Accord de confidentialité : 21 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/04045

·

·

Accord de confidentialité : 21 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/04045
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 21 JUIN 2022

(n° / 2022 , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/04045 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7L2V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2017053539

APPELANTE

SAS TRIANGLE TRAVAIL TEMPORAIRE, prise en la personne de son Président, en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PONTOISE sous le numéro 354 088 544,

Ayant son siège social [Adresse 17]

[Localité 6]

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441,

Assistée de par Me Amina KHAOUA de la SELAS S.O.P.E.J, avocate au barreau de VERSAILLES, toque : 193,

INTIMÉS

Madame [F] [U]

Née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 10] (22)

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 10]

Monsieur [G] [U]

Né le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 12] (44)

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 18]

SARL ASAP BUSINESS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT MALO sous le numéro 498 355 965,

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 10]

Représentés par Me Marie-Laure BONALDI-NUT, avocate au barreau de PARIS, toque : B0936,

Assistés de Me Grégory STRUGEON de la SELARL PARTHEMA 2, avocat au barreau de NANTES,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Février 2021, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Anne-Sophie TEXIER dans le respect des conditions de l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La SARL Asap Business (Asap), ayant pour gérants et associés M. et Mme [U], le premier détenant 30 % des parts et la seconde 70 %, est la société mère d’un groupe exerçant son activité dans le secteur de l’intérim en Bretagne et en Normandie sous l’enseigne Job & Box.

La SA Triangle Travail temporaire (TTT) appartient au groupe Triangle qui opère sur le marché du travail temporaire en France et dispose d’une centaine d’agences.

La société TTT envisageant d’acquérir tout ou partie du capital de la société Asap, un accord de confidentialité a été signé le 8 septembre 2016. Le 18 octobre 2016, la société TTT a émis une lettre d’intérêt puis, le 22 décembre suivant, une « offre d’acquisition de 70 % du capital de la holding Asap Business » qui a été acceptée par M. et Mme [U] le 10 janvier 2017.

Les négociations ont abouti à la conclusion, le 1er mars 2017, d’un « protocole concernant la cession de titres de la société Asap Business » entre M. et Mme [U], promettants, d’une part, et la société TTT, bénéficiaire, d’autre part, qui stipulait des promesses de cession ou d’acquisition de 70 % du capital de la société Asap (Mme [U] en cédant 45 % et M. [U] 25 %) et ce, sous les conditions suspensives et préalables prévues à l’article 4 du contrat. L’article 9 prévoyait, à titre de sanction du « défaut de réalisation » de la part d’une partie, que l’autre pourrait, à son choix, poursuivre la réalisation forcée ou recevoir une pénalité forfaitaire de 300 000 euros.

Par lettre du 7 mars 2017, la société TTT a informé M. et Mme [U] de l’absence de levée de la condition suspensive relative à l’audit et de la caducité subséquente du protocole. Le 12 mai 2017, M. et Mme [U] ont répondu qu’ils contestaient la non-acquisition de la condition suspensive et mis la société TTT en demeure de régler la clause pénale de 300 000 euros.

Le 12 septembre 2017, M. et Mme [U] et la société Asap ont assigné la société TTT à l’effet de la voir condamner à payer aux deux premiers la clause pénale de 300 000 euros ainsi qu’à verser, en réparation des préjudices causés par des actes déloyaux et parasitaires, la somme de 40 000 euros aux mêmes et celle de 50 000 euros à la société Asap.

La société TTT a conclu au rejet des prétentions des parties adverses et, à titre reconventionnel, demandé la condamnation de M. et Mme [U] à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts pour mauvaise foi.

Par jugement du 28 janvier 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

– débouté la société TTT de l’ensemble de ses demandes,

– condamné la société TTT à verser à M. et Mme [U] la somme de 300 000 euros augmentée, à compter du 20 mai 2017, d’intérêts au taux légal majoré de cinq points,

– condamné la société TTT à payer à M. et Mme [U] ainsi qu’à la société Asap, chacun, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire avec constitution de garantie,

– débouté M. et Mme [U] et la société Asap de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

– condamné la société TTT aux dépens.

Le tribunal a considéré, sur la clause pénale, que la société TTT ne caractérisait pas la révélation au cours de l’audit d’un élément défavorable significatif et, partant, n’était pas fondée à invoquer la non-levée de la condition suspensive correspondante et, sur les dommages et intérêts réclamés en réparation d’actes déloyaux et parasitaires, que les demandeurs n’établissaient ni les préjudices allégués, ni la violation de l’accord de confidentialité du 8 septembre 2016.

