Accord de confidentialité : 17 mai 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 19-25.007

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Accord de confidentialité : 17 mai 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 19-25.007
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COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mai 2023

Cassation partielle et rectification d’erreur matérielle de l’arrêt attaqué

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 354 F-B

Pourvoi n° Z 19-25.007

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 MAI 2023

La société Chavanoz industrie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 19-25.007 contre l’arrêt RG n° 16/06896 rendu le 12 septembre 2019 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Mermet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Mermet industries,

2°/ à M. [O] [N], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Mermet, en remplacement de M. [H] [S],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Chavanoz industrie, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Mermet et de M. [N], ès qualités, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 12 septembre 2019, RG n° 16/06896), la société Chavanoz industrie (la société Chavanoz), spécialisée dans la conception et la fabrication de fils spéciaux destinés à l’industrie textile, est titulaire du brevet européen n° 0 900 294 (le brevet EP 294), ayant pour objet un fil composite, composé d’une âme en verre entourée d’une gaine comportant une charge ignifugeante, publié le 24 novembre 1999, issu d’une demande internationale de brevet, déposée le 16 avril 1997 et publiée le 13 novembre 1997, sous priorité d’un brevet français déposé le 7 mai 1996.

2. La société Mermet est une société spécialisée dans la production de tissus à usage technique de protection solaire, notamment utilisés pour la fabrication de stores.

3. La société Chavanoz a entretenu avec les sociétés Mermet, Helioscreen et XLScreen, aux droits de laquelle vient la société Mermet, des relations commerciales, à l’occasion desquelles elle leur a fourni pendant plusieurs années un nouveau fil, en vue de la fabrication de textiles de protection solaire.

4. Le 9 avril 1996, les sociétés Chavanoz et Helioscreen ont conclu un accord de confidentialité portant sur le développement d’un fil répondant aux standards des normes anti-feu française et allemande, respectivement dénommées « M1 » et « B1 ».

5. La société Chavanoz a assigné les sociétés Mermet et Mermet industrie en contrefaçon des revendications n° 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie française du brevet EP 294. Invoquant la fourniture, antérieurement au dépôt de ce brevet, d’un fil correspondant aux caractéristiques de celui-ci, les sociétés Mermet et Mermet industrie ont demandé, à titre reconventionnel, l’annulation de ces revendications, pour défaut de nouveauté.

6. Le 27 janvier 2011, la société Mermet a été absorbée par la société Mermet industrie devenue depuis la société Mermet, laquelle a été mise en redressement judiciaire, puis bénéficié d’un plan de continuation, M. [N] étant désigné en qualité de commissaire à l’exécution de ce plan.

Rectification d’erreur matérielle relevée d’office

7. Avis a été donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile.

Vu l’article 462 du code de procédure civile :

8. C’est par suite d’une erreur purement matérielle que, dans le dispositif de la décision attaquée, la cour d’appel a infirmé le jugement rendu le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Lyon sauf en ce qu’il avait rejeté la demande de la société Mermet tendant au retrait des circuits de distribution et à la destruction des articles portant atteinte à la partie française du brevet EP 294 ainsi que des machines ayant permis la production desdits produits, cependant que le jugement avait rejeté la demande de la société Chavanoz industrie.

9. Il y a lieu, pour la Cour de cassation, de réparer cette erreur, qui affecte un chef de dispositif de l’arrêt qui lui est déféré.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La société Chavanoz fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 54 à 64, 75, 1041, 1041.1, 1042, 1043, 1043.1, 1044, 1044.1, 1045, 1046, 1046.1, 1048, 1049, 1050, 1072, 1072.1, 1073, 1074, 1075, 1076, 1077 et 1105, alors « que si la publication d’une demande de brevet rend publiques les informations relatives à l’invention qu’elle contient, elle n’a aucunement pour objet ou pour effet de rendre publiques d’autres informations, telles que les relations d’affaires ou de partenariat antérieures au brevet et couvertes par un accord de confidentialité ; qu’au cas présent, la cour d’appel a relevé qu’aux termes de l’accord de confidentialité, toutes les informations communiquées à Helioscreen et l’accord de confidentialité lui-même étaient confidentiels ; qu’en énonçant que “il n’est pas contestable que l’accord de confidentialité susvisé s’est trouvé caduc le 14 novembre 1997, date d’effet de la publication de la demande internationale de brevet déposée sous priorité de brevet français par la société Chavanoz le 7 mai 1996, la confidentialité des informations techniques n’ayant plus lieu d’être du fait de cette caducité, la société Helioscreen s’est trouvée déliée de son obligation de confidentialité et elle pouvait donc remettre l’accord en cause à la société Mermet”, la cour d’appel a violé l’article “5é” (lire 52) de la Convention sur le brevet européen (la CBE), ensemble l’article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

