tiennent que les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON ne sont pas recevables à engager une action de groupe, telle que prévue par les articles 848 et suivants du code de procédure civile dont les conditions ne sont pas remplies.
Le juge de la mise en état a dit qu’il s’agit bien d’une fin de non recevoir, pour défaut du droit d’agir collectivement, au sens de l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Clemence RUILLAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par acte d’huissier de justice du 8 avril 2021, les Sarl C.L.E.F., L.E.F.T., RIGHT et B.E.T.O.N., ont fait assigner les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle devant le tribunal judiciaire de Lyon afin d’être indemnisées de leurs pertes d’exploitation en lien avec l’état d’urgence sanitaire de 2020 en exécution d’un contrat ‘Multirisque de l’Entreprise’.
Ces quatre sociétés, dirigées par un même gérant, exploitent au total 9 boutiques de vêtements pour enfants à l’enseigne ‘Sergent Major’ dans les départements du Rhône et de la Savoie. Toutes ont souscrit des contrats identiques ‘Multirisque de l’entreprise’ auprès des compagnies Axa.
Par conclusions incidentes du 19 janvier 2022, les compagnies Axa, qui ont conclu précédemment au fond, ont demandé au juge de la mise en état, au visa des articles 31 et 122 et suivants du code de procédure civile et R.114-1 du code des assurances de :
1/ à titre liminaire,
– se déclarer incompétent pour connaître de la réclamation de la société RIGHT à l’égard de son Assureur au profit du tribunal judiciaire de Chambéry ;
– en conséquence, de renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Chambéry ;
2/ à titre subsidiaire,
– juger que la demande d’Axa France Iard tendant à faire juger que les demanderesses n’ont pas de droit d’agir collectivement constitue une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause,
– juger que la demande d’Axa France Iard tendant à faire juger que les demanderesses n’ont pas de droit d’agir collectivement constitue un incident mettant fin à l’instance pouvant être soulevé en tout état de cause,
– juger que la demande d’Axa France Iard tendant à faire juger que les demanderesses n’ont pas de droit d’agir collectivement est recevable,
– juger que les demanderesses n’ont pas de droit d’agir collectivement à l’encontre d’Axa France Iard,
– déclarer l’action intentée par les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON irrecevable ;
– en conséquence, débouter les demanderesses de l’intégralité de leurs demandes.
Les sociétés C.L.E.F., L.E.F.T., RIGHT et BETON ont demandé au juge de la mise en état en principal de :
– dire que la demande incidente portant sur l’incompétence territoriale est irrecevable ;
– dire que la demande incidente portant sur l’impossibilité d’agir collectivement est irrecevable ;
à titre subsidiaire, dire que cette demande est mal fondée.
Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le juge de la mise en état de la 4ème chambre du tribunal judiciaire de Lyon a :
– déclaré l’exception d’incompétence irrecevable,
– déclaré la fin de non recevoir pour défaut du droit d’agir collectivement recevable, mais l’a rejetée,
– condamné in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer aux sociétés C.L.E.F., L.E.F.T., RIGHT et BETON, la somme de 400 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle aux dépens de l’incident,
– et renvoyé l’instance à une audience de mise en état électronique ultérieure.
Les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle ont relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 10 mai 2022.
Par ordonnance du 13 mai 2022, le président de la chambre, faisant application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 10 janvier 2023 à 13h30.
