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Le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail au respect de l’intimité de sa vie privée.
Dès lors, l’accès de l’employeur aux données figurant sur un compte Facebook d’un de ses salariés et l’utilisation des données de ce compte comme moyen de preuve sont autorisés sous réserve que les éléments de preuve aient été recueillis loyalement, que l’atteinte à la vie privée soit proportionnée au but poursuivi par l’employeur, et que la production des éléments soit indispensable à l’exercice du droit de la preuve.
L’employeur est en droit de produire aux débats un message Facebook du salarié en accès public (et non privé) dès lors que ledit message n’a pas été obtenu par fraude ou stratagème. Le caractère public du message, qui était donc accessible à tous, implique par nature l’absence d’atteinte à la vie privée de la salariée, auteur dudit message.
Néanmoins, le message publié sur le mur Facebook de la salariée ne pouvait avoir qu’une audience limitée même s’il était public, ne comportait aucun propos injurieux ou diffamatoire, et l’employeur ne justifiait pas qu’il ait eu quelconque conséquence pour sa société. Ce seul grief ne constitue ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Pour rappel, lors d’un procès, les preuves produites aux débats doivent être obtenues de manière licite et ne peuvent avoir été obtenues par un stratagème ou un procédé déloyal ou clandestin.
Aux termes de l’article L1235-3-1 du code du travail, le juge peut constater que le licenciement est entaché de nullité, notamment pour violation d’une liberté fondamentale. Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention (article 9 du code de procédure civile).
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
ARRET DU 24 juin 2021
N° RG 20/00399 – N° Portalis DBVR-V-B7E-ERJX
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY
F 19/00042
31 janvier 2020
APPELANTE :
SARL LE DUO DE LA COIFFURE Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Cyrille GUENIOT de la SELAFA ACD AVOCATS, substitué par Me Audrey REMY, avocats au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Madame D Y
[…]
[…]
Représentée par Me Benjamin JOLLY, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : STANEK Stéphane,
K-L M,
Greffier lors des débats : RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 01 Avril 2021 ;
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 24 Juin 2021 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Le 24 Juin 2021, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCEDURE
Madame D Y a été embauchée par la SARL I A J par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 8 septembre 2008, en qualité de coiffeuse.
Par jugement du 12 juin 2018, la SARL I A J a bénéficié d’une procédure de liquidation judiciaire.
Par ordonnance du même jour, la cession du fonds de commerce à la SARL LE DUO DE LA COIFFURE a été autorisée.
Par courrier du 13 juin 2018, le liquidateur a informé madame D Y du transfert, le même jour, de son contrat de travail à la SARL LE DUO DE LA COIFFURE.
Par courrier du 11 octobre 2018 remis en mains propres, la SARL I A J a convoqué madame D Y à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 24 octobre 2018, avec mise à pied conservatoire.
Par courrier du 29 octobre 2018, madame D Y a été licenciée pour faute grave.
Par requête du 29 janvier 2019, madame D Y a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy aux fins de voir dire son licenciement nul car fondé sur des éléments obtenus en violation de son droit à la vie privée, ou à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse et obtenir, en conséquence, diverses indemnités.
Par jugement du 31 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Nancy a :
— dit que le licenciement de madame D Y est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— condamné la société LE DUO DE LA COIFFURE à verser à madame D Y :
4 578,60 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
3 507,02 euros au titre de l’indemnité de préavis,
350,70 euros au titre des congés payés afférents,
1 065,01 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied,
106,50 euros au titre des congés payés afférents,
11 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné la société LE DUO DE LA COIFFURE au remboursement des allocations chômage versées à madame D Y dans la limite de 3 mois,
— débouté la société LE DUO DE LA COIFFURE de ses demandes,
— condamné la société LE DUO DE LA COIFFURE aux entiers dépens,
Le 14 février 2020, la SARL LE DUO DE LA COIFFURE a interjeté appel à l’encontre du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la SARL LE DUO DE LA COIFFURE déposées par voie électronique le 5 octobre 2020,
Vu les conclusions de madame D Y déposées par voie électronique le 5 juillet 2020,
Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 19 novembre 2020,
La SARL LE DUO DE LA COIFFURE sollicite ce qui suit:
In limine litis,
— annuler le jugement en ce qu’il n’a pas respecté les droits fondamentaux de la défense,
A défaut,
— rejeter le bien-fondé de l’appel incident de madame D Y,
— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté madame D Y de ses demandes au titre de la nullité du licenciement,
— infirmer le jugement en ce qu’il a :
dit que le licenciement de madame D Y est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
l’a condamnée à verser à madame D Y les sommes suivantes :
4 578,60 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
3 507,02 euros au titre de l’indemnité de préavis,
350,70 euros au titre des congés payés afférents,
1 065,01 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied,
106,50 euros au titre des congés payés afférents,
11 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
l’a condamnée au remboursement des allocations chômages versées à madame D Y dans la limite de 3 mois.
