Accident de la route des artistes : un préjudice spécifique

Accident de la route des artistes : un préjudice spécifique

Dans le cadre d’un accident de la route, les artistes peuvent obtenir l’indemnisation des préjudices spécifiques dont ils sont victime.

En l’occurrence, les attestations établies témoignent de ce que, dès les premiers concerts réalisés après l’accident une diminution de la taille de l’artiste et qu’il a dû positionner le microphone environ 7 centimètres au-dessous du repère habituel.

La diminution de la taille de l’artiste de l’ordre de 7 à 8 centimètres était liée à l’affaissement disco-corporéal consécutif au traumatisme initial et non à une camptocomie dont aucune des praticiens n’a fait état. Ce préjudice esthétique permanent, compte tenu de son importance, a été évalué par les premiers juges à la somme de 10 000 euros.


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 11

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2023

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/22358 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4BV

Décision déférée à la Cour : jugement du 18 novembre 2021- tribunal judiciaire de MEAUX- RG n° 13/04906

APPELANTS

Monsieur [G] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 11]

Représenté par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assisté par Me LABORIE Géraldine, avocat au barreau de PARIS

S.A. LES EDITIONS DE L’ECRITOIRE

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée par Me LABORIE Géraldine, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Madame [D] [H]

[Adresse 4]

[Localité 5]

n’a pas constitué avocat

CPAM DE SEINE ET MARNE

[Adresse 12]

[Localité 6]

n’a pas constitué avocat

S.A. GMF ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté par Me BRIGAS Francisco, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Madame Emeline DEVIN

ARRÊT :

  • rendu par défaut
  • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
  • signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
    Exposé du litige

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 juillet 2010, M. [G] [Z], auteur, compositeur, interprète, a été victime d’un accident de la circulation à Localité 9 alors qu’il était passager du véhicule conduit par Mme [D] [H] et assuré auprès de la société GMF assurances (la société GMF).

Une première expertise amiable a été réalisée, à l’initiative de la société GMF, par le Docteur [I] qui, dans un rapport établi le 15 novembre 2010, a conclu que l’état de M. [Z] n’était pas consolidé.

Une seconde expertise amiable a été réalisée par le Docteur [W] qui a établi son rapport définitif le 13 septembre 2011.

Contestant les conclusions de cet expert, M. [Z] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux qui a, par ordonnance du 2 mai 2012, ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [C] qui a établi son rapport définitif le 29 janvier 2013.

M. [Z] et la société Les Editions de l’écritoire, société d’édition musicale, ont alors assigné Mme [H], la société GMF et la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne (la CPAM) devant le tribunal de grande instance de Meaux afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.

Par un premier jugement du 13 septembre 2016, cette juridiction a :

  • dit que la société GMF sera condamnée à garantir l’entier dommage subi par M. [Z] à raison de l’accident du 16 juillet 2010,
  • condamné la société GMF à payer à M. [Z] en réparation du préjudice corporel subi par ce dernier à la suite de l’accident de la circulation dont il a été victime le 16 juillet 2010, les sommes de :

Préjudices patrimoniaux temporaires :

  • dépenses de santé actuelles : poste de préjudice réservé pour M. [Z] (part de la CPAM arrêtée à la somme de 1 077,62 euros),
  • pertes de gains professionnels actuels : 22 912 euros pour le manque à gagner sur les concerts individuels et réservé pour le manque à gagner lié aux droits d’exécution publique jusqu’au 12 mars 2012 (part de la CPAM arrêtée à la somme de 2 404 euros),

Préjudices patrimoniaux permanents :

  • incidence professionnelle : poste de préjudice réservé

Préjudices extra-patrimoniaux :

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

  • souffrances endurées : 6 000 euros,

Préjudices extra-patrimoniaux permanents :

  • déficit fonctionnel permanent : 15 000 euros,
  • préjudice d’agrément : 3 000 euros,

dont il convient de déduire les provisions déjà versées de 8 500 euros,

  • ordonné la réouverture des débats concernant le poste de préjudice des frais de santé actuels et enjoint à M. [Z] de préciser s’il a souscrit une mutuelle santé et, dans ce cas, verser un certificat concernant la prise en charge par sa mutuelle de ses frais de santé en lien avec l’accident du 16 juillet 2010 et de produire la facture concernant les frais d’assistance et de conseil allégués,
  • réservé le calcul du poste de préjudice des frais de santé actuels,
  • ordonné la réouverture des débats et enjoint M. [Z] de fournir les justificatifs de la société des Auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la SACEM) relatifs aux droits d’exécution publique sur ses concerts de 2009 au 12 mars 2012,
  • réservé le calcul du poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels par manque à gagner sur les droits d’auteur pour l’exécution publique des oeuvres,
  • débouté M. [Z] de sa demande fondée sur un manque à gagner sur les royalties d’interprète sur les ventes de disques,
  • débouté M. [Z] de sa demande fondée sur un manque à gagner sur les droits d’auteur compositeur perçus sur les ventes de disques,
  • réservé le calcul du poste de préjudice lié à l’incidence professionnelle,
  • ordonné la réouverture des débats concernant le manque à gagner évoqué par la société Les Editions de l’écritoire sur les concerts individuels de M. [Z] et enjoint à cette société de fournir les justificatifs du forfait de 800 euros par concert allégué,
  • réservé le calcul du poste du manque à gagner de la société Les Editions de l’écritoire sur les concerts,
  • ordonné la réouverture des débats pour enjoindre à la société Les Editions de l’écritoire de fournir les justificatifs de la SACEM relatifs aux droits d’exécution publique sur les concerts de M. [Z] de 2009 au 12 mars 2012,
  • réservé les demandes formées par la société Les Editions de l’écritoire relatives à la perte des droits d’édition au titre de l’exécution publique des oeuvres,
  • débouté la société les Editions de l’écritoire de sa demande relative à une perte de redevances en qualité de producteur des enregistrements,
  • débouté la société Les Editions de l’écritoire de sa demande relative à un manque à gagner sur les droits l’éditeur perçus sur les ventes de disques,
  • renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 10 novembre 2016,
  • réservé les demandes relatives à l’exécution provisoire, aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [Z] ayant interjeté appel de ce jugement, l’affaire a été renvoyée à la mise en état et par ordonnance du 27 mars 2017, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel.

Par un arrêt du 18 février 2019, la cour d’appel de ce siège a pour l’essentiel :

  • déclaré irrecevables en cause d’appel les demandes de M. [Z] et de la société Les Editions de l’écritoire restées pendantes devant le tribunal de grande instance de Meaux,
  • infirmé partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur les points infirmés
  • rejeté la demande indemnitaire de M. [Z] pour perte de gains professionnels actuels,
  • rejeté les demandes indemnitaires de la société Les Editions de l’écritoire pour perte de rémunération forfaitaire et perte de droits d’édition sur les concerts manqués ou annulés,
  • confirmé les autres dispositions du jugement,
  • dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
  • dit que les dépens d’appel incombent à M. [Z] et à la société Les Editions de l’écritoire, et qu’ils pourront être recouvrés par l’avocat de la société GMF.

La cause du sursis à statuer ayant disparu, la procédure a été reprise devant le tribunal judiciaire de Meaux et Mme [Y] [V] épouse [Z] est intervenue volontairement à l’instance.

Par jugement du 18 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a :

  • condamné la société GMF à payer à M. [Z] la somme complémentaire de 44 159,77 euros en réparation de son préjudice lié à l’accident du 16 juillet 2010,
  • rejeté la demande de la société Les Editions de l’écritoire de condamnation de la société GMF à lui payer la somme de 246 334 euros en réparation de son préjudice lié à l’accident de M. [Z] du 16 juillet 2010,
  • condamné la société GMF à payer à Mme [Z] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,
  • rejeté la demande M. [Z] de voir déclarer le présent jugement commun et opposable à la CPAM,
  • condamné la société GMF à payer à M. et Mme [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile,
  • condamné la société GMF aux dépens avec recouvrement direct au profit de Maître Stanislas de Jorna de la Selas Fidal, avocat,
  • ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 17 décembre 2021, M. [Z] et la société Les Editions de l’écritoire ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a débouté cette dernière de ses demandes et limité la condamnation de la société GMF à l’égard de M. [Z] à la somme complémentaire de 44 159,77 euros en réparation de son préjudice lié à l’accident du 16 juillet 2010 et à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes.

Mme [Y] [V] épouse [Z] n’a pas été intimée.
Moyens

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [Z] et de la société Les Editions de l’écritoire notifiées le 19 avril 2023, aux termes desquelles, ils demandent à la cour de :

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

Vu les articles 328 et suivants du code de procédure civile,

À titre principal,

  • confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu le préjudice esthétique de M. [Z] et l’a évalué à la somme de 10 000 euros,
  • confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GMF au paiement de la somme de 4 159,77 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
  • infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

  • condamner la société GMF au paiement de la somme de 15 685,98 euros au titre des frais divers,

Sur l’incidence professionnelle :

  • condamner la société GMF au paiement de la somme de 209 913,10 euros au titre de l’incidence professionnelle avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’accident,

Sur les pertes de gains professionnels futurs :

  • déclarer les demandes de M. [Z] recevables à ce titre,
  • déclarer les demandes de la société Les Editions de l’écritoire recevables à ce titre,
  • condamner la société GMF au paiement de la somme de 1 937 242,49 euros au titre « des pertes de gains professionnels futurs » de M. [Z],
  • condamner la société GMF au paiement de la somme de 295 764,51 euros au titre « des pertes de gains professionnels futurs » de la société Les Editions de l’écritoire,
  • condamner la société GMF au paiement des intérêts au double du taux légal sur le montant des indemnités allouées à M. [Z] par la cour, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, pour la période allant du 12 mars 2012 jusqu’à la date à laquelle le présent arrêt sera devenu définitif, outre les intérêts au taux légal à compter de cette date et jusqu’à complet paiement, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,

A titre subsidiaire :

  • ordonner une expertise financière,
  • désigner tel expert qu’il plaira à la cour aux fins de chiffrer le préjudice financier subi par M. [Z],

En tout état de cause,

  • condamner la société GMF au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et aux frais d’expertise.