La société TTT a relevé appel du jugement une première fois le 21 février 2019 (RG 19/04045) puis une seconde le 25 février 2019 (RG 19/04484).

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 21 janvier 2020 pour être poursuivies sous le numéro 19/04045.

Suivant conclusions n° 3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 25 novembre 2020, la société TTT demande à la cour, au visa du principe de la liberté d’entreprendre et des articles 1231-5 et 1302 du code civil :

– d’infirmer le jugement en qu’il l’a condamnée à payer la somme de 300 000 euros avec intérêts ainsi que celle de 2 000 euros à chacun des défendeurs en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens, et, statuant à nouveau :

– de rejeter la demande de paiement de la clause pénale de 300 000 euros et, à titre subsidiaire, de la réduire à un euro ;

– de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par M. et Mme [U] et la société Asap :

– de rejeter l’ensemble des demandes de M. et Mme [U] et de la société Asap ;

– de condamner M. et Mme [U] et la société Asap à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civil ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Me Valentie conformément à l’article 699 du même code.

Suivant conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 7 décembre 2020, M. et Mme [U] et la société Asap demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1231-5 et 1240 et suivants du code civil :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société TTT à leur payer la somme de 300 000 euros au titre de la clause pénale stipulée à l’article 9.2 du protocole augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 20 mai 2017 ainsi que la somme de 2 000 euros à chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

– de l’infirmer en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires au titre du comportement déloyal et parasitaire de la société TTT et, statuant à nouveau, de condamner cette dernière à payer à M. et Mme [U] les sommes de 30 000 et 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices matériel et moral et la somme de 50 000 euros à la société Asap en réparation de son préjudice commercial ;

– de rejeter l’ensemble des demandes de la société TTT’;

– de condamner la société TTT à leur payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

SUR CE,

A titre liminaire, il convient de relever que si la société TTT a, dans sa déclaration d’appel du 25 février 2019, critiqué le chef de dispositif l’ayant déboutée de toutes ses prétentions, elle ne forme, devant la cour, aucune demande de dommages et intérêts.

Dès lors, la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

– Sur la demande de paiement de la pénalité stipulée à l’article 9.2 du protocole

La société TTT soutient que la condition suspensive relative à l’audit prévue à l’article 4.1 du protocole et les conditions préalables stipulées aux 4.2.1 et 4.2.3 n’ont pas été réalisées, entraînant la caducité du protocole et l’absence d’obligation de paiement de la pénalité de 300 000 euros.

Les intimés contestent la non-réalisation de la condition suspensive et prétendent que celle des conditions préalables est une conséquence de l’abandon du projet par la société TTT, exclusivement imputable à cette dernière, de sorte que la clause pénale doit recevoir application, le protocole fût-il caduc.

L’article 4 du protocole, intitulé « Conditions préalables et suspensives », stipule que « la réalisation des cessions de Titres […] est conditionnée à la réalisation des Conditions Préalables […] et des Conditions Suspensives […] ». Il prévoit ensuite, en son 4.1, une condition suspensive relative aux « audits juridiques, financiers et commerciaux », dont la société TTT estime qu’elle n’a pas été accomplie, et, en son 4.2, trois conditions préalables, dont la société TTT fait valoir que la première (énoncée au 4.2.1) et la troisième (énoncée au 4.2.3) n’ont pas été réalisées.

L’article 4.2 du protocole (« Délai de réalisation ») précise que « la condition suspensive devra être levée par la Bénéficiaire [la société TTT] le 8 mars 2017 à minuit au plus tard » et que « les conditions préalables devront être satisfaites au plus tard à la date de réalisation », elle-même fixée, en application de l’article 7.1, au 28 avril 2017.

Seront examinés ci-après, successivement, l’accomplissement de la condition suspensive et des conditions préalables énoncées aux 4.2.1 et 4.2.3 et les conséquences qu’il convient d’en tirer sur l’éventuelle caducité du protocole et le paiement de la pénalité.

La réalisation de la condition suspensive prévue à l’article 4.1 du protocole

L’article 4.1 du protocole est ainsi rédigé :

« 4.1 Conditions suspensives

« Audits juridiques, financiers et commerciaux

Le Bénéficiaire aura la possibilité de réaliser un audit préalable des Sociétés, qui ne

devra pas révéler d’élément défavorable significatif.

Cet audit portera notamment sur les éléments suivants, sans que les indications ci-après soient limitatives :

[…]

La Bénéficiaire s’engage à communiquer aux promettants les éléments défavorables

qui pourraient être révélés par les audits, dans les 8 jours de la fin des audits ».

