Accident de tournage : loi du 5 juillet 1985 applicable

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Accident de tournage : loi du 5 juillet 1985 applicable
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En matière d’accident de tournage, la loi du 5 juillet 1985 est applicable à l’indemnisation des dommages subis par les spectateurs lors d’un exercice de cascade réalisé durant le tournage d’un film à l’aide d’un véhicule terrestre à moteur, ce dont il résulte qu’elle s’applique, par suite, à ceux subis par le producteur, victime par ricochet.
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 14 juin 2012, 11-13.347 11-15.642

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :


Joint les pourvois n°E 11-15.642 et n°K 11-13.347 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Europacorp, venant aux droits de la société Leeloo productions (le producteur), assurée auprès de la société Chartis Europe, venant aux droits de la société AIG Europe (l’assureur), a produit le film “Taxi 2” pour lequel la société Rémy Julienne Performances avait en charge la réalisation de cascades avec des véhicules fournis par la société des automobiles Peugeot ; que le 16 août 1999, lors d’une cascade consistant à faire sauter l’un de ces véhicules au-dessus de deux chars AMX 30, sur la chaussée d’une portion d’un boulevard de la ville de Paris qui avait été temporairement fermée à la circulation publique par l’autorité administrative, un caméraman a été tué et deux assistants blessés par ce véhicule ; que l’assureur a indemnisé le producteur pour le retard pris dans le tournage et les frais supplémentaires ainsi occasionnés à hauteur de la somme de 285 265,50 euros, et a ensuite assigné la société Rémy Julienne Performances, la société des automobiles Peugeot et son assureur flotte, la société AXA Corporate Solutions, en remboursement de cette somme, sur le fondement de l’article L. 121-12 du code des assurances et de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ; que la société Rémy Julienne Performances a appelé le producteur en garantie ; que la société AXA France IARD, assureur du véhicule, est intervenue volontairement à l’instance ;

Attendu que le moyen unique du pourvoi n°E 11-15.642 n’est pas de nature à permettre son admission ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n°K 11-13.347 :

Vu l’article 1er de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ;

Attendu que pour dire que la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 n’était pas applicable à l’accident survenu le 16 août 1999, l’arrêt retient que l’accident a eu lieu sur une voie fermée à la circulation par arrêté du préfet de Police, qui y a autorisé la pratique de la cascade à l’origine de l’accident ; qu’ainsi celui-ci est intervenu sur une voie interdite à la circulation et dédiée pendant le temps de cette interdiction, exclusivement à la réalisation de cascades dans le cadre d’une production cinématographique au tournage de laquelle participaient les victimes ; qu’il ne saurait donc s’agir d’un accident de la circulation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la loi du 5 juillet 1985 est applicable à l’indemnisation des dommages subis par les spectateurs lors d’un exercice de cascade réalisé durant le tournage d’un film à l’aide d’un véhicule terrestre à moteur, ce dont il résulte qu’elle s’applique, par suite, à ceux subis par le producteur, victime par ricochet, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a rejeté les exceptions d’irrecevabilité et confirmé le jugement déféré de ce chef, l’arrêt rendu le 5 octobre 2010 par la cour d’appel de Paris ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Europacorp et la société AXA France IARD aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société AXA France IARD à payer à la société Chartis Europe la somme de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille douze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n°K 11-13.347 par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, pour la société Chartis Europe.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR infirmé le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 8 janvier 2008 (RG n°04/19055 – Minute n°2) en ce qu’il a dit applicable loi n°85-677 du 5 juillet 1985 à l’accident survenu le 16 août 1999 lors du tournage du film « TAXI 2 »;

AUX MOTIFS QU’AXA CORPORATE SOLUTIONS, qui conteste l’application aux faits de la loi du 5 juillet 1985 avance que la société EUROPACORP est responsable de l’accident, la garde du véhicule litigieux lui ayant été transférée par le contrat de partenariat ; que la société CHARTIS EUROPE répond que la loi du 5 juillet 1985 est applicable à l’espèce, l’accident ayant eu lieu sur une voie et dans un lieu ouvert à la circulation, que la réalisation de cascades n’exclut pas l’application de cette loi, que la société RÉMY JULIENNE PERFORMANCES avait la garde du véhicule celui-ci étant conduit par son préposé au moment de l’accident ; que toutefois l’accident a eu lieu sur une voie fermée à la circulation par arrêté du préfet de Police, qui y a autorisé la pratique de la cascade à l’origine de l’accident ; qu’ainsi celui-ci est intervenu sur une voie interdite à la circulation et dédiée pendant le temps de cette interdiction, exclusivement à la réalisation de cascades dans le cadre d’une production cinématographique au tournage de laquelle participaient les victimes; qu’il ne saurait donc s’agir d’un accident de la circulation ;

ALORS QUE la participation de la victime, non pas à une cascade, mais au tournage de cette cascade, sur une voie interdite à la circulation et dédiée, pendant le temps de cette interdiction, exclusivement à la réalisation de cascades dans le cadre d’une production cinématographique, est impropre à exclure la qualification d’accident de la circulation au sens de l’article 1er de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ; qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants, la Cour a violé ce texte.
Moyen produit au pourvoi n°E 11-15.642, par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la société AXA France IARD.

