe de sociétés, contrairement à ce qu’a retenu le juge de la mise en état.

Elles rappellent les dispositions de l’article 789 du code de procédure civile s’agissant de la compétence du juge de la mise en état pour connaître de ces demandes, tenant notamment à une fin de non-recevoir.

Elles contestent par ailleurs la présentation des faits proposée par l’association.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022, « l’Association de Soutien et de Défense Des Droits et Parents et Anciens Parents d’élèves Du [7] » (sic) demande à la cour de :

Juger recevables et bien fondées, les demandes, fins et conclusions de l’Association ;

Juger que l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation de l’Association ne fait plus partie des prétentions respectives des parties depuis les conclusions signifiées par les appelantes le 22 septembre 2021 ;

Juger que l’Association justifie pleinement d’une qualité et d’un intérêt à agir ;

Juger que l’action de l’Association ne constitue pas une action de groupe ;

En conséquence,

Débouter purement et simplement les appelantes de leurs demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et à tout le moins mal fondées

Confirmer l’ordonnance entreprise ;

Les condamner in solidum à verser une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Elle fait valoir que le dispositif des conclusions d’incident des appelantes devant le premier juge démontre qu’elles avaient renoncé à leur exception de procédure visant à obtenir la nullité de l’assignation ; que c’est uniquement l’irrecevabilité qui avait été soulevée ; que compte tenu de l’effet dévolutif de l’appel, la cour ne peut être saisie que de ce que le premier juge avait eu à connaître.

Elle invoque le caractère distinct de la nullité d’un acte par rapport à l’irrecevabilité.

Elle indique subsidiairement qu’elle verse l’annonce parue au Journal Officiel du 24 octobre 2019.

Elle considère qu’elle a parfaitement justifié dès les débats de première instance de sa qualité et de son intérêt à agir en justice.

Elle soutient qu’elle verse ses statuts, son inscription auprès de la Préfecture et la parution au Journal Officiel, de sorte que son existence légale ne peut être remise en cause, au visa des articles 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901.

Elle précise que M. [S] est bien son président et qu’il a été habilité suivant procès-verbal de l’assemblée générale du 14 février 2020.

Elle estime que son objet social est des plus explicites et cohérent avec l’assignation. Elle relève que ses membres sont tous d’anciens élèves du [7] et ont donc un lien direct avec les appelantes.

Elle conteste le fait que l’action ne serait que celle d’intérêts individuels et non d’un intérêt collectif et rappelle qu’une action de groupe permet à des victimes d’un même préjudice commis par un professionnel de saisir les juridictions, notamment en matière de santé. Elle souligne qu’en l’espèce, il s’agit de la défense d’un très petit nombre de parents d’élèves dont les intérêts n’ont pas été respectés. Elle précise qu’elle ne met en exergue aucune personne et évoque toujours un intérêt collectif, lequel peut parfaitement se manifester en formulant en justice des demandes en corrélation avec son objet social.

La clôture a été prononcée le 12 octobre 2022.

A l’audience du 20 octobre 2022, les parties ont confirmé qu’il n’existait aucune difficulté à ce que soient prises en compte les conclusions notifiées par l’intimée le jour de la clôture.

Par ailleurs, l’association a été invitée à préciser sa dénomination exacte, les écritures faisant mention de « l’Association de Soutien et de Défense Des Droits et Parents et Anciens Parents d’élèves Du [7] » alors que la dénomination indiquée en première instance était « l’Association de Défense des Enfants de l’Ancien [7] » – ADEA[7].

L’intimée a versé en cours de délibéré, les 21, 25 et 29 octobre 2022, un certain nombre de pièces (statuts, récépissé, liasse de documents’), mais aucune note répondant à la question posée par la cour.

Les appelantes ont, en réponse, commenté les éléments produits pour alléguer de leur absence de caractère probant.

MOTIFS DE L’ARRÊT

A titre liminaire, lors de l’audience du 20 octobre 2022, la cour n’avait nullement sollicité de l’intimée la communication de nouvelles pièces, pour alimenter un nouveau débat, mais uniquement qu’elle indique sa dénomination exacte compte tenu de l’incertitude résultant de l’en-tête de ses conclusions.

Aux termes de l’article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.

Il convient de constater que ces nouvelles pièces, au demeurant non étayées de la moindre explication sur la question posée par la cour, ne sont pas recevables et seront écartées des débats.