Statuant à nouveau,
— juger que le licenciement pour faute grave de madame D Y est parfaitement justifié,
— débouter en conséquence madame D Y de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied et des congés payés afférents, de sa demande d’indemnité de préavis et des congés payés y afférents, de sa demande d’indemnité pour licenciement et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
— débouter madame D Y de toutes ses demandes,
— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
l’a condamnée à verser à madame D Y la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
l’a déboutée de ses demandes,
l’a condamnée aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
— débouter madame D Y de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner madame D Y à rembourser les frais d’Huissier qui ont dû être engagés dans le cadre de la présente procédure, à savoir 264,09 euros,
— condamner madame D Y à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner madame D Y aux dépens.
Madame D Y sollicite ce qui suit:
— rejeter la demande d’annulation du jugement entrepris,
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société LE DUO DE LA COIFFURE à lui verser :
4 578,60 euros nets d’indemnité de licenciement,
3 507,02 euros d’indemnité de préavis, outre 350,70 euros d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
1 065,01 euros de rappel de salaire sur mise à pied, outre 106,50 euros d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
1 500 euros au des frais irrépétibles de 1re instance,
— l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
A titre principal,
— dire que son licenciement est nul comme portant atteinte à son droit au respect de l’intimité de sa vie privée et à son droit au secret des correspondances,
— dire que son licenciement est nul comme portant atteinte à sa liberté d’expression,
— condamner la société LE DUO DE LA COIFFURE à lui payer 32 000 euros net de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
— dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
— condamner la société LE DUO DE LA COIFFURE à lui payer 32 000 euros net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
— débouter la société LE DUO DE LA COIFFURE de ses demandes et la condamner à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats, les conclusions de la SARL LE DUO DE LA COIFFURE déposées par voie électronique le 5 octobre 2020 et les conclusions de madame D Y déposées par voie électronique le 5 juillet 2020, auxquelles il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments,
SUR LA FORME
La recevabilité de l’appel et sa régularité formelle ne sont pas contestées.
AU FOND
Sur la demande d’annulation du jugement
Aux termes de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
Aux termes des articles L111-6 et L111-7 du code de l’organisation judiciaire, la récusation d’un juge peut notamment être demandée s’il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l’une des parties, et le juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer par un autre juge spécialement désigné. La récusation ou le renvoi pour cause de suspicion légitime peut être proposé par la partie elle-même ou par son mandataire. Le mandataire doit être muni d’un pouvoir spécial.
Aux termes des article 342 à 344 du code de procédure civile, la partie qui veut récuser un juge ou demander le renvoi pour cause de suspicion légitime devant une autre juridiction de même nature doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause justifiant la demande. Lorsque la cause justifiant la demande est découverte à l’audience, la demande est formée par déclaration consignée par le greffier dans un procès-verbal, qui est adressé sans délai au premier président. Une copie en est conservée au dossier. La demande doit, à peine d’irrecevabilité, indiquer les motifs de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime et être accompagnée des pièces justificatives. Il est délivré récépissé de la demande.
Aux termes de l’article 347 alinéa 3 du même code, les actes de procédure accomplis par le juge ou la juridiction avant que la décision accueillant la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime n’ait été portée à sa connaissance ne peuvent être remis en cause. Est toutefois non avenue, quelle qu’en soit sa date, la décision rendue par le juge ou la juridiction qui tranche tout ou partie du principal ou qui, sans trancher le principal, est exécutoire à titre provisoire.
La SARL LE DUO DE LA COIFFURE fait valoir que sa gérante avait acheté quelques années plus tôt un fonds de commerce à la présidente du bureau de jugement et que les conditions de ces ventes et ses suites ont été compliquées. Elle ajoute que la présidente, madame X, a reconnu avoir eu des liens d’affaires avec elle mais que le conseil de prud’hommes a refusé sa demande de renvoi. Elle indique qu’alors que l’acte de vente prévoyait une clause de non concurrence, un proche de madame X a créé dès 2016 un salon de coiffure à proximité, dont elle est désormais seule propriétaire, ce qui a généré des discussions tendues. Elle précise que l’attitude du conseil de prud’hommes constitue une violation des droits de la défense.