Vu les conclusions de la société GMF, notifiées le 7 avril 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

  • infirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu’il a condamné la société GMF à verser à M. [Z] une somme de 10 000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice esthétique,
  • confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

  • débouter M. [Z] de sa demande d’indemnisation au titre de son préjudice esthétique,
  • débouter M. [Z] et la société Les Editions de l’écritoire de l’ensemble de leurs demandes formulées en cause d’appel à l’égard de la société GMF,
  • débouter M. [Z] de sa demande de condamnation au doublement des intérêts légaux,
  • condamner in solidum M. [Z] et la société Les Editions de l’écritoire à payer à la société GMF la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
  • condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Ohana.

Mme [H], à laquelle la déclaration d’appel a été signifiée par acte du 4 février 2022 délivré suivant les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.

Bien que destinataire de la déclaration d’appel qui lui a été signifiée à personne habilitée par acte du 2 mars 2022, la CPAM n’a pas constitué avocat. Elle a, en revanche, à la demande du conseiller de la mise en état, communiqué le décompte définitif de ses débours en date du 28 mars 2022, lequel a été transmis aux avocats des parties par les soins du greffe.
Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 18 février 2019

La société GMF fait valoir que l’arrêt du 18 février 2019 a autorité de chose jugée en ce qu’il a retenu que M. [Z] ne justifiait d’aucune perte de salaire sur les concerts qu’il a réalisés, ni de pertes de droits d’auteur et autres royalties en découlant ; elle avance que les demandes de M. [Z] et de sa société d’édition au titre des pertes de gains professionnels futurs sont en réalité fondées sur des éléments de préjudice dont ils ont déjà été déboutés.

Sur ce, il résulte de l’article 1351, devenu 1355 du code civil et de l’article 480 du code de procédure civile, que l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement et a été tranché dans son dispositif.

Par ailleurs, il résulte de l’article 1351, devenu 1355 du code civil, que s’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, il n’est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

En l’espèce, la cour d’appel n’a statué dans le dispositif de son précédent arrêt du 18 février 2019 que sur les pertes de revenus de M. [Z] antérieures à la date de consolidation et sur la demande de la société Les Editions de l’écritoire tendant à voir indemniser son préjudice financier pendant cette même période, demandes qui ont été rejetées.

L’autorité de chose jugée attachée à cette décision ne fait ainsi obstacle ni à ce que M. [Z] formule une demande d’indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs sur laquelle la cour ne s’est pas prononcée, ni à ce que la société Les Editions de l’écritoire présente une demande d’indemnisation de son préjudice financier pour la période postérieure à la date de consolidation, demande sur laquelle la cour n’a pas statué, dès lors qu’elle n’était pas incluse dans la demande initiale.

L’autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt ne fait pas davantage obstacle à ce que M. [Z] sollicite l’indemnisation des postes de préjudice précédemment réservés, à savoir les dépenses de santé actuelles, les frais d’assistance à expertise et l’incidence professionnelle, de même que l’indemnisation des autres frais divers et du préjudice esthétique permanent sur lequel la cour d’appel n’a pas statué, s’agissant d’éléments de préjudice non inclus dans la demande initiale.

Les demandes de M. [Z] et de la société Les Editions de l’écritoire sont ainsi recevables.

Sur les postes du préjudice corporel de M. [Z] discutés devant la cour

L’expert judiciaire, le Docteur [C], indique dans son rapport définitif en date du 29 janvier 2013 que M. [Z] a présenté à la suite de l’accident du 16 juillet 2010 une fracture fermée de la 1ère vertèbre lombaire avec tassement du corps vertébral au tiers inférieur de ladite vertèbre, ainsi qu’une rupture corticale de la 9ème côte droite.

L’expert retient que M. [Z] conserve comme séquelles des douleurs résiduelles séquellaires de la fracture du rachis dorso-lombaire, associées à un enraidissement modéré mais indiscutable du tronc, ainsi qu’un déficit fonctionnel respiratoire modéré.

Il conclut son rapport ainsi qu’il suit :

  • déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 16 juillet 2010 au 6 septembre 2010
  • déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 20 % du 7 septembre 2010 au 6 décembre 2010
  • déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 15 % du 7 décembre 2010 jusqu’à la date de consolidation le 12 mars 2012
  • consolidation le 12 mars 2012
  • souffrances endurées de 3/7
  • déficit fonctionnel permanent de 12 %
  • pas d’atteinte esthétique caractérisée
  • il existe une gêne professionnelle
  • il existe une gêne dans la pratique des activités d’agrément de l’intéressé
  • il n’y a pas lieu de retenir d’autres chefs de préjudices médico-légaux.

Son rapport constitue, sous les amendements et précisions qui suivent, une base valable d’évaluation des postes du préjudice corporel de M. [Z] discutés devant la cour, à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime née le [Date naissance 3] 1949, de son activité d’auteur, compositeur, interprète, de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

  • Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l’ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d’hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Le tribunal a évalué, après imputation de la créance des tiers payeurs, à la somme de 4 159,38 euros le montant des dépenses de santé actuelles demeurées à la charge de M. [Z] au titre de 10 séances d’acupuncture réalisées entre le mois de septembre 2010 et le mois de septembre 2013, de 68 séances d’ostéopathie effectuées entre le 14 septembre 2010 et le 23 septembre 2013, et des honoraires de consultation du Professeur [F].

Il a en revanche, écarté la demande d’indemnisation formée par M. [Z] à hauteur de la somme de 90 euros, au titre de deux semelles orthopédiques réalisées par un podologue le 24 août 2010.

Il convient d’observer que le tribunal a porté le montant de l’indemnité revenant à la victime au titre des dépenses de santé actuelles à la somme de 4 159,77 euros dans le tableau récapitulatif figurant en page 12 du jugement sur la base duquel il a fixé le montant total de l’indemnité allouée à M. [Z] à la somme totale de 44 159,77 euros au paiement de laquelle il a condamné la société GMF.

Tout en concluant dans le dispositif de ses conclusions à la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société GMF à lui payer la somme de 4 158,77 euros au titre des dépenses de santé actuelles, M. [Z] sollicite au titre des frais divers l’indemnisation de dépenses de santé d’un montant de 8 845,98 euros se décomposant comme suit :

  • 127,70 euros au titre des frais de consultation du Docteur [R], pneumologue,
  • 7 100 euros de frais d’ostéopathie,
  • 800 euros au titre des séances d’acupuncture pratiquées par le Docteur [X]
  • 90 euros de frais de podologue,
  • 328,28 euros de frais de kinésithérapie,
  • 400 euros au titre des honoraires du Professeur [F].

La société GMF sollicite la confirmation du jugement concernant l’évaluation à la somme de 4 159,38 euros des dépenses de santé demeurées à la charge de la victime, après déduction de la créance de la CPAM d’un montant de 1 077,62 euros et de celle de la SMACEM de 86,20 euros.

Elle fait valoir que les dépenses d’ordre médical et para-médical ne peuvent être indemnisées au titre du poste de préjudice des frais divers dont elles ne relèvent pas, qu’elles peuvent tout au plus être intégrées dans le poste des dépenses de santé actuelles, mais qu’il n’est pas justifié que les dépenses invoquées par M. [Z] se rapportent à des traitements médicaux imputables à l’accident.

Sur ce, le tribunal a inclus dans le poste des dépenses de santé actuelles des frais liés à des séances d’ostéopathie et d’acupuncture réalisées après la date de consolidation ainsi que des honoraires de consultation du professeur [F] postérieurs à cette date, qui relèvent du poste de préjudice des dépenses de santé futures.

Compte tenu de l’ambiguïté des conclusions de M. [Z] qui sollicite dans le dispositif de ses écritures la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société GMF à lui payer la somme de 4 159,77 euros au titre des dépenses de santé actuelles, l’infirmation de la décision sur les frais divers et l’indemnisation au titre de ce dernier poste de préjudice de dépenses de santé d’un montant supérieur de 8 845,98 euros, il convient d’interpréter ces conclusions qui ne sont ni claires ni précises en ce sens que la victime sollicite en cause d’appel, en infirmation du jugement, une indemnité d’un montant de 8 845,98 euros au titre des dépenses de santé antérieures et postérieures à la date de consolidation.

La circonstance que M. [Z] a intégré à tort certaines dépenses de santé dans le poste des frais divers dont elles ne relèvent pas, n’exclut pas son droit à être indemnisé de toutes les dépenses de santé demeurées à sa charge au titre des traitements et soins rendus nécessaires par l’accident.

Il convient d’observer qu’une partie des dépenses de santé invoquées par M. [Z] se rapportent à des soins réalisés après la date de consolidation fixée au 12 mars 2012 et seront examinées sous la rubrique des dépenses de santé futures dont elles relèvent (consultation du Docteur [R], pneumologue, le 24 septembre 2012, consultation du Professeur [F] les 15 mars 2012 et 2 septembre 2013, séances de kinésithérapie réalisées entre le 5 septembre 2018 et le 10 septembre 2018 puis les 8 novembre 2018, 8 janvier 2019 et 13 février 2019, séances d’acupuncture et d’ostéopathie postérieures au 12 mars 2012).

Il résulte du décompte définitif de créance établi par la CPAM le 28 mars 2022 que cet organisme a pris en charge avant la date de consolidation des frais médicaux d’un montant total de 771,89 euros entre le 16 juillet 2010 et le 12 mai 2011, des frais pharmaceutiques d’un montant de 286,97 euros du 17 juillet 2010 au 17 juin 2011 et des frais d’appareillage d’un montant de 18,76 euros le 24 août 2010, soit un total de 1 077,62 euros.

Selon la lettre du 11 octobre 2016 de la société mutualiste des auteurs compositeurs et des éditeurs de musique (la SMACEM) à laquelle M. [Z] est affilié, les dépenses de santé relatives aux traitements d’acupuncture et d’ostéopathie n’étaient pas alors prises en charge et ne le sont que depuis 2015 ; selon cette même lettre, une consultation avec dépassement d’honoraires d’un montant de 80 euros est prise en charge à hauteur de 6,60 euros.

  • sur les séances d’acupuncture

L’expert a décrit dans le corps de son rapport le parcours de soins de M. [Z] à la suite de l’accident et relevé, notamment, qu’il avait été suivi par son médecin traitant, le Docteur [X] et qu’il avait bénéficié d’un traitement par antalgique, anti-inflammatoire, homéopathie, acupuncture et ostéopathie.