Il résulte cependant de l’extrait du Journal Officiel du 2 novembre 2019 (pièce 16 de l’intimée) que l’Association de Soutien et de Défense des Droits des Parents et Anciens Parents d’Elèves du [7] « A[7] » a été créée suivant déclaration du 24 octobre 2019.

Les appelantes versent les statuts modificatifs de l’association en date du 22 novembre 2019, dont il ressort que la dénomination de l’association est depuis cette date l’Association de Défense des Enfants de l’Ancien [7], sigle ADEA[7] (leur pièce 32) au lieu de l’Association de Soutien et de Défense des Droits des Parents et Anciens Parents d’Elèves du [7], « A[7] ».

Il résulte de ces deux pièces qu’il n’existe aucun doute sur la dénomination de l’association depuis le 22 novembre 2019 : il s’agit de « l’Association de Défense des Enfants de l’Ancien [7] » – ADEA[7].

L’en-tête des conclusions de l’intimée, erroné s’agissant de sa propre dénomination, est également lacunaire puisqu’il fait état au titre des parties adverses de (1) la SAS [7], « représentée par son Président la SASU AGIL DIGITAL, représentée par sa Présidente, Mme [O] » et (2) de la société ALMA LEARNING GROUP « représentée par son Président, la société FINANCIERE LSL ».

Il n’est pas fait mention explicitement de la qualité de liquidateur amiable de la société FINANCIERE LSL, s’agissant de la société ALMA LEARNING GROUP, ni de la présence de Maître [T] [V], en qualité de mandataire liquidateur de la société [7], désignée par jugement du 23 avril 2020.

Il est également inexact d’indiquer que la société ALMA LEARNING GROUP est représentée par son président, compte tenu de la liquidation ‘ puis de sa radiation.

Enfin, l’association évoque dans ses dernières conclusions des pièces qu’elle qualifie de « pièces incident ».

Il s’agit à l’évidence des pièces qu’elle avait produites devant le juge de la mise en état dans le cadre de la procédure d’incident dont la cour est aujourd’hui saisie. Cependant, son bordereau de pièces communiquées devant la cour ne comprend pas lesdites pièces « d’incident » mais des pièces de fond pour l’essentiel (par exemple, la « pièce incident 2 » consiste selon les conclusions (page 19) en des « statuts » or, la pièce 2 du bordereau versé devant la cour est un « courrier du 3 septembre 2019 de Mme [U] »).

Il appartenait à l’intimée pourtant de verser devant la cour les pièces nécessaires au succès de ses prétentions.

Sur les exceptions de nullité de l’assignation

Aux termes de l’article 117 du code de procédure civile :

« Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :

Le défaut de capacité d’ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. »

L’article 118 du même code dispose que :

« Les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. »

Sur la recevabilité des exceptions de nullité

Les appelantes considèrent que c’est à tort que le juge de la mise en état n’a pas statué sur l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation, relevant qu’elle n’était pas reprise dans le dispositif des conclusions.

Elles font valoir que la nullité de l’assignation entraîne de facto l’irrecevabilité des demandes et que dès lors l’irrecevabilité sollicitée « contenait » nécessairement l’exception de nullité développée par ailleurs.

Cependant, la nullité de l’acte de saisine de la juridiction et la fin de non-recevoir tirée d’un défaut de qualité et d’intérêt, même si elles peuvent s’appuyer sur des éléments factuels similaires, sont deux prétentions nécessairement distinctes. Il convient d’ailleurs de relever qu’avant le 1er janvier 2020, le juge de la mise en état était compétent pour connaître de la première, mais nullement de la seconde.

C’est donc à bon droit que le juge de la mise en état a relevé que le dispositif des écritures des défenderesses ne reprenait pas l’exception de nullité développée dans la discussion et qu’il n’était nullement saisi de cette question.

A hauteur de cour, les appelantes font valoir que cette exception de nullité serait recevable comme visant à faire écarter des prétentions adverses au sens de l’article 564 du code de procédure civile.

Elles exposent par ailleurs au visa de l’article 118 du code de procédure civile que l’exception de nullité en l’espèce peut être soulevée en tout état de cause et donc pour la première fois en appel.

Il résulte en effet des articles 117 et 118 du code de procédure civile que les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause.

Par conséquent, les demandes de nullité de l’acte introductif d’instance, fondées sur l’inobservation alléguée de règles de fond (la capacité d’ester en justice), sont recevables.