L’article 4.4 précise que la condition suspensive est stipulée en faveur de la société TTT.

La société TTT invoque trois éléments défavorables significatifs mis en exergue par l’audit dont elle a fait part aux époux [U] par lettre du 7 mars 2017 et qui seront abordés ci-dessous.

La dépendance économique à l’égard de deux clients

La société TTT soutient avoir découvert lors de l’audit la dépendance économique « forte» de la société Asap à l’égard de deux clients. Elle fait valoir que le client Cordon electronics et sa filiale TR2S représentent 27,20 % du chiffre d’affaires du groupe Asap et le client Cooperl Arc Atlantique 10 %, soit un total de 37,50 %.

Les intimés contestent les pourcentages allégués, qui s’établissent selon eux à 18,42 % (Cordon electronics) et 7,44 % (Coorperl Arc Atlantique), et arguent qu’ils ne peuvent être additionnés. Ils en déduisent qu’aucune dépendance économique objective et significativement défavorable n’est caractérisée. Ils prétendent également que la société TTT avait eu connaissance avant l’audit des liens existant avec le client Cordon electronics et avait considéré qu’il s’agissait d’un point fort du projet.

La société TTT produit :

– la balance clients de « Rance Interim » au 31 décembre 2016, qui mentionne, au débit, un montant total de 4 690 615,35 euros pour les sociétés Cordon electronics et TR2S, chiffre dont il n’est pas contesté qu’il représente 27,20 % du chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des sociétés du groupe Asap ;

– la balance clients de « Job Box Lamballe » au 31 décembre 2016, qui mentionne, au débit, un montant total de 1 776 622,97 euros pour la société Cooperl Arc Atlantique, chiffre dont il n’est pas contesté qu’il représente 10,30 % du chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des sociétés du groupe Asap.

Ainsi que le font valoir les intimés, les montants de 4 690 615,35 et 1 776 622,97 euros incluent la TVA (contrairement au chiffre d’affaires mentionné dans les comptes annuels) et sont susceptibles de comprendre un report à nouveau rattachable à un chiffre d’affaires réalisé au titre d’exercices antérieurs, de sorte qu’ils ne peuvent servir à déterminer le poids des clients correspondants dans le chiffre d’affaires total réalisé par les sociétés du groupe Asap.

Les intimés produisent quant à eux une attestation de la société AG2O Expertise, expert-comptable du groupe Asap, certifiant que les chiffres d’affaires HT réalisés par les sociétés du groupe Job & Box auprès des clients Cordon et Cooperl pour l’année 2016 s’élevaient, respectivement, à 3 227 485 euros, soit 18,42 % du chiffre d’affaires HT total, et à 1 304 375 euros, soit 7,44 % du chiffre d’affaires HT total.

La société TTT n’explique pas en quoi de tels pourcentages, nettement inférieurs à ceux avancés par elle et qui ne caractérisent pas une dépendance « forte » à l’égard de deux clients, constituent, objectivement ou à ses yeux, un élément défavorable modifiant de manière significative l’appréciation portée sur la situation de la société Asap.

Dans ces conditions, la part représentée par les clients Cordon electronics et Coorperl Arc Atlantique dans le chiffre d’affaires réalisé par les sociétés du groupe Asap ne peut être regardée comme un élément défavorable significatif.

Le poids du CICE dans la rentabilité des agences

La société TTT soutient avoir découvert lors de l’audit que les résultats des agences dont elle disposait auparavant étaient « gonflés » par le CICE et prétend qu’une fois écartée l’incidence de ce crédit d’impôt, la rentabilité des agences se trouvait fortement diminuée, leur résultat d’exploitation devenant déficitaire.

Les intimés répliquent que la société TTT disposait, avant l’audit, de tous les éléments nécessaires pour apprécier la situation des sociétés du groupe et que les comptes 2016 transmis lors de l’audit n’ont pas révélé d’évolution défavorable. Sur l’incidence du CICE, ils arguent qu’elle est caractéristique du secteur et connue de la société TTT et qu’elle résultait des comptes sociaux et données relatives à la marge brute communiquées avant l’audit.

