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JG/CS
Numéro 23/1883
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 30 mai 2023
Dossier : N° RG 21/03973 – N° Portalis DBVV-V-B7F-IB3Q
Nature affaire :
Demande en nullité d’un contrat ou des clauses relatives à un autre contrat
Affaire :
S.A.S. RUNN
C/
S.A.S. BEYNEL ET FILS
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 30 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 28 février 2023, devant :
Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,
Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. RUNN agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Florent BOURDALLÉ de la SELARL DUALE – LIGNEY – BOURDALLE, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
S.A.S. BEYNEL ET FILS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me François PIAULT, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Christine LOUSTALOT, avocat au barreau de Pau
sur appel de la décision
en date du 07 DECEMBRE 2021
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU
Exposé du litige et des prétentions :
La SAS Runn, constituée le 5 mai 2014, dont le dirigeant est Monsieur [N] [Z], a pour activité toute prestation de services aux entreprises nécessaires au développement et à l’exploitation du réseau Rrun, que ce soit par franchise ou prise de participation et la vente par tous moyens d’articles de sports et toutes activités connexes et complémentaires.
A compter de février 2015, la SAS Runn a développé son réseau sous franchise sur la base d’un concept de vente d’articles de sports autour de l’univers de la course à pied.
Dans ce cadre, le 24 avril 2019, la SAS Runn a signé un contrat de franchise avec la SASU Beynel et Fils pour l’implantation d’un magasin de running franchisé au sein de la galerie marchande Super U qu’elle exploite à [Localité 2] en Gironde.
Le magasin a ouvert le 23 juillet 2019, date constituant le point de départ du contrat de franchise.
Le 14 mai 2020, la SAS Beynel et Fils a adressé un courrier à SAS Runn pour lui faire part de sa proposition de résilier, amiablement, et sans indemnité, le contrat de franchise avec fermeture du magasin au motif que l’enseigne avait failli à ses obligations, pendant la période de confinement et de fermeture des commerces non essentiels à raison de la pandémie du Covid 19, en l’absence de possibilité d’utiliser un système internet de commande et de retrait en magasin
Par courriel du 2 juillet 2020, la SAS Runn lui refusait le principe d’une telle résiliation du contrat de franchise affirmant que la franchisée n’ignorait pas l’absence d’intranet centralisé permettant la pratique du clic and collect lors de la signature du contrat, que d’autres franchisés avaient directement mis en place un tel service avec les marques du réseaux et que le dessein réel du franchisé était de fermer de manière anticipée le magasin, le stock étant écoulé dans le supermarché Super U comme cela ressortait du constat d’huissier qu’elle avait fait dresser le 6 juillet 2020.
Malgré cette réponse, en juin 2020, la SAS Beynel et Fils cessait d’exploiter son fonds de commerce d’articles de sports sous l’enseigne Rrun et de payer les redevances indiquant bloquer tout paiement dans l’attente d’une réponse quant à sa proposition de résiliation amiable du contrat de franchise avec fermeture du magasin.
Dans ce contexte, le 21 octobre 2020, la SAS Runn a mis en demeure SAS Beynel et Fils aux fins de régulariser sa situation en se conformant aux obligations du contrat de franchise et en particulier celles prévues en ses articles 8 et 10 à défaut de quoi il le contrat serait résilié par anticipation.
Puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2020, la SAS Runn, se prévalant des dispositions prévues aux articles 15 et 17 du contrat, procédait à la résiliation anticipée du contrat de franchise et réclamait le paiement des redevances dues et restant à courir jusqu’au terme du contrat.
Faute d’obtenir le paiement des sommes réclamées, par assignation en date du 22 décembre 2020, la SAS RUNN a assigné la SA Beynel et Fils devant le tribunal de commerce de Pau.
Par jugement du 7 décembre 2021, le tribunal de commerce de Pau a :
o prononcé la nullité du procès-verbal établi par Maître [E] et l’a écarté des débats,
o prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SAS Runn avec effet au 14 mai 2020 ;
o débouté la SAS Runn de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
o condamné la SAS Runn à payer à la SA Beynel et Fils la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
o débouté la SA Beynel et Fils du surplus de ses demandes ;
o dit que les dépens seront à la charge de la SAS Runn dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 60.22 € en ce compris l’expédition de la présente décision.