Si l’expert ne s’est pas expressément prononcé sur les traitements et soins rendus nécessaires par l’accident, il convient de retenir au regard de la nature des lésions, incluant une fracture de 1ère vertèbre lombaire, avec tassement du corps vertébral, et des douleurs en résultant, que les séances d’acupuncture pratiquées par le Docteur [X] constituent des dépenses de santé imputables à l’accident.

Au vu des notes d’honoraires du Docteur [X], les frais lés aux cinq séances d’acupuncture réalisées par ce praticien, avant la date de consolidation, les 15 septembre 2010, 30 septembre 2010, 24 mars 2011, 16 septembre 2011 et 3 janvier 2012, pour un coût unitaire de 80 euros, s’est élevé à la somme de 400 euros.

Le décompte des débours de la CPAM ne faisant état que de frais médicaux d’un montant de 771,89 euros entre le 16 juillet 2010 et le 12 mai 2011, il en résulte que cet organisme social n’a pas pris en charge les séances d’acupuncture pratiquées par le Docteur [X].

Par ailleurs, les dépenses relatives aux traitements d’acupuncture n’étant pas couvertes par la SMACEM à l’époque de l’accident et ne l’étant que depuis 2015, la somme de 400 euros est restée à la charge de M. [Z].

  • sur les consultations dispensées par le Professeur [F]

L’expert a relevé dans le corps de son rapport qu’à la suite de l’accident, M. [Z] avait été suivi par le Professeur [F] et qu’il avait réalisé les exercices d’auto-rééducation conseillés par ce dernier.

Si l’expert ne s’est pas expressément prononcé sur les traitements et soins rendus nécessaires par l’accident, il convient de retenir au regard de la nature des lésions, incluant une fracture de 1ère vertèbre lombaire, avec tassement du corps vertébral, et des douleurs en résultant, que les trois consultations dispensées par M. [F], professeur d’université spécialisé en ergonomie, posturologie et prévention des pathologies rachidiennes, constituent des dépenses de santé imputables à l’accident.

Au vu de l’attestation établie par M. [F] le 10 septembre 2013, le montant de ces dépenses de santé s’est élevé à la somme de 240 euros pour les trois consultations dispensées avant la date de consolidation les 6 septembre 2010, 20 novembre 2010 et 5 octobre 2011 pour un coût unitaire de 80 euros.

Les consultations en posturologie réalisées par M. [F] n’ont pas été prises en charge par l’assurance maladie, ce que confirme le décompte de créance de la CPAM en date du 28 mars 2022 qui fait seulement état de frais médicaux, frais pharmaceutiques et d’appareillage.

M. [Z] admet dans ses conclusions d’appel que ces consultations d’un montant unitaire de 80 euros ont été prises en charge à hauteur de 6,60 euros par consultation par la SMACEM.

Le montant des frais restés à charge au titre de ces trois consultations s’élève ainsi à la somme de 220,20 euros [240 euros – (6,60 euros x 3 consultations)].

  • sur les séances d’ostéopathie

L’expert a relevé dans le corps de son rapport que M. [Z] avait bénéficié de séances d’ostéopathie consécutivement à l’accident du 16 juillet 2010.

S’il ne s’est pas expressément prononcé sur la nécessité pour la victime de suivre ce type de traitement, il convient de retenir au regard de la nature des lésions, incluant une fracture de 1ère vertèbre lombaire, avec tassement du corps vertébral et des douleurs en résultant, cotées 3/7 par l’expert, que ces séances d’ostéopathie étaient nécessaires au traitement des douleurs dorso-lombaires de M [Z] et que leur coût constitue une dépense de santé imputable à l’accident.

Au vu des factures et notes d’honoraires versées aux débats, M. [Z] a bénéficié entre la date de l’accident et celle de la consolidation de 53 séances d’ostéopathie :

  • 7 séances d’ostéopathie, d’un coût unitaire de 50 euros, réalisées par M. [E], ostéopathe, soit selon la note d’honoraires du 25 août 2010 la somme totale de 350 euros (7 séances x 50 euros)
  • 12 séances d’ostéopathie pratiquées par M. [E], ostéopathe, dont le coût total s’est élevé à 720 euros selon la note d’honoraires du 30 novembre 2010,
  • 10 séances d’ostéopathie réalisées par M. [E], ostéopathe, pour un coût total de 600 euros selon la note d’honoraires du 1er septembre 2011,
  • 12 séances d’ostéopathie, d’un coût unitaire de 55 euros, réalisées par M. [N], ostéopathe, les 3 mai 2011, 13 mai 2011, 24 mai 2011, 17 juin 2011, 30 juin 2011, 9 septembre 2011 19 septembre 2011, 18 octobre 2011, 1er décembre 2011, 5 janvier 2012, 7 février 2012 et 17 février 2012 (12 séances x 55 euros = 660 euros)
  • 12 séances d’ostéopathie, d’un coût total de 840 euros, effectuées par M. [P], ostéopathe, entre le 14 septembre 2010 et le 20 janvier 2011 (facture du 5 octobre 2011)

Soit un total de 53 séances d’ostéopathie pour un montant de 3 170 euros.

M. [Z] fait état de séances d’ostéopathie complémentaires qui auraient été pratiquées par M. [N] pour un coût de 1 340 euros, par M. [E] pour un montant de 840 euros et par un autre ostéopathe dont l’identité n’est pas précisée à hauteur de 850 euros.

Toutefois, en l’absence de tout justificatif produit concernant l’engagement de ces dépenses de santé, cette demande n’est pas justifiée.

Les séances d’ostéopathie constituant des dépenses de santé qui ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie, ce que confirme le décompte de créance de la CPAM en date du 28 mars 2022 qui fait seulement état de frais médicaux, pharmaceutique et d’appareillage et qui, selon l’attestation établie par la SMACEM, n’ont fait l’objet d’aucune prise en charge au titre de l’assurance complémentaire santé dont bénéficie M. [Z], la somme de 3 170 euros est demeurée à la charge de la victime.

  • sur les frais de semelles orthopédiques (podologue)

Si l’expert judiciaire n’a pas fait référence dans son rapport à la nécessité pour M. [Z] de faire l’acquisition de semelles orthopédiques consécutivement à l’accident, le Docteur [I], médecin-expert désigné par la société GMF, a fait état de cette prescription dans son rapport d’expertise amiable du 15 novembre 2010.

Compte tenu des troubles de la posture présentés par M. [Z] à la suite de la fracture-tassement de la 1ère vertèbre lombaire, précisément décrits dans un compte-rendu établi le 12 mars 2012 par M. [F] qui fait état d’un déséquilibre statique antéro-postérieur dont l’origine est liée au traumatisme subi, les frais de semelles orthopédiques engagés le 24 août 2010 pour un coût total de 90 euros, constituent des dépenses de santé actuelles imputables à l’accident.

Ces frais ont été pris en charge au titre des frais d’appareillage par la CPAM à hauteur de 16,78 euros, ainsi qu’il résulte du décompte de créance définitif du 28 mars 2022 et ont fait l’objet d’une prise en charge complémentaire par la SMACEM à hauteur de la somme de 10,10 euros, ainsi que l’a admis M. [Z], étant observé que la société GMF fait elle-même référence à un remboursement de ce montant dans ses conclusions d’appel.

La fraction des frais de semelles orthopédiques demeurée à la charge de la victime s’élève ainsi à la somme de 63,12 euros (90 euros – 16,78 euros – 10,10 euros).


Le poste des dépenses de santé actuelles est ainsi constitué :

  • des frais médicaux, pharmaceutiques et d’appareillage pris en charge par la CPAM soit la somme de 1 077,62 euros,
  • des frais restés à la charge de la victime, soit la somme de 3 853,32 euros (400 euros + 220,20 euros +3 170 euros + 63,12 euros), étant rappelé que le surplus des dépenses de santé invoquées par M. [Z] relève du poste des dépenses de santé futures au titre duquel elles seront examinées.
  • Frais divers

Le tribunal, devant lequel M. [Z] réclamait une indemnité de 10 000 euros en réparation de ce poste de préjudice, l’a débouté de cette demande, faute de production des justificatifs des dépenses engagées.

M. [Z] sollicite dans le dispositif de ses conclusions, en infirmation du jugement, une indemnité d’un montant de 15 685,98 euros au titre de ce poste de préjudice, incluant des dépenses de santé, dont le détail a été rappelé plus haut, une somme de 160 euros au titre des honoraires d’accompagnement à expertise du Docteur [O], une indemnité de 1 700 euros au titre des honoraires de la société Stop attitude au sein de laquelle il a effectué deux stages de formation à la technique Alexander permettant, selon ses déclarations, aux musiciens de travailler leur posture en cas, notamment, de problème de dos, et une somme de 4 980 euros correspondant aux honoraires de M. [M], expert en gestion des droits des artistes et interprètes.

La société GMF conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté les demandes de M. [Z] au titre des frais divers.

Elle soutient que les dépenses d’ordre médical et para-médical ne relèvent pas des frais divers, que la seule dépense pouvant être prise en compte au titre des frais divers concerne les honoraires de M. [M], que ce dernier n’est nullement intervenu dans le cadre d’une prestation d’assistance à expertise amiable ou judiciaire, mais était désigné par M. [Z] pour réaliser une expertise unilatérale dont l’analyse et les conclusions s’avèrent hautement critiquables ; elle ajoute que ces honoraires excédant ceux de l’expert judiciaire constituent une dépense injustifiée et excessive.


Sur ce, le poste de préjudice des frais divers indemnise l’ensemble des frais, à l’exclusion des dépenses de santé, que la victime directe a été contrainte d’exposer consécutivement à l’accident pendant la période antérieure à la consolidation.

  • sur les dépenses de santé réclamées au titre des frais divers

Les dépenses de santé incluses à tort par M. [Z] dans le poste des frais divers dont elles ne relèvent pas, doivent pour les motifs qui précèdent, être examinées au titre des postes de préjudice des dépenses de santé actuelles et futures selon qu’il s’agit de dépenses antérieures ou postérieures à la date de consolidation.

  • sur les honoraires du Docteur [O]

M. [Z] verse aux débats une attestation établie par le Docteur [O] le 29 avril 2019 dont il résulte que ce praticien l’a examiné à deux reprises le 7 novembre 2011 et le 17 novembre 2011 pour expertise médicale à la suite de l’accident du 16 juillet 2010 ; il est précisé que M. [Z] a réglé au titre de ces deux consultations la somme de 160 euros.

Il ressort du certificat rédigé le 21 novembre 2011 par le Docteur [O] qu’il a été consulté par la victime à la suite de l’expertise amiable réalisée par le Docteur [W] le 13 septembre 2011 ; dans ce document, le Docteur [O] procède à une analyse critique des conclusions de cet expert et estime souhaitable qu’une nouvelle expertise soit confiée à un confrère plus spécialisé dans les problèmes thoraciques.

Cette expertise médicale officieuse qui a conduit à la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire confiée au Docteur [C] qui a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 10 % correspondant au double de celui proposé par le Docteur [W], était indispensable à l’évaluation des préjudices de la victime, de sorte que les honoraires de ce praticien constituent une dépense imputable à l’accident qui doit être indemnisée.

  • sur les frais de formation à la technique Alexander

Les factures de la société Stop-attitude au titre de la formation à la technique Alexander suivie par M. [Z] ayant été émises au nom de la société Les Editions de l’écritoire et de l’association AFDAS, il n’est pas établi que ces frais aient été personnellement exposés par M. [Z], de sorte que sa demande d’indemnisation sera rejetée.

  • sur les honoraires de M. [M]

Il ressort du rapport établi par M. [M], expert en gestion des droits des artistes et interprètes, que ce dernier a réalisé à la demande de M. [Z] le 3 décembre 2011 une expertise officieuse portant sur l’évaluation des préjudices économiques subis par ce dernier en raison de l’annulation alléguée de plusieurs concerts optionnels entre juillet 2010 et décembre 2011, de la perte des droits d’auteur sur ces concerts empêchés, et de la perte de royalties et de droits de reproduction mécanique sur le produit d’un album de nouveautés dont la sortie prévue début 2011 aurait été retardée d’un an en raison de l’accident.

Selon la facture du 22 février 2012, les honoraires de cet expert se sont élevés à la somme de 5 980 euros, dont un solde de 4 980 euros restant à payer, après déduction de provision de 1 000 euros versée le 4 novembre 2011.

La preuve de l’existence d’un préjudice économique imputable à l’accident incombant à la victime, il était indispensable que M. [Z], auteur, compositeur et interprètes de chansons de variété, s’entoure d’experts spécialisés pour évaluer ses préjudices, étant observé que la société GMF s’appuie elle-même sur les constatations de M. [M] en relevant en page 23 de ses écritures que « M. [Z] a bel et bien poursuivi ses activités et ses concerts dans les suites de son accident (…) Cet état de fait est du reste confirmé par le rapport de M. [M] démontrant que l’année suivant l’accident M. [Z] a réalisé plus de concerts que lors de l’année le précédant ».

Les honoraires de M [M], dont M. [Z] ne sollicite la prise en charge qu’à hauteur de 4 980 euros, ne sont pas excessifs au regard de sa spécialité et constituent des dépenses rendues nécessaires par l’accident qu’il convient d’indemniser dans la limite de la demande.


Au bénéfice des ces observations, le poste des frais divers s’établit à la somme de 5 140 euros (160 euros + 4 980 euros)

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

  • Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l’installation de prothèses soit à la pose d’appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Comme relevé plus haut, dans la rubrique du présent arrêt consacrée aux dépenses de santé actuelles, M. [Z] sollicite au titre des frais divers l’indemnisation de dépenses de santé exposés postérieurement à la date de consolidation et relevant du poste des dépenses de santé futures (consultation du Docteur [R], pneumologue, le 24 septembre 2012, consultation du Professeur [F] les 15 mars 2012 et 2 septembre 2013, séances de kinésithérapie réalisées entre le 5 septembre 2018 et le 10 septembre 2018, puis les 8 novembre 2018, 8 janvier 2019 et 13 février 2019, séances d’ostéopathie et d’acupuncture postérieures au 12 mars 2012).

Le décompte définitif de créance établi par la CPAM le 28 mars 2022 ne fait état d’aucune dépense de santé future prévue par cet organisme social.

Selon l’attestation établie par la SMACEM, l’assurance complémentaire santé dont M. [Z] bénéficie ne couvrait pas, à l’époque de l’accident, les traitements d’acupuncture et d’ostéopathie qui ne sont pris en charge que depuis 2015 ; selon cette même attestation, une consultation avec dépassement d’honoraires d’un montant de 80 euros est prise en charge à hauteur de 6,60 euros.

  • sur les consultations du Docteur [R] et de M. [F] postérieures à la consolidation

Si l’expert judiciaire n’a pas fait état de dépenses de santé futures imputables à l’accident, il est suffisamment établi au regard de la nature des séquelles de l’accident incluant des douleurs résiduelles séquellaires de la fracture du rachis dorso-lombaire et un déficit fonctionnel respiratoire modéré, que les consultations dispensées après la date de consolidation par M. [F], professeur d’université spécialisé en ergonomie, posturologie et prévention des pathologies rachidiennes et par le Docteur [R], pneumologue, pour le suivi des problèmes dorso-lombaires et respiratoires de la victime étaient justifiées par les séquelles de l’accident.

Au vu des attestations versées aux débats, les frais liés aux consultations dispensées après la date de consolidation par M. [F] et par le Docteur [R] se sont élevés à la somme de 287,70 euros se décomposant comme suit :

  • 127,70 euros pour la consultation et les examens réalisés par le Docteur [R], pneumologue, le 24 septembre 2012 (pièce n° 21-1),
  • 160 euros pour les deux consultations d’un coût unitaire de 80 euros réalisées par M. [F] les 15 mars 2012 et 2 septembre 2013 (pièce n° 21-16).

Les consultations en posturologie réalisées par M. [F] n’ont pas été prises en charge par l’assurance maladie, ce que confirme le décompte de créance de la CPAM en date du 28 mars 2022 qui fait seulement état, s’agissant des dépenses de santé actuelles, de frais médicaux, frais pharmaceutiques et d’appareillage.

M. [Z] admet dans ses conclusions d’appel que ces consultations, d’un montant unitaire de 80 euros, ont été prises en charge à hauteur de 6,60 euros par consultation par la SMACEM.

Le montant des frais restés à charge au titre des deux consultations réalisées par M. [F] après la date de consolidation s’élève ainsi à la somme de 146,80 euros [160 euros – (6,60 euros x 2)].

En l’absence de tout élément d’information permettant de déterminer la part des honoraires du Docteur [R], pneumologue, prise en charge par l’assurance maladie et par l’assurance complémentaire santé dont bénéficie M. [Z], la cour n’est pas en mesure de déterminer la fraction de cette dépense de santé restée à la charge de la victime.

Il convient ainsi d’ordonner la réouverture des débats afin d’inviter M. [Z] à produire le décompte détaillé des remboursements effectués par la CPAM et par la SMACEM au titre de la consultation et des examens réalisés par le Docteur [R], pneumologue, le 24 septembre 2012 ou une attestation de ces organismes attestant de l’absence de prise en charge de ces dépenses de santé.

  • sur les séances d’ostéopathie

Il s’agit de dépenses de santé qui ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie, ce que confirme le décompte de la CPAM du 28 mars 2022, et qui, selon l’attestation établie par la SMACEM, n’étaient pas couvertes par l’assurance complémentaire santé dont M. [Z] bénéficiait à la date de l’accident et n’ont fait l’objet d’une prise en charge qu’à compter de 2015.

L’expert a relevé dans le corps de son rapport que M. [Z] traitait ses douleurs lombaires par la prise d’antalgiques et de façon intermittente par ostéopathie.

S’il ne s’est pas expressément prononcé sur la nécessité de poursuivre ce traitement par ostéopathie après la date de consolidation, il est établi au regard de la nature des séquelles incluant des douleurs chroniques résiduelles au niveau dorso-lombaire, que la poursuite des séances d’ostéopathie après la consolidation est justifiée.

Au vu des factures et notes d’honoraires versées aux débats, M. [Z] a bénéficié après la date de consolidation de 15 séances d’ostéopathie, d’un coût unitaire de 60 euros, réalisées par M. [E], ostéopathe, les 22 mars 2012, 29 mars 2012, 4 mai 2012, 10 mai 2012, 21 mai 2012, 12 juin 2012, 11 février 2013, 15 février 2013, 21 mars 2013, 11 avril 2013, 25 avril 2013, 10 juin 2013, 27 juin 2013, 2 septembre 2013 et 23 septembre 2013.

Le besoin de M. [Z] de poursuivre des séances d’ostéopathie pour traiter ses douleurs chroniques étant caractérisé, il convient de lui allouer la somme de 900 euros au titre des dépenses de santé futures demeurant à sa charge (15 séances x 60 euros).

  • sur les séances d’acupuncture

Il n’est pas contesté que les cinq séances d’acupuncture réalisées par le Docteur [X] après la date de consolidation, les 3 mai 2012, 30 mai 2012,13 juin 2012, 22 mars 2013 et 20 septembre 2013, pour un coût unitaire de 80 euros, soit un montant total de 400 euros, constituent des dépenses de santé imputables à l’accident, les douleurs séquellaires résiduelles constatées par l’expert justifiant la poursuite de ce traitement.

Le décompte des débours de la CPAM ne faisant état que de frais médicaux d’un montant de 771,89 euros entre le 16 juillet 2010 et le 12 mai 2011, il en résulte que cet organisme social n’a pas pris en charge les séances d’acupuncture pratiquées par le Docteur [X].

Par ailleurs, les dépenses relatives aux traitements d’acupuncture n’étant pas couvertes par la SMACEM à l’époque de l’accident et ne l’étant que depuis 2015, la somme de 400 euros est restée à la charge de M. [Z].

  • sur les frais de kinésithérapie

L’expert judiciaire n’a pas retenu que l’état de santé de M. [Z] nécessitait des séances de kinésithérapie après la date de consolidation.

Au vu du certificat médical établi par le Docteur [U], certaines de ces séances ont été prescrites pour une enthésopathie de la hanche gauche, dont il n’est pas établi qu’elle soit en rapport avec les séquelles de l’accident.

Il n’est pas démontré, dans ces conditions, que les frais de kinésithérapie exposés par M. [Z] entre le 5 septembre 2018 et le 10 septembre 2018, puis les 8 novembre 2018, 8 janvier 2019 et 13 février 2019 pour un montant total de 328,28 euros constituent des dépenses de santé futures imputables à l’accident.

Sa demande sera rejetée.


Les dépenses de santé postérieures à la date de consolidation demeurant à la charge de M. [Z], hormis les frais de consultation du Docteur [R] s’élèvent à la somme de 1 446,80 euros (146,80 euros + 900 euros + 400 euros), étant observé que cette somme cumulée avec celle allouée au titre des dépenses de santé actuelles n’excède pas le mondant global des demandes de la victime au titre des dépenses de santé, soit 8 845,98 euros.

Il convient pour les motifs qui précèdent, avant dire droit, sur le montant de l’indemnité revenant à M. [Z] au titre de la consultation et des examens réalisés par le Docteur [R], pneumologue, le 24 septembre 2012 d’ordonner la réouverture des débats afin de l’inviter à produire le décompte détaillé des remboursements effectués par la CPAM et par la SMACEM au titre de cette consultation ou une attestation de ces organismes établissant l’absence de prise en charge de ces dépenses de santé.

  • Perte de gains professionnels futurs

M. [Z] sollicite, en infirmation du jugement, une indemnité d’un montant de 1 937 242,49 euros en réparation de ce poste de préjudice.

Il fait valoir, pour l’essentiel :

  • que l’expert judiciaire a reconnu l’incidence des séquelles de l’accident sur son activité professionnelle,
  • qu’il résulte de ce rapport d’expertise qu’il ne pouvait reprendre une activité professionnelle dans les mêmes conditions et avec la même intensité qu’avant l’accident,
  • que compte tenu de ses douleurs, il éprouve une gêne à la station debout et une perte de souffle qui l’empêchent d’assurer des concerts en nombre important et le contraignent à réduire ses mouvements sur scène, ce qui rend le spectacle plus statique et moins attractif pour les spectateurs,
  • que l’expert judiciaire a constaté que sur le plan respiratoire il existait un déficit modéré, dont il a relevé qu’il était relativement significatif pour un chanteur,
  • qu’il a également été constaté lors des opérations d’expertise qu’il se plaignait « de douleurs lombaires, d’une sensation de cassure au niveau du dos, de sensation de contracture permanente de la partie antérieure du thorax, d’une certaine insuffisante du souffle en particulier lorsqu’il chante, avec des douleurs et une aggravation de ses douleurs en fin de concerts »,
  • que sa situation ne s’est guère améliorée à ce jour dans la mesure où il doit porter un corset thoracique, à la fois inesthétique et gênant puisque le port de ce corset le prive de sa liberté de mouvement et exerce une pression sur le thorax, ce qui modifie son souffle et a une incidence sur sa voix,
  • que l’impact de l’accident sur son activité professionnelle est établie avec certitude et a engendré une perte de revenus,
  • qu’il a été contraint de diminuer sensiblement son activité à la suite de l’accident, ce qui a eu une incidence péjorative sur sa carrière et ses revenus, dans la mesure où lorsqu’un artiste n’est plus présent sur la scène musicale, sa cote de popularité s’en trouve affectée,
  • que le graphique figurant dans ses conclusions d’appel et réalisé à partir des données fournies par la SACEM démontre la diminution du nombre des concerts réalisés et des revenus afférents à ces concerts,
  • que ce graphique n’est pas en contradiction avec sa pièce n° 26 qui recense tous les concerts réalisés en France et à l’étranger,
  • que contrairement à ce soutient la société GMF, la diminution de son activité scénique n’est pas liée à l’âge, de nombreux artistes se produisant au-delà de l’âge de 70 ans, et même de 90 ans, qu’elle n’est pas liée davantage à l’opération à coeur ouvert qu’il a subie en 2013 et dont la société GMF fait état en se fondant sur des articles de la « presse people»,
  • que cette intervention chirurgicale réalisée en 2013 a été suivie de quelques semaines de convalescence seulement et n’a induit aucune séquelle ; qu’elle n’a pu en tout état de cause avoir d’incidence sur ses revenus au titre de l’année 2012,
  • que son expert comptable, M. [J], a procédé à l’analyse de ses pertes de revenus au vu de ses avis d’imposition et a distingué plusieurs types de ressources, à savoir les droits d’auteur collectés par la SACEM, les revenus issus des « galas Ecritoire », les autres salaires correspondant essentiellement à des droits d’auteur et les « recettes BNC »,
  • que s’agissant des droits d’auteur collectés et distribués par la SACEM, il peut exister un décalage entre le fait générateur des droits et leur perception qui peut être de deux ans pour les droits internationaux,
  • que s’agissant des revenus issus des « galas Ecritoire », le graphique « tendance linéaire des galas » démontre sans équivoque la baisse de ces revenus quelle que soit la méthode utilisée, linéaire ou exponentielle,
  • que M. [J] précise à cet égard que ces revenus sont « représentatifs de l’activité artistique impactée par l’arrêt de l’activité scénique lié à l’accident dont a été victime M. [G] [Z] »,
  • que plus de deux ans après l’accident, il a été pris la décision, en raison de son handicap de limiter le nombre des concerts et d’opter pour des salles de plus petite taille permettant un jeu de scène assis sur un tabouret haut,
  • que c’est la raison pour laquelle, son activité artistique n’a jamais pu reprendre au même niveau qu’avant l’accident, même si elle n’a jamais cessé,
  • que les revenus déclarés au titre des « autres salaires » correspondent essentiellement à des droits d’auteur et ne peuvent servir à mesurer les dommages liés à un arrêt de l’activité artistique sur scène, comme l’a relevé M. [J],
  • que les « recettes BNC »correspondent aux « royautés » perçues principalement des organismes répartiteurs, comme l’ADAMI et la SPEDIDAM,
  • que M. [J] a conclu sa note en indiquant qu’il « paraît patent, au vu de ces valeurs que l’accident subi par M. [G] [Z] a eu un impact baissier sur les revenus directs et indirects provenant de son activité scénique »,
  • que la perte de revenus moyenne subie après la date de consolidation au titre des « galas Ecritoire » correspond à une somme annuelle de 38 454, 50 euros, soit une perte de 461 454 euros pour la période du 12 mars 2012 jusqu’à l’année 2023 et une perte de 554 859,98 euros pour la période à échoir après capitalisation selon l’euro de rente viagère prévu par le barème de la Gazette du palais 2022 pour un homme âgé de 73 ans,
  • que la perte des droits d’auteur versés par la SACEM s’établit à la somme de 28 204 euros par an, soit une perte de 292 044 euros pour la période du 12 mars 2012 jusqu’à l’année 2023 et une perte de 406 955,52 euros pour la période à échoir après capitalisation selon l’euro de rente viagère prévu par le barème de la Gazette du palais 2022 pour un homme âgé de 73 ans,
  • que sa perte de gains professionnels futurs s’élève ainsi à la somme de 1 705 313,50 euros (461 454 euros + 554 859 euros+ 282 044 euros + 406 955,52 euros), ce qui représente après actualisation en fonction du convertisseur INSEE pour tenir compte des effets de l’érosion monétaire un préjudice d’un montant de 1 937 242,49 euros.

M. [Z], sollicite, à titre subsidiaire, la mise en oeuvre d’une mesure d’expertise financière.

La société GMF conclut à la confirmation du jugement qui a débouté M. [Z] de sa demande d’indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Hormis les moyens tirés de l’autorité de la chose jugée auxquels il a été répondu plus haut la société GMF soutient pour l’essentiel :

  • qu’il est établi que M. [Z] a poursuivi ses activités et concerts dans les suites de son accident et avait indiqué lors des premières expertises médicales n’avoir annulé aucun concert,
  • qu’il ressort du rapport d’expertise officieuse réalisé par M. [M] que l’année suivant l’accident, M. [Z] a réalisé plus de concerts que lors de l’année le précédant,
  • qu’ainsi dans les suites de l’accident, M. [Z] a poursuivi ses activités et a même sorti des disques, de sorte qu’il ne peut prétendre avoir dû attendre deux ans avant de reprendre une véritable activité scénique,
  • que l’indemnisation d’un préjudice économique est conditionnée à la démonstration de l’effectivité d’une perte de revenus imputable à l’accident, et présentant un lien de causalité effectif avec l’état séquellaire de la victime,
  • que cette preuve n’est pas établie,
  • qu’à titre d’exemple, il convient de relever que pour l’année 2019, M. [Z] ne fait état sur le graphique qu’il a établi dans ses conclusions que de 16 concerts réalisés, alors qu’en réalité il a effectué sur la période considérée 35 concerts, soit plus du double du nombre qu’il invoque,
  • que contrairement à ce que prétend M. [Z], rien ne démontre que le nombre de ses concerts ait diminué par rapport à ceux qu’il effectuait avant son accident, ni même par rapport aux prestations de ses pairs, puisque le nombre des concerts réalisés se situe dans la moyenne de la liste des chanteurs qu’il cite,
  • que M. [Z] passe sous silence les importants soucis de santé qu’il a connus et qui l’ont conduit à subir deux opérations à coeur ouvert en 2013 et 2022,
  • que ces interventions chirurgicales dont la presse s’est fait l’écho ont nécessité des soins intensifs et une longue rééducation, ainsi qu’il résulte des articles extraits des sites www.public.fr, et www.Voici.fr,
  • que dans ce contexte, il n’est pas surprenant que seule une dizaine de concerts ait été réalisée en 2013, ni même que les années suivantes M. [Z] ait réorganisé son activité,
  • que si M. [Z] a, durant la période traumatique, poursuivi normalement son activité, de sorte qu’il n’existe aucune perte de gains professionnels actuels, il est singulier que l’appelant prétende subir ensuite des pertes de gains professionnels futurs, en les valorisant à près de 2 millions d’euros,
  • que la prétention de M. [Z] est d’autant plus contestable qu’il ressort de l’attestation de son expert-comptable que les revenus générés en 2011, c’est-à-dire au plus fort de son état traumatique, ont été supérieurs à ceux réalisés en 2008 et 2009, avant son accident,
  • qu’en réalité le volume des concerts réalisés à partir de 2012, à supposer qu’il ne relève pas d’un choix personnel de l’appelant et/ou des sollicitations du marché, est exclusivement imputable à d’autres causes que l’accident de 2010,
  • que s’agissant de la diminution de capacité alléguée, on peut constater en visionnant un concert de M. [Z] du 8 avril 2017 sur le site www.youtube.fr , concert dont la durée est d’une heure et quarante- cinq minutes, que les prestations scéniques de l’intéressé sont très éloignées de celles qu’il décrit dans ses conclusions, que la posture statique alléguée est contredite par son activité sur scène, et qu’en réalité le tabouret dont il fait état dans ses écritures, n’est présent que le temps de deux chansons, dont une intimiste, où le chanteur se présente face au public avec sa seule guitare comme accompagnement,
  • que l’amoindrissement allégué de sa présence médiatique est lié au fait qu’il n’a réalisé en 13 ans depuis l’accident que deux albums de chansons originales, alors qu’il avait sorti huit albums dans les années 1990,
  • qu’il n’est ainsi établi aucune perte de gains professionnels futurs imputable à l’accident.

La société GMF s’oppose en outre à la demande d’expertise présentée à titre subsidiaire par M. [Z], laquelle tend à pallier sa carence dans l’administration de la preuve.

Sur ce, le poste de préjudice des pertes de gains professionnels futurs est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

En l’espèce, l’expert judiciaire a constaté que M. [Z] conservait comme séquelles des douleurs résiduelles séquellaires de la fracture du rachis dorso-lombaire, associées à un enraidissement modéré mais indiscutable du tronc, ainsi qu’un déficit fonctionnel respiratoire modéré.

Le Docteur [C] a retenu l’existence d’une gêne professionnelle qu’il indique être bien décrite par les doléances de la victime et attestée par les examens pneumologiques réalisés.

Ces doléances auxquelles l’expert se réfère et qui sont consignées dans son rapport sont les suivantes : « M. [Z] se plaint de douleurs lombaires, d’une sensation de cassure au niveau du dos, de sensation de contracture permanente de la partie antérieure du thorax, [d’]une certaine insuffisance de souffle en particulier lorsqu’il chante, avec des douleurs et une aggravation de ses douleurs en fin de concerts ».

Si ces éléments permettent d’établir l’existence d’une incidence professionnelle du dommage, elles n’impliquent pas nécessairement une perte de gains professionnels futurs imputable à l’accident.

En l’espèce, M. [Z] fonde essentiellement ses prétentions indemnitaires sur un graphique figurant dans ses conclusions d’appel attestant, selon lui, d’une diminution de ses prestations scéniques imputable à l’accident et sur une analyse réalisée par son expert-comptable, M. [J], des données extraites des déclarations de revenus effectuées par l’intéressé auprès de l’administration fiscale entre 2004 et 2019.

Contrairement à ce qu’avance M. [Z], il n’est pas établi de diminution du nombre de ses prestations scéniques imputable à l’accident, alors qu’il ressort de sa pièce n° 26 qu’il a réalisé 39 concerts en 2014 dont plusieurs dates à l’étranger, à [Localité 10] et à Québec (Canada), 26 concerts en 2015, 35 concerts en 2019, soit un nombre de concerts supérieur à l’année 2009 précédant l’accident au cours de laquelle il a effectué en France 31 concerts (pièce n° 23).

S’agissant de l’analyse par son expert-comptable des donnés issues des déclarations de revenus effectuées entre 2004 et 2019 auprès de l’administration fiscale, elle opère une distinction entre plusieurs catégories de revenus :

  • les traitements et salaires, incluant :
  • les droits d’auteur-compositeur perçus et distribués à M. [Z] par la SACEM,
  • les revenus des « galas de l’Ecritoire », correspondant au vu des pièces versées aux débats au montant des salaires versés à M. [Z] par la société Les Editions de l’écritoire en exécution des contrats d’engagement d’artiste conclus pour chaque concert réalisé (pièce n° 19 de M. [Z]),
  • les « autres salaires » dont la nature exacte ne peut être déterminée, mais qui selon M. [J] ne peuvent mesurer « les dommages résultant d’un arrêt de l’activité artistique scénique »,
  • les recettes déclarées au titre des bénéfices non commerciaux, qui correspondent principalement, selon M. [Z], aux redevances perçues des organismes répartiteurs, comme l’ADAMI ( société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes) et la SPEDIDAM, (société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes), ; au vu des comptes de résultat versés aux débats ces recettes incluent également les redevances perçues au titre de la vente de disques (pièce n° 31).

L’évolution du montant des droits d’auteur-compositeur versés à M. [Z] par la SACEM, telle qu’elle résulte des tableaux réalisés par son expert-comptable, ne laisse apparaître aucune baisse de revenus imputable à l’accident, alors que les droits répartis par cet organisme de gestion collective se sont élevés en 2008 à 74 019 euros, en 2009 à 92 411 euros, en 2010, année de l’accident, à 76 806 euros, en 2011 à 65 914 euros, en 2012 à 75 594 euros, en 2013 à 65 253 euros et en 2014 à 85 334 euros, ce dont il résulte que si ces droits sont fluctuants, ils ont été équivalents en 2012 au niveau atteint en 2008 et supérieurs à ce niveau en 2014.

Même en retenant, comme l’a fait M. [M], un décalage moyen d’un an entre la perception de ces droits par la SACEM et leur distribution, aucune perte de revenus n’est caractérisée, les droits d’auteurs s’élevant alors à la date de leur perception par cet organisme de gestion collective à 71 598 euros en 2009, 72 324 euros en 2010, 75 594 euros en 2011, 65 253 euros en 2012 et 85 533 euros en 2013, ce dont il résulte que si leur montant varie, ils ont été supérieurs en 2012 et 2013 au niveau atteint en 2009, dernière année entière précédant l’accident.

S’agissant des revenus déclarés sous la rubrique « galas Ecritoire », il ressort des tableaux établis par M. [J], que ces revenus se sont élevés en 2008 à la somme de 66 045 euros, en 2009 à celle de 66 246 euros, en 2010, année de l’accident, à 76 806 euros, en 2011, première année entière postérieure à l’accident, à la somme de 65 913 euros, ce qui établit que l’accident n’a pas eu d’incidence péjorative sur le montant de ces revenus pendant la période aigue de la maladie traumatique au cours de laquelle le déficit fonctionnel de M. [Z] était le plus important, l’expert ayant évalué ce déficit fonctionnel temporaire à 20 % entre le 7 septembre 210 et le 6 décembre 2010, et à 15 % à compter du 7 décembre 2010 jusqu’à la date de consolidation.

Si les revenus déclarés au titre des « galas Ecritoire » se sont élevés à 20 679 euros en 2012, à 15 257 euros en 2013, année au cours de laquelle M. [Z] admet avoir subi une intervention chirurgicale à coeur ouvert, à 43 831 euros en 2014 et à 50 339 euros en 2015, il n’est pas établi que cette évolution soit imputable à l’accident.

S’agissant des recettes déclarées au titre des bénéfices non commerciaux, les tableaux établis par M. [J] font apparaître des recettes d’un montant de 1 794 euros en 2008, de 59 487 euros en 2009, 40 450 en 2010, année de l’accident, de 95 249 euros en 2011, première année entière postérieure à l’accident, au cours de laquelle le déficit fonctionnel temporaire retenu par l’expert était de 15 %, de 30 581 euros en 2012, de 77 371 euros en 2013, et de 31 428 euros en 2014.

Il n’est pas établi dans ces conditions que l’accident ait généré une perte de revenus au titre des bénéfices non commerciaux.

Au vu de ces éléments, si les lésions et séquelles de M. [Z] consécutives à l’accident dont il a été victime le 16 juillet 2010 induisent une gêne professionnelle retenue par l’expert, il n’est pas établi de pertes de gains professionnels futurs imputables au fait dommageable.

Il n’y a pas lieu d’ordonner de mesure d’expertise comptable ou financière, comme le demande M. [Z] à titre subsidiaire, alors que la cour dispose des éléments suffisants pour statuer sur sa demande d’indemnisation au titre des pertes de gains professionnels futurs.

Le jugement sera confirmé.

  • Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.

M. [Z] sollicite, en infirmation du jugement, une indemnité d’un montant actualisé de 209 913,10 euros, calculée en appliquant un taux de pénibilité de 10 % au montant du revenu annuel moyen perçu au cours des trois années précédant l’accident au titre des bénéfices non commerciaux.

Il avance que le retentissement de l’accident sur sa carrière a été particulièrement important dès lors que celui-ci l’a contraint à réduire son activité scénique et l’a éloigné de la scène pendant près de deux ans, qu’au-delà des pertes de revenus, c’est également son image qui a été atteinte ainsi que ses perspectives de développement de carrière, qu’il subit, enfin, une pénibilité accrue liée à la gêne fonctionnelle qu’il éprouve dans l’exercice de son activité professionnelle.

S’agissant des modalités d’évaluation de son préjudice, il fait valoir que l’indemnisation de l’incidence professionnelle ne peut être forfaitaire et que tant la jurisprudence récente que la doctrine proposent de prendre en compte, comme critère d’indemnisation, le salaire perçu, afin d’individualiser l’indemnisation de ce poste de préjudice.

La société GMF, qui conteste cette méthode de calcul, conclut à la confirmation du jugement qui a chiffré ce poste de préjudice à la somme de 30 000 euros.

Elle fait observer qu’il n’est justifié d’aucune perte de chance professionnelle et que l’expert a retenu une gêne, source de pénibilité accrue dans l’exercice de la profession de M. [Z], et que les premiers juges ont justement évalué cette composante extra-patrimoniale de l’incidence professionnelle.

Sur ce, pour les mêmes motifs que ceux énoncés, s’agissant de la perte de gains professionnels futurs, il n’est pas établi que l’accident ait provoqué une réduction de l’activité scénique de M. [Z].

M. [Z], en dehors de considérations d’ordre général, n’établit l’existence d’aucune perte de chance d’évolution de carrière précise, alors qu’il poursuit son activité artistique, ainsi qu’il résulte du nombre des concerts prévus en 2020 et en 2021 (pièce n° 26).