La lettre du 7 mars 2017 informant M. et Mme [U] de l’absence de levée de la condition suspensive relative à l’audit est ainsi rédigée concernant le point examiné :

« 2/ La mauvaise santé des agences : En période précontractuelle. nous n’avons pas obtenu communication des comptes des Sociétés cibles. Les audits nous ont donc permis de prendre connaissance, pour la première fois, des chiffres de l’opération. Or, il ressort clairement de nos analyses qu’il y a de nombreuses agences en difficulté réalisant des chiffres d’affaires objectivement bas pour la profession, à savoir [Localité 20], [Localité 15], [Localité 19], [Localité 10] PME pour ne citer que les plus significatives et précision faite que plusieurs agences récemment constituées connaissent également des difficultés en terme de rentabilité ([Localité 13], [Localité 8], [Localité 7]). Par ailleurs, nous avons constaté l’incidence positive et importante du CICE sur les comptes sociaux. améliorant sensiblement la situation financière globale du groupe. La découverte de ces chiffres qui ne correspondent pas aux éléments évoqués lors des négociations constitue une deuxième impossibilité à lever la condition suspensive d’audit. »

Les intimés établissent avoir communiqué à la société TTT avant le protocole du 1er mars 2017, d’une part, le 27 septembre 2016, un tableau détaillant par agence les chiffres d’affaires réalisés en 2014, 2015 et au 30 juin 2016 ainsi qu’une estimation pour l’exercice 2016 et, d’autre part, le 24 janvier 2017, les derniers comptes disponibles, relatifs à l’exercice 2015, de la société Asap et de sept sociétés du groupe concernées par la cession (3T, Armoric Intérim, Emeraude Intérim, Rance Intérim dont le siège est à [Localité 10], [Localité 15] TA, STB Intérim dont le siège est à [Localité 20], Asap Développement), étant précisé que les quatre autres ont été créées en 2016 (Brocéliande Intérim dont le siège est à [Localité 19], Ploërmel Intérim dont le siège est à [Localité 13] à proximité d'[Localité 7], Avranches TT) ou 2017 ([Localité 9] TR).

Les chiffres d’affaires réalisés par les sociétés du groupe n’ont donc pas été découverts lors de l’audit par la société TTT et force est de constater, comme le soulignent les intimés, que les chiffres d’affaires réalisés en 2016, communiqués à la société TTT lors de l’audit, ont été soit meilleurs qu’en 2015, soit plus importants que la situation intermédiaire au 30 juin 2016 ne le laissait présager.

Au demeurant, dans ses conclusions, la société TTT n’invoque plus « la mauvaise santé des agences » en tant que telle mais uniquement l’incidence du CICE sur l’appréciation de leur rentabilité.

S’agissant de l’incidence du CICE, il convient d’observer, d’abord, qu’elle ne constituait que l’une des composantes de l’élément défavorable significatif (tenant à la « mauvaise santé des agences ») allégué dans la lettre du 7 mars 2017 pour justifier la non-levée de la condition suspensive.

Ensuite, il ressort des comptes consolidés du groupe TTT que le CICE a contribué aux résultats d’exploitation de ce groupe à hauteur de 70 % (100 x 7 682 000 / 10 967 000) en 2015 et de 66 % (100 x 9 077 000 / 13 721 000) en 2016, et il n’est pas établi, faute pour la société TTT de fournir la moindre indication chiffrée permettant de déterminer les pourcentages atteints par le groupe Asap, que ceux-ci sont supérieurs.

La qualification d’élément défavorable significatif ne peut donc être retenue.

Par ailleurs, les comptes annuels 2015 transmis à la société TTT le 24 janvier 2017 comportent, en annexe, une rubrique intitulée « Informations relatives au CICE » qui fournit des précisions sur la comptabilisation du CICE et indique son montant (lequel figure également dans le compte de résultat détaillé), de sorte que la part représentée par le CICE dans le résultat d’exploitation, aisément déterminable grâce à ces documents, n’a pas été révélée par l’audit.

Il s’ensuit que l’incidence du CICE sur la rentabilité des agences n’est ni constitutive d’un élément défavorable significatif, ni n’a été révélée par l’audit.

Le nombre excessif de salariés permanents par agence

La société TTT soutient avoir découvert lors de l’audit que chaque agence employait trois salariés permanents, effectif selon elle trop important au regard du chiffre d’affaires réalisé par agence et de la pratique en vigueur dans ce secteur d’activité (2 salariés) et qui grevait la rentabilité escomptée de l’opération.

Les intimés répliquent, d’une part, que, dans le contexte de l’opération de cession, l’élément essentiel était la pertinence de la charge représentée par le personnel au regard des résultats de chaque société et du groupe, laquelle ressortait des comptes sociaux transmis, et, d’autre part, que les pièces produites par la société TTT au soutien de ses allégations sont

« inopérant[e]s ».