Par déclaration en date du 8 décembre 2021, la SAS Runn a formé appel du jugement.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023 et l’audience de plaidoirie a eu lieu le 28 février 2023.
***
Dans ses dernières conclusions en date du 2 septembre 2022, la Sas Runn demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1193 et 1224 et suivants du code civil de réformer le jugement dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
– débouter la SAS Beynel et Fils de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– constater le bien-fondé de la résiliation unilatérale du contrat de franchise initiée en
date du 21 novembre 2020 par elle à l’encontre de la SAS Beynel et Fils ;
– condamner la SAS Beynel et Fils à lui verser :
o La somme de 2.880 € au titre des redevances dues sur la période courant de juin à novembre 2020 ;
o La somme de 34.560 € au titre des redevances qu’elle aurait normalement perçues jusqu’au terme du contrat ;
o La somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts au regard du préjudice d’image subi à l’égard des autres franchisés et de ses fournisseurs ;
– condamner la SAS Beynel et Fils à lui restituer, sous astreinte de 50 € par jour de
retard commençant à courir 15 jours après la signification du jugement, le manuel de
savoir-faire et toutes les instructions écrites, ainsi que le matériel promotionnel et les
fournitures qui lui ont été remis ou qu’il aura fait éditer pour exploiter la franchise Rrun,
ce conformément à l’article 16.2 du contrat de franchise ;
– condamner la SAS Beynel et Fils à lui payer la somme de 3.000€ sur le fondement de
l’article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.
***
Dans ses dernières conclusions en date du 10 novembre 2022, la SA Beynel et Fils demande à la cour de :
A titre principal,
Vu les articles 145 et 493 et suivants du code de procédure civile.
Vu l’article 1er de l’ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 relative aux statuts des huissiers de justice
– confirmer le jugement entrepris ;
– débouter la société Runn de l’ensemble de ses prétentions.
A titre subsidiaire
Vu l’article 1231-5 du code civil :
– réduire à une somme symbolique, l’indemnité de résiliation sollicitée par la société
Runn à hauteur de 34.560 € au regard de son caractère excessif ;
– débouter cette dernière du surplus de ses demandes comme étant non fondées.
En tout état de cause :
– condamner la société Runn à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de
l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens de l’instance et d’appel avec application pour ces
derniers de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître François
Piault, SELARL Lexavoué, avocat au barreau de PAU.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION :
– Sur l’imputation de la rupture des relations de franchise :
Par courrier du 14 mai 2020, la SA Beynel et Fils a entendu se prévaloir des manquements de la SAS Runn à ses obligations de franchiseur pour obtenir la résiliation du contrat signé le 24 avril 2019 à ses tords exclusifs.
En premier lieu, la SA Beynel et Fils reproche au franchiseur de ne pas lui avoir remis un document d’information pré-contractuelle conforme aux dispositions des articles L 330-3 et R 300-1 du code de commerce en ce qu’elle n’aurait pas été destinataire de la liste des entreprises faisant partie du réseau d’exploitant précisant leur mode d’exploitation, leur adresse et la date de conclusion ou de renouvellement des contrats les liant ainsi que de la liste de celles qui ont cessé d’en faire partie. De même, il ne lui a pas été remis le manuel de savoir-faire ni le cahier des normes portant mentionnés en annexe 6 du contrat.
La SA Runn fait valoir qu’elle s’est conformée aux obligations qui étaient les siennes en ce qu’elle a remis au franchisé un document d’information pré-contractuelle conforme aux dispositions légales comme cela ressort des échanges entre les parties qu’elle produit désormais, ne l’ayant pas fait en première instance en ce qu’ils ressortaient d’un accord de confidentialité signé le 6 mars 2019.
Elle souligne en outre que Monsieur [K], président de la SAS Prodiav, elle même présidente de la SAS Beynel et Fils, est un professionnel du monde des affaires, aguerri de l’univers de la franchise et qu’il a pris le soin de s’adjoindre l’expertise d’un conseil avec lequel des échanges ont eu lieu dès le 22 mars 2019.