Madame Y fait valoir qu’une demande de récusation doit être formée par déclaration consignée par le greffier dans un procès-verbal, suppose un mandat spécial délivré au mandataire et qu’à défaut, le conseil de prud’hommes a justement poursuivi la procédure. Elle ajoute que la demande de récusation était fondée sur le fait que la présidente de la formation de jugement avait été associée d’une société ayant cédé en 2014 un salon de coiffure à la société appelante, salon distinct de celui où elle travaillait. Elle précise que de tels motifs ne sont pas des motifs de récusation dès lors qu’aucun lien d’affaires ou d’autre nature ne liait la présidente à la partie adverse pendant la procédure.
Sur ce,
Il résulte du procès-verbal de l’audience du 18 octobre 2019 du bureau de jugement du conseil de prud’hommes (annexe 27 de l’employeur) que la SARL LE DUO DE LA COIFFURE était représentée, à l’audience, par madame CONVARD-ZINGRAFF, gérante, et assistée par son avocat, qui a expressément sollicité la récusation de la présidente d’audience, madame X et souhaité « faire porter sa demande de récusation auprès du premier président de la cour d’appel ».
Le conseil de prud’hommes a sollicité de la SARL LE DUO DE LA COIFFURE qu’elle produise un pouvoir spécial et une demande motivée accompagnée des pièces justificatives. A défaut, le conseil a retenu l’affaire pour plaidoirie.
Si la demande de récusation ne dessaisissait pas le conseil de prud’hommes et n’entraînait pas de sursis à statuer, le conseil de prud’hommes n’a pas compétence pour statuer sur la recevabilité de la demande de récusation ou sur son bien-fondé.
Dès lors, le refus transmettre la demande de récusation et de renvoyer l’affaire dans l’attente de la décision du premier président a privé les parties des garanties d’impartialité du tribunal et a violé les droits de la défense.
Au vu de ce qui précède, le jugement sera annulé.
Sur le licenciement
Aux termes de l’article L1235-2 du code du travail, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
Madame D Y a été licenciée par courrier du 29 octobre 2018 dont les termes suivent :
« Suite à notre lettre de convocation en date du 11 octobre 2018 et à notre entretien du 24 octobre dernier, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave. En effet, les quelques explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien préalable n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés.
Aussi, nous reprenons l’ensemble des éléments à votre encontre.
Vous êtes employée dans le salon depuis le 8 septembre 2008 en qualité de coiffeuse mixte. Nous avons-nous même repris le salon depuis le 13 juin dernier.
Vous devez notamment au titre de vos obligations contractuelles, effectuer la durée du travail prévue au sein de votre contrat, à savoir 35 heures par semaine, et respecter les horaires d’ouverture du salon.
Or et pour ne reprendre qu’un exemple, le 5 octobre 2018, alors que vous étiez de fermeture jusque 20 heures, nous avons constaté que le salon était en réalité fermé à 19 heures 50, soit 10 minutes en avance.
Cette fermeture précoce n’est pas exceptionnelle puisque, le 8 octobre suivant, vous avez répété ce même schéma en quittant à 19 heures 48.
Pire encore, nous ne pouvons nous fier à vos documents de contrôle du temps de travail puisque toujours à ces mêmes dates, vous inscrivez avoir quitté à 20 heures.
Ce qui est complètement faux.
En outre, votre métier de coiffeuse implique une dimension commerciale non négligeable, votre comportement dans le salon ayant une influence directe sur l’image du salon vis-à-vis de notre clientèle.
Un de vos collègues vous a filmé. Sur la vidéo qui nous a été remise par celui-ci, il ressort clairement que vous êtes filmée de manière volontaire sur celle-ci puisque vous y faites régulièrement des gestes très ostensibles.
Sur cette vidéo vous avez un comportement en réalité très peu professionnel, voire même douteux.
Ce dernier vous filmait en train d’effectuer des gestes obscènes à l’encontre de la Direction. Vous avez justifié ce geste lors de notre entretien en disant « je faisais ce geste à la personne qui filmait » puis 2 mn après vous avez dit ne plus savoir qui vous filmait…. Nous en déduisons donc que c’était bien à notre égard mais que vous étiez profondément gênée de nous l’avouer lors de l’entretien. Ce qui est tout à fait compréhensible aux vues de la vulgarité de la scène.
Pire encore, ces gestes s’accompagnaient de propos intolérables, tels que ‘ nous reprenons vos propres termes ‘ « Tu l’as vu, le TPE ‘ Tu les as vu les cumulus ‘ » Ou encore « Niques ta mère. »
Dans une autre vidéo vous critiquiez à voix haute le salon, la porte de celui-ci étant grande ouverte et les clients du centre commercial étant spectateurs, bien malgré eux.