Les comptes annuels 2015 communiqués le 24 janvier 2017 comprennent un compte de résultat détaillé qui, mentionnant les salaires et traitements versés aux salariés permanents, renseignent sur la masse salariale représentée par ces derniers, mais non sur leur nombre, et l’allégation des intimés selon laquelle ces comptes et « la documentation financière » communiquée permettaient à un professionnel du secteur de déterminer les effectifs procède d’une simple affirmation.

Les intimés échouent donc à démontrer que le nombre de salariés par agence était connu de la société TTT avant l’audit.

Pour autant, la société TTT ne prouve pas que la pratique dans le secteur de l’intérim est d’employer deux salariés par agence, et non trois. En ce qui concerne sa propre politique en la matière, la seule pièce qu’elle produit est une liste qui mentionne le nombre de personnes employés par treize de ses agences. Ce document, d’une provenance indéterminée, qui fait état de chiffres non assortis d’un quelconque justificatif, et porte sur treize agences, alors que le groupe TTT en compte une centaine, est d’une faible valeur probante et il en ressort de surcroît que seulement 7 agences emploient 2 personnes, une autre ayant un effectif de 2,5 personnes et les autres, soit 5 d’entre elles, de 3 personnes.

Plus généralement, il n’est pas établi que le nombre de salariés par agence constitue un élément d’appréciation de la rentabilité actuelle ou future du groupe Asap plus éclairant que la masse salariale représentée par les salariés permanents pour chaque société de ce groupe, dont il a été dit que la société TTT avait eu connaissance avant l’audit.

Dès lors, la découverte, lors de l’audit, du nombre de salariés permanents par agence ne constitue pas un élément défavorable significatif.

Il résulte de ce qui précède qu’au 8 mars 2017, date butoir pour accomplir la condition suspensive, l’audit n’avait révélé aucun élément défavorable significatif.

La condition suspensive a donc été accomplie dans le délai imparti. A tout le moins, à supposer que l’article 4.2 du protocole (précité) subordonne l’accomplissement de la condition suspensive à sa levée par la société TTT, celle-ci est réputée accomplie en application de l’article 1304-3 du code civil dès lors qu’en s’abstenant de la lever nonobstant l’absence d’élément défavorable significatif révélé par l’audit, la société TTT en a empêché l’accomplissement.

La réalisation des conditions préalables prévues aux 4.2.1 et 4.2.3 du protocole

Le protocole comporte un article 4.2 intitulé « Conditions préalables » qui, en ses paragraphes 4.2.1 et 4.2.3, stipule :

« 4.2.1 Transformation de la Société et de ses filiales sous la forme de Société par Actions Simplifiée :

Les Promettants s’engagent expressément et irrévocablement à procéder à la transformation de la forme sociale de la Société et de ses filiales (à l’exception de celles qui ne pourraient pas l’être compte tenu du montant de leurs capitaux propres) qui sont actuellement sous forme de société à responsabilité limitée, pour adopter celle de Société par Actions Simplifiée. / […] / […] .»

« 4.2.3 Périmètre d’acquisition – Restructuration

D’un commun accord entre les Parties, à la Date de Réalisation la composition du groupe Asap Business devra être la suivante […] :

– SAS 3T et ses deux filiales : la SARL Armoric Intérim et la SARL Emeraude Intérim

– SARL Rance Intérim

– SARL Rennes TA

– SARL STB Intérim

– SARL Brocéliande Intérim

– SARL Ploërmel Intérim

– SARL Avranches TT

– SARL Asap Développement,

– SARL Brest TR, créée en février 2017.

A cet effet, les Promettants s’engagent à réaliser les opérations de restructuration suivantes […], préalablement à la Date de Réalisation :

. Rachat par la Société de la participation de 3,47 % détenue par [F] [U] dans le capital de la société 3T, pour un prix calculé […],

. Cession de l’activité formation exploitée par la Société, à une société à constituer par les Promettants, pour un prix de […],

. Cession par la Société de sa participation dans la société Formajob, à une ou plusieurs sociétés à constituer par les Promettants, pour un prix de […],

. Cession par la Société de sa participation dans la société Job 4 You, à une ou plusieurs sociétés à constituer par les Promettants, pour un prix de […]. »

Les intimés reconnaissent la non-réalisation des conditions préalables prévues aux 4.2.1 et 4.2.3 précités, qu’ils imputent à l’abandon du projet par la société TTT.

La caducité du protocole et l’application de la clause pénale

La société TTT soutient que la non-réalisation de la condition suspensive et des conditions préalables rend caduc le protocole, que M. et Mme [U] n’avaient pas l’intention de réaliser la cession des titres et que la pénalité stipulée à l’article 9.2 du protocole n’est applicable qu’en cas de réalisation des conditions suspensives et préalables, dans une situation où la vente est devenue irrévocable. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu’elle n’a pas été mise en demeure d’exécuter l’obligation principale.