Elle soutient qu’il a ainsi reçu toutes les informations utiles de telle sorte que le moyen tiré de l’incomplétude du document d’information pré-contractuelle et du contrat de franchise, pourtant retenu en première instance, doit être écarté.
En droit, l’article L330-3 du code de commerce dispose que « Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d’une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d’une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l’alinéa précédent.”
L’article R330-1 du dit code, dans sa version applicable aux faits, précise quant à lui que :
« Le document prévu au premier alinéa de ‘article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° L’adresse du siège de l’entreprise et la nature de ses activités avec l’indication de sa forme juridique et de l’identité du chef d’entreprise s’il s’agit d’une personne physique ou des dirigeants s’il s’agit d’une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l’article R. 123-237 ou le numéro d’inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d’enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l’objet du contrat a été acquise à la suite d’une cession ou d’une licence, la date et le numéro de l’inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l’indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l’entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l’entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d’exploitants, s’il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d’apprécier l’expérience professionnelle acquise par l’exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l’alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;
5° Une présentation du réseau d’exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l’indication pour chacune d’elles du mode d’exploitation convenu ;
b) L’adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l’alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l’exploitation envisagée ;
c) Le nombre d’entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s’il a été résilié ou annulé ;
d) S’il y a lieu, la présence, dans la zone d’activité de l’implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l’accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l’objet de celui-ci ;
6° L’indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l’enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l’exploitation »
En l’espèce, il appartient à la SA Runn, franchiseur de prouver qu’elle a communiqué à son co-contractant les documents relevant de sa responsabilité.
Or, la société Runn produit un courrier du 22 mars 2019 du conseil de la société Beynel et Fils attestant de sa remise, avant cette date, de la copie du contrat de franchise et de son avenant et indiquant que le document d’information pré-contractuelle ne comportait pas toutes les informations relatives à l’entreprise, la présentation de son réseau et de ses résultats dont il demandait dès lors la communication.
Elle remet également au débat un courriel du même conseil en date du 2 avril 2019 précisant faire suite à la réception dudit document d’information pré-contractuelle transmis en complément du contrat de franchise, lequel n’appelait qu’une remarque concernant l’absence de l’assignation délivrée par la société I-Run à l’encontre de la société Runn.
Cependant, cette dernière justifie d’un courriel du 8 avril 2019 transmis au conseil de la société Beynel et Fils faisant suite à la lecture par elle de l’assignation de la société I-run et d’une autre correspondance en date du 12 avril 2019 dans le cadre de laquelle le conseil de la société Beynel et Fils émet des réserves en lien avec les suites que pourrait connaître ce litige et évoquant tant une issue favorable qu’une issue défavorable à celui-ci.
A leur suite, un avenant au contrat de franchise a été formalisé et signé par les parties le 24 avril 2019 soit le même jour que le contrat de franchise.
Il résulte de ceci que le moyen tiré de l’insuffisance des informations pré-contractuelles, que la SA Beynel et Fils n’avait d’ailleurs pas relevé dans sa correspondance du 14 mai 2020 ni antérieurement, n’est pas de nature à caractériser l’existence d’une faute à l’encontre de la société Runn en lien avec la résiliation du contrat qui a suivi.
En second lieu, la société franchisée reproche à la société Runn d’avoir refusé de mettre en place un site marchand Rrun, et donc de n’avoir pas actualisé et adapté ses méthodes commerciales, sur la période affectée par le Covid 19 alors que dans le même temps elle lui interdisait l’usage de la marque Rrun pourtant concédée par l’effet de leur contrat et ne pouvait ouvrir un site marchand faute d’ancienneté suffisante dans le réseau.
Elle expose que par courriel du 18 avril 2020 adressé par Monsieur [Z] à ses adhérents, il leur a précisé que s’ils devaient mettre en place un site marchand de conseils et livraison à domicile via les magasins physique, aucune affiliation à la marque RRun ne devait être revendiquée compte tenu de l’instance en cours opposant son réseau de franchise au le site marchand I-Run le poursuivant des chefs de concurrence déloyale et parasitisme.