En leurs dernières conclusions du 2 août 2022, les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle demandent à la Cour ce qui suit, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile :
déclarer recevable et bien-fondé l’appel interjeté par la société Axa France Iard et, y faisant droit :
à titre principal,
* infirmer l’ordonnance du 26 avril 2022 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon en ce qu’il a :
– rejeté la fin de non recevoir pour défaut du droit d’agir collectivement soulevée par Axa,
– condamné in solidum Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer aux sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON la somme de 400 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle aux entiers dépens de l’incident,
– renvoyé l’instance à l’audience de mise en état électronique pour les conclusions au fond des demandeurs qui devront être adressées par RPVA le 15 septembre 2022 avant minuit à peine de rejet ou de clôture,
* infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon en ce qu’il a débouté Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle des demandes tendant à déclarer les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON irrecevables pour défaut du droit d’agir collectivement ;
* confirmer l’ordonnance du Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon en ce qu’elle a jugé que la demande d’Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle tendant à faire déclarer les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON irrecevables pour défaut du droit d’agir collectivement, constituait une fin de non-recevoir, recevable en l’espèce ;
et, statuant à nouveau,
– juger que les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON ne disposent pas de droit d’agir collectivement à l’égard d’Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle ;
en conséquence,
– déclarer l’action intentée par les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON devant le tribunal judiciaire de Lyon irrecevable ;
– débouter les assurées de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;
à titre subsidiaire,
– juger que la demande d’Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle tendant à faire déclarer les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON irrecevables pour défaut du droit d’agir collectivement, constitue une fin de non-recevoir, recevable en l’espèce ;
en conséquence,
– débouter les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON des fins de leur appel incident ;
– condamner chacune des sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON à payer à Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions du 8 juillet 2022, les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON demandent à la Cour de statuer comme suit, vu les articles 4 et suivants du code de procédure civile, notamment 30,53, 73, 74, 367, 789 et 791 :
à titre principal,
– juger que la demande est une exception de procédure,
– à tout le moins, juger que la demande a pour finalité de mettre fin à l’instance,
en conséquence,
– réformer l’ordonnance et dire la demande irrecevable pour avoir été formalisée après une défense au fond,
à titre subsidiaire,
– juger la demande mal fondée,
– confirmer l’ordonnance ;
en tout état de cause,
– condamner solidairement Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer la somme de 1.500 euros à la Sarl C.L.E.F., au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison du caractère dilatoire de l’incident,
– condamner solidairement Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer la somme de 1.500 euros à la Sarl L.E.F.T., au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison du caractère dilatoire de l’incident,
– condamner solidairement Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer la somme de 1.500 euros à la Sarl RIGHT, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison du caractère dilatoire de l’incident,
– condamner solidairement Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer la somme de 1.500 euros à la Sarl BETON, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison du caractère dilatoire de l’incident,
– condamner solidairement Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle aux entiers dépens,
– débouter Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle de l’ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2023.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre préliminaire, la Cour observe que les appelantes ne contestent pas la décision déclarant irrecevable leur exception d’incompétence territoriale qui n’a pas été soulevé in limine litis.
Sur la recevabilité de la contestation des sociétés Axa
Les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle (ci-après les sociétés Axa) soutiennent que les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON ne sont pas recevables à engager une action de groupe, telle que prévue par les articles 848 et suivants du code de procédure civile dont les conditions ne sont pas remplies.
Le juge de la mise en état a dit qu’il s’agit bien d’une fin de non recevoir, pour défaut du droit d’agir collectivement, au sens de l’article 122 du code de procédure civile. Pouvant être soulevée en tout état de cause, elle est recevable même après que les sociétés Axa aient conclu au fond.
En appel comme devant le premier juge, les sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON soutiennent que la contestation soulevée par les sociétés Axa est une exception de procédure qui est irrecevable, à défaut d’avoir été soulevée avant toute défense au fond selon l’exigence de l’article 74 du code de procédure civile.
Toutefois, la contestation du droit d’agir est une fin de non-recevoir puisqu’elle tend à faire déclarer irrecevable la demande sans examen au fond, au sens de l’article 122 précité. Elle ne saurait se confondre avec les exceptions de procédure prévues aux articles 73 à 121 du même code.
Par ailleurs, le moyen subsidiaire des intimées, tenant aux compétences dévolues au juge de la mise en état par l’article 789 du code de procédure civile pour statuer sur les incidents mettant fin à l’instance, est sans pertinence quant à la recevabilité de la fin de non-recevoir régulièrement soulevée devant le juge de la mise en état.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les sociétés Axa
Le juge de la mise en état a rappelé qu’une action engagée par plusieurs demandeurs n’est pas une ‘action de groupe » au sens des articles 848 et suivants, laquelle est réservée à des associations qui vont agir elles-mêmes en demande dans l’intérêt de diverses personnes qui ne seront pas présentes à la procédure et ne seront pas même nécessairement individuellement identifiées.