Les intimés font valoir qu’il ne peut leur être reproché de ne pas avoir accompli les conditions préalables et provoqué une réunion de signature alors que la société TTT avait clairement exprimé sa volonté de se retirer de l’opération, que cette dernière a manqué à son obligation de bonne foi dans l’exécution du protocole, que la caducité ne doit pas dépendre de la défaillance fautive de l’une des parties et qu’à supposer même le protocole caduc, la pénalité, qui tend à sanctionner la décision unilatérale d’une partie d’abandonner le projet de cession, est due.

Les stipulations du protocole prévoyant, d’une part, la caducité de celui-ci et, d’autre part, à titre de sanction, l’exécution forcée des cessions ou le paiement d’une pénalité sont rédigées en ces termes :

– article 4.3 intitulé « caducité » :

« Dans l’hypothèse où les conditions suspensives ou les conditions préalables ne seraient pas satisfaites ou n’auraient pas fait l’objet d’une renonciation conformément à ce qui précède, aux dates prévues ci-dessus et sauf prorogation de délai décidée par l’ensemble des parties, les présentes seront automatiquement caduques, sans indemnité de part ou d’autre, sous réserve de tout recours qu’une partie pourrait avoir contre l’autre du fait des manquements à ses obligations stipulées aux présentes. »

– article 4.5 intitulé « Défaut de signature malgré la réalisation des conditions suspensives et des conditions préalables » :

« Si à la date de réalisation et malgré la réalisation des conditions suspensives et des conditions préalables, la Bénéficiaire ne réalisait pas l’acquisition des titres, les Promettants pourraient faire application des sanctions visées à l’article 9 ci-après et réciproquement. »

– article 9 intitulé « Défaut de réalisation – Sanctions » :

« Aux termes de ce qui précède, les parties sont réciproquement et irrévocablement

engagées à réaliser la cession des titres, objet des présentes, sous réserves [sic] de la réalisation des conditions suspensives et des conditions préalables stipulées à l’article 4 qui précède.

En conséquence, les parties décident expressément :

9.1 Défaut de réalisation des promettants / […]

9.2 Défaut de réalisation de la Bénéficiaire

Réciproquement, dans l’éventualité où la Bénéficiaire ne procéderait pas à l’acquisition des titres bien que les conditions requises soient remplies, les Promettants pourront, à leur seul choix :

– soit contraindre la Bénéficiaire par tous moyens possibles à réaliser les cessions, nonobstant tous dommages et intérêts auxquels elle pourrait prétendre,

– soit renoncer aux cessions et recevoir à titre de clause pénale, une indemnisation fixée forfaitairement à un montant de trois-cent mille (300 000) euros étant précisé que cette indemnité n’englobe pas les frais de Conseils et d’experts qui auront été engagés par les promettants, lesquels pourront prétendre à leur remboursement en sus.

9.3 Exécution des sanctions

Si les indemnités contractuelles ci-dessus fixées devaient être dues par l’une ou l’autre des parties en application des dispositions ci-dessus, elles deviendraient exigibles dans les quinze (15) jours qui suivront la mise en demeure adressée à la partie défaillante, par LRAR ou par acte extra-judiciaire.

Elles seront également assorties d’une astreinte par jour de retard calculée au taux de l’intérêt légal majoré de 5 points qui deviendra applicables [sic] 8 jours après la mise en demeure de s’exécuter demeurée infructueuse. »

Alors que, comme il a été dit, la condition suspensive relative à l’audit était accomplie ou, à tout le moins, réputée accomplie, la société TTT a, par sa lettre du 7 mars 2017, clairement manifesté sa volonté de ne pas conduire la cession à son terme en indiquant :

« la condition suspensive d’audit ne pouvant, de fait, être réalisée, nous vous confirmons notre intention de ne pas poursuivre les négociations, considérant que les conditions commerciales, juridiques et financières de l’opération ne correspondent pas à ce qui nous avait été initialement présenté. / Nous vous prions donc de considérer, en conformité avec les dispositions contractuelles applicables, que notre accord est purement et simplement caduc à date ».

Le 7 mars 2017, la date butoir pour accomplir les conditions préalables, fixée au 28 avril 2017, n’était pas encore dépassée et l’invocation, par la société TTT, de l’arrêt des négociations et de la caducité du protocole privait ces conditions de justification, M. et Mme [U] ne pouvant rester tenus de transformer la SARL Asap en SAS et de procéder à une restructuration du groupe alors qu’ils avaient vocation à conserver les titres de la société Asap.

