Accord de confidentialité : 9 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01254

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Accord de confidentialité : 9 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01254
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01254 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6QZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2019032306

APPELANTE

S.A.S. […] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 823 559 224

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant

assistée de Me Badr MAHBOULI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2112, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.S. […] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 832 972 772

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Thomas ROUSSINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0067

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Denis ARDISSON, président de chambre

Madame Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère

Madame Marion PRIMEVERT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Denis ARDISSON, président de chambre et par Monsieur Damien GOVINDARETTY, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société […], anciennement dénommée […], et la société […], dirigée par Mme [C] [Z], ayant toutes deux pour activité le conseil en système et logiciel informatique, ont conclu le 3 janvier 2018 un contrat portant sur la réalisation en sous-traitance par la société […] de prestations de conseil et d’ingénierie en systèmes d’information chez la société […] cliente de la société […].

La société […] a été affectée à une mission Consultant Teradata au sein de la société […] prévue du 2 janvier au 30 juin 2018, selon un tarif de 520 euros HT par jour travaillé. Cette mission s’est poursuivie au-delà du terme du 30 juin 2018, sans signature d’un avenant. La mission s’est achevée définitivement le 30 mars 2019.

La société […] a ultérieurement reproché à la société […] de poursuivre des prestations de conseil et d’ingénierie pour la société […], en violation d’une clause de non sollicitation contenue au contrat – et a refusé d’honorer les factures émises par la société […] les 25 février et 29 mars 2019 pour un montant total de 33.614,88 euros TTC.

Suivant exploit du 28 mai 2019, la société […] a fait assigner au fond la société […] devant le tribunal de commerce de Paris afin de voir ordonner à la société […] de cesser toute relation commerciale avec la société […] et d’obtenir des dommages-intérêts.

Parallèlement, la société […] a fait assigner en référé, suivant exploit du 6 juin 2019, la société […] en paiement devant le président du tribunal de commerce de Paris.

Suivant ordonnance du 10 juillet 2019, la société […] a été condamnée à verser à la société […], à titre de provision la somme de 33.614,88 euros, outre les intérêts, et celle de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le président du tribunal de commerce de Paris a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de dommages et intérêts.

Par jugement du 21 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

débouté la société […] de l’ensemble de ses demandes,

condamné la société […] à payer à la société […] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la déboutant pour le surplus,

condamné la société […] aux dépens de l’instance,

débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

La société […] a formé appel du jugement par déclaration du 16 janvier 2021 enregistrée le 21 janvier 2021.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 30 juillet 2021, la société […] demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil :

d’infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 21 décembre 2020 ;

Et statuant à nouveau :  

A titre principal : 

de recevoir la société […] en ses demandes et les déclarer bien fondées ;

de dire et juger que la société […] a méconnu l’obligation de non-sollicitation de clientèle prévue par le contrat de prestation de services qui la liait à la société […] ; 

de condamner la société […] à verser à la société […] la somme de 130. 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2019, en réparation du préjudice qu’elle a causé et qui résulte de la méconnaissance de son obligation de non sollicitation de clientèle ; 

A titre subsidiaire et si le préjudice de la société […] doit être calculé sur la marge qu’elle avait la possibilité de réaliser dans le cadre d’une sous-traitance facturée à hauteur de 520 euros HT par jour travaillé 

de condamner de la société […] à lui verser la somme de 40.072,50 euros en réparation du préjudice qu’elle lui a causé du fait de la violation de la clause de non-sollicitation de clientèle ;

En tout état de cause : 

de débouter la société […] de toutes ses demandes, fins et conclusions ; 

de condamner la société […] à payer à la société […] la somme 5000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure de 1ère instance et d’appel ;

de condamner la société […] aux entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 3 mai 2021, la société […] demande à la cour :

de confirmer le jugement du 21 décembre 2020 en ce qu’il a : 

* débouté la société […] de l’ensemble de ses demandes,

* condamné la société […] à verser à la société […] 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* condamné la société […] aux entiers dépens. 

– Statuant à nouveau et y ajoutant : 

de constater que la société […] a bien respecté l’engagement de non concurrence,

de prononcer la nullité partielle de la clause de non-concurrence,

de condamner la société […] à verser à la société […] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel (article 700 du code de procédure civile),

de condamner la société […] aux entiers dépens d’appel.