Sur l’exception de nullité tirée du défaut de capacité d’ester en justice

L’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dispose que :

« Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs.

La déclaration préalable en sera faite au représentant de l’Etat dans le département où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration. Un exemplaire des statuts est joint à la déclaration. Il sera donné récépissé de celle-ci dans le délai de cinq jours.

(‘)

L’association n’est rendue publique que par une insertion au Journal officiel, sur production de ce récépissé.

Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.

Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils auront été déclarés. »

Il résulte de l’article 6 de cette loi que toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice.

Les appelantes font valoir que l’association ne justifiait pas, dans son assignation, des mesures de publicité prévues par ces dispositions et qu’elle ne démontrait pas être pourvue d’une personnalité juridique et de la capacité d’ester en justice.

Elles considèrent que la cause de nullité n’avait pas disparu au moment où le juge de la mise en état a statué, puisqu’elle ne produisait qu’un récépissé de déclarations de modification daté du 18 décembre 2019.

Il a été relevé que le juge de la mise en état, à bon droit, n’a pas statué sur les exceptions de nullité soulevées. Dès lors, c’est à hauteur d’appel qu’il convient de se placer pour déterminer si la cause de nullité a disparu.

L’association verse (pièce 16 effectivement produite et conforme au bordereau) l’insertion au Journal Officiel de sa création, en date du 24 octobre 2019 démontrant l’existence de sa déclaration à la Préfecture de la Seine Saint-Denis.

L’article 5 de la loi de 1er juillet 1901 précité prévoit que l’association n’est rendue publique que par une insertion au Journal officiel, sur production de ce récépissé.

Il en résulte nécessairement que l’association a adressé ledit récépissé pour obtenir ladite insertion.

Il a été relevé que les statuts modificatifs pour lesquels il n’est pas contesté qu’un récépissé a été transmis portent sur la modification du nom de l’association, désormais ADEA[7].

L’intimée est donc régulièrement déclarée et jouit de la capacité d’ester en justice.

Il n’y a pas lieu d’annuler l’assignation du 4 août 2020 pour ce premier motif.

Sur l’exception de nullité de l’assignation délivrée à la société FINANCIERE LSL

Les appelantes sollicitent la nullité partielle de l’assignation en ce qu’elle a été délivrée à l’encontre de la société FINANCIERE LSL, ès qualités de liquidateur de la société ALMA LEARNING GROUP. Elles allèguent que cette dernière n’a plus d’existence légale.

Il ressort de l’extrait Kbis de cette société (pièce 4 des appelantes) qu’elle a été effectivement radiée le 11 juin 2020 compte tenu de la clôture des opérations de liquidation, avec effet au 24 février 2020.

Le liquidateur amiable n’avait donc plus qualité pour représenter la société. Il n’est pas démontré qu’un mandataire ad hoc ait été désigné pour intervenir dans le cadre de la présente procédure, compte tenu de cette radiation.

Par conséquent, l’assignation a été délivrée le 4 août 2020 à un liquidateur qui n’avait plus qualité pour représenter une société et que, surtout, cette dernière avait perdu sa personnalité morale.

Il s’agit d’une nullité de fond, insusceptible de régularisation.

Il en résulte qu’il convient de prononcer la nullité partielle de l’assignation en date du 4 août 2020 en ce qu’elle a été délivrée à la société FINANCIERE LSL ès qualités de liquidateur de la société ALMA LEARNING GROUP.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt pour agir

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile :

« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

L’article 31 du même code dispose que « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

Une association peut agir en justice soit pour la protection de ses propres intérêts soit pour l’intérêt de ses membres ou des intérêts collectifs dès lors que ces intérêts rentrent dans son objet social.

L’article 3 des statuts de l’association stipule (pièce 32 des appelantes) :

« Article 3.1

L’association a pour objet : d’apporter un soutien juridique et moral aux anciens parents d’élèves du [7]. Fédérer, soutenir et défendre les intérêts des membres auprès des juridictions pénales et administratives dans le litige qui les oppose à la présidente du groupe AGL DIGITAL et à son associé, tous deux propriétaires du [7].

Promouvoir, organiser et développer un soutien juridique et moral aux parents d’élèves dont les enfants sont scolarisés dans des établissements hors contrats à pédagogie adaptée ou à projets spécifiques, et tous objets similaires, connexes ou complémentaires ou susceptibles d’en favoriser la réalisation ou le développement.