La société Beynel et Fils fait ainsi grief au franchiseur d’avoir privilégié ses propres intérêts à ceux de son franchisé dans la période de fermeture des commerces non essentiels édictée à raison de la pandémie du Covid 19.
La société Runn conteste avoir failli à ses obligations contractuelles sur ces points.
Elle soutient, d’une part, que les stipulations du contrat signé par le franchisé, après relectures et modifications apportées à la demande de son conseil, lui faisaient interdiction de créer son propre site internet avant un délai de plus de un an d’exploitation du point de vente physique Rrun et qu’en tout état de cause il était stipulé que le nom de domaine du site internet du franchisé ne devait, en aucun cas, être constitué de la marque Rrun dont le franchiseur restait le propriétaire exclusif.
Elle affirme d’autre part qu’elle a mis en ‘uvre un process de click and collect via un site internet propre à chacun de ses franchisés les mettant en relation avec les principales marques de la franchise et produit des attestations en ce sens.
En l’espèce, le contrat de franchise signé par les parties portait sur l’ouverture d’un magasin physique de vente et stipulait en son :
– article 4.3 Concession des marques, enseigne, modèles et signes de ralliement de la clientèle que ;
“le franchiseur accorde au franchisé le droit exclusif d’utiliser à titre d’enseigne la marque Rrun pour la durée du présent contrat pour le seul magasin spécifié à l’article 1, ainsi que tous les logos, signes, slogans publicitaires, modèles et plus généralement tous objets ou autres éléments caractéristiques tels que la forme, la couleur, l’agencement et décoration établis par le franchiseur pouvant se rattacher directement à la gestion ou à la commercialisation du réseau de franchise Rrun, selon les spécifications contenues dans le Cahier des Normes Rrun” ;
– article 8.5 – Obligations générales que :
“Le franchisé s’engage, pendant toute la durée du contrat, à respecter les caractéristiques attachées à l’enseigne Rrun. Il s’engage notamment à : […] ne faire usage de la marque concédée et de l’enseigne que dans le cadre de l’exploitation de son magasin […]”.
Et dans son article 12 intitulé : Internet, il était précisé que :
‘Le franchiseur a créé un site internet accessible à l’adresse www.rrun.com.
Dans le mois suivant l’ouverture du magasin, le franchiseur fera figurer sur ce site internet les coordonnées du franchisé.
Dans le cas où le franchisé souhaiterait créer son propre site internet, celui-ci devra obligatoirement et préalablement soumettre son projet à l’approbation du franchiseur.
la création de son propre site internet de vente en ligne par le franchisé est toutefois subordonnée à ce que celui-ci dispose au préalable d’un point de vente physique Rrun, ouvert et exploité depuis plus d’un an, en parfaite conformité avec les normes découlant du présent contrat et des normes du franchiseur.
Cette obligation est applicable tant s’agissant de la création d’un site internet de vente en ligne que d’un site internet de présentation de l’activité du franchisé. […]
Le nom de domaine du site Internet (de présentation et/ou de vente en ligne) du franchisé devra avoir été préalablement et expressément agréée par le franchiseur et ne devra en aucun cas être constitué, en tout ou partie, de marque Rrun.
De la même manière, le franchisé s’interdit d’acheter des mots clés de référencement, des liens commerciaux, et/ou autres pop-ups composés en tout ou partie de la marque Rrun dont le franchiseur reste le propriétaire exclusif. […]
Le franchisé s’engage enfin à ne pas créer de page ou de compte sur un réseau social (type Facebook ou Twitter) ayant pour objet ou pour effet – direct ou indirect – de présenter ou de parler de son activité de membre du réseau Rrun et/ou de son magasin, dans la mesure ou le franchiseur, en sa qualité de tête du réseau Rrun et afin de préserver l’harmonie de l’image de celui-ci, est la seule personne habilitée à créer un tel compte ou une telle page. […]”
En outre, l’avenant au contrat de franchise du 24 avril 2019 prévoyait dans son article 3 ” Conséquences d’une interdiction d’utilisation de l’enseigne” les dispositions applicables en cas d’interdiction faite au franchiseur d’utiliser la maque Rrun dans le cadre de la procédure en cours l’opposant à la SAS I-Run.