Ce qui est particulièrement intolérable !
Non seulement ce comportement est insultant pour la Direction mais il renvoie aussi, par sa grossièreté, une image extrêmement négative de notre salon à la clientèle et engendre potentiellement une perte pour l’entreprise.
Doit-on vous rappeler que le salon a récemment fait l’objet d’une procédure de dépôt de bilan, lié justement à un manque criant de chiffre d’affaires et donc de clients, Un tel comportement est donc d’autant moins admissible.
Malheureusement, cela ne s’arrête pas là.
En effet, nous avons remarqué la survenance répétée de plusieurs « dysfonctionnements » matériels lors de votre présence dans le salon.
Les 22, 23, 29 et 30 août dernier, nous avons constaté que le TPE était débranché, contrairement aux prescriptions qui sont données au personnel.
Étonnamment, vous faisiez la fermeture du salon pour chacun de ces jours.
Ces mêmes faits ont été constatés le 6 et 19 septembre au soir, journées pour lesquelles vous restiez également jusque 20 heures au salon.
Un TPE hors service implique de demander aux clients un paiement en espèce. Devons-nous voir ici une volonté de détourner de l’argent ‘
Par ailleurs, mercredi 12 septembre, nous constations que quatre cumulus indépendants avaient subitement disjoncté en même temps.
Le lendemain, il n’y avait plus d’eau chaude au salon, ce qui témoigne d’une mise à l’arrêt volontaire la veille au soir, journée lors de laquelle vous exerciez jusque 20 heures au salon.
Le 26 septembre l’horloge qui détermine l’heure à laquelle doivent chauffer tes cumulus a été mise sur « O ». De ce fait nous n’avions de nouveau pas d’eau chaude le jeudi matin.
Le plombier qui est intervenu nous a confirmé que ces actes ne pouvaient être que volontaires.
L’absence d’eau chaude ne permettant pas de recevoir et de nous occuper de nos clients dans de bonnes conditions, et là encore, cela nuit à l’image du salon.
Et, depuis votre mise à pied, plus aucun événement de cette nature ne s’est produit.
Ces agissements nous laissent dans une profonde incompréhension et ne nous permettent pas
de qualifier autrement ces agissements qu’en actes volontaires de nuisance à notre salon.
Le salon ne peut tolérer ces actes de sabotage qui engendrent une perte financière due aux réparations mais également une perte de temps considérable.
Enfin, alors que vous étiez bien évidemment toujours salariée de notre entreprise, vous avez publié, le 12 octobre 2018 sur Facebook, un texte annonçant que vous ne faisiez plus partie de l’entreprise.
Vous écriviez « le bas de gamme n’est pas pour moi », vous estimant « soulagée ».
Plus encore, vous invitiez, dans cette même publication, des potentiels clients à vous contacter.
Si ce comportement de dénigrement est inacceptable, il constitue surtout une volonté de détourner notre clientèle et ce de manière totalement déloyale.
Nous en arrivons même à nous demander si vos agissements n’ont justement pas été volontaires dans le seul et unique but de vous faire licencier.
D’ailleurs, à ce titre, nous vous rappelons qu’à l’issue de nos relations contractuelles, vous restez soumise à une obligation de loyauté, vous interdisant notamment toute concurrence déloyale vis-à-vis de notre entreprise.
Vous saurez que le salon un retrouvé un climat et une ambiance sereine. Ce sont les paroles de vos collègues.
Par conséquent, pour toutes les raisons évoquées dans le présent courrier et ne pouvant concevoir votre attitude provocatrice et totalement incompatible avec la bonne marche de notre salon, nous sommes contraints de procéder, par la présente, à votre licenciement pour faute grave. »
Sur la demande d’annulation du licenciement
Aux termes de l’article L1235-3-1 du code du travail, le juge peut constater que le licenciement est entaché de nullité, notamment pour violation d’une liberté fondamentale.
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Les preuves produites aux débats doivent être obtenues de manière licite et ne peuvent avoir été obtenues par un stratagème ou un procédé déloyal ou clandestin.
Aux termes de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.
Le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail au respect de l’intimité de sa vie privée.
Dès lors, l’accès de l’employeur aux données figurant sur un compte Facebook d’un de ses salariés et l’utilisation des données de ce compte comme moyen de preuve sont autorisés sous réserve que les éléments de preuve aient été recueillis loyalement, que l’atteinte à la vie privée soit proportionnée au but poursuivi par l’employeur, et que la production des éléments soit indispensable à l’exercice du droit de la preuve.
En l’espèce, madame Y fait valoir que son mur Facebook est privé de telle sorte que seules les personnes sélectionnées par elle peuvent accéder aux messages qu’elle publie. Elle ajoute que l’employeur n’est pas fondé à prendre connaissance des messages privés de son salarié, a fortiori par stratagème, en recourant au profil d’un autre salarié. Elle indique qu’elle a posté le message en dehors des heures de travail par ses propres moyens informatiques. Elle précise qu’elle n’a jamais dénigré l’entreprise sur son mur Facebook ni détourné la moindre clientèle et que l’employeur a violé sa liberté d’expression.
La SARL LE DUO DE LA COIFFURE fait valoir que la publication de madame Y sur Facebook n’était pas une publication privée mais qu’elle était diffusée en mode public, et qu’elle n’a jamais accédé frauduleusement au compte Facebook de la salariée de telle sorte qu’il n’y a pas violation d’une liberté fondamentale. Elle ajoute qu’elle a elle-même enregistré la publication le 12 octobre 2018 et qu’il importe peu qu’elle date du 11 octobre 2018 ou que la salariée l’ait ensuite repassée en mode privé.
Sur ce,
L’employeur fait grief à madame Y d’avoir publié le message suivant le 12 octobre 2018 sur Facebook : « cher tous, j’ai eu le bonheur et la fierté d’exercer ma passion depuis plus de 10 ans au même endroit, partageant fou rires, moments difficiles, complicité, affection. J’essayerai de ne garder que les bons moments en souvenir et de conserver les liens tissés avec mes ex collègues que j’appréciais tant. Aujourd’hui, je tenais à vous informer que vous ne me verrez plus au sein de cette entreprise. Mes clients et amis, vous pouvez me contacter en MP pour plus d’informations. Voilà. 50 ans de coiffure et toujours passionnée’car ça ils ne l’auront pas eu », outre un commentaire répondant à un interlocuteur « au contraire (‘) le bas de gamme n’est pas pour moi. Soulagée » (annexe 5 de l’employeur).
La capture d’écran produite par l’employeur fait apparaitre à côté de ce message une icône signifiant, sur Facebook, qu’il est accessible non seulement aux personnes acceptées comme « amis », mais également au public
La salariée produit pour sa part (annexe 11 de la salariée) une capture d’écran d’un message qu’elle a publié sur Facebook le 11 octobre 2018, au côté de laquelle apparaît une icône signifiant qu’il est réservé aux personnes acceptées comme « amis ». Les termes de ce message sont exactement identiques au message du 12 octobre 2018 à l’exception des mots « mes clients et amis » qui sont remplacés par « mes amis ».
Il résulte de ce qui précède que madame Y a publié deux messages différents, un message privé destiné à ses amis, et un message public.
L’employeur produisant le message public et non le message privé, il n’en a pas obtenu copie par fraude ou stratagème.
Par ailleurs, le caractère public de ce message, qui était donc accessible à tous, implique par nature l’absence d’atteinte à la vie privée de la salariée, auteur dudit message.
Au vu de ce qui précède, madame Y sera déboutée de sa demande d’annulation du licenciement.
Sur le bien-fondé du licenciement
Lorsque l’employeur invoque une faute grave du salarié, il lui incombe d’apporter la preuve des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, à charge pour le juge d’apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s’ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Lorsque les faits sont établis mais qu’aucune faute grave n’est caractérisée, le juge du fond doit vérifier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l’employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l’espèce, la SARL fait valoir que madame Y ne respectait pas les horaires et que les 5 et 8 octobre 2018, elle a fermé le salon avant 20 heures. Elle ajoute qu’elle avait pourtant signé ses plannings en disant avoir fini à 20 heures.
Elle fait également valoir que madame Y était de fermeture du salon les 22, 23, 29 et 30 août 2018 outre les 6 et 19 septembre 2018, et qu’il a, à chaque fois, été constaté le lendemain que le terminal de paiement électronique avait été débranché la veille. Elle ajoute que de ce fait, aucun paiement par carte ne pouvait être effectué, ce qui engendrait des difficultés et des retards. Elle indique que le 12 septembre 2018, alors que madame Y était de fermeture, les quatre cumulus indépendants avaient subitement disjoncté en même temps, de telle sorte qu’il n’y avait plus d’eau chaude le lendemain. Elle précise que le plombier a attesté que cette manoeuvre ne peut qu’être volontaire. Elle indique que le 26 septembre, les mêmes faits sont survenus, et que le plombier a constaté que l’horloge était en mode « arrêt forcé » ce qui ne peut qu’être le fait d’une personne.
Elle fait également grief à madame Y de s’être fait filmer dans quatre vidéos, en se moquant ouvertement de sa direction dans le salon pendant ses heures de travail, parfois devant la clientèle. Elle ajoute que sur la première vidéo, elle dit, en faisant un doigt d’honneur, « tu l’as vu le TPE, tu l’as vu ‘ tu les as vu les cumulus ‘ Nique ta mère ! », ce qui confirme que les TPE et les cumulus ont été mis hors service volontairement par madame Y. Elle précise que ces vidéos lui ont été remises par un salarié.
Elle fait enfin grief à madame Y d’avoir publié, le 12 octobre 2018, sur Facebook, un message annonçant son départ du salon et un commentaire « le bas de gamme n’est pas pour moi. Soulagée »
Madame Y fait valoir qu’elle n’a pas abusé de sa liberté d’expression dans son message publié sur Facebook.
Elle fait également valoir qu’elle n’a pas commis de faute concernant le respect des horaires de travail. Concernant le 5 octobre 2018, elle indique que rien ne garantit que le planning n’a pas été modifié ultérieurement. Elle ajoute que si elle avait été de fermeture, elle « aurait effectué 13h30-20h et n’aurait pas effectué la pause légalement obligatoire ». Elle précise que madame Z n’atteste pas de son heure de sortie, mais de l’heure de fermeture du salon alors que lorsqu’elle fait la caisse ou le ménage, le salon est fermé. Concernant le 8 octobre 2018, elle indique que le témoin, monsieur E C, est le mari de la présidente du groupe et responsable administratif de telle sorte que son témoignage n’est pas probant. Elle ajoute que les plannings produits en première instance n’étaient pas signés.
Elle fait également valoir qu’elle n’a jamais été filmée en présence de clientèle, qu’elle n’a tenu aucun propos ou geste obscène à l’encontre de la direction et qu’aucune vidéo n’a été publiée. Elle indique que la première vidéo a été filmée en salle de pause du salon en dehors des heures de travail, et que le sens de ses propos n’est pas du tout celui qu’essaye de lui donner son employeur, puisqu’elle se désolait ‘ et ne réjouissait pas- des dysfonctionnements récurrents, notamment des TPE et des cumulus.
Elle fait enfin valoir qu’elle n’a commis aucun acte de sabotage. Elle indique que l’employeur n’a pas porté plainte contre elle mais contre X et a accusé madame A des mêmes sabotages et vols, à des dates communes et également à d’autres dates, de telle sorte qu’elle ne peut pas être à l’origine des sabotages. Elle ajoute que pour les cumulus, l’attestation du plombier ne comporte aucune date, les sms produits mentionnent les dates des 13 et 28 septembre 2018, et qu’il n’est pas possible de fixer avec précision la date de manipulation de l’horloge au 26 septembre alors que le plombier est intervenu au plus tôt le 28, les disjonctions entraînant elles-même un défaut de chauffe. Elle indique que madame A a été accusée des mêmes faits. Elle précise que monsieur B, qui déclare que l’ambiance est meilleure, est un des salariés qui a remplacé les coiffeuses mises à pied.
Sur ce,
Sur le respect des horaires de travail
Aux termes de l’article L3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Aux termes de l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
L’employeur produit aux débats les plannings des salariés (annexe 10) desquels il résulte que madame D Y devait travailler jusqu’à 20 heures le vendredi 5 octobre 2018 et le lundi 8 octobre 2018.
Le planning du 5 octobre 2018 est signé par la salariée et madame Z (annexe 11 de l’employeur) atteste que le salon était fermé à 19 h50 ce jour-là. Néanmoins, l’employeur ne conteste pas le fait que lorsque les salariés font la caisse ou le ménage, le salon est fermé au public. Dès lors rien ne prouve que madame Y a effectivement quitté son poste de travail à 19h50.
Par ailleurs, si monsieur C (annexe 12 de l’employeur) atteste avoir vu madame Y quitter son lieu de travail à 19h52 le 8 octobre 2018, le planning dudit jour n’est pas signé par la salariée.
Dès lors, l’employeur n’apporte pas de preuve suffisante du grief du non-respect des horaires de travail.
Sur le dysfonctionnement du terminal de paiement électronique (TPE)
La SARL LE DUO DE LA COIFFURE indique avoir constaté que le TPE était débranché les 22, 23, 29 et 30 août, outre les 6 et 19 septembre « au soir », alors que madame Y était de fermeture du salon ces jours-là.
Cependant, elle ne précise pas si ces constatations ont été faites par la gérante ou par un salarié. En outre, une ambiguïté quant aux dates des faits reprochés demeure, puisque si les débranchements ont été constatés les 22, 23, 29 et 30 août 2018, il appartient à l’employeur d’apporter une preuve suffisante que madame Y aurait été seule à fermer le salon la veille au soir, soit les 21, 22, 28 et 29 août 2018.
Il résulte des plannings versés aux débats que :
— le 21 août 2018, madame Y ne travaillait pas
— le 22 août 2018, madame Y travaillait jusqu’à 20 heures de même que la salariée F
— le 28 août, madame Y ne travaillait pas
— le 29 août 2018 madame Y travaillait jusqu’à 20 heures de même que la salariée F.
De même, madame Y travaillait le 5 septembre jusqu’à 20 heures en même temps que la salariée F et le 6 septembre 2018 jusqu’à 20 heures en même temps que la salariée Isabelle, elle ne travaillait pas le 18 septembre 2018 et elle travaillait le 19 septembre 2018 jusqu’à 20 heures de même que la salariée F.
L’employeur ne peut dès lors imputer ces faits avec certitude à madame Y. Cela est d’autant plus vrai que la SARL LE DUO DE LA COIFFURE a licencié madame F A pour les mêmes faits survenus les 21, 22, 23, 28, 29 et 30 août et 3 octobre 2018 (annexe 7 de la salariée).
Le doute profitant au salarié, ce grief ne peut être retenu à son encontre.
Sur le dysfonctionnement des cumulus
L’employeur indique avoir constaté le mercredi 12 septembre que quatre cumulus indépendants avaient subitement disjoncté en même temps et que le lendemain, il n’y avait plus d’eau chaude au salon. Il produit un sms de monsieur E C adressé à monsieur G H, plombier, le 13 septembre 2018 (annexe 15 de l’employeur) aux termes duquel « il y a les cumulus qui font a priori sauter les disjoncteurs ». Il ne précise pas à quelle heure il a été constaté qu’il n’y avait plus d’eau chaude.
Le 12 septembre 2018, madame Y travaillait jusqu’à 20 heures avec la salariée F, le 13 septembre 2018, elle travaillait jusqu’à 20 heures avec la salariée Isabelle.
L’employeur ne peut dès lors imputer avec certitude à madame Y des faits de disjonction volontaire des cumulus les 12 ou 13 septembre 2018.
L’employeur indique également que le 26 septembre 2018, l’horloge qui détermine l’heure à laquelle doivent chauffer les cumulus a été mise sur « O », soit en arrêt forcé, de telle sorte qu’il n’y avait plus d’eau chaude le jeudi matin. Il produit un échange de sms entre monsieur E C et monsieur G H daté du 28 septembre 2018 (annexe 17 de l’employeur) aux termes duquel « l’eau est froide depuis hier », soit le 27 septembre 2018. Aux termes de l’attestation du plombier (annexe 16 de l’employeur), le positionnement de l’horloge sur « 0 » ne peut être qu’un acte volontaire.
Le 26 septembre 2018, madame Y travaillait jusqu’à 20 heures en même temps que la salariée F.
L’employeur ne peut dès lors imputer avec certitude à madame Y des faits d’arrêt forcé volontaire des cumulus. Cela est d’autant plus vrai que les mêmes faits sont reprochés par la SARL LE DUO DE LA COIFFURE à madame F A dans sa lettre de licenciement (annexe 7 de la salariée).
Le doute profitant au salarié, ce grief ne peut être retenu à son encontre.
Sur les vidéos et les messages Facebook
Aux termes de l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Ainsi, un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s’il constitue un manquement à une obligation de son contrat de travail.
Par ailleurs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de l’entreprise, d’une liberté d’expression dont l’exercice ne peut justifier un licenciement que s’il dégénère en abus, l’abus étant caractérisé d’une part au regard du caractère public ou non des propos, de la qualité et les fonctions du salarié, du contenu des propos, du contexte dans lequel ils sont tenus, et d’autre part si cet abus a engendré un trouble objectif pour l’entreprise.
‘ L’employeur fait grief à madame Y de s’être fait filmer en train de se moquer ouvertement de sa direction dans le salon pendant ses heures de travail, dans le but de nuire à la direction de l’entreprise.
Ces vidéos ont des durées de 42 secondes, 8 secondes, 39 secondes et 36 secondes et ont été tournées dans le salon ou dans la salle de pause du salon, par plusieurs salariés. Si madame Y déclare dans la première vidéo « tu l’as vu de TPE, tu l’as vu ‘ tu as vu les cumulus ‘ Nique ta mère », ces propos doivent être replacés dans le contexte des autres vidéos dans lesquelles la salariée dénonce le mauvais état du salon. En outre, ces propos ont été tenus dans une ambiance détendue, en l’absence de tout client, et à aucun moment il n’est expressément fait référence à la gérante de la société ou à son comportement. En outre, l’employeur ne prétend pas que ces vidéos auraient engendré un trouble pour l’entreprise.