II est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR rejeté «l’exception d’irrecevabilité », soulevée par l’assureur (la société AXA FRANCE IARD) d’un véhicule ayant provoqué un accident lors d’une cascade effectuée dans le cadre du tournage du film « Taxi II », du recours subrogatoire formé à son encontre par l’assureur (la société CHARTIS EUROPE) des risques cinématographiques du producteur du film (la société EUROPACORP), la réalisation des cascades ayant cependant été confiée à une société spécialisée (la société REMY JULIENNE PERFORMANCES) ;

AUX MOTIFS OU’au soutien de son appel, la société AXA FRANCE IARD faisait valoir que le recours de la société CHARTIS EUROPE était irrecevable, dès lors qu’il visait l’assureur de son propre assuré, les conditions contractuelles interdisant à la société CHARTIS EUROPE un tel recours ; qu’aux termes de l’article 5-7 des conditions générales de la police d’assurance souscrite auprès de la société CHARTIS EUROPE, « les assureurs n ‘exerceront pas de recours, en cas de sinistre, contre le ou les assurés, ensemble ou individuellement, les directeurs, l’ensemble du personnel engagé pour la “production assurée” et, en général, contre toutes les personnes dont l’assuré serait reconnu responsable (le cas de malveillance excepté), ainsi que contre toute personne ou entité juridique envers lequel l’assuré aurait lui-même renoncé à recours ; mais si le responsable est assuré, les assureurs peuvent, malgré cette renonciation, exercer leurs recours contre l’assureur du responsable, dans la limite de cette assurance” ; que le recours introduit par la société CHARTIS EUROPE visait la compagnie AXA FRANCE IARD en tant qu’elle assurait le véhicule à l’origine de l’accident ; que le contrat souscrit par la compagnie EUROPACORP auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD définissait l’assuré comme étant « les sociétés de production ou les personnes physiques utilisant un véhicule dans le cadre d’une activité cinématographique » ; qu’au regard des faits de l’espèce, le véhicule était utilisé par la société REMY JULIENNE PERFORMANCES, qui avait organisé la cascade et dont le préposé était au volant ; que l’assuré était ainsi contractuellement la société REMY JULIENNE PERFORMANCES et non la société EUROPACORP ; qu’il s’ensuivait qu’il ne pouvait être reproché à la société CHARTIS EUROPE d’exercer un recours contre l’assureur de son assuré ; que l’exception d’irrecevabilité devait ainsi être rejetée de ce chef ;

1°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis d’une police d’assurance ; qu’en l’espèce, la cour, qui a déclaré recevable le recours subrogatoire formé par la société CHARTIS EUROPE contre la société AXA FRANCE IARD, en énonçant que l’assuré était contractuellement la société REMY JULIENNE, alors que le cocontractant de la société AXA FRANCE IARD était la société EUROPACORP, également assurée, mais pour des risques différents, par la société CHARTIS, et à l’encontre de laquelle cette dernière avait contractuellement renoncé à recourir, a dénaturé les termes clairs et précis de la police d’assurance automobile souscrite auprès de l’exposante, en violation des prescriptions de l’article 1134 du code civil ;

2°/ ALORS QUE l’assuré contractuel est la partie qui souscrit la police d’assurance ; qu’en l’espèce, la cour qui, pour déclarer recevable le recours subrogatoire formé par la société CHARTIS EUROPE, malgré la stipulation d’une immunité contractuelle dans sa police, a énoncé que l’assuré contractuel de la police d’assurance automobile souscrite auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD était la société REMY JULIENNE, quand cet assuré « contractuel » était la société EUROPACORP, de sorte qu’aucun recours subrogatoire ne pouvait être exercé par la société CHARTIS EUROPE, à son encontre ou à celui de son assureur, a méconnu la loi du contrat, en violation de l’article 1134 du code civil ;

3°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu’en l’espèce, la cour, qui a déclaré recevable le recours subrogatoire de la société CHARTIS EUROPE contre la société AXA FRANCE IARD sans répondre aux conclusions de l’exposante qui avait fait valoir que le recours subrogatoire de la société CHARTIS EUROPE ne pouvait être dirigé contre la société AXA FRANCE IARD qui ne garantissait que les dommages corporels et matériels causés aux tiers à raison d’un accident dans lequel le véhicule assuré était impliqué, et non les dommages immatériels résultant des pertes générées par la suspension du tournage du film « Taxi II », a méconnu les prescriptions de l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE le recours subrogatoire contre l’assureur automobile n’est recevable que si la dette de responsabilité de l’assuré est établie ; qu’en l’espèce, la cour qui, après avoir déclaré la loi du 5 juillet 1985 inapplicable, a sursis à statuer sur le principe de la responsabilité de la société REMY JULIENNE, mais a quand même déclaré recevable le recours subrogatoire de la société CHARTIS EUROPE à rencontre de la société AXA FRANCE IARD, a omis de tirer les conséquences légales qui s’induisaient de ses propres constatations, en violation de l’article L.121-12 du code des assurances.


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