L’expert, le Docteur [C], après avoir rappelé les séquelles générées par l’accident, à savoir des douleurs résiduelles de la fracture du rachis dorso-lombaire, associées à un enraidissement modéré mais indiscutable du tronc, ainsi qu’un déficit fonctionnel respiratoire modéré, mais peu discutable, bien mis en évidence par les radiographies récentes et par un examen pléthismographique récent, a retenu l’existence d’une gêne professionnelle bien décrite par les doléances de l’intéressé et attestée par les examens pneumologiques réalisés.

Comme relevé plus haut, ces doléances auxquelles l’expert se réfère et qui sont consignées dans le corps de son rapport concernent des douleurs lombaires, une sensation de cassure au niveau du dos, une sensation de contracture permanente de la partie antérieure du thorax, une certaine insuffisance de souffle en particulier lorsqu’il chante, avec des douleurs et une aggravation de ses douleurs en fin de concerts.

Ces éléments caractérisent une pénibilité accrue dans la réalisation des prestations scéniques de M. [Z].

Il n’est pas pertinent, contrairement à ce que soutient M. [Z], d’opérer une corrélation entre le montant de ses revenus et l’évaluation de la composante de l’incidence professionnelle relative à la pénibilité accrue dont l’importance n’est pas liée au niveau de rémunération.

Compte tenu des éléments qui précèdent, de l’âge de M. [Z] à la date de la consolidation, soit 62 ans, de la durée prévisible pendant laquelle il subira l’incidence professionnelle ci-dessus décrite lors de ses prestations scéniques, durée qui, s’agissant d’un artiste de renom comme M. [Z] n’est pas limitée dans le temps mais seulement conditionnée à l’évolution de son état de santé, il convient d’évaluer ce poste de préjudice à la somme de 50 000 euros qui tient compte des données concrètes de l’espèce et ne revêt aucun caractère forfaitaire.

Le jugement sera infirmé.

Préjudices extra- patrimoniaux permanents (après consolidation)

  • Préjudice esthétique

Ce poste de préjudice indemnise les atteintes physiques et plus généralement l’altération de l’apparence physique de la victime après la consolidation.

Le tribunal a retenu l’existence d’un préjudice esthétique lié à une diminution significative de la taille de M. [Z] à la suite de l’accident, préjudice qu’elle a évalué à la somme de 10 000 euros.

La société GMF sollicite l’infirmation du jugement sur ce point et le rejet de la demande d’indemnisation de M. [Z] au titre d’un préjudice esthétique permanent.

Elle fait valoir que l’expert, le docteur [C], n’a pas retenu l’existence d’un tel préjudice lors de son examen, que le tribunal a retenu son existence au motif que le passeport de M. [Z] fait état d’une taille diminuée par rapport à celle qu’il avait en 1993 mais qu’il ne peut être occulté que la camptocormie (posture voûtée) est un phénomène normal venant avec l’âge.

Elle ajoute que la diminution de la taille de M. [Z] n’est pas une situation exclusivement due à l’accident, alors que les opérations d’expertise ont démontré qu’il présentait une discopathie L5 SI préexistante à l’accident, ce qui explique la raison pour laquelle l’expert judiciaire a conclu qu’il n’existait pas d’atteinte esthétique caractérisée.

M. [Z] expose qu’à la suite de l’accident il a perdu 9 centimètres, sa taille étant passée de 1,86 mètres avant l’accident, à 1,77 mètres après.

Il indique que la diminution de sa taille est due au tassement asymétrique du plateau supérieur L1 consécutif à l’accident et que contrairement à ce qu’invoque la société GMF, il n’est pas établi qu’il souffre de camptocomie, alors que cette pathologie est bien souvent liée à une maladie préexistante ou parfois à des facteurs génétiques, et qu’il ne présente aucun de ces antécédents.

Il ajoute que le Professeur [F] a attesté de cette modification morphologique en lien avec le traumatisme initial, de même que le Docteur [A].

Il relève que son ingénieur du son a constaté cette diminution de taille et a été obligé de régler la hauteur de son microphone 10 centimètres plus bas qu’avant l’accident.

Il estime ainsi établie l’existence d’un préjudice esthétique permanent important et sollicite la confirmation du jugement qui l’a évalué à la somme de 10 000 euros.

Sur ce, si l’expert a conclu qu’il n’existait pas d’atteinte esthétique caractérisée, cet avis qui ne lie pas le juge et n’est pas argumenté, ne peut être retenu.

En effet, le Professeur [F] a relevé dans une attestation établie le 13 septembre 2012 qu’il avait pu constater une modification morphologique de M. [Z] entre janvier 2009 et mars 2012, consistant en une accentuation progressive de la raideur dorso-lombaire, un accroissement de la cyphose dorsale, une diminution significative de la taille du sujet (1,77 m contre 1,85 m) résultant de l’affaissement disco-corporéal, auquel s’ajoute l’augmentation de l’importance des courbures.

Ce praticien a précisé que le traumatisme subi avait entraîné non seulement une atteinte corporéale directe mais également une raideur, sinon une ankylose costo-vertébrale.

Les deux attestations établies les 24 septembre 2012 et 30 juin 2016 par M. [T] [L], ingénieur du son, témoignent de ce que ce dernier a constaté dès les premiers concerts réalisés après l’accident une diminution de la taille de M. [Z] et qu’il a dû positionner le microphone environ 7 centimètres au-dessous du repère habituel.

Il résulte des éléments qui précèdent que la diminution de la taille de M. [Z] de l’ordre de 7 à 8 centimètres est liée à l’affaissement disco-corporéal consécutif au traumatisme initial et non à une camptocomie dont aucune des praticiens n’a fait état, y compris le Docteur [C], ou à la discopathie L5 SI préexistante, l’expert ayant lui-même admis l’absence d’antécédent susceptible d’interférer avec les blessures ou suites des blessures du 16 juillet 2010.

Ce préjudice esthétique permanent, compte tenu de son importance, a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 10 000 euros.

Le jugement sera confirmé.

Sur le doublement du taux de l’intérêt légal et les intérêts moratoires

M. [Z] fait valoir que l’assureur qui ne présente qu’une offre manifestement insuffisante et/ou ne portant pas sur l’ensemble des éléments indemnisables du préjudice encourt la sanction prévue à l’article L. 211-13 du code des assurances.

Il soutient que l’offre d’indemnisation émise par la GMF le 18 novembre 2011 qui ne contient aucune proposition d’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle, des pertes de gains et du préjudice esthétique, est incomplète et nécessairement insuffisante.

M. [Z] sollicite ainsi la condamnation de la société GMF au paiement des intérêts au double du taux légal sur le montant des indemnités allouées par la cour, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, pour la période allant du 12 mars 2012 (date de la consolidation) jusqu’à la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif, outre les intérêts au taux légal à compter de cette date jusqu’à complet paiement, avec capitalisation dans les conditions prévues à l’article 1243-2 du code civil.

La société GMF objecte que l’assureur ne peut être sanctionné pour ne pas avoir formulé d’offre sur des postes de préjudice dont il ignorait légitimement l’existence.

Elle expose que, dans le cas présent, l’offre d’indemnisation adressée à M. [Z] a été arrêtée sur la base des conclusions du rapport d’expertise du Docteur [W] du 13 septembre 2011, lequel ne retenait pas de préjudice esthétique, qu’il soit temporaire ou définitif, ni d’incidence professionnelle.

Elle souligne que son offre indemnitaire du 18 novembre 2011 a été formulée dans les délais impartis sur la base des seuls préjudices qu’elle était en mesure d’évaluer au vu des conclusions de l’expertise.

Elle conclut ainsi au rejet de la demande de doublement des intérêts présentée par M. [Z].

Sur ce, en application de l’article L. 211-9 du code des assurances, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n’est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n’est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement quantifié, l’assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d’indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l’accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime et l’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

En revanche, l’offre de l’assureur ne peut porter sur des chefs de préjudice dont il ignore l’existence.

A défaut d’offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal, en vertu de l’article L.211-13 du même code, à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur.

En l’espèce, seul est en cause le respect par l’assureur de son obligation de formuler une offre d’indemnisation définitive dans le délai de cinq mois prévu à l’article L. 211-9 du code des assurances.

Il ressort des pièces de la procédure que M. [Z] a fait l’objet d’une première expertise médicale amiable réalisée le 13 septembre 2011 par le Docteur [W], lequel, après avoir fixé la date de consolidation au 16 juillet 2011, a estimé qu’il subsistait une raideur modérée du rachis dorso-lombaire sans signe d’irradiation, ni déficit neurologique associé.

Cet expert amiable a conclu son rapport en retenant une gêne temporaire partielle de classe III (50 %) du 16 au 31 juillet 2010, une gêne temporaire partielle de classe II (25 %) jusqu’au 6 septembre 2010 puis de classe I (10 %) jusqu’à la date de consolidation, ainsi qu’un besoin d’assistance temporaire par une tierce personne de 2 heures par jour pendant 15 jours du 16 juillet au 6 septembre 2010 ; il a évalué les souffrances endurées à 3 sur une échelle de 7 degrés et le déficit fonctionnel permanent à 5 % seulement ; il a affirmé qu’il n’existait pas d’incidence professionnelle et n’a retenu, en outre, aucun préjudice esthétique temporaire ou permanent.

Avant l’expiration du délai de cinq mois qui lui était imparti, la société GMF a adressé à M. [Z] une offre d’indemnisation définitive datée du 18 octobre 2011, et non du 18 novembre 2011.

Il ne peut être reproché à l’assureur de ne pas avoir inclus dans cette offre une proposition d’indemnisation des pertes de gains professionnels actuels et futurs, alors que les demandes d’indemnisation formées au titre de ces deux postes de préjudice ont été rejetées, de sorte qu’il ne s’agit pas d’éléments indemnisables du préjudice.

Il ne peut davantage lui être reproché de ne pas avoir proposé d’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle et du préjudice esthétique, s’agissant de chefs de préjudice qui n’ont pas été retenus par le Docteur [W] et dont la société GMF ignorait l’existence.

Il convient d’observer à ce titre que l’existence d’une incidence professionnelle n’a été retenue que dans le rapport d’expertise du Docteur [C] en date du 29 janvier 2013 et que la diminution de la taille de la victime n’a été constatée et rattachée aux lésions imputables à l’accident que le 13 septembre 2012 par le Professeur [F].