En l’espèce, les quatre sociétés agissent certes par une seule et même assignation, mais chacune agit individuellement en formulant des demandes pour son propre compte.
Elles arguent de conditions générales d’assurance identiques et d’une même situation pour faire valoir leurs droits, et sont engagées par un même contrat de franchise (Sergent Major). Ce qui, selon le juge de la mise en état, justifie qu’elles soient jugées ensemble dans l’intérêt d’une bonne justice en application de l’article 367 du code de procédure civile, de sorte que la délivrance d’assignations distinctes en vue de leur jonction ultérieure était inutile. Dès lors qu’elles n’engagent pas une action de groupe, leur action, qui n’a pas à répondre aux critères définis par des articles 848 et suivants, est recevable.
En appel, les sociétés Axa soutiennent que les intimées agissent sur le terrain contractuel, et non délictuel. Leurs demandes sont fondées sur des contrats d’assurance distincts, souscrits dans des circonstances distinctes et par des personnes morales distinctes.
La situation des intimées ne justifie pas qu’un droit d’agir collectivement soit caractérisé.
Les conditions générales sont communes à de nombreux assurés dont les polices d’assurance ne sont en rien assimilables. Les conditions particulières, qui forment l’engagement des parties, ont été rédigées pour chacune des sociétés intimées et signées par chacune de manière indépendante des autres.
Cette situation est bien différente de celle d’assurés pluraux couverts par un seul et même contrat d’assurance « pour compte » conclu par une société unique. Au regard de la situation du covid-19 et des mesures prises par le gouvernement pour endiguer la propagation du virus, de nombreux assurés se trouvent dans une « situation identique » à celles des sociétés C.L.E.F, L.E.F.T, RIGHT et BETON, sans que cela ne justifie une action conjointe.
Sur ce, l’article 31 du code de procédure civile, qui dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, n’interdit nullement à plusieurs parties de saisir collectivement la juridiction pour formuler, à l’encontre des mêmes défenderesses, des prétentions similaires mais bien distinctes pour chacune d’entre elles.
Au demeurant, ces actions collectives sont de plus en plus fréquentes par l’effet de regroupements opérés par internet ou les réseaux sociaux, et rassemblent des personnes se prévalant de situations similaires en vue d’obtenir des condamnations qui restent personnelles à chacune d’elles.
Sur ce point, les sociétés Axa prétendent vainement distinguer les actions situées sur le terrain contractuel de celles relevant d’un fondement délictuel, ce qui ne ressort d’aucun texte. Chaque société demanderesse dispose d’un intérêt personnel à agir et aucune ne prétend se substituer à l’autre dans l’exercice des droits qu’elle tient du contrat passé avec les assureurs.
Dès lors que les sociétés demanderesses entendent se prévaloir de situations et conditions contractuelles comparables, leurs actions par voie d’assignation unique s’effectuent dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, ainsi que l’a relevé le premier juge. Etant rappelé que, si tel n’était pas le cas, le juge pourrait disjoindre les actions des quatre sociétés par simple mesure d’administration judiciaire.
L’ordonnance attaquée mérite entière confirmation.
Sur les demandes accessoires
La fin de non-recevoir opposée par les sociétés Axa est dépourvue de tout fondement et, de surcroît, de toute pertinence alors que l’exercice des quatre actions dans une procédure commune n’est pas de nature à nuire à leurs droits et simplifie leur défense. Cette procédure étant manifestement dilatoire, les sociétés Axa doivent en supporter les dépens, conserver la charge des frais irrépétibles qu’elles ont exposés et indemniser les intimées de leurs propres frais à hauteur de 1.000 euros chacune.
PAR CES MOTIFS
:
La Cour,
Confirme, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 26 avril 2022 par le juge de la mise en état de la 4ème chambre du tribunal judiciaire de Lyon ;
Condamne in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle aux dépens d’appel ;
Condamne in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer à la Sarl C.L.E.F. la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer à la Sarl L.E.F.T. la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer à la Sarl RIGHT la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés Axa France Iard et Axa Assurances Iard Mutuelle à payer à la Sarl BETON la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile .
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT