Accident dans un parc d’attraction : qui est responsable ? 

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Accident dans un parc d’attraction : qui est responsable ? 

Victime d’un accident sportif

Le 30 juin 2018, M. [T] [Z] a été victime d’un accident sportif alors qu’il participait à une activité de téléski nautique à genoux sur une planche (kneeboard) au sein du parc d’attraction [9] situé à [Localité 13].

M. [Z] a subi une amputation de la phalange distale du pouce droit lors d’une mise en tension brusque d’une corde de traction enroulée malencontreusement autour de son pouce.

Responsabilité de la société qui exploite le parc d’attraction

Il a été définitivement jugé que la société qui exploite le parc d’attraction est entièrement responsable de l’accident dont a été victime M. [T] [Z]. 

L’évaluation judiciaire des préjudices

L’évaluation judiciaire des préjudices repose sur l’utilisation de la nomenclature proposée par le groupe de travail dirigé par un expert.  

Le rapport du groupe [F] rappelle la définition du déficit fonctionnel permanent issue de travaux techniques réalisés dans le cadre d’une concertation européenne à [Localité 14] en juin 2000 et définissant ce poste comme ‘la réduction définitive du potentiel physique, phychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.’

L’indemnisation du préjudice corporel

Pour l’indemnisation du préjudice corporel, il est admis que la réparation du poste de déficit fonctionnel permanent inclut pour la période postérieure à la date de consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales. En outre, le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés sont inclus dans le déficit fonctionnel permanent.

Il en résulte que le déficit fonctionnel permanent comprend donc trois éléments : les atteintes aux fonctions physiologiques, les douleurs endurées postérieurement à la consolidation et la perte générale de la qualité de vie (en y incluant les troubles dans les conditions de l’existence).

La mission confiée à l’expert par l’ordonnance du 7 février 2019 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen  en son point 4.3 intitulé ‘analyse du déficit fonctionnel permanent’ reprend cette définition en précisant :

‘indiquer si M. [T] [Z] supporte un déficit fonctionnel permanent, défini par la nouvelle nomenclature comme étant ‘une altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que les douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d’activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement’.

Définir le taux de déficit fonctionnel par référence au barème fonctionnel et tenir compte au surplus, des phénomènes douloureux résiduels et des conséquences dans la perte d’autonomie au sens large’.

Le tribunal a relevé avec pertinence que l’expert s’était limité à une évaluation du déficit fonctionnel permanent par référence au barème médical en retenant la seule atteinte aux fonctions physiologiques de la victime sans évoquer les autres composantes de ce préjudice.

Préjudice des douleurs associées

En application du principe de réparation intégrale ci-dessus rappelé, le tribunal a, à bon droit, majoré l’indemnisation de ce préjudice pour prendre en compte les douleurs associées à l’atteinte séquellaire et les troubles dans les conditions de l’existence.

L’absence de dire formulé sur ce point par M. [Z] lors des opérations d’expertise ne saurait valoir renoncement par celui-ci à contester le taux retenu ou le caractère incomplet de l’évaluation faite par le docteur [G].

Ainsi, c’est à juste titre que le tribunal, après avoir déterminé l’atteinte aux fonctions physiologique par référence à la valeur du point d’AIPP qu’il a fixée, compte tenu de l’âge de M. [Z] à la date de la consolidation (24 ans) et de l’ampleur de l’atteinte à la somme de 2 255 euros le point, soit pour une atteinte de 8% à 18 040 euros (soit 8 x 2 255 euros), a procédé à l’évaluation des deux autres composantes du déficit fonctionnel permanent.

Les attestations produites en cause d’appel permettent de retenir de fait :

– l’existence de douleurs psychologiques permanentes, correspondant à un retentissement indéniable important de l’amputation subie ce après consolidation, sur sa vie psychique quant à une atteinte à son image corporelle et une perte de confiance en lui (notamment : ‘complexe au niveau de sa main droite’ décrit par Mme [W], ‘une fragilité psychologique et un complexe d’infériorité’ évoquée par M. [Y], ‘une tristesse profonde’ constatée par Mme [H], ‘une perte de confiance’ invoquée par son père comme par sa mère) ;

– des troubles dans les conditions de l’existence caractérisés par la difficultés à réaliser tous les gestes quotidiens impliquant de se servir de sa main comme d’une pince (écriture, conduire, couper la viande (attestation de Mme [W]), tenue du chien en laisse (attestation de Mme [M] [Z]).

En revanche, il convient d’évaluer ces deux composantes du déficit fonctionnel permanent et de réparer intégralement ce préjudice en majorant l’indemnité de 18 040 euros d’une somme de 8 000 euros.

En définitive, le jugement a été infirmé quant au montant de la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent de M. [Z], lequel s’est vu attribuer la somme de 26 040 euros à ce titre.

Le préjudice esthétique permanent 

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique à compter de la consolidation.

L’expert a coté ce poste de préjudice à 0,5/7 en raison de la perte de la phalange unguéale du pouce. Il a noté par ailleurs l’aspect disgracieux et inesthétique du moignon.

Les sociétés appelantes proposent une somme de 750 euros en réparation de ce préjudice quand M. [Z] sollicite la confirmation du jugement lui ayant alloué la somme de 4500 euros, faisant valoir que ce poste avait été évalué à 2,5 dans des cas similaires.

La cour considère que le tribunal a procédé à une juste évaluation du préjudice subi à ce titre par M. [Z].

Le préjudice d’agrément permanent

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

Le préjudice d’agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d’une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l’accident et dont elle a été privée des suites de celui-ci.

Les sociétés appelantes proposent l’allocation d’une somme limitée de 750 euros, faute de justificatifs suffisants à établir le préjudice à hauteur du montant réclamé.

L’expert a seulement indiqué le caractère modeste de ce préjudice, dû au fait que M. [Z] ne peut pas reprendre la boxe, en soulignant cependant que l’intimé avait arrêté de pratiquer ce sport plusieurs années avant l’accident.

Le tribunal a alloué une somme de 4000 euros à ce titre en prenant en compte le fait que l’accident démontrait la pratique d’activités ludiques telles que le knee board, et les attestations produites celle de jeux vidéo partagée avec des amis et d’activités manuelles comme le bricolage.

Aucune attestation ne vient établir qu’avant l’accident, M. [Z] pratiquait régulièrement la boxe ou des activités telles que le knee board, le contexte de l’accident étant à cet égard insuffisant à le démontrer.

Il convient aussi d’indemniser uniquement la difficulté à pratiquer les jeux video et le bricolage dont il est justifié le caractère régulier de leur pratique (attestations de M. [R] et de M. [V]), par l’allocation d’une somme de 1500 euros à ce titre, le jugement étant infirmé de ce chef.

En définitive, le montant total accordé à M. [Z] en réparation de ses préjudices corporels ensuite de l’accident sera fixé à la somme de 61 599,42 euros, somme au paiement de laquelle ont été condamnées in solidum sociétés [9], Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles.


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