La société GMF qui a formulé une offre d’indemnisation dans le délai qui lui était imparti portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice dont elle connaissait l’existence et dont le montant de 8 955 euros n’était pas manifestement insuffisant au regard de la quantification des préjudices de M. [Z] proposée par l’expert, a ainsi satisfait à son obligation légale et n’encourt pas la pénalité prévue à l’article L. 211-13 du code des assurances.

M. [Z] sera ainsi débouté de sa demande de doublement du taux de l’intérêt légal.

Les indemnités allouées par la cour porteront intérêt au taux légal à compter de la date de l’arrêt avec capitalisation dans les conditions prévues à l’article 1243-2 du code civil.

Sur le préjudice économique de la société Les Editions de l’écritoire postérieur au 12 mars 2012

La société Les Editions de l’écritoire réclame, en infirmation du jugement, une indemnité actualisée d’un montant de 295 764,51 euros au titre de ses « pertes de gains professionnels futurs ».

Elle fait valoir en substance :

  • qu’elle assure l’organisation des concerts de M. [Z], l’édition de ses oeuvres et la production de ses enregistrements,
  • que sa rémunération est ainsi directement liée aux concerts réalisés par M. [Z],
  • que dès lors qu’il est reconnu une gêne professionnelle, ainsi qu’il résulte du rapport d’expertise judiciaire, il en découle nécessairement une diminution du nombre de concerts, d’autant que la principale séquelle subie par la victime directe a trait aux douleurs dorsales qui l’empêchent de rester longtemps debout et génèrent une fatigue importante,
  • que pour chaque concert, la société Les Editions de l’écritoire perçoit entre 500 euros et 800 euros en fonction de la capacité de la salle et de l’importance du concert,
  • que le tableau communiqué en pièce 31 présente la ventilation des revenus perçus en formule « duo » (un musicien et deux techniciens) et en formation complète (deux musiciens et deux techniciens, soit une somme de 500 euros revenant à la société Les Editions de l’écritoire en formule « duo » et de 800 euros pour la formation complète,
  • que la part revenant à la société Les Editions de l’écritoire représente l’amortissement de l’investissement de la création du concert (orchestrations, création des lumières, répétitions, costumes, création des visuels),
  • qu’avant l’accident, M. [Z] effectuait en moyenne 41 concerts par an (pièce 23) et qu’entre 2011 et 2014, il n’a effectué que 20 concerts en moyenne (pièce 26),
  • qu’en retenant un revenu moyen par concert de 650 euros, la perte financière de la société Les Editions de l’écritoire s’élève à la somme de 13 000 euro par an, soit à ce jour, 117 000 euros (13 000 euros x 9 ans),
  • qu’il convient d’ajouter à cette somme la perte des droits versés à l’éditeur par la SACEM qui étaient en 2009 et 2010 de 14 908 euros en moyenne, puis sont passés après l’accident entre 2011 et 2013 à la somme moyenne de 4 838 euros, soit une perte moyenne de 129 334 euros sur 9 ans (10 070 euros par an x 9 ans),
  • qu’après actualisation, son préjudice au titre de la perte de gains professionnels futurs s’établit à la somme de 295 764,51 euros.

Hormis les moyens tirés de l’autorité de la chose jugée auxquels il a été répondu plus haut, la société GMF soutient pour l’essentiel que la société Les Editions de l’écritoire affirme sans en justifier que sa rémunération est directement liée aux concerts réalisés par M. [Z] et se livre à un calcul ne reposant sur aucun élément tangible objectif, d’un manque à gagner découlant de prétendus concerts non réalisés et de la non édition des oeuvres subséquentes.

Elle conclut ainsi à la confirmation du jugement qui a rejeté les demandes de la société Les Editions de l’écritoire.

Sur ce, il convient d’abord de relever que le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels futurs, constitue un poste du préjudice corporel de la victime directe, de sorte que la demande de la société Les Editions de l’écritoire s’analyse en une demande d’indemnisation de son préjudice financier consécutif à l’accident pour la période postérieure au 12 mars 2012.

S’agissant de la diminution alléguée du nombre des concerts réalisés par M. [Z], la pièce n° 23, à laquelle se réfère la société Les Editions de l’écritoire, recense la liste des concerts réalisés en France par M. [Z] entre le 1er janvier 2009 et le 13 mars 2012.

Selon ce document, qui n’apporte aucune information sur le nombre de concerts effectués à l’étranger, M. [Z] a réalisé :

  • en 2009, dernière année précédant l’accident, 31 concerts.
  • en 2010, 38 concerts, dont 15 concerts à compter du 10 septembre 2010, postérieurement à l’accident du 16 juillet 2010,
  • en 2011, 28 concerts.

Il convient d’observer que dans un document de comptabilité interne récapitulant le montant des salaires versés à M. [Z] par la société Les Editions de l’écritoires entre 2008 et 2011 inclus pour chaque concert réalisé, il est indiqué de manière manuscrite que M. [Z] a effectué 19 concerts au cours du 1er semestre 2011 et 12 concerts au cours du second semestre de cette même année, soit un total de 31 concerts.

Dans son rapport d’expertise officieuse, M. [M] a pour sa part retenu un nombre de 65 concerts réalisés en 2010.

La pièce n° 26 qui recense le nombre de concerts effectués entre 2012 et 2021 en France et à l’étranger fait état de 19 concerts réalisés en 2012, 15 concerts en 2013, année au cours de laquelle M. [Z] admet avoir subi une intervention chirurgicale à coeur ouvert, 39 concerts en 2014, 25 concerts en 2015, 35 concerts en 2019, 12 concert en 2020, outre 21 concerts en option à la date d’établissement de ce document.

Ces données témoignent du caractère fluctuant du nombre des concerts réalisés par l’artiste mais ne permettent pas d’établir une diminution de l’activité scénique de M [Z] imputable à l’accident alors qu’il a effectué en 2011 un nombre de concerts équivalent à l’année 2009, et qu’il a réalisé 39 concerts en 2014 dont plusieurs dates à l’étranger, à [Localité 10] et à Québec (Canada), 26 concerts en 2015 et 35 concerts en 2019, soit un nombre de concerts supérieur à ceux réalisés en France en 2009 avant l’accident.

Il n’est ainsi établi aucun préjudice financier imputable au fait dommageable au titre de la rémunération forfaitaire alléguée par la société Les Editions de l’écritoire, étant observé que l’existence d’une telle rémunération ne résulte que d’un document type (pièce n° 25) récapitulant sans indication de lieux et de dates, les dépenses générées par un concert en duo dans une salle de 350 à 500 places et par un concert en formation complète dans des salles de 500 places et plus, document qu’aucune pièce comptable ne vient corroborer.

S’agissant de la demande formée au titre de la perte des droits de reproduction publique collectés par la SACEM pour chaque concert réalisé et répartis entre l’éditeur des oeuvres musicales, en l’occurrence la société Les Editions de l’écritoire, et l’auteur des oeuvres, M. [Z], outre que la seule pièce relative aux droits versés par la SACEM à l’éditeur (pièce n° 24) concerne la seule période du 1er janvier 2009 au 13 mars 2012, il n’est pas établi, pour les motifs énoncés plus haut, de diminution du nombre des concerts effectués par M. [Z] imputable à l’accident.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté la société Les Editions de l’écritoire de sa demande de condamnation de la société GMF à lui payer la somme de 246 334 euros.

La demande de la société Les Editions de l’écritoire tendant à voir porter cette indemnité à la somme de 295 764,51 euros en cause d’appel sera également rejetée.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées, sauf à préciser que les dépens comprendront les frais de l’expertise judiciaire.

La société GMF qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d’appel exposés jusqu’à ce jour.

L’équité commande d’allouer à M. [Z] en application de l’article 700 du code de procédure civile une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés jusqu’à ce jour devant la cour et de rejeter la demande de la société GMF formulée au même titre.

Dispositif
PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l’appel,

  • Déclare recevables les demandes d’indemnisation présentées par M. [G] [Z] et par la société Les Editions de l’écritoire,
  • Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société GMF assurances à payer à M. [G] [Z] la somme complémentaire de 44 159,77 euros en réparation de son préjudice lié à l’accident du 16 juillet 2010,
  • Le confirme pour le surplus, sauf à préciser que les dépens de première instance comprendront les frais d’expertise judiciaire,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

  • Condamne la société GMF assurances à payer à M. [G] [Z] les indemnités suivantes, provisions et sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement non déduites, en réparation des postes de préjudice ci-après :
  • dépenses de santé actuelles : 3 853,32 euros
  • dépenses de santé postérieures à la date de consolidation (hors frais de consultation du Docteur [R]) : 1 446,80 euros
  • frais divers : 5 140 euros
  • incidence professionnelle : 50 000 euros
  • préjudice esthétique permanent : 10 000 euros,
  • Dit que les indemnités allouées porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil,
  • Déboute M. [G] [Z] de sa demande principale d’indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs et de sa demande subsidiaire d’expertise comptable ou financière,
  • Déboute M. [G] [Z] de sa demande de doublement du taux de l’intérêt légal,
  • Déboute la société Les Editions de l’écritoire de sa demande tendant à voir condamner la société GMF assurances à lui payer la somme de 295 764,51 euros au titre de son préjudice financier pour la période postérieure au 12 mars 2012,
  • Avant dire droit sur le montant de l’indemnité revenant à M. [Z] au titre de la consultation et des examens réalisés par le Docteur [R], pneumologue, le 24 septembre 2012, ordonne la réouverture des débats,
  • Invite M. [G] [Z] à produire le décompte détaillé des remboursements effectués par la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne et par la société mutualiste des auteurs compositeurs et des éditeurs de musique au titre de cette consultation ou une attestation de ces organismes établissant l’absence de prise en charge de cette dépenses de santé,
  • Renvoie l’affaire à l’audience du 21 décembre 2023 à 14h, salle Tocqueville, escalier Z, 4ème étage,
  • Condamne la société GMF assurances à payer à M. [Z] en application de l’article 700 du code de procédure civile une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés jusqu’à ce jour devant la cour,
  • Rejette la demande de la société GMF assurances formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
  • Condamne la société GMF aux dépens d’appel exposés jusqu’à ce jour.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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