Accord de confidentialité : 14 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02189

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Accord de confidentialité : 14 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02189
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° 085/2023, 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/02189 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBOS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2020 -Tribunal judiciaire de Paris – 5ème chambre – 1ère section – RG n° 17/14047

APPELANT

Monsieur [U] [F]

Né le 15 Mars 1966 à [Localité 6] (59)

De nationalité française

Cadre commercial

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté et assisté de Me Arnaud STAMM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1545

INTIMEES

S.A.S. FONEX

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’EVRY sous le numéro B 490 674 892

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

Assistée de Me Hugues DE PONCINS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1686

S.A.S. CAPEY OPTRONIQUE

Prise en la personne de Monsieur [S] [M], mandataire judiciaire,

[Adresse 2]

[Localité 8]

N’ayant pas constitué avocat

S.A.S. CAPEY

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

N’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Déborah BOHEE, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHEE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

Rendu par défaut

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Françoise BARUTEL, conseillère, faisant fonction de Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société FONEX, filiale française d’une société canadienne, a été constituée le 23 juin 2006. Présidée par M. [A] [W], elle exerce une activité d’achat, vente, importation, exportation, représentation, commercialisation, distribution en gros de composants et d’équipements électroniques et de télécommunication.

Elle a embauché, le 1er juillet 2007, M. [U] [F] en contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de directeur commercial.

M. [F] étant par ailleurs gérant de la société ARIANE TELECOM, immatriculée le 28 février 2007, qui effectuait des prestations de télécommunications, ainsi que la revente et l’installation de produits de télécommunications, les parties ont conclu, le 31 mai 2008, pour tenir compte de cette situation, un avenant au contrat de travail du salarié comportant notamment un article 12 intitulé « conflits d’intérêts ».

Le 15 octobre 2008, M. [F] a reçu un avertissement, notamment pour avoir, sans autorisation préalable, proposé à des clients des produits qui n’étaient pas dans son portefeuille et passé commande auprès d’un sous-traitant autre que celui qui lui avait été indiqué.

Après une mise à pied prononcée le 13 janvier 2009, la société FONEX a licencié M. [F] le 4 février 2009, pour faute lourde pour les motifs suivants :

– vente par sa société ARIANE TELECOM de produits commercialisés par FONEX,

– proposition faite à un fournisseur RUBYTECH de travailler sur une affaire en court-circuitant FONEX, en échange d’une commission personnelle,

– demande à un fournisseur (EOPTOLINK) d’envoyer ses prix sur son courriel et celui de la société concurrente CAPEY, afin de « le » fournir à la place de FONEX,

– propositions à des fournisseurs de FONEX (ADTECH et EOPLINK) de travailler directement avec les sociétés ARIANE TELECOM et CAPEY pour entrer en compétition avec FONEX,

– annonces faites à des fournisseurs de FONEX (ADTECH, PMS et EOPTOLINK) que la clientèle de FONEX avait commencé à être débauchée,

– contacts d’au moins deux fournisseurs en décembre 2008 dans son propre intérêt, sans avoir averti les responsables produits concernés de FONEX,

– omissions de produire des rapports de rencontre avec des clients et fournisseurs et production de rapports erronés,

– contact du fournisseur ACCELINK en lui demandant de répondre sur le mail personnel,

– contacts avec plusieurs fournisseurs pour fabriquer des produits équivalents à ceux de FONEX, sans avertir son employeur,

– report d’un problème avec le client COVAGE avec au moins un mois de retard et proposition au client dans ce délai d’un produit concurrent,

– mensonge sur cette proposition d’un produit de la société CAPEY au client COVAGE.

En mars 2009, M. [F] a été embauché comme directeur commercial de la société CAPEY OPTRONIQUE (ci-après, la société CAPEY), créée en 1981, et spécialisée dans la distribution de composants électroniques professionnels.

Il a, par ailleurs, saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau pour faire juger son licenciement abusif. La caducité de l’affaire a été prononcée le 9 décembre 2010.

Il a également porté plainte, en janvier 2009, contre M. [W] pour vol avec violence de son ordinateur portable et refus de restituer des données personnelles enregistrées. Sa plainte a été classée sans suite.

La société FONEX a obtenu des présidents des tribunaux de grande instance d’Evry et de Versailles, des présidents des tribunaux de commerce de Saint-Brieuc et Versailles, des ordonnances sur requêtes autorisant des constats, qui ont été effectués les 9 avril et 13 mai 2009, sur les équipements informatiques utilisés par M. [F] à son propre domicile, dans les locaux de la société FONEX et dans ceux de la société CAPEY.

En octobre 2009, la société FONEX a déposé plainte auprès du procureur de la République du TGI de Paris pour abus de confiance, accès ou maintien frauduleux dans un système automatisé de données, vol de données et d’informations lui appartenant et dénonciation calomnieuse.

C’est dans ce contexte que, le 3 février 2010, la société FONEX a fait assigner M. [F], les sociétés ARIANE TELECOM et CAPEY devant le tribunal judiciaire de Paris, en concurrence déloyale.

Par un premier jugement du 25 octobre 2011, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes de rétractation des ordonnances sur requêtes rendues à la demande de la société FONEX et a ordonné, avant dire droit, une mesure d’expertise confiée à M. [K] [R], afin de :

– déterminer l’origine des documents (notamment les mails et retranscriptions de conversations Skype), versés aux débats par la société FONEX, en faire assurer une traduction certifiée pour ceux dont la traduction est contestée, dire s’il est possible que ces documents aient été falsifies,

– recueillir les explications contradictoires des parties sur le contenu de ces documents,

– fournir au tribunal tous éléments permettant de trancher le litige.

L’expert a déposé son rapport le 4 avril 2013. Il a conclu au fait que M. [F] a été auteur et complice de la société ARIANE TELECOM et de la société CAPEY de concurrence déloyale, ce qui a causé un préjudice matériel à la société FONEX qu’il a évalué à 108 000 euros, outre un préjudice moral estimé à 200 000 euros et une perte de chance due aux contrats perdus par détournement, non quantifiée.

Le 5 novembre 2013, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Versailles, statuant sur l’appel interjeté par la société FONEX à l’encontre de 1’ordonnance de non-lieu rendue le 17 avril 2013 sur la plainte avec constitution de partie civile qu’elle avait déposée, a jugé l’instruction insuffisamment approfondie et a renvoyé le dossier devant un autre magistrat instructeur.

Par un deuxième jugement du 28 janvier 2014, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné un sursis à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale faisant suite à la plainte avec constitution de partie civile de la société FONEX. Il a également ordonné le retrait de l’affaire du rôle dans cette attente et dit qu’elle sera rétablie à la demande de la partie la plus diligente dès la survenance de l’événement attendu.

Par ordonnance en date du 29 avril 2014, le premier président de la cour d’appel de Paris a débouté la société FONEX qui l’avait saisi, sur la base de l’article 380 du code de procédure civile, aux fins d’autorisation de frapper d’appel la décision de sursis à statuer.

La société CAPEY a été placée en liquidation le 6 septembre 2012, puis radiée du registre du commerce et des sociétés (RCS) pour insuffisance d’actifs, le 9 septembre 2014.

La société ARIANE TELECOM a été dissoute et radiée du RCS le 17 mars 2014.

Le 3 juin 2018, le second juge d’instruction saisi de la plainte de la société FONEX a rendu une nouvelle ordonnance de non lieu.

Le 12 octobre 2018, la société FONEX a sollicité le rétablissement de 1’affaire.

Dans un jugement rendu le 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil (dans sa version en vigueur avant le 1er octobre 2016 applicable au présent litige) ;

– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

– condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 8 351,05 euros au titre des frais d’huissiers de justice ;

– condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 17 735,16 euros au titre des frais d’expertises informatiques ;

– condamné M. [F] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le 1er février 2021, M. [F] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 16 juin 2021, le délégataire du premier président de la cour d’appel de Paris a notamment rejeté la demande de M. [F] tendant à voir arrêter l’exécution provisoire attachée au jugement, estimant que la preuve n’était pas rapportée de l’impossibilité alléguée d’exécuter le jugement, ni celle du risque de non recouvrement des sommes mises à la charge de l’appelant en cas d’infirmation du jugement par la cour d’appel.

Par ordonnance du 9 novembre 2021, la conseillère de la mise en état de cette chambre a :

– constaté le désistement partiel de M. [F] contre la société ARIANE TELECOM dissoute ;

– rejeté la demande de M. [F] de dessaisissement de la cour au profit de la cour d’appel de Versailles ;

– dit n’y avoir lieu à ordonner la radiation de l’affaire [comme demandé par la société FONEX];

– condamné la société FONEX aux dépens de l’incident et dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d’incident.

Dans ses dernières conclusions, transmises le 6 janvier 2023, M. [F] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dans l’ensemble de ses dispositions ;

– débouter la société FONEX de ses demandes à l’encontre de M. [F], et juger qu’il n’a pas commis d’acte de concurrence déloyale ni de détournement de clientèle.

– à titre reconventionnel,

– condamner la société FONEX à payer à M. [F] la somme de 100.000 euros au titre du préjudice professionnel, financier, personnel et d’image subi du fait de l’action intempestive, continue et dommageable de la société FONEX ;

– condamner la société FONEX à la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à verser à M. [F] au titre des frais irrépétibles engagés dans la présente procédure ;

– condamner la société FONEX aux entiers dépens y compris les frais d’expertise.

Dans ses dernières conclusions, transmises le 8 février 2023, la société FONEX demande à la cour de :

– à titre préalable,

– prendre acte de l’ordonnance de non-lieu en date du 13 juin 2018 signifiant la clôture de la procédure pénale ;

– déclarer recevables toutes les pièces portées au débat par la société FONEX,

– sur le fond,

Vu les anciens articles 1382 et suivants, les articles 2233 et suivants, l’article 1343-2 du code civil,

Vu les articles L. 237-12 et L. 223-22 du code du commerce,

– confirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a reconnu le préjudice matériel subi par la société FONEX résultant de la concurrence déloyale ;

– infirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a limité la réparation du préjudice matériel à 100.000 € ;

– statuant à nouveau, condamner M. [F] à verser à la société FONEX la somme de 300.000 € H.T. au titre du préjudice matériel résultant de la concurrence déloyale.

– confirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a reconnu le préjudice moral subi par la société FONEX ;

– infirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a limité la réparation du préjudice moral à 5.000€ ;

– statuant à nouveau, condamner M. [F] à verser à la société FONEX la somme de 400.000 € H.T au titre du préjudice moral ;

– infirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a débouté la société FONEX de sa demande de condamnation de M. [F] à verser à la société FONEX la somme de 307.500 € au titre de la perte de chance correspondant aux contrats perdus ;

– statuant à nouveau, condamner M. [F] à verser à la société FONEX la somme de 307.500 € au titre de la perte de chance correspondant aux contrats perdus ;

– infirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a débouté la société FONEX de sa demande de condamnation de M. [F] à verser à la société FONEX la somme de 500.000 € au titre du préjudice lié au non-respect des formalités légales liées à la liquidation de la société ARIANE TELECOM ;

– statuant à nouveau, condamner M. [F] à verser à la société FONEX la somme de 500.000 € au titre du préjudice lié au non-respect des formalités légales liées à la liquidation de la société ARIANE TELECOM ;

– confirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a condamné M. [F] au paiement de l’article 700 du code de procédure civile à la société FONEX ;

– infirmer les dispositions du jugement en ce qu’il a limité le paiement, par M. [F] à la société FONEX, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 10.000 € ;

– statuant à nouveau, condamner M. [F] à verser à la société FONEX la somme de 77.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– confirmer les dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 24 novembre 2020 en ce qu’il a :

– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil, et ce depuis la date d’assignation devant le tribunal de grande instance en date du 3 février 2010 ;

– condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 8.351, 05€ au titre des frais d’huissiers de justice ;

– condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 17.735,16 € au titre des frais d’expertises informatiques ;

– condamné M. [F] aux autres entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire fixés à 25.228,77€ ;

– en tout état de cause, débouter M. [F] de toutes ses demandes.

L’ordonnance de clôture est du 28 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les demandes en concurrence déloyale de la société FONEX

La société FONEX reproche à M. [F] des actes de concurrence déloyale commis à la fois pendant l’exécution de son contrat de travail et postérieurement à la rupture de la relation de travail.

Pour ce qui concerne les agissements qui auraient été commis pendant l’exécution de la relation de travail, elle soutient que M. [F] l’a concurrencée avec sa propre société, ARIANE TELECOM, alors même qu’il a accepté de signer, au cours de son contrat de travail, en toute connaissance de cause, une clause intitulée « conflits d’intérêts » au terme de laquelle il s’engageait à agir ‘exclusivement pour le compte et dans l’intérêt de son employeur’, qu’il a été à l’origine d’une série d’actes et de man’uvres de nature à détourner de la clientèle de son employeur, en utilisant sa qualité de directeur commercial, qu’il l’a également dénigrée et a porté atteinte à son image auprès de ses clients et fournisseurs dans le but de les détourner. Elle soutient que M. [F] s’est par ailleurs rendu le complice de la société CAPEY, son nouvel employeur, en lui fournissant des documents, qui ont été retrouvés dans des répertoires clients du serveur de cette société, ainsi que des informations, et en ayant de nombreux contacts avec cette société CAPEY, ce que celle-ci lui a caché ; qu’en réalité, la société CAPEY a employé M. [F] en tant que directeur commercial dès le mois de novembre 2008.

Pour ce qui concerne les actes de concurrence déloyale qui auraient été commis après la rupture du contrat de travail, la société FONEX argue que les saisies informatiques réalisées dans les locaux de la société CAPEY à [Localité 8], ont permis de trouver, sur le serveur de la société, pas moins de 29 fichiers faisant apparaître le mot clé « FONEX », 19 de ces fichiers étant sous le répertoire Users/[U], confirmant ainsi que [U] [F] a copié de nombreux fichiers lui appartenant pour les amener sur le serveur informatique de la société CAPEY ; que M. [F] utilisait ces fichiers de manière intensive depuis son arrivée au sein de la société CAPEY, puisque ces 19 fichiers avaient tous été modifiés dans les deux semaines précédant l’intervention de l’huissier, alors que M. [F] ne faisait plus partie de ses effectifs depuis 2 mois ; que ces saisies informatiques ont révélé que 8 clients (ou prospects) de la société FONEX apparaissaient dans les fichiers de M. [F] et que ce dernier avait utilisé le fichier client de l’entreprise FONEX pour démarcher ses clients (RUBYTECH en mars et avril 2009, COVAGE) en proposant, en toute connaissance de cause, des offres plus attractives que celles de son ancienne entreprise.

M. [F] demande l’infirmation du jugement en contestant l’ensemble des griefs qui lui sont adressés. Il fait valoir que :

– la saisie effectuée le 13 avril 2009 sur son ordinateur portable FONEX dans les locaux de cette société est irrégulière dans la mesure où cet ordinateur portable, sur lequel ont été prétendument trouvés les seuls éléments à charge, lui a été ‘arraché’ par FONEX le 13 janvier 2009 sans être alors mis sous scellé, et n’a été présenté à l’huissier que 4 mois plus tard, ce qui rend possibles toutes manipulations et dans la mesure ou les pièces saisies n’ont pas été placées sous séquestre mais toutes remises à FONEX ;

– que les éléments de preuve présentés par FONEX ne sont pas acceptables dans la mesure où les fichiers présents sur son ordinateur professionnel ont été altérés ; que les dirigeants de FONEX ont en effet ouvert l’ordinateur à maintes reprises et y ont introduit des fichiers et en ont retiré d’autres ; qu’en particulier, les fichiers de conversation SKYPE ne peuvent être considérés comme fiables avec certitude ; qu’en effet, il est aisé de changer l’horodatage de l’ordinateur et d’antidater ou de postdater la date de création de n’importe quel fichier et que l’informaticien sapiteur n’a exprimé aucune certitude quant au fait que ces fichiers n’avaient pu être modifiés depuis que l’ordinateur avait été retiré à M. [F], pas plus que sur l’identité des auteurs de messages, l’IP d’origine, ni surtout la date de création des messages ; que le sapiteur n’a pas répondu aux objections qui ont été exprimées dans un mémoire remis au cours de l’expertise quant au manque de fiabilité et de traçabilité de SKYPE dénoncé par l’ARCEP ; qu’en outre, il n’a pas été produit d’impressions papier correspondant aux fichiers du disque dur du fait même du système de gestion de SKYPE ‘qui bouleverse totalement les fichiers dès lors qu’ils ne sont pas extraits directement du disque dur originel et du réseau qui les diffuse’ ; que dans ces conditions, le sapiteur a été incapable d’établir la concordance entre les éléments imprimés et produits par FONEX (pièce n° 13) et les fichiers informatiques qui restent, à ce jour, totalement inaccessibles en leur forme originelle, et ce de manière définitive et irréparable ; que M. [F] n’a jamais reconnu les propos qui lui sont prêtés sur SKYPE ; que les mails produits par FONEX ne présentent pas plus de fiabilité tant il est facile de les manipuler et de les modifier sans qu’il soit possible de détecter les traces de ces malversations ; que leur origine est inconnue, le sapiteur ayant indiqué qu’ils n’avaient pas été trouvés sur l’ordinateur ; que le CD fourni par FONEX contenant ces mails ne donne pas plus d’indication de leur auteur ni de leur date de création (les dates apparaissant étant celles de gravure sur le CD, comme pour la pièce 41 adverse) ; que le sapiteur n’a pas été plus diligent pour identifier la provenance, la localisation et la date de ces mails ; qu’en outre, certains mails imprimés n’ont pas été imprimés directement de la boîte d’origine et ont transité par une autre boîte, à partir de laquelle ils ont été imprimés (le transfert d’une boîte mail à une autre faisant apparaître les lettres « FW » ou « TR ») ; que dès que les fonctions ‘répondre’ ou ‘transférer’ sont activées, l’envoyeur récupère la frappe du mail original et peut ainsi en changer le contenu, mais aussi les coordonnées d’envoi et même les éventuels en-têtes ; que dans ce cas, le seul moyen permettant de démontrer que le courrier n’a jamais été envoyé consiste à remonter les en-têtes contenant l’adresse des serveurs relais puis de vérifier auprès de ces serveurs relais si un courrier a été transmis, ce qui suppose une enquête effectuée par la police judiciaire ou l’autorité judiciaire ; que l’expert et le sapiteur n’ont procédé à aucune vérification et qu’aucune réunion d’expertise n’a été consacrée à la signification de ces mails, M. [F] ayant été simplement sommé de reconnaître être l’auteur de quelques mails parmi des milliers d’autres envoyés, sans qu’il lui soit permis de les contextualiser ; qu’il a donc préféré garder le silence, ce qui a été interprété comme un aveu ; que mis en difficulté, l’expert a interrompu prématurément l’expertise, sans que les mails soient discutés comme cela avait été annoncé ;

– que le rapport d’expertise, abondamment cité par FONEX et le jugement dont appel, contredit par l’instruction pénale, doit être rejeté ; que ‘l’expert se perd dans des considérations moralisantes et sentencieuses sur la nécessaire loyauté que le salarié doit à ses anciens employeurs’ ; que le ‘business plan 2009″ dont il est fait grand cas ne concerne que des informations publiques reprenant les évaluations d’appels d’offres à venir, communiquées aux différents intervenant travaillant avec FONEX, dont à l’époque la société CAPEY ; qu’en outre, FONEX ne peut s’attribuer ce document qui appartient, à défaut de cession en bonne et due forme, à son ancien salarié ; que prétendre, comme le soutient l’expert, que M. [F] aurait procédé à des intrusions informatiques dans le système de données de la société FONEX est matériellement impossible, non seulement à partir de son ordinateur puisqu’il lui a été arraché, mais même à partir d’autres postes, les dirigeants de la société FONEX ayant empêché dès le 13 janvier 2009 tout accès pour celui qui restait pour quelques jours encore leur directeur commercial ; que comme l’a reconnu l’expert, un directeur commercial possède un réseau relationnel qui lui est propre, un savoir-faire et un entregent personnel ; qu’en l’espèce la prétendue captation de clientèle ne ressort pas de fichiers, de factures et de résultats comptables visibles ; que l’expert a méconnu les articles 237 et 238 du code de procédure civile et n’a pas répondu aux mémoires qui lui ont été remis, ce qui entache le rapport d’une nullité de fond ;

– que la plainte déposée en avril 2011 par la société FONEX pour des faits semblables à ceux dont a été saisi le tribunal, s’est conclue par une ordonnance de non-lieu prononcée le 17 avril 2013 au motif que les contacts de M. [F] avec des sociétés tierces ne caractérisaient pas en soi la transmission d’informations confidentielles, et qu’aucun élément ne permettait non plus d’établir le maintien frauduleux dans le système informatisé de FONEX ; que le parquet a relevé l’instrumentalisation de la justice pénale ; que par un arrêt du 5 novembre 2013, la cour d’appel de Versailles a pourtant décidé la poursuite de l’information, et ce malgré le rapport d’expertise de M. [R] (remis le 4 avril 2013) qui a donc été jugé insuffisant pour établir la réalité des faits allégués ; qu’après la réouverture de l’instruction, une seconde ordonnance de non-lieu a été rendue le 13 juin 2018 ; que suivant le parquet général, le juge d’instruction a retenu notamment que « les conditions de récupération de l’ordinateur de Monsieur [F] et les manipulations réalisées par la partie civile (FONEX) sur ce matériel postérieurement, émanant de professionnels des nouvelles technologies disposant de connaissances importantes en la matière, ne permettent pas de garantir suffisamment la parfaite intégrité des données produites » ;

– que ni M. [F] ni la société ARIANE TELECOM n’ont jamais proposé des produits aux clients de FONEX ; qu’ARIANE TELECOM n’a jamais eu comme client un seul des clients de FONEX ; que la société CAPEY a une position antérieure à la société FONEX sur le marché français, et dispose de plus de de 750 client actifs en France (alors que FONEX n’en possède que 10) ; qu’il n’y a eu aucun transfert de clients de FONEX vers CAPEY, excepté l’appel d’offres gagné par CAPEY à la suite d’une consultation initiée par SFR ; que FONEX a licencié en février 2009, en la personne de M. [F], son unique force de vente en France, qui avait une relation suivie avec les clients, et que ces clients, que M. [F] avait amenés pour la plus grande part, se sont retrouvés du jour au lendemain sans aucun interlocuteur commercial et se sont alors naturellement tournés vers les concurrents comme ICTL, TETRADIS, POINT FIBRE OPTIQUE, DISMAT, CUBOPTICS, NEXANS, CORNING ou IDEA OPTICAL, mais pas ARIANE TELECOM, ce dont témoignent les comptes de liquidation ; qu’à la lumière des ordonnances de non-lieu rendues par les juridictions pénales, après des investigations poussées qui ont duré plusieurs années, la cour ne pourra qu’infirmer le jugement en l’absence de preuve juridiquement incontestable de la déloyauté de M. [F].

Sur ce,

A titre liminaire, la cour constate que si M. [F] invoque la nullité du rapport d’expertise dans le corps de ses écritures, il ne forme pas de demande de nullité dans le dispositif de ces mêmes conclusions. En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est donc pas saisie d’une demande d’annulation de ce rapport.

La cour considère cependant que l’expert a exécuté sa mission visant notamment à déterminer l’origine des mails et retranscriptions de conversations Skype versés aux débats par la société FONEX, à dire s’il est possible que ces documents aient été falsifiés et, plus généralement, à fournir tous éléments permettant de trancher le litige. La circonstance qu’il ait pu aller au-delà de son rôle en exprimant ponctuellement une opinion d’ordre juridique excédant les limites de sa mission au regard de l’article 238 du code de procédure civile (‘Le technicien (…) ne doit jamais porter d’appréciation d’ordre juridique’) ne peut conduire à écarter l’ensemble de son rapport ou même à considérer qu’il a manqué d’impartialité dans la conduite de sa mission, en violation de l’article 237 du code de procédure civile (‘Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité’), M. [F] admettant lui-même que l’expert a relevé des éléments à sa décharge.

La cour observe ensuite, comme le tribunal l’a relevé, que l’expertise a été soumise durant son déroulement au contradictoire, l’expert ayant organisé pas moins de huit réunions au cours desquelles M. [F] et son conseil ont pu être entendus, chacune de ces réunions étant suivie d’un compte-rendu soumis à la critique des parties. L’expert a convoqué également l’administrateur judiciaire de la société CAPEY et son conseil lors de la huitième réunion. Il a relevé également que M. [F] n’avait pas formé de demande de contre-expertise.

Sur l’authenticité, l’origine et la date des pièces issues des saisies sur ordinateurs produites par la société FONEX et contestées par M. [F]

M. [F] conteste l’intégrité des données trouvées sur son ordinateur professionnel mis à sa disposition par la société FONEX et qui lui a été repris lors de sa mise à pied, le 13 janvier 2009, faisant état notamment de possibles manipulations de cet ordinateur qui n’a pas été mis sous séquestre lors de sa reprise par l’employeur et est resté entre les mains de ce dernier plusieurs semaines avant les opérations de constat d’huissier.

Cependant, comme l’ont relevé les premiers juges, l’intégrité des données informatiques produites par la société FONEX a été vérifiée par le sapiteur, expert en informatique près la cour d’appel de Paris, que l’expert désigné par le tribunal s’est adjoint.

Dans le rapport qu’il a remis (pièce 74), l’expert en informatique a en effet donné son avis, comme suit, sur l’authenticité, l’origine et la date des conversations ‘SKYPE’ et des courriels versés au débat par la société FONEX et contestées par M. [F] :

– en ce qui concerne les échanges SKYPE : l’expert informaticien a retracé l’historique des événements intervenus sur l’ordinateur professionnel de M. [F] entre le 13 janvier 2009 (mise à pied du salarié) et le 13 mai 2009 (constat d’huissier) et a relevé que de nombreux fichiers avaient été consultés, ce qui avait engendré ‘des modifications de dates et des mouvements de fichiers ‘système’ (purement techniques)(…)’ mais a estimé que ‘cela ne signifie pas pour autant que les informations examinées ont été falsifiées’, ‘d’autant que l’ensemble des dates semble parfaitement cohérent et que les traces d’intervention n’ont pas été supprimées’, concluant ‘cet historique apparaît donc fiable et vraisemblable’ ; il a encore estimé que ‘les fichiers SKYPE sont techniquement difficiles à modifier, principalement du fait de l’existence d’un dispositif spécifique de traçabilité et de contrôle de cohérence administré dans différentes bases de données. Dans le cas présent, il apparaît très improbable que les fichiers SKYPE (…) aient été modifiés entre le 13 janvier 2009 et le 13 mai 2009. Du fait des interventions observées sur l’ordinateur (…) nous évaluons à environ 95 % l’authenticité de ces pièces SKYPE’. Il a conclu que ‘les éléments (…) SKYPE (…) n’ont pas été falsifiés, même si nous ne pouvons exclure la possibilité que certaines lignes de chats aient pu, volontairement ou non, être effacées. Si tel était le cas, cela ne devrait concerner qu’un nombre restreint de lignes, en outre parfaitement identifiables du fait de l’absence de leur numéro chronologique ‘record number’ rattaché aux identifiants ‘ChatID”. L’expert a précisé qu’interrogé à plusieurs reprises sur le point de savoir quels échanges SKYPE il contestait, M. [F] n’a pas répondu précisément, préférant ‘axer sa contestation sur le plan du principe’ mais reconnaissant ‘ ‘comme son conseil l’a indiqué’ en réunion d’expertise, que ‘la création de ces innombrables conversations semble plausible’ ‘ ;

– en ce qui concerne les courriels, l’expert informaticien a estimé que, hormis deux courriels en pièces 16 et 28, le premier étant fourni en format ”texte’ facilement falsifiable et le second, auquel était joint le business plan de la société FONEX, étant exporté du propre système de messagerie FONEX, l’authenticité, l’origine et l’horodatage des messages en pièces 17, 19, 20, 23, 25, 26, 27, 28 bis, 34, 41, 42 et 43 sont ‘très vraisemblables’.

M. [F] ne peut tirer utilement argument du fait que l’intégralité des conversations SKYPE n’a pas été retranscrite dans le procès-verbal de constat d’huissier, s’abstenant de préciser quels extraits à charge invoqués par la partie adverse auraient été abusivement tronqués.

Les constatations et conclusions motivées et nuancées de l’expert informaticien permettent de considérer comme fiables les pièces produites par la société FONEX, à l’exclusion des courriels produits en pièces 16 et 28 qui ne seront donc pas pris en considération dans l’appréciation des reproches formulés à l’encontre de M. [F].

Sur la matérialité des faits reprochés

Aux termes de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, ‘Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui parla faute duquel il est arrivé à le réparer’.

Si, en vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, un salarié peut mettre à profit l’expérience et les connaissances qu’il a acquises au profit d’un autre employeur, fût-ce dans le même secteur que celui de la société dont il était antérieurement salarié, dès lors que cette activité concurrente n’était pas interdite par une clause contractuelle, cela n’autorise pas le recours à des actes déloyaux et à des procédés contraires aux usages loyaux du commerce. Ainsi, un salarié peut préparer sa future activité concurrente à condition que cette concurrence ne soit effective qu’après l’expiration du contrat de travail.

Il incombe à la partie qui prétend avoir souffert d’actes de concurrence déloyale d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, il est constant que M. [F] était le gérant, pendant l’exécution de son contrat de travail au sein de la société FONEX, de la société ARIANE TELECOM, qui a été immatriculée le 28 février 2007 avec un début d’exploitation le 1er mars 2007, et qui avait pour activité principale déclarée, la prestation de télécommunications (hors audiovisuel), la revente et l’installation de produits de télécommunications (extrait Kbis de la société).

Il est constant qu’un avenant au contrat de travail a été signé entre l’employeur et le salarié le 31 mai 2008, comportant un article 12 intitulé ‘Conflit d’intérêts’ par lequel M. [F] s’est engagé, pendant la durée du contrat, ‘Lors de ses activités liées au présent contrat, à agir exclusivement pour le compte de la société et dans les intérêts de la société. Hors de ses activités liées au contrat, qu’elles soient rémunérées ou non, le salarié ne devra pas entrer en conflit avec les intérêts de la société. Il peut par exemple y avoir conflit d’intérêt si le salarié traite avec des fournisseurs identiques ou des produits équivalents à ceux promus par la société, ou si le salarié traite avec des prospects ou clients qui ont le même profil que les clients et prospects de la société’.

Les comportements reprochés à M. [F] doivent être examinés à l’aune de sa situation de salarié de la société FONEX, jusqu’à la date de son licenciement prononcé le 4 février 2009, et de cette clause de l’avenant signé le 31 mai 2008.

Sur le détournement de la clientèle de la société FONEX

Il ressort des constatations effectués par l’huissier de justice sur l’ordinateur professionnel de M. [F], plusieurs échanges sur SKYPE entre le directeur commercial et des fournisseurs de la société FONEX que M. [F] a tenté de convaincre d’engager des relations commerciales avec sa société ARIANE TELECOM ou avec la société CAPEY, qui sera son futur employeur, à partir de mars 2009.

Ainsi, le 31 octobre 2008, M. [F] propose à ‘[C]’ de la société RUBYTECH, fournisseur de la société FONEX, de travailler sur une affaire en court-circuitant la société FONEX, en échange d’une commission personnelle (pièce 11) :

« [[U] [F]]: Si vous voulez que je puisse essayer de vous aider sans Fonex, est-ce que vous êtes intéressés ‘ (…) juste pour ton info, mais garde-le pour toi, dans une relation directe avec un agent ayant une commission de 5% pour aider en France, Rubytech pourrait vendre le terminal residential à 109 €, mais quelqu’un doit prendre en charge localement le stock, les envois et les taxes. C’est un projet d’environ 1,2M€ (…)

[[C]]: 5% peut être envisagé

[[U][F]]: (…) je sais que ce n’est pas facile de comprendre comment ça marche en Europe, et spécialement en France [‘[C]’ étant basée à Taïwan]

[[C]] : Comme nous faisons affaire avec l’Europe et sommes très intéressés par la France (…) si tu penses que ca vaut le coup d’essayer pour ce projet (…) s’il te plaît dis moi comment

aller à la prochaine étape

[FC]: je vais donner quelques coups de fil la semaine prochaine et te tiendrais au courant’.

Les 4, 9 et 29 décembre 2008, contacte la société EOPTOLINK (‘[B]’), autre fournisseur de la société FONEX, lui fait part de son prochain départ de la société FONEX et de son intention de ‘transférer’ le business vers sa nouvelle activité et demande à ‘[B]’ d’adresser un prix à la société CAPEY (pièces 22, 14 et 12) :

« [[U] [F] : [B], je vais probablement quitter Fonex dans les prochaines semaines (…) je travaille en ce moment pour transférer avec moi le business.

[[B]] : c’est une mauvaise nouvelle ou bien’ je ne sais pas encore’ as-tu décidé où tu travailleras ‘.

[[U][F]] : j’ai une bonne idée, mais Fonex n’est ni sérieux ni crédible (…) je bougerai avec 95 % du marché SFP et les clients sont prêts à me suivre (…)

[[B]] : [U], nous te soutiendrons… tiens moi seulement informé pour qu’on coordonne notre action (…)

[FC] : [B], n’oublie pas strictement confidentiel’

(…….)

[FC] : dès que je m’en vais j’espère que tu m’aideras à continuer notre relation’

(…….)

[[B]] : Je t’enverrai la quote pour DWDM et SFP demain matin, ou tu en as besoin aujourd’hui ‘

[FC] : prends ton temps c’est pour mon nouveau business. Je peux attendre jusqu’à demain.

[[B]]: merci, sur quel email je devrais envoyer le prix ‘

[[U][F]] : [Courriel 10] copy [Courriel 7]

[[B]] : ok, entendu »

Les 21 novembre, 4 et 15 décembre 2008, M. [F] a également fait part à ‘[Y]’ de la société ADTECH, autre fournisseur de la société FONEX, de ses projets auxquels il souhaite associer ce fournisseur, ainsi que de son intention d”emmener tout le business’ (pièces 13, 32 et 18) :

« [[U] [F]] : discussion absolument confidentielle (…) mon objectif est de quitter la société et d’établir avec tous les clients une relation directe (…) j’ai créé Ariane Telecom
1:Mise en gras ajoutées par la cour.

qui est ma nouvelle société (…) le problème pour moi c’est la trésorerie pour les 4 prochains mois afin d’être capable de préparer mes stocks et d’être payé par les clients (…) dis moi si ton patron pourrait travailler avec moi et faire des conditions spéciales de paiement pour les 4 prochains mois

[[Y]]: oui, je vais parler avec nos patrons, as-tu des suggestions pour les persuader ‘

[FC] : discussion directe et nos trois derniers mois de relation

[[Y]] : discussion directe ‘ avec qui ‘

[FC] : avec moi

[[Y]] : laisse-moi préparer ma discussion et les documents, je te les enverrai la semaine prochaine

(…….)

[[U][F]] : j’ai déjà trouvé la société pour reconstruire le business sans perdre de temps (…) J’ai déjà « bloqué » la discussion avec les clients et prospects de FONEX, je vais emmener tout le business avec moi’.

(…….)

[[U][F]] : [Y], j’essaie de bouger et de changer de société début 2009 (…) et je serai directement en concurrence avec Fonex

[[Y]] : nous te donnerons toute notre aide pour les prix et du temps

[[U][F]] : la société sera probablement CAPEY
2: Mise en gras ajoutées par la cour.

»

De la même façon, le 9 janvier 2009, M. [F] échange avec M. [N] de la société RAD, fournisseur de FONEX, évaluant lui-même le montant des affaires qu’il veut détourner de la société FONEX, ainsi que la marge de la société FONEX sur ces affaires (pièce 33) :

« [[U][F]] : tu me donnerais la carte RAD, pour les petits produits FOM, RIC, si je quitte Fonex

[EH] : tout peut se discuter mais il faudra que je fasse valider par Israël (…) et il faut que tes futures équipes techniques viennent se former chez nous (…)

[[U][F]]: j’ai déjà booké [B] de Connect [CONNECT DATA est un client de la société FONEX]

[EH]: pourquoi, tu veux aller chez eux’

[FC]: non bien sur, mais j’ai des produits à lui vendre, et je lui ferais des produits connect data avec leur marque ».

[EH]: cool, tu veux monter ta propre structure ‘

[FC]: non, j’ai pas le cash, il me faudrait 300 K€, pour faire la trésorerie, mais j’ai les clients pour 1.6M€ sur 2009

[FC]: avec un GP [« gross product », i.e. marge] moyen de 35 %’.

Sur le détournement de documents de la société FONEX au profit de la société CAPEY et les conseils donnés à cette dernière

Les constats effectués le 9 avril 2009 au sein de la société CAPEY (pièces 7 bis et 21) ont permis la découverte au sein du système d’informations de cette société, à partir des mots-clé ‘FONEX’, ‘COVAGE’ (client FONEX) et ‘CWDM’ (équipement) entrés sur le serveur de la société CAPEY, de l’existence de plusieurs fichiers appartenant à la société FONEX (annexe 19).

Ont ainsi été retrouvés sur l’ordinateur de M. [J], dirigeant du site de [Localité 11] de la société CAPEY, des fichiers concernant des clients de la société FONEX (NEUF CEGETEL, SFR, FRANCE TELECOM, COVAGE), un répertoire intitulé ‘Projet [Localité 9]’ concernant la société COVAGE contenant des messages électroniques de M. [F], plusieurs messages de nature commerciale émanant de M. [F] adressés aux dirigeants de la société CAPEY (page 14 du procès-verbal de constat en pièce 21).

Il est apparu par ailleurs que M. [O] (dirigeant CAPEY) a adressé, le 31 décembre 2008, à M. [F] un message faisant suite à une demande de M. [D], directeur des opérations chez FONEX, qui indiquait reprendre ‘le relais de [U]’, et qui sollicitait un rendez-vous au sujet de la mise en place d’une coopération et d’un accord de confidentialité concernant des ‘coupleurs’ : « Bonjour [U], J’espère que vous allez bien, vous trouverez ci-joint le message de votre collègue qui se fait de plus en plus pressant !!!! Je pense lui faire une réponse de principe, je vais avoir du mal à le fuir éternellement. Qu’en pensez-vous ‘ ». Le 5 janvier 2009, M. [F] conseille alors les dirigeants de la société CAPEY (MM. [O] et [J], Mme [T]) sur l’attitude à tenir concernant la demande exprimée par M. [D] de signer un accord de confidentialité : « Demander lui un draft de l’accord de confidentialité, ce que Fonex veut mettre dedans, avec le prétexte que Capey travaille habituellement en solo sur ce genre de projet, que vous n’avez pas d’accord de confidentialité entre fournisseurs » (annexe 38.1 de la pièce 21). Par suite, Mme [T] répondra à M. [D] que la société CAPEY ne signera aucun accord de confidentialité pour le développement du produit (pièce 27). Ces échanges montrent donc, sans ambiguïté, que M. [F] était en relation suivie avec la société CAPEY et la conseillait sur l’attitude à tenir vis-à-vis de la société FONEX, avec laquelle il était encore lié par son contrat de travail et l’avenant signé le 31 mai 2008, et ce contre les intérêts de cette dernière.

Lors d’un échange, le 19 décembre 2008, avec ‘[Y]’ de la société ADTECH (fournisseur de FONEX), M. [F] lui demande de revoir une cotation pour le compte de la société CAPEY (pièce 30).

L’un des constats (pièce 21) révèle que M. [F] utilisait des adresses électroniques personnelles (wanadoo.fr ou sfr.fr) pour correspondre avec les dirigeants de la société CAPEY.

Sur le dénigrement de la société FONEX auprès de ses clients et fournisseurs

Le dénigrement allégué par la société FONEX est avéré au vu des échanges suivants entre M. [F] et des clients et fournisseurs de son employeur :

– échange précité du 31 octobre 2008 avec ‘[C]’ de la société RUBYTECH : ‘la compagnie qui remporte la relation avec SIEA est SOGETREL, et nous étions en conflit avec SOGETREL sur un autre projet, et donc nous nous avons tout perdu, notre CEO, [A] [W] [dirigeant de la société FONEX] préfère perdre que négocier, strictement confidentiel’ (pièce 11) ;

– échanges précités des 4 et 9 décembre 2008, avec la société EOPTOLINK (‘[B]’) : ‘Fonex n’est ni sérieux ni crédible (…) je suis sûr que [P] [employé de FONEX] va tout commander d’une autre compagnie après (…) je ne comprends pas sa manière de travailler, nous faisons de bons profits aujourd’hui avec vos prix (‘) [P] demande toujours plus mais il ne vend rien ‘,

– échange précité du 21 novembre 2008 avec ‘[Y]’ de la société ADTECH : « FONEX a une mauvaise mentalité, il demande toujours des prix bas pour faire plus de marge’, ‘j’ai peur que FONEX ne profite de la crise pour demander des rabais supplémentaires et s’approvisionne chez 2 ou 3 fournisseurs différents », « prendre des risques avec un bon partenaire est mieux que de ne pas recevoir de commandes d’un mauvais partenaire » (pièce 22) ;

– échange du 11 décembre 2008 avec M. [N] de la société RAD : « Je pense que pour RAD, FONEX c’est franchement pas le bon cheval », « les mecs ne font rien, ils se pointent à 9h30 partent à 12h30 reviennent à 14h et quittent vers 17h15 », « c’est comme les scorpions c’est dans leur nature, ils ne savent pas bosser, aucune méthode, qualité rédactionnelle médiocre, au téléphone c’est pire » (pièce 33) ;

– en réponse à une demande de M. [H] de la société COVAGE, cliente de la société FONEX, portant sur des équipements type bandeau optique, M. [F] répond le 25 novembre 2008 : « ‘Salut [L], comme discuté avec ton homonyme les tiroirs que nous [FONEX] avons déjà vendus ne sont pas de qualité correcte ou suffisante. Tu troueras donc ci-joint les nouvelles références que je te propose, fabrication française, délais d’appro plus court (…)’, afin de présenter les produits de la société concurrente CAPEY, à laquelle M. [F] transfère les courriels (pièce 19).

Ces propos, tenus à des fournisseurs et des clients de la société FONEX, dont il était alors encore le salarié, sont de nature à jeter le discrédit sur le fonctionnement et la qualité des produits et prestations proposés par cette dernière et sont ainsi constitutifs d’actes de dénigrement.

Sur les actes de concurrence déloyale postérieurs à la rupture du contrat de travail

Le constat au sein de la société CAPEY (pièce 7 bis) a révélé que le 8 avril 2009, M. [F] a fait une proposition commerciale à la société RUBYTECH, cliente de la société FONEX, en se comparant avec celle-ci : ‘ (…) Je suis en concurrence avec FONEX (vous vendez également du RC2002 à Fonex). Contre Fonex, je revendique la qualité Capey, 16 personnes, ISO 9001, 2 ans de garantie. Pour obtenir un client, j’achèterai 1% de produit en plus pour pouvoir exécuter correctement la garantie » (annexe 3) ; que le 9 avril 2009, il propose à la société COVAGE : « De mon côté je lui fournis mieux que FONEX en terme de service et de stock pour la garantie et je vais lui écrire, un peu mieux côté prix, mais je suis à 100% sur les mêmes produits » (annexe 3).

Cependant, M. [F] n’étant pas tenu par une clause de non-concurrence au-delà de la fin de son contrat de travail, et la clause prévue à l’avenant n’étant valable que pendant la durée du contrat, les actes de concurrence déloyale ne sont pas ici caractérisés, M. [F] ayant eu la liberté de contacter les clients de son ancien employeur, dont l’identité lui était parfaitement connue compte tenu de ses anciennes fonctions de directeur commercial chez FONEX, pour leur proposer des offres concurrentes à celles de la société FONEX qu’il connaissait également fort bien, sans avoir besoin d’utiliser des informations préalablement détournées.

En définitive, il résulte des développements qui précèdent que des éléments fiables, précis et concordants établissent que M. [F] a utilisé sa fonction de directeur commercial au sein de la société FONEX afin d’approcher et de détourner la clientèle et les fournisseurs de son employeur au profit de sa société ARIANE TELECOM et de la société CAPEY, son futur employeur, tous deux concurrents de la société FONEX , qu’il a détourné des documents appartenant à la société FONEX au profit de la société CAPEY et fourni des conseils à celle-ci et qu’il a également dénigré la société FONEX auprès de fournisseurs et d’un client de celle-ci, tous ces comportements ayant été commis pendant l’exécution de son contrat de travail avec la société FONEX et alors qu’un avenant à ce contrat avait été conclu, pour tenir compte spécialement de la création d’une société concurrente par le salarié, afin d’éviter tout ‘conflit d’intérêt’, par lequel M. [F] s’était obligé ‘à agir exclusivement pour le compte de la société et dans les intérêts de la société’.

Les actes de concurrence déloyale sont ainsi caractérisés.

En conclusion de son rapport, l’expert a notamment relevé que M. [F] ‘a copié des documents qui ne lui appartenait pas pour son compte et le compte de tiers (…) (CAPEY ELECTRONIQUE et ARIANE TELECOM). De plus, il a fait acte de concurrence déloyale en écrivant des propos qu’il a lui-même reconnus en cours de réunion d’expertise et qui n’ont jamais été démentis par son avocat [ M. [F] a changé d’avocat en appel] quand il en a été fait mention dans les comptes-rendus de réunions d’expertise’ (page 15).

C’est à juste raison que les premiers juges ont retenu que M. [F] ne pouvait utilement se prévaloir de l’ordonnance de non-lieu prononcée sur la plainte déposée par la société FONEX, dès lors que faute pénale et faute civile ne coïncident pas nécessairement, un acte pouvant être qualifié de concurrence déloyale alors que les éléments constitutifs des infractions pénales visées dans la plainte d’abus de confiance, accès frauduleux dans un système de traitement automatise des données, vol, dénonciation calomnieuse ne sont par ailleurs pas réunis.

Sur les demandes de la société FONEX relatives à la responsabilité de M. [F] en sa qualité de liquidateur amiable de la société ARIANE TELECOM

La société FONEX soutient que M. [F], désigné liquidateur amiable de la société ARIANE TELECOM, a commis des manquements délibérés dans l’exercice de ses fonctions de liquidateur, ce qui lui a causé un préjudice ; que le 31 décembre 2013 l’assemblée générale de la société ARIANE TELECOM (composée des deux associés, M. [F], gérant-associé majoritaire, et M. [I], associé minoritaire) réunie en session extraordinaire, a adopté un procès-verbal actant notamment la dissolution anticipée de la société et la nomination de M. [F] en tant que liquidateur amiable ; que cette assemblée extraordinaire est intervenue moins de deux mois après l’audience du 5 novembre 2013 devant le tribunal de grande instance de Paris au cours de laquelle la société FONEX a présenté ses dernières demandes indemnitaires à l’encontre de la société ARIANE TELECOM ; qu’il ne fait pas de doute que la dissolution anticipée de la société était liée à l’instance en cours, opposant la société FONEX et la société ARIANE TELECOM ; que non seulement M. [F] n’a pas approvisionné les créances litigieuses liées à l’instance en cours contre la société FONEX, comme le prévoit le code de commerce, mais, au contraire, il s’est empressé d’organiser la liquidation de la société ARIANE TELECOM, voire a accéléré sa radiation ; que ses fonctions de liquidateur amiable, compte tenu de l’instance en cours avec FONEX, l’obligeaient à différer la clôture de la liquidation ou de solliciter une procédure collective ; qu’en outre, M. [F] a participé à la création d’une société COMYNTER LYNK, immatriculée le 16 mai 2013, dont l’activité est notamment le commerce de gros d’équipements informatiques périphériques, soit la même activité qu’ARIANE TELECOM et située à la même adresse et qui a été radiée en février 2017 ; que ces agissements justifient la responsabilité personnelle de M. [F] en tant que liquidateur amiable.

M. [F] ne répond pas sur ce point.

La cour fait sienne l’appréciation du tribunal qui a estimé que la chronologie des événements exposée par la société FONEX n’est pas suffisante pour démontrer que M. [F] a intentionnellement manqué à ses obligations de liquidateur amiable dans le but de priver son ancien employeur de la possibilité d’engager la responsabilité civile de la société ARIANE TELECOM. La cour observe en particulier que l’assemblée générale du 31 décembre 2013 lors de laquelle la liquidation amiable de la société ARIANE TELECOM a été décidée intervient près de quatre ans après l’introduction de l’instance par la société FONEX, selon assignation du 3 février 2010.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société FONEX de ce chef.

Sur les mesures réparatrices

M. [F] soutient que la société FONEX n’a pas subi de préjudice commercial ; que le jugement dont appel chiffre de façon totalement arbitraire, sans aucun élément factuel, comptable ou financier, sans motiver son calcul, le préjudice prétendument subi par FONEX à 100 000 euros ; qu’en ce qui concerne l’appel d’offre SFR remporté par CAPEY durant l’été 2009, il a sollicité en vain qu’il soit demandé à la société SFR de s’expliquer sur ce marché ; qu’en réalité, il n’a joué aucun rôle dans l’obtention de ce marché portant sur des coupleurs PLC PON par CAPEY ; que les produits commandés étaient techniquement totalement différents de ceux précédemment sélectionnés ; que c’est grâce aux compétences techniques et commerciales reconnues de M. [F] que CAPEY a négocié et remporté la consultation de SFR en proposant des prix très inférieurs (de 36 % à 45 % selon les produits) ; que si CAPEY avait connu l’offre de FONEX, elle aurait ajusté plus finement sa propre offre ; que la prétendue perte du marché C-DWDM n’a jamais été due à un détournement par CAPEY ou ARIANE TELECOM ; que la perte de chiffre d’affaires de FONEX et la prétendue perte d’images sont le fait des erreurs de gestion de MM. [W] et [D], et d’une politique du profit totalement inadaptée à un marché fortement compétitif, dans un contexte de récession en 2009 que tous les opérateurs ont ressenti avec des contractions parfois brutales de leur chiffre d’affaires ; que M. [F] n’a retiré personnellement aucun avantage, aucun enrichissement des pratiques dénoncées ; que les chiffres d’affaires de la société ARIANE TELECOM sont passés de 12.600 € en 2008 à 38.900 € pour 2010 ; qu’il n’est nullement démontré que le chiffre d’affaires perdu par FONEX ait été acquis par ARIANE TELECOM ou par CAPEY ; que le préjudice moral de la société FONEX est tout aussi inexistant.

La société FONEX soutient avoir subi un préjudice matériel du fait des actes de concurrence déloyale commis par M. [F]. Elle invoque un premier poste de préjudice sur les produits coupleurs PON qu’elle commercialise et qui constituent un marché en expansion, faisant valoir que M. [F] a permis, par le biais de man’uvres déloyales, à la société CAPEY de conclure un contrat avec la société SFR portant sur ces coupleurs, alors qu’elle avait émis un projet d’offre et déjà conclu le même marché en 2008 et que depuis la commande faite à CAPEY en août 2009, SFR jamais plus n’a passé commande de coupleur PON chez FONEX. Elle invoque un second poste de préjudice liés aux autres produits qu’elle commercialise, arguant que grâce aux documents et informations que M. [F] lui a subtilisés et qu’il a exploités lors de son arrivée au sein de la société CAPEY, celle-ci a développé de nouveaux projets sur des produits commercialisés jusqu’alors par FONEX ; que ce détournement d’affaires s’est traduit par une baisse de son chiffre d’affaires sur les produits antérieurement commercialisés par M. [F].

Elle prétend avoir en outre subi un préjudice moral qu’elle estime à 500 000 €, lié à l’atteinte à sa réputation résultant de la perte de marchés sur la plupart de ses produits, de nature à créer un doute sur son efficacité et de sa constance auprès de ses autres clients et prospects, et lié également aux critiques dénigrantes de M. [F] ; que les comportements dénoncés ont mis à mal son image de marque et sa réputation et lui ont aussi causé un trouble commercial du fait que sur les 4 fournisseurs démarchés par M. [F], deux sont devenus ceux de la société CAPEY et qu’il lui a fallu plus de 10 mois pour trouver un remplaçant à M. [F].

Ceci étant exposé, la cour rappelle que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle.

Dans son rapport, l’expert estime que M. [F] ‘alors qu ‘il était directeur commercial de FONEX a permis à l’un des concurrents de cette dernière, la société CA PEY, de conclure un contrat avec la société SFR (portant sur des coupleurs PON)’ (page 8). Il se fonde pour cela sur l’historique informatique de l’ordinateur de M. [F], montrant notamment que le 7 janvier 2009, jour d’une visite ‘secrète’ au sein de la société CAPEY, le directeur commercial, qui était encore salarié de la société FONEX, a ouvert notamment le document informatique concernant le projet FONEX d’offre pour SFR (procès-verbal de constat du 9 avril 2009 – pièce 21). Cette pièce a été, selon toute vraisemblance eu égard à l’attitude déloyale de M. [F] à cette époque telle qu’elle ressort des messages SKYPE et des mails examinés supra, alors transmis à la société CAPEY, lui permettant de présenter une offre préférentielle et d’augmenter ses chances d’emporter le marché parmi les différents candidats. M. [F] a prétendu devant l’expert, comme devant la cour, que les produits de la société CAPEY étaient différents de ceux proposés par la société FONEX mais sans en apporter la preuve.

Le comportement fautif de M. [F] a donc causé à la société FONEX un préjudice matériel consistant en une perte de chance de conserver le contrat SFR en 2009.

En se basant sur l’évaluation de la société FONEX selon laquelle le marché des coupleurs pour la période août 2009/juillet 2010 serait évalué à 900k€, l’expert a estimé ce préjudice à 108 000 € (900 000 € /12 % de marge) (page 9).

Cependant la seule facture en date du 25 août 2009 adressée à SFR produite au débat (pièce 39) portant sur ces coupleurs est d’un montant de 13 475 € HT, aucun élément n’est fourni pour justifier l’évaluation de 900 K€, et le fait, non contesté, que la société FONEX n’ait plus ensuite été retenue par la société SFR pour la fourniture de coupleurs PON doit être relativisé dès lors que cet opérateur ne se fournissait auprès de la société FONEX que depuis un an et demi et qu’on ne peut dès lors considérer qu’il existait entre les deux sociétés ‘une relation contractuelle suivie’ comme retenu par les premiers juges.

Par ailleurs, s’il est vrai que la société FONEX a connu une baisse importante de son chiffre d’affaires en 2009/2010, passé de 2,521 M€ pour l’exercice 2008/2009 à 1,609 M€ pour l’exercice 2009/2010, alors même que la société CAPEY voyait son propre chiffre d’affaires croître à proportion (1,392 M€, puis 2,373 M€) (pages 8 et 13 du rapport d’expertise), et qu’il s’en déduit raisonnablement que le détournement d’affaires au profit de la société CAPEY a porté sur d’autres produits que les coupleurs PON, d’autres facteurs ont pu également contribuer à cette évolution : le départ, suite à son licenciement, de M. [F], directeur commercial, qui, selon la société intimée, n’a pas été immédiatement remplacé ; de plus, compte tenu des liens intuitu personae qui se nouent inévitablement entre un directeur commercial en charge du suivi de la clientèle et des clients de la société qui l’emploie, comme ça a été le cas de M. [F] au vu des échanges examinés ci-dessus, certains d’entre eux ont pu légitimement, en dehors de tout acte de détournement déloyal, suivre le directeur commercial lors de son départ de la société FONEX et son arrivée au sein de la société CAPEY.

Dans ces conditions, la cour dispose des éléments suffisants pour ré-évaluer le préjudice matériel de la société FONEX à la somme de 60 000 €.

La somme devant réparer le préjudice moral de la société FONEX résultant des actes de dénigrement de son directeur commercial auprès de fournisseurs et de clients et de l’atteinte à sa réputation qui en est résultée sera fixé à la somme de 10 000 €.

Le jugement sera réformé en ce sens. Les sommes allouées produiront des intérêts au taux légal à compter du jugement, et la capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’ancien article 1154 du code civil, applicable au litige.

Sur la demande indemnitaire de M. [F]

M. [F] soutient qu’il a subi un préjudice en raison de la violation constante du principe du contradictoire dans ce dossier ; qu’il a en particulier été privé de la possibilité de se défendre du fait que des saisies ont été opérées sur du matériel qui est resté sans scellés quatre mois entre les mains du saisissant, que l’expertise a été menée à charge sans qu’il ait la possibilité de répondre, que les sociétés ARIANE TELECOM et CAPEY au profit desquelles il est censé avoir ‘uvré ont disparu ; que les saisies-attribution diligentées à son encontre par la société FONEX sont disproportionnées ; qu’il y a une volonté de la société FONEX de lui nuire ; que son préjudice ‘inclut également la perte due à la qualification de faute lourde retenue par FONEX lors de son licenciement’.

Il a cependant été exposé supra que M. [F] avait bénéficié du respect du principe contradictoire au cours de l’expertise qui a donné lieu à huit réunions au cours desquelles il a pu être entendu, ainsi que son conseil, chacune de ces réunions étant suivie d’un compte-rendu soumis à la critique des parties ; il a pu tout autant critiquer les conclusions de l’expert informaticien qui a participé à 5 réunions organisées par l’expert judiciaire. M. [F] n’explicite pas en quoi la disparition des sociétés ARIANE TELECOM et CAPEY serait imputable à la société FONEX. Comme il a été dit, le délégataire du premier président de la cour d’appel de Paris, dans son ordonnance du 16 juin 2021, a notamment rejeté la demande de M. [F] tendant à voir arrêter l’exécution provisoire attachée au jugement, estimant que la preuve n’était pas rapportée de l’impossibilité alléguée d’exécuter le jugement, ni celle du risque de non recouvrement des sommes mises à la charge de l’appelant en cas d’infirmation du jugement par la cour d’appel. Enfin, M. [F] ne saurait, devant cette cour et à l’occasion de ce litige, contester son licenciement prononcé pour faute lourde alors que son action devant la juridiction prud’homale a été déclarée caduque.

Le sens de la présente décision, qui reconnaît l’existence d’agissements de concurrence déloyale de la part de M. [F] ayant causé un préjudice à la société FONEX, conduit, dans ces conditions, au rejet de la demande indemnitaire reconventionnelle de l’appelant.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [F], partie perdante pour l’essentiel, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens (en ce compris les frais d’expertise judiciaire) et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 8 351,05 euros au titre des frais d’huissiers de justice, celle de 17 735,16 euros au titre des frais d’expertises informatiques.

La somme qui doit être mise à la charge de M. [F] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société FONEX peut être équitablement fixée à 8 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné M. [F] à payer à la société FONEX la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et celle de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne M. [F] à payer à la société FONEX, à titre de dommages et intérêts, la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Dit que les sommes allouées produiront des intérêts au taux légal à compter du jugement et la capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’ancien article 1154 du code civil,

Déboute la société FONEX du surplus de ses demandes,

 

Condamne M. [F] aux dépens d’appel et au paiement à la société FONEX de la somme de 8 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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