*

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 10 mars 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur la clause litigieuse

La société […] fait valoir que la société […] s’est contractuellement engagée, pendant l’exécution du contrat mais également pendant les douze mois suivant son terme, à ne pas poursuivre de collaboration auprès de clients de la société […] pour lesquels elle s’est vu confier des prestations en sous-traitance. Elle soutient que la société […] a violé la clause de non-sollicitation prévue par le contrat, clause parfaitement valable et qui se distingue de la clause de non-concurrence. L’appelante argue avoir subi un préjudice conséquent, estimant que cette violation l’a empêchée de contracter avec la société […].

La société […] soutient qu’elle n’a pas violé son engagement de non-concurrence dans la mesure où les deux missions dont s’agit sont totalement différentes, « Consultant Teradata » pour la première consistant dans du développement tandis que la seconde « Consultant Big Data Azure » relevait de la conception et de l’architecture. Elle sollicite en outre la nullité partielle de la clause. Enfin elle fait valoir que la société […] n’a subi aucun préjudice.

Aux termes de l’article 1103 du code civil :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. ».

En vertu de l’article 1104 du même code :

« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d’ordre public. ».

Il convient d’analyser les termes de la clause litigieuse. L’article 7.2.1 du contrat du 3 janvier 2018 contient en effet les dispositions suivantes :

« En sa qualité de spécialiste, le FOURNISSEUR s’est vu confier l’exécution de prestations décrites dans les conditions particulières liées à un contrat conclu par […] avec le CLIENT FINAL. (‘)

En conséquence, en contrepartie et dans le respect de cette sous-traitance, le FOURNISSEUR s’engage dès à présent à ne pas :

pendant l’exécution de sa mission

* prendre d’engagements commerciaux avec quelque interlocuteur que ce soit au sein de l’ensemble des services du CLIENT FINAL pour lequel il accomplit la ou les prestations des conditions particulières, ni pour quelque raison que ce soit, sans l’accord préalable et écrit d'[…].

une fois sa mission achevée vis-à-vis d'[…] :

poursuivre la prestation qui lui a été attribuée au-delà de ce qui est expressément prévu aux présentes, directement avec le CLIENT FINAL ou par l’intermédiaire de l’un des sous-traitants intervenant sur le projet, notamment en concluant un accord dont l’objet serait lié à la poursuite du projet.

entrer en contact directement ou indirectement avec quelque interlocuteur que ce soit au sein de l’ensemble des services du CLIENT FINAL, sans l’accord préalable écrit d'[…].

Et, plus généralement, à ne pas agir de façon déloyale à l’encontre d'[…], notamment en détournant des commandes ou par des agissements parasitaires.

Ces engagements demeureront valables pendant un an après le terme du présent contrat. »

La clause litigieuse issue de l’article 7.2.1 du contrat contient plusieurs parties dont la qualification diffère. En effet, l’analyse de cette clause conduit à distinguer les dispositions suivantes : elle s’articule en deux parties, pendant l’exécution de la mission et après son terme. Les obligations incombant à la société […], le « fournisseur », en vertu de la première partie de la clause, s’analysent en une clause de non-concurrence. Il n’est pas soutenu que l’intimée aurait violé les termes de cet engagement.

La seconde partie de la clause ‘ post mission ‘ comporte également plusieurs types d’engagements : l’un lié au projet spécifique objet du contrat, et qui s’analyse également en une clause de non-concurrence. Le second engagement – « entrer en contact directement ou (…) » – ne relève ni d’une clause de non-concurrence ni d’une clause de non-sollicitation mais davantage d’un accord de confidentialité.

En outre, le contrat de prestations de services, en ses conditions générales, prévoyait en son article 9 « Durée » les dispositions suivantes :

« Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie pouvant y mettre fin à tout moment moyennant un préavis d’un mois, par lettre recommandée avec accusé de réception. Par contre, en aucun cas les conditions particulières ne sont renouvelables tacitement. De tels renouvellements doivent systématiquement donner lieu à des avenants signés des deux parties. ».