Article 3.2

L’association se propose d’atteindre ses objectifs en mettant en ‘uvre les moyens suivants (liste non limitative)

(‘)

3. la mise en ‘uvre de toute action judiciaire ou extrajudiciaire utile à l’accomplissement de son objet

(‘). »

Les appelantes font valoir que l’association ADEA[7] défend non un intérêt collectif, mais des intérêts individuels de personnes tierces au procès. Elles considèrent qu’il s’agit d’une action de groupe au sens des articles L622-1 et L622-3 du code de la consommation, strictement encadrée et que l’association n’en remplit pas les conditions.

En premier lieu, le présent litige n’est nullement afférent au droit de la consommation.

Contrairement à ce que font valoir les appelantes, une association peut tout à fait défendre collectivement les intérêts de ses membres. Il convient en revanche de s’assurer de la conformité de la présente action avec l’objet social.

L’intimée sollicite aux termes de son assignation en premier lieu l’annulation de la décision de fermeture de l’établissement qui répond bien à un intérêt collectif.

Comme l’a relevé le premier juge, la circonstance selon laquelle les juridictions civiles ne sont pas expressément mentionnées dans les statuts, contrairement aux juridictions pénales et administratives, ne prive pas l’association de la possibilité de saisir une juridiction civile telle que le tribunal judiciaire dès lors que son action entre dans cet objet.

L’objet social vise expressément le litige qui oppose ses membres à « la Présidente du groupe AGL DIGITAL et son associé, tous deux propriétaires du [7] ».

Il résulte des statuts de la société AGL DIGITAL que cette société est présidée par Mme [O] et que son directeur général est la société EDTECH, qui n’est pas partie à la procédure, mais dont il n’est pas contesté qu’elle est présidée par la société FINANCIERE LSL.

Cette dernière était par ailleurs le liquidateur amiable de la société ALMA LEARNING GROUP. La société [7] était présidée par la société AGL DIGITAL.

Comme l’a relevé le premier juge, l’entité juridique [7] est nécessairement concernée du fait de ses actionnaires.

En outre, l’objet social vise le fait plus général d’apporter « un soutien juridique et moral aux anciens parents d’élèves du [7] » et permet « la mise en ‘uvre de toute action judiciaire ou extrajudiciaire utile à l’accomplissement de son objet ».

Ce soutien juridique n’est donc nullement circonscrit à une action judiciaire spécifique contre les seules personnes expressément désignées, sauf à considérer qu’une personne morale ne pourrait exercer aucune autre action judiciaire que celle expressément mentionnée dans son objet, ce qui reviendrait à restreindre de fait sa capacité d’ester en justice.

L’assignation évoque l’irrégularité alléguée du renvoi d’une classe de cinquième puis de la fermeture de l’établissement et l’existence d’un choc psychologique important pour les enfants – soit un préjudice moral conforme aux intérêts que son objet entend défendre – dont elle donne des exemples.

Enfin, comme l’a relevé le premier juge, l’intérêt à agir de l’association n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé à agir notamment à l’égard de certains défendeurs.

Dès lors, la circonstance selon laquelle aucun lien contractuel n’existe entre l’association ou ses membres et certains défendeurs alors que l’action est fondée sur l’article 1103 du code civil relève de l’appréciation du fond du droit et est sans incidence sur l’existence d’un intérêt à agir de l’association.

C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Les condamnations au titre des frais irrépétibles et au titre des dépens seront infirmées compte tenu de la nature de la présente décision.

Chacune des parties, succombant partiellement, gardera la charge de ses dépens et il y a lieu de rejeter les demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats les pièces communiquées en cours de délibéré ;

Confirme la décision en ce qu’elle rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité de l’association ADEACR ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevables les exceptions de nullité de l’assignation ;

Prononce la nullité partielle de l’assignation du 4 août 2020 en ce qu’elle a été délivrée à l’encontre de la société FINANCIERE LSL, en qualité de liquidateur de la société ALMA LEARNING GROUP ;

Rejette l’exception de procédure pour le surplus ;

Rappelle que l’instance se poursuit devant le tribunal judiciaire de Paris sauf à l’égard de la société FINANCIERE LSL, ès qualités ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d’appel ;

Rejette le surplus des demandes, y compris au titre des frais irrépétibles ;

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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