11. La société Mermet conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le grief est contraire aux écritures d’appel de la société Chavanoz selon lesquelles les pièces litigieuses produites par la société Mermet faisaient toutes référence à des informations techniques ou pratiques couvertes par l’accord de confidentialité, de sorte qu’elle ne pourrait soutenir, sans se contredire, qu’elles se rapportaient également à d’autres informations échangées pour lesquelles la confidentialité de l’accord s’appliquerait.

12. Cependant, la société Chavanoz, qui contestait que la publication du brevet ait rendu l’accord de confidentialité caduc en son intégralité, distinguait les éléments techniques portant sur la composition du fil, dont elle reconnaissait qu’ils avaient été rendus publics, du fait de cette publication, et les autres échanges entre les parties, qui ne l’avaient pas été et qui restaient confidentiels.

13. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l’article 52 de la Convention sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973 et l’article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle :

14. Selon le premier de ces textes, pour être protégée par un brevet, une invention doit présenter un caractère technique. Selon le second, toute invention peut faire l’objet d’un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle, qui donne lieu à la publication de la demande de brevet.

15. La publication d’une demande de brevet ne divulgue au public que les caractéristiques techniques et les informations relatives à l’invention qu’elle contient.

16. Pour rejeter la demande tendant à voir écarter certaines pièces des débats, l’arrêt, après avoir constaté que l’accord de confidentialité conclu entre les sociétés Chavanoz et Helioscreen, pour une durée indéterminée, interdisait à cette dernière toute divulgation, publication, communication à un tiers, y compris sous forme confidentielle, des informations échangées, retient que cet accord s’est trouvé caduc le 14 novembre 1997, date d’effet de la publication de la demande de brevet européen. Il en déduit que l’accord de confidentialité n’était plus confidentiel et que les pièces consistant en des factures ou autres documents échangés entre les sociétés Chavanoz et Helioscreen n’étaient pas, en elles-mêmes ou par effet de la loi, de nature confidentielle interdisant toute communication en justice, même par des tiers.

17. En statuant ainsi, alors que la publication de la demande de brevet ne pouvait avoir pour effet de rendre caduc l’accord de confidentialité en lui-même ni de libérer le débiteur de son obligation de confidentialité à l’égard des éléments protégés par l’accord, non divulgués par cette publication, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

18. La société Chavanoz fait le même grief à l’arrêt, alors « que la seule circonstance que des pièces acquises en fraude et de manière déloyale soit de nature à établir la véracité d’un fait allégué ne suffit pas à la rendre recevable ; qu’il appartient au juge de mettre en balance les intérêts en présence et de confronter concrètement, dans un contrôle de proportionnalité, d’une part, les principes de licéité et de loyauté de la preuve et, d’autre part, le droit à la preuve ; qu’au cas présent, en se contentant d’affirmer que “sauf à interdire de façon disproportionnée à la société Mermet tout droit d’accès à la preuve de la divulgation qu’elle a invoqué comme moyen de nullité du brevet, il importe que le juge soit en mesure de procéder à l’examen de ces pièces”, sans caractériser la nécessité de la production litigieuse quant aux besoins de la défense et sa proportionnalité au but recherché, la cour d’appel n’a pas procédé à ce contrôle, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article 9 du code de procédure civile. »

 


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