Il s’évince de ces dispositions que le franchisé avait, dès les échanges pré-contractuels et la souscription du contrat de franchise, une parfaite connaissance des limites de l’utilisation de la marque Rrun cantonnée au seul magasin physique de [Localité 2], le franchiseur en ayant exclut expressément l’usage sur un site internet de présentation ou de vente en ligne de ses produits.
En conséquence, le grief tiré de la non utilisation de la marque Rrun sur un site internet est inopérant en ce que les termes même du contrat signé ne permettaient pas à la société Beynel et Fils d’utiliser la marque Rrun en dehors du site physique du magasin de [Localité 2], les restrictions portées par les mesures législatives et réglementaires destinées à limiter la propagation du virus Covid 19 étant en tout état de cause extérieures au franchiseur.
La décision entreprise ayant prononcé la résiliation du contrat de franchise aux tords exclusifs de la SAS Runn avec effet au 14 mai 2020 sera dès lors infirmée.
La société Runn demande quant à elle qu’il soit constaté le bien-fondé de la résiliation unilatérale du contrat de franchise qu’elle a initiée avec effet au 21 novembre 2020 aux tords de la SAS Beynel et Fils.
Elle argue de l’inexécution grave par la SA Beynel et Fils de ses obligations de franchisé de:
– exploiter le fonds de commerce selon les termes de la franchise ;
– payer ses redevances et ce depuis juin 2020 ;
– de ne pas vendre le matériel en dehors de la zone contractuellement prévue.
Au soutien de ses dires, elle produit un constat d’huissier du 6 juillet 2020 réalisé dans la galerie commerciale et le magasin Super U de [Localité 2].
En réponse la SA Beynel et Fils conteste la validité de cet acte en ce l’huissier ne fait pas mention de son autorisation pour qu’il entre dans le supermarché même s’il s’agit d’un lieu ouvert au public du fait de sa destination économique. Elle lui reproche également d’avoir outrepassé ses pouvoirs de constatation en procédant personnellement à un achat de produit litigieux.
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’huissier, agissant sur requête de la société RRun s’est présenté le 6 juillet 2020, à 15 heures, dans la galerie commerciale Hyper U de [Localité 2] afin d’y procéder à des constatations. Après avoir relevé que le magasin de sport était fermé, il est entré dans le centre commercial pour poursuivre la mission donnée par son mandataire.
En droit, en application de l’article 1er alinéa 2 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, l’officier public et ministériel peut, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Et, sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire.
En outre, il est constant que l’huissier ne peut instrumenter dans un lieu privé sans autorisation de l’occupant mais que tel n’est pas le cas d’une galerie marchande dont l’accès n’est pas réservé à la clientèle.
Or, en l’espèce, au sein de celle-ci, il a procédé à de simples constatations purement matérielles, exclusives de tout commentaire et de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit susceptibles d’en résulter. Il les a illustrées de photographies.
Celles-ci n’encourent pas la nullité soulevée même si, ensuite, l’huissier a pénétré dans le magasin Super U sans en avoir obtenu l’autorisation et a procédé personnellement à l’achat d’un produit dont il a rendu compte dans le procès-verbal de constat produit à l’instance.
En conséquence, il n’existe aucun motif d’écarter le dit constat des débats en ce qu’il porte sur les constatations effectuées de la galerie marchande, aucune cause de nullité de l’acte n’étant pas ailleurs excipée.
Sur le fond, la société Runn soutient que l’intimée a cessé d’exploiter son fond de commerce d’articles de sport sous l’enseigne RRun et a cessé de payer les redevances d’exploitation au delà du mois de mai 2020 dont il avait offert la cotisation.
La SA Beynel et Fils ne contredit pas ses affirmations qui sont par ailleurs étayées par la correspondance qu’elle a elle-même transmise le 14 mai 2020 à son adversaire.
