Contexte de l’affaire :
Aux termes de l’article L. 141-5 du code de commerce, le privilège du vendeur d’un fonds de commerce est soumis à certaines conditions, notamment l’inscription sur un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce.
Conditions de l’action résolutoire :
L’action résolutoire du vendeur pour défaut de paiement du prix d’un fonds de commerce est subordonnée à l’inscription du privilège dans les trente jours suivant la vente, comme le prévoit l’article L. 141-6 du code de commerce.
Obstacles à l’action résolutoire :
L’absence d’un écrit constatant la vente du fonds de commerce et le défaut d’inscription du privilège du vendeur constituent des obstacles à l’action résolutoire du vendeur impayé, même si la vente a été conclue sans écrit.
Recevabilité de l’action en résolution :
En l’espèce, la cour est saisie d’une action en résolution de la vente d’un fonds de commerce de fruits et légumes, ce qui soulève la question de la recevabilité de cette action en l’absence d’inscription du privilège du vendeur.
Sort des dépens :
Le sort des dépens dans cette affaire doit être réservé en fin d’instance, laissant ainsi la décision finale à la cour.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 14 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/02812 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O7KI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 MARS 2021
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 2020 000018
APPELANTE :
Madame [L] [O]
née le 27 Avril 1990 à [Localité 6] (37)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Fanny MICHEL, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me David BERTRAND, avocat au barreau de BEZIERS
INTIME :
Monsieur [W] [M]
né le 28 Février 1986 à [Localité 3] (06)
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représenté par Me Emmanuelle CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Karine MASSON, avocat au barreau de BEZIERS
Ordonnance de clôture du 20 Décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour initialement prévue au 7 mars 2023 et avancée au 14 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
*
* *
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
Par un acte sous-seing privé du 2 mai 2012, une SARL chez Laurette a cédé à [L] [O] un fonds de commerce de fruits et légumes, exploité RN 112, [Localité 7], à [Localité 1] (Hérault), inscrit au registre du commerce et des sociétés de Béziers sous le n° 532 135 217 ; cette activité de vente de fruits et légumes était exploitée, en bordure de la RN 112 (actuellement la D 612) reliant [Localité 9] à [Localité 5], sur une parcelle cadastrée [Cadastre 4] de 426 m² sur laquelle un cabanon en bois servant de stand se trouvait implanté, parcelle appartenant à [V] [F] et ayant fait l’objet d’un bail commercial conclu le 1er décembre 2015 avec Mme [O].
Le 14 mars 2019, Mme [O] a établi, à l’adresse de M. [F], une attestation par laquelle elle reconnaissait arrêter son activité de vente de fruits et légumes et produits régionaux sur la parcelle se situant en bordure de la RN 112 et lui restituer le terrain dans un état propre (sic) ; par acte du 14 mars 2019, M. [F] a consenti à [W] [M] la location de la parcelle [Cadastre 4] équipé d’un stand mobile de 45 m² en vue de l’exercice d’une activité de vente de fruits, légumes, produits régionaux et poulets rôtis.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 22 novembre 2019, Mme [O] a, par l’intermédiaire de son avocat, mis en demeure M. [M] de lui régler la somme de 38 000 euros ; elle exposait qu’il avait été convenu avec celui-ci, le 14 mars 2019, de la cession de son fonds de commerce de vente de fruits et légumes moyennant le prix de 65 000 euros, que le 2 mars 2019, une somme de 27 000 euros à valoir sur le prix lui avait été réglée en espèces, que le même jour un chèque d’un montant de 38 000 euros tiré sur le compte bancaire d’une certaine [D] [J], présentée comme sa mère, lui avait été remis contre la promesse d’en différer l’encaissement dans l’attente de la régularisation de l’acte de cession, que les documents formalisant la cession n’avaient pas cependant été régularisés et que le chèque de 38 000 euros, remis à l’encaissement, était revenu impayé.
N’obtenant pas le règlement escompté, Mme [O] a, par exploit du 30 décembre 2019, fait assigner M. [M] devant le tribunal de commerce de Béziers en vue d’obtenir la résolution de la cession du fonds de commerce et l’allocation de la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice financier et moral.
Le tribunal, par jugement du 22 mars 2021, a notamment :
-constaté l’absence d’acte de cession de fonds de commerce, l’absence de reçu justifiant du versement d’espèces par M. [M] à Mme [O] et l’absence totale d’explications sur le chèque impayé de Mme [J],
-débouté Mme [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-débouté M. [M] de sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [O] a régulièrement relevé appel, le 29 avril 2021, de ce jugement en vue de son infirmation.