Les conditions particulières du contrat précisaient « Le présent contrat démarrera le 02/01/2018 et se terminera le 30/06/2018. il pourra être renouvelé par accord des deux parties. ».

Suivant courriel du 27 juin 2019 avec en objet « Fin des prestations assistance technique et expertise Teradata », la société […] a écrit à la société […], en mettant en copie Mme [C] [Z] :

« Les travaux préparatoires sur lesquels nous avions sollicité l’intervention de la société […] ‘ […] avec sous-traitance à la société […] pour une expertise sur la technologie Teradata ont bien été effectués jusqu’au 30 mars 2019 et recettés. (‘) Dans ces conditions, nous vous confirmons que ni […] ni son sous-traitant […] ne sont appelés à intervenir dans la suite du projet depuis le 30 mars 2019. ».

A compter du 8 avril 2019, la société […] a affecté la société […] par l’intermédiaire d’une société Comet à une mission « Consultant Big Data Azure », prestation « freelance » qui s’est achevée le 31 décembre 2019. Les extraits du contrat produits définissent cette mission de la façon suivante « Effectuer des tâches de modélisation et du développement AZURE ».

Le 18 avril 2019, la société […] écrit « Il est exact que je travaille actuellement pour la société […], mais sur un autre poste et sur une autre mission/projet, de nature distincte (Consultant Big Data Azure). ».

Ainsi, et comme le confirme la société […] dans son courriel précité du 27 juin 2019, c’est sur une mission distincte de celle pour laquelle elle avait contracté avec la société […] en vertu de la convention du 3 janvier 2018 que la société […] a été affectée à l’issue de sa mission en sous-traitance. Elle n’a donc pas violé son engagement vis-à-vis de la société […] de ne pas « poursuivre la prestation qui lui a été attribuée (…) ».

L’engagement de ne pas, à l’issue de sa mission et ce pendant une année, « entrer en contact directement ou indirectement avec quelque interlocuteur que ce soit au sein de l’ensemble des services du CLIENT FINAL, sans l’accord préalable écrit d'[…]. » n’a en revanche pas été respecté par la société […]. Cette clause librement négociée entre les cocontractants et qui n’est ni une clause de non-concurrence ni une clause de non-sollicitation est valide. La société intimée qui en réclame l’annulation en lui reprochant son imprécision n’assoit d’ailleurs cette demande sur aucun fondement juridique. Elle sera donc déboutée de sa demande à cette fin.

Si la société […] n’a effectivement pas respecté l’engagement résultant de cette disposition vis-à-vis de la société […] en entrant en contact avec la société […] après l’achèvement de sa mission pour AIM, et sachant que ce non-respect n’est assorti d’aucune sanction contractuelle, encore faut-il que la société appelante démontre avoir subi un dommage en lien avec cette faute pour que la responsabilité de la société intimée soit retenue.

Or, la société […] ‘ anciennement […] ‘ se prévaut d’un manque à gagner journalier de 520 euros HT en soutenant qu’elle a été privée du partenariat avec la société […] et du gain qu’elle aurait pu réaliser à compter du 1er avril 2019. Elle fait valoir à cet égard qu’elle disposait parmi ses salariés de profils qualifiés et compétents pour réaliser les prestations confiées à la société […] à partir du mois d’avril 2019.

S’appuyant sur le seul curriculum vitae de certains de ses salariés ‘ mentionnant la compétence Teradata et non Big Data Azure -, elle ne démontre pas avoir échangé avec la société […] pour une éventuelle poursuite de leurs relations commerciales et n’apporte aucun élément prouvant que cette dernière aurait contracté avec elle pour cette nouvelle mission. La société […] ne caractérise donc pas le préjudice qu’elle aurait subi du fait du non-respect par la société […] dans l’année qui a suivi la fin de leurs relations contractuelles de l’engagement de ne pas entrer en contact avec le client.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société […] de l’ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société […] succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens. Il n’est pas inéquitable de condamner la société […] à verser à la société […], qui a dû engager des frais en sa qualité d’intimée, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE la société […] de sa demande tendant à voir « prononcer la nullité partielle de la clause de non-concurrence » ;

CONDAMNE la société […] aux dépens ;

CONDAMNE la société […] à payer à la société […] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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