Elles sont aussi confirmées par le procès-verbal d’huissier du 6 juillet 2020, lequel a constaté que, à 15 heures, la cellule commerciale était fermée, qu’aucun client ni employé ne se trouvait sur les lieux mais également qu’aucune enseigne sur la porte ne mentionnait les horaires d’ouverture et que seuls subsistaient des panneaux relatifs à la distanciation sociale en lien avec l’épidémie de la Covid 19. Il a seulement relevé qu’il y restait des vêtements de sport, des bâtons de marche et des chaussures.
Et, les photographies alors prises de la galerie marchande montre une cellule commerciale dépourvue de toute enseigne et de toute référence à une marque autre que celle de l’enseigne U.
D’ailleurs, la société Beynel et Fils confirme avoir ouvert un magasin dont l’activité est distincte dans ledit local commercial soutenant avoir tiré les conséquences de la rupture du contrat de franchise intervenue, selon elle, suivant le courrier qu’elle a adressé à la SA RRun le 14 mai 2020.
Il résulte ainsi qu’il est justement soutenu que la SA Beynel a cessé d’exploiter le fonds de commerce conformément à la franchise et d’en verser les redevances, ce qui constitue des manquements à ses obligations et en particulier à celles figurant à l’article 8 du contrat signé le 24 avril 2019.
Ces manquements justifient, par leur nature et leur gravité, le prononcé de la rupture du contrat de franchise au tords exclusifs du franchisé et ce à compter du 21 novembre 2020 soit un mois après la mise en demeure qui lui a été adressée le 21 octobre 2020 par la société Rrun en application des dispositions contractuelles.
– Sur les demandes d’indemnisation :
La SA Rrun demande à la cour de faire application des dispositions des articles 15 et 17 du contrat de franchise relatifs aux conséquences de la résiliation anticipée du contrat en lui octroyant le bénéfice du versement forfaitaire par le franchisé des redevances qu’il aurait normalement perçues soit 2.800 euros pour la période ayant couru du juin à novembre 2020 puis 34.560 euros pour celles qu’elle aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat, soit 34.560 euros.
Elle sollicite en outre la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au regard du préjudice d’image subi.
La SA Beynel et Fils s’oppose à ses demandes faisant valoir qu’elle a versé un droit d’entrée de 15.000 euros et investi 64.952,23 euros dans l’aménagement du local destiné à la vente de produits de la marque Rrun alors que le franchiseur n’a pas fait en sorte qu’elle soit utilement maintenue et développée pendant la crise de la Covid 19. Elle demande, au visa des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, que le juge modère le montant des sommes réclamées, la clause prévue à l’article 17 du contrat s’apparentant à une clause pénale.
En l’espèce, le contrat, conclu pour une durée de 7 ans, prévoyait le versement d’une redevance initiale forfaitaire de 15.000 euros, définitivement acquise au franchiseur, ainsi que le paiement d’une redevance de 400 euros HT par mois, soit 480 euros TTC, outre 1,5 % HT calculé sur le chiffre d’affaires total du franchisé hors taxes à compter de l’année N+2.
Il n’est pas contesté qu’à compter du mois de mai 2020, la franchisée n’a pas payé la redevance due estimant pouvoir se prévaloir de la résiliation du contrat à la suite du courrier qu’elle a adressé à son franchiseur le 14 mai 2020.
Au vu de ce qui précède, elle est donc redevable de la somme de 2.880 euros TTC correspondant à 6 mois de redevances impayées entre juin et novembre 2020.
Pour le surplus des redevances réclamées, l’article 17 du contrat de franchise relatif aux conséquences de la résiliation anticipée prévoit notamment qu’en cas de résiliation anticipée, le franchisuer aura droit à un versement forfaitaire par le franchisé des redevances qu’il aurait normalement perçues jusqu’au terme du contrat.
Cependant, l’article 1231-5 du code civil prévoit que : “lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure”.
Et, il est de jurisprudence constante que le caractère excessif de la clause pénale peut se déduire de la disproportion manifeste entre l’importance du préjudice effectivement subi et le montant de la peine conventionnellement fixé.
En l’espèce, au regard de la défaillance de SA Beynel et Fils, il y a lieu de la condamner au paiement de la clause pénale constituant les dommages et intérêts contractuellement prévus par le contrat de franchise signé par lui le 24 avril 2019 au profit du franchiseur.