Elle demande la cour, dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 25 octobre 2021 via le RPVA, de :
Vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1193, 1231-1, 1224 à 1230, 1582 et 1583 du code civil,
(…)
-constater qu’elle justifie de la réalité de la cession de son fonds de commerce de vente de fruits et légumes, anciennement exploité sous l’enseigne « chez Laurette », [Adresse 8], le 14 mars 2019 à [W] [M] au prix de 65 000 euros et pour lequel M. [M] ne s’est acquitté que de la seule somme de 27 000 euros réglée en espèces,
-constater que M. [M] n’a pas respecté son obligation tant légale que contractuelle de paiement de la somme de 38 000 euros correspondant au solde du prix de la vente du fonds de commerce (…)
-en conséquence, prononcer la résolution de la vente du fonds de commerce de fruits et légumes (…) intervenue le 14 mars 2019 entre elle et M. [M] moyennant le prix de 65 000 euros réglé partiellement le 2 mars 2019 à hauteur de 27 000 euros en espèces,
-prononcer la résolution de la vente du fonds de commerce avec toutes les conséquences de droit,
-ordonner la restitution par M. [M] du fonds de commerce de fruits et légumes qui était exploité sous l’enseigne « chez Laurette », [Adresse 8],
-condamner, en tant que de besoin, M. [M] à lui restituer le fonds de commerce de fruits et légumes (…) sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter d’un délai de huit jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir,
-condamner M. [M] à lui payer la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financier et moral subis,
-confirmer le jugement rendu le 22 mars 2021 par le tribunal de commerce de Béziers en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-en tout état de cause, débouter M. [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-le condamner à lui payer la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle affirme que les pièces versées aux débats établissent que M. [M] a bien fait l’acquisition, le 14 mars 2019, de son fonds de commerce de vente de fruits et légumes, qu’il exploite depuis cette date sans s’être acquitté de l’intégralité du prix de vente et qu’elle est donc fondée à obtenir la résolution de la vente, la restitution sous astreinte du fonds de commerce et l’indemnisation de ses préjudices, moral et financier.
M. [M], dont les dernières conclusions ont été déposées le 12 décembre 2022 par le RPVA, sollicite de voir confirmer le jugement entrepris et condamner Mme [O] à lui payer les sommes de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; il fait valoir qu’il n’a jamais été convenu avec celle-ci de l’achat d’un fonds de commerce, qu’il n’a jamais versé, le 2 mars 2019, une somme de 27 000 euros en espèces et ne connaît pas l’auteur du chèque de 38 000 euros et qu’il a seulement conclu un bail avec M. [F] après que Mme [O] eut décidé de cesser son activité, laissant dans le cabanon un frigidaire sans valeur marchande.
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 20 décembre 2022.
MOTIFS de la DECISION :
Aux termes de l’article L. 141-5 du code de commerce : « Le privilège du vendeur d’un fonds de commerce n’a lieu que si la vente a été constatée par un acte authentique ou sous-seing privé dûment enregistré, et que s’il a été inscrit sur un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité. Il ne porte que sur les éléments du fonds énumérés dans la vente et dans l’inscription, et à défaut de désignation précise, que sur l’enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage (‘) » ; l’article L. 141-6 du même code dispose que l’inscription doit être prise, à peine de nullité, dans les trente jours suivant la date de l’acte de vente et que l’action résolutoire, établie par l’article 1654 du code civil, doit, pour produire effet, être mentionnée et réservée expressément dans l’inscription ; l’article 1654 énonce ainsi que si l’acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente.
Il résulte des dispositions qui précèdent que l’action résolutoire du vendeur d’un fonds de commerce pour défaut de paiement du prix est subordonnée à l’inscription du privilège dans les trente jours suivant la date de l’acte de vente laquelle doit être constatée par un acte authentique ou sous-seing privé dûment enregistré ; dès lors, l’absence d’un écrit constatant la vente du fonds de commerce et le défaut d’inscription du privilège du vendeur, constituent autant d’obstacles à l’action résolutoire du vendeur impayé, quand bien même la vente, faite sans écrit, pourrait être considérée comme parfaite en raison de l’échange des consentements.
En l’occurrence, la cour est bien saisie d’une action en résolution de la vente du fonds de commerce de fruits et légumes prétendument intervenue le 14 mars 2019 entre Mme [O] et M. [M] ; la recevabilité d’une telle action doit donc être relevée d’office eu égard aux dispositions d’ordre public précédemment énoncées.
Le sort des dépens doit être réservé en fin d’instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Relève d’office l’irrecevabilité de l’action en résolution de la vente du fonds de commerce de fruits et légumes prétendument intervenue le 14 mars 2019 entre Mme [O] et M. [M],
Dit que les débats seront ré-ouverts à l’audience du mardi 28 mars 2023 à 14h00 afin de permettre aux parties de présenter leurs observations et que l’instruction sera clôturée huit jours calendaires avant cette date,
Réserve le sort des dépens en fin d’instance,
le greffier, le président,