Par ailleurs, compte tenu de la teneur particulièrement explicite de la lettre du 7 mars 2017 quant à l’arrêt de l’opération, il ne peut être déduit de l’absence de démarche effectuée par M. et Mme [U] aux fins de tenue du rendez-vous de signature de la réitération du protocole ou encore de la lenteur de leur réponse, intervenue le 12 mai 2017, que ces derniers avaient eux-mêmes renoncé à réaliser les cessions avant de recevoir ladite lettre.

Il est à noter, également, que l’allégation de la société TTT selon laquelle M. et Mme [U] « n’étaient plus associés de la société Asap Business et ce très peu de temps après l’audit » est contredite par l’une des pièces (n° 8) produite par la société TTT elle-même, dont il résulte que la répartition du capital social de la société Asap telle que mentionnée par le protocole du 1er mars 2017 (2 800 parts détenues par Mme [U] et 1 200 par M. [U]) est resté inchangée jusqu’au 22 décembre 2017, soit près de huit mois après la « Date de Réalisation » prévue par le protocole, fixée au 27 avril 2017.

La non-réalisation des conditions préalables est donc exclusivement imputable au refus infondé de la société TTT de poursuivre l’opération.

Dès lors, la société TTT ne peut se prévaloir de cette non-réalisation et ne peut davantage invoquer la caducité subséquente du protocole.

En outre, la société TTT ayant refusé de poursuivre l’opération, alors que la condition suspensive était remplie et qu’elle ne pouvait invoquer le non-accomplissement des conditions préalables, la clause pénale stipulée à l’article 9 précitée doit recevoir application.

Pour s’opposer au paiement de la pénalité, la société TTT fait valoir à titre subsidiaire que M. et Mme [U] ne l’ont pas mise en demeure de réaliser les cessions, sans préciser quelle obligation contractuelle ou légale aurait ainsi été méconnue.

A supposer qu’elle entende invoquer le dernier alinéa de l’article 1235-1 du code civil aux termes duquel « sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure », le moyen est mal fondé dès lors que, par sa lettre du 7 mars 2017, qui a annoncé son retrait de l’opération, elle a rendu définitive l’inexécution de la réitération de la cession.

Dans l’hypothèse où le moyen de la société TTT serait fondé sur l’article 9.3 du protocole, il doit être relevé que l’objet de la mise en demeure stipulée par cette clause n’est pas précisé. L’article 9.3 concerne, comme l’indique son intitulé, l’« exécution » des sanctions, et non leur fait générateur, et prévoit une mise en demeure pour rendre « exigibles » les pénalités « dues » et faire courir les intérêts de retard au taux légal sur celles-ci. La mise en demeure exigée par l’article 9.3 s’entend donc d’une mise en demeure de payer la pénalité, et non de réitérer la cession.

Il s’ensuit que l’absence de mise en demeure de réaliser la cession délivrée par M. et Mme [U] à la société TTT n’a pas pour effet d’écarter l’application de la pénalité.

A titre très subsidiaire, la société TTT estime qu’en raison de l’absence de préjudice subi par M. et Mme [U] et de la défaillance de ces derniers dans l’accomplissement des conditions préalables, il y a lieu de réduire la pénalité à 1 euro en application de l’article 1231-5 du code civil.

L’article 1231-5 du code civil dispose :

« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. »

En se bornant à citer des jurisprudences, à affirmer que les intimés n’ont pas subi de préjudice et à se prévaloir de l’absence de réalisation des conditions préalables, dont il a été dit qu’elle lui était imputable, la société TTT n’établit pas le caractère manifestement excessif de la pénalité de 300 000 euros qui, partant, ne sera pas modérée.

M. et Mme [U] ayant, par leur lettre du 12 mai 2017, mis la société TTT en demeure de payer cette pénalité, la somme de 300 000 euros doit, conformément à l’article 9.3 du protocole, produire des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 20 mai suivant.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société TTT à payer à M. et Mme [U] la somme de 300 000 euros augmentée, à compter du 20 mai 2017, d’intérêts au taux légal majoré de cinq points.

– Sur les demandes de dommages et intérêts formées par les intimés à raison du

« comportement déloyal et parasitaire » de la société TTT

Les intimés, qui fondent leurs demandes indemnitaires sur l’article 1240 du code civil, reprochent à la société TTT sa déloyauté, consistant selon eux à avoir, d’une part, maintenu M. et Mme [U] dans la croyance de la réalisation effective et imminente du rapprochement puis à s’en être retirée une fois obtenue de nombreuses informations.