Mais, la clause figurant à l’article 17 du contrat de franchisse prévoit l’évaluation conventionnelle, forfaitaire et anticipée des conséquences de l’inexécution du contrat par les parties et fixe à la charge du débiteur la charge des échéances jusqu’au terme fixé du contrat. Elle s’analyse dès lors en une clause pénale au sens de l’article 1231-5 du code civil susceptible d’être minorée lorsqu’elle présente un caractère manifestement excessif.
Or, le contrat a pris effet en avril 2019 et, malgré le contexte lié aux effets de la pandémie de la Covid 19, il n’est pas allégué de défaut de paiement avant juin 2020, le mois de mai 2020 ayant été offert par le franchiseur.
Et, alors même que le litige était en cours sur le sort du contrat entre les deux parties, il est justifié par l’intimée de ce que la SAS Runn a conclu un nouvel accord de franchise avec un tiers qui contrevenait à l’exclusivité de l’enseigne et du savoir-faire sur la zone de chalandise qu’elle lui avait concédée en ce qu’il a conduit à l’ouverture d’un magasin sous enseigne Rrun en janvier 2021 sur la commune de [Localité 5] distante de 5 km.
Ainsi, par son montant, soit la somme de 480 euros mensuelle jusqu’au terme du contrat, la clause est manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par la SAS Rrun et la SAS Beynel et Fils sera condamnée à lui verser la somme de 10.000 euros.
Enfin, s’agissant du préjudice d’image, la demanderesse s’appuie sur un courriel du 14 mai 2020 de [S] [F] dont il ressort qu’ils avaient convenu de sa rédaction et par lequel il lui faisait “un petit compte rendu de [s]on court passage sur la franchise à [Localité 2]” et sur un courriel du 20 mai 2020 intitulé “compte rendu expérience Rrun [Localité 2]” émanant d'[Y] [I], salariée de la SA Beynel et Fils jusqu’au 23 janvier 2020.
Néanmoins, il ne résulte pas de ces pièces, ni même des attestations produites émanant de d’autres franchisés, un lien de causalité entre les manquements contractuels reprochés à la SA S Beynel et fils et le préjudice allégué d’image subi à l’égard des autres franchisés et fournisseurs de telle sorte que la demande reposant sur ce fondement sera rejetée.
– Sur la restitution des pièces et matériel sous astreinte :
L’appelante demande la condamnation de la SAS Beynel et Fils à lui restituer, sous astreinte de 50 € par jour de retard commençant à courir 15 jours après la signification du jugement, le manuel de savoir-faire et toutes les instructions écrites, ainsi que le matériel promotionnel et les fournitures qui lui ont été remis ou qu’elle aura fait éditer pour exploiter la franchise Rrun, ce conformément à l’article 16.2 du contrat de franchise.
La SAS Beynel fait quant à elle valoir qu’il n’est pas justifié de la remise du manuel de savoir-faire, d’instruction écrites ni de matériel promotionnel et de fournitures. Elle conclut donc au rejet de cette prétention.
En l’espèce, il sera constaté que la demanderesse ne précise pas la teneur des instructions écrites, matériel promotionnel et fournitures objets de sa demande et ne prouve pas avoir remis un manuel de savoir-faire.
Elle sera dés lors déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu de la solution du litige, la cour infirme les dispositions du premier jugement sur les mesures accessoires et, statuant à nouveau, condamne la SAS Beynel et Fils à payer à la S.A.S Runn la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne également aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La SAS Beynel et Fils sera quant à elle déboutée de ces demandes.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Pau en date du 7 décembre 2021.
Statuant à nouveau,
Prononce la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SAS Beynel et Fils avec effet au 21 novembre 2021.
Condamne la SAS Beynel et Fils à payer à la S.A.S Runn la somme de 2.880 euros au titre de redevances impayées entre juin et novembre 2020.
Condamne la SAS Beynel et Fils à payer à la S.A.S Runn la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Déboute S.A.S Runn de sa demande de restitution des pièces et matériel sous astreinte.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Condamne la SAS Beynel et Fils à payer à la S.A.S Runn une somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SAS Beynel et Fils aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,