Actions de Groupe : Conseil d’État, 4ème chambre, 20 décembre 2019, 412324

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Actions de Groupe : Conseil d’État, 4ème chambre, 20 décembre 2019, 412324

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’article 8 du décret n° 2017-888 du 6 mai 2017 relatif à l’action de groupe et à l’action en reconnaissance de droits prévues aux titres V et VI de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, en tant qu’il crée les articles R. 77-12-7 et R. 77-12-8 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat respectivement le versement de la somme de 6 000 euros à chacun d’entre eux au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

– le décret n° 2017-888 du 6 mai 2017 ;

– la décision du 2 octobre 2017 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D… et M. C… ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit

:

1. M. D… et M. C… demandent l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 8 du décret 6 du 6 mai 2017 relatif à l’action de groupe et à l’action en reconnaissance de droits prévues aux titres V et VI de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, en tant qu’il crée les articles R. 77-12-7 et R. 77-12-8 du code de justice administrative. L’article R. 77-12-7 de ce code dispose que  » Sauf dans les litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale, un établissement public en relevant ou un établissement public de santé, et sous réserve de la dispense prévue pour l’Etat à l’article R. 431-7, les requêtes et les mémoires présentés devant le tribunal administratif ou une cour administrative d’appel statuant en premier et dernier ressort doivent, à peine d’irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. / Les mémoires en défense et les mémoires en intervention présentés au nom de l’Etat sont signés par le ministre intéressé. « . Aux termes de l’article R. 77-12-8 de ce code,  » Sous réserve de la dispense prévue pour l’Etat à l’article R. 432-4, les requêtes et les mémoires présentés devant le Conseil d’Etat statuant en premier et dernier ressort doivent, à peine d’irrecevabilité, être présentés par un avocat au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. « 

2. En premier lieu, il ressort de la copie de la minute de la section de l’intérieur du Conseil d’Etat, telle qu’elle a été versée au dossier par le Premier ministre et par la garde des sceaux, ministre de la justice, que le texte publié ne contient pas de dispositions qui différeraient à la fois du projet soumis au Conseil d’Etat et du texte adopté par ce dernier. Ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait, pour ce motif, été adopté au terme d’une procédure irrégulière ne peut qu’être écarté.

3. En deuxième lieu, d’une part, aux termes du premier alinéa de l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques :  » Nul ne peut, s’il n’est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation (…) « . Ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, ont pour effet de réserver aux seuls avocats de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation la représentation des parties devant le Conseil d’Etat lorsque le ministère d’avocat est rendu obligatoire par les règles de procédure applicables, ainsi que la faculté de plaider à l’audience devant le Conseil d’Etat. D’autre part, aux termes des dispositions de l’article L. 111-1 du code de justice administrative :  » Le Conseil d’Etat est la juridiction administrative suprême. Il statue souverainement sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par les diverses juridictions administratives ainsi que sur ceux dont il est saisi en qualité de juge de premier ressort ou de juge d’appel « . Eu égard aux spécificités des règles de procédure devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, juridictions suprêmes des ordres administratif et judiciaire, le monopole de la représentation et de la prise de parole par des avocats spécialisés, qui répond à l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et vise à garantir l’exercice effectif de leurs droits par les parties, ne méconnaît ni le droit des parties à un recours juridictionnel effectif, ni les droits de la défense.

4. En troisième lieu, il entre dans la compétence du pouvoir réglementaire de fixer les règles applicables à la procédure contentieuse devant les juridictions administratives. L’article R. 77-12-8 inséré au code de justice administrative par le décret attaqué se bornant à fixer les règles applicables à la représentation des parties dans l’exercice de l’action en reconnaissance de droits prévue par l’article L. 77-12-1 du même code, le moyen tiré de ce que ces dispositions qui, au demeurant, ne méconnaissent pas le droit des parties à un recours juridictionnel effectif, seraient entachées d’incompétence ne peut qu’être écarté.

5. En quatrième lieu, ainsi qu’il a été dit au point 3, le monopole de la représentation et de la prise de parole par des avocats spécialisés devant les juridictions suprêmes répond à l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et vise à garantir l’exercice effectif de leurs droits par les parties. Les restrictions qu’il introduit dans l’exercice de la profession d’avocat ne portent pas d’atteinte injustifiée à l’égalité de traitement entre les avocats. Par suite, les dispositions réglementaires attaquées, qui se bornent à prévoir que ce monopole s’applique aussi à la présentation, devant le Conseil d’Etat, des actions en reconnaissance de droits, ne portent pas davantage atteinte à l’égalité de traitement entre avocats.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’article 8 du décret du 6 mai 2017 relatif à l’action de groupe et à l’action en reconnaissance de droits prévues aux titres V et VI de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, en tant qu’il crée les articles R. 77-12-7 et R. 77-12-8 du code de justice administrative. Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :

————–

Article 1er : La requête de M. D… et de M. C… est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… D…, à M. B… C…, au Premier ministre, à la Garde des sceaux, ministre de la justice et à la ministre de la transition écologique et solidaire.


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