Ils prétendent également que la société TTT a utilisé les informations communiquées dans le cadre de l’opération de cession pour préparer son implantation sur le périmètre d’activité du groupe Asap, réitérant ainsi une stratégie déjà employée avec le groupe breton Flèche Interim qu’elle avait un temps projeté d’acquérir.

Enfin, ils arguent que la société TTT a violé les engagements de confidentialité en révélant le rapprochement en cours à certains clients de Job & Box.

La société TTT soutient qu’aucune faute n’est établie. Elle conteste avoir été de mauvaise foi dans les négociations et lors de son retrait du projet ou encore avoir utilisé des informations du groupe Job & Box pour s’implanter, arguant à cet égard que les 5 ouvertures d’agence et recrutements intervenus en Bretagne et Normandie après l’échec du projet de rapprochement s’inscrivaient, les premières, dans une stratégie préexistante et, les seconds, dans une politique de recrutement sur l’ensemble du territoire national. Elle fait également valoir que la violation de l’accord de confidentialité du 8 septembre 2016 n’est pas démontrée.

Aux termes de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer ».

L’arrêt de l’opération de cession à un stade avancé était permis par le protocole lui-même, qui prévoit des hypothèses de caducité, et la seule circonstance que la société TTT se soit retirée du projet en se prévalant à tort d’un cas de caducité prévu par le protocole ne suffit pas à établir une absence de volonté de voir aboutir la cession antérieure à ce retrait.

Pour démontrer l’utilisation par la société TTT d’informations obtenues dans le cadre de l’opération de rapprochement, les intimés versent aux débats un constat d’huissier de justice du 11 mai 2017, dont il ressort que la société TTT a fait paraître sur des sites internet, entre le 12 avril et le 4 mai 2017, diverses offres d’emploi en Normandie et en Bretagne et ouvert des agences à [Localité 10], [Localité 15], [Localité 18], [Localité 11] et [Localité 20].

La société TTT indique, sans être contredite, qu’elle disposait déjà, avant la tentative de rapprochement, de 3 agences en Normandie et Bretagne.

En outre, l’acquisition, le 31 août 2016, de la société Cornouaille Intérim (installée à [Localité 14] et [Localité 16]), désignée dans les comptes consolidés de la société TTT comme l’un des faits importants de l’exercice 2016, atteste d’une volonté de la société TTT de développer son activité dans la région Bretagne antérieure à l’entrée en relation avec M. et Mme [U].

Cette volonté est d’ailleurs confirmée par la lettre d’intérêt adressée par le groupe TTT à M. et Mme [U] le 22 décembre 2016, qui fait état d’un souhait de renforcement de son maillage géographique en Bretagne,

Quant aux recrutements, il résulte du constat d’huissier du 11 mai 2017 que le groupe Triangle a fait paraître sur les sites consultés, aux mois d’avril et de mai 2017, respectivement, 177 et 80 annonces dont seulement 16 (mois d’avril) et 18 (mois de mai) pour les 9 agences des régions Normandie et Bretagne, ce dont il s’évince que le groupe Triangle cherchait alors à recruter sur l’ensemble du territoire français.

L’ouverture de 5 nouvelles agences en Bretagne et les offres d’emploi en Bretagne ou Normandie, qui s’inscrivaient dans le prolongement d’une stratégie poursuivie par la société TTT avant même l’entrée en relation avec M. et Mme [U], ne révèlent donc pas, en eux-mêmes, un comportement « déloyal ou parasitaire ».

Par ailleurs, il n’est pas établi que l’implantation des 5 nouvelles agences de la société TTT en Bretagne ait été arrêtée sur la base d’informations recueillies lors de la tentative d’acquisition des titres de la société Asap, ni, plus largement, que ces informations aient orienté la politique de développement de la société TTT dans cette région.

Enfin, il n’est pas prouvé que l’accord de confidentialité du 8 septembre 2016 a été violé par la société TTT, les allégations des intimés sur ce point procédant de simples affirmations.

En l’absence de faute prouvée commise par la société TTT, les intimés doivent être déboutés de leurs demandes indemnitaires, le jugement étant confirmé sur ce point.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société TTT, qui succombe pour l’essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer, en sus de la somme de 2 000 euros allouée à chacun des demandeurs en première instance, celle, globale, de 4 000 euros, au profit de M. et Mme [U] seulement.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Triangle Travail Temporaire à payer à M. [G] [U] et à Mme [F] [U] née [N] la somme globale de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers à hauteur d’appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Triangle Travail Temporaire aux dépens d’appel.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x