Dès lors, les propos tenus par madame Y ne peuvent ni constituer un aveu de quelconque sabotage des TPE ou des cumulus, ni constituer un dénigrement de la direction de l’entreprise et aucun grief ne peut être reproché à la salariée à cet égard.
‘ L’employeur fait également grief à la salariée des propos tenus sur Facebook en message public le 12 octobre 2018, alors qu’elle venait d’être convoquée, le 11 octobre 2018 par lettre remise en mains propres, à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire.
Elle n’était dès lors pas encore licenciée et ses propos laissant entendre que les prestations dispensées au sein de la SARL LE DUO DE LA COIFFURE sont de mauvaise qualité constituent un dénigrement de son employeur.
Néanmoins, ce message publié sur le mur Facebook de madame Y ne pouvait avoir qu’une audience limitée même s’il était public, ne comportait aucun propos injurieux ou diffamatoire, et l’employeur ne justifie pas qu’il ait eu quelconque conséquence pour sa société.
Dès, ce seul grief ne constitue ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au vu de ce qui précède, le licenciement de madame Y sera dit sans cause réelle ni sérieuse et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes d’indemnités
La SARL LE DUO DE LA COIFFURE ne conteste pas le salaire mensuel moyen de 1 753,51 euros bruts et l’ancienneté de 10 ans et 2 mois revendiqués par madame Y.
Sur l’indemnité de licenciement
Aux termes de l’article R1234-2 du code du travail, L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.
Madame Y sollicite la somme de 4 578,60 euros nets.
Ce montant n’est pas contesté par la SARL LE DUO DE LA COIFFURE et sera alloué à madame Y.
Sur l’indemnité de préavis et l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
Aux termes de l’article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois sauf si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié.
Madame Y, qui a une ancienneté de plus de dix ans, sollicite un préavis de deux mois et une indemnité de 3 507,02 euros, outre 350,70 euros au titre des congés payés.
Ces montants ne sont pas contestés par la SARL LE DUO DE LA COIFFURE et seront alloués à madame Y.
Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire
Lorsque la faute grave est écartée, le salarié est fondé à réclamer le paiement du salaire dû pendant la période de mise à pied.
Madame Y sollicite la somme de 1 065,01 euros correspondant au montant retenu sur son bulletin de salaire du mois d’octobre 2018 (annexe 9 de la salariée), outre 106,50 euros au titre des congés payés y afférents.
Ces montants ne sont pas contestés par la SARL LE DUO DE LA COIFFURE et seront alloués à madame Y.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
Aux termes de l’article L1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre 3 et 10 mois de salaire brut pour une ancienneté de 10 ans si l’entreprise emploie habituellement au moins onze salariés ou entre 2,5 et 10 mois si l’entreprise emploie habituellement moins de onze salariés.
En l’espèce, madame Y fait valoir qu’au moment du licenciement, elle était âgée de 51 ans, avait 10 ans d’ancienneté, que son licenciement était brutal et vexatoire et a été prononcé pour faute grave sur le fondement de graves allégations sans justification. Elle ajoute que l’entretien préalable et la non-remise de l’attestation Pôle emploi montrent la déloyauté de l’employeur dans la procédure de licenciement. Elle indique que si elle a ouvert rapidement son salon, c’est au motif qu’elle devait assurer sa subsistance, alors que l’employeur ne lui avait pas remis son attestation Pôle emploi.
La SARL LE DUO DE LA COIFFURE fait valoir qu’avant même de quitter son employeur, madame Y invitait ses clients à la rejoindre et qu’elle a immédiatement créé son propre salon à moins de 5 minutes de son précédent employeur, de telle sorte qu’elle ne prouve pas son préjudice.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient de relever que le caractère vexatoire d’un licenciement engendre, le cas échéant, un préjudice distinct de celui lié à la perte injustifiée de l’emploi, qui ne peut dès lors être indemnisé au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au vu du caractère injustifié de la perte de son emploi, alors qu’elle était âgée de 51 ans et avait une ancienneté de 10 ans, la somme de huit mois de salaire brut, soit 14 028,28 euros sera allouée à madame Y à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Sur la demande reconventionnelle
La SARL LE DUO DE LA COIFFURE succombant, elle ne pourra qu’être déboutée de sa demande de remboursement des frais d’huissier non compris dans les dépens et exposés afin de faire constater le contenu des vidéos dont elle se prévaut.
Sur le remboursement des indemnités chômage
Aux termes de l’article L1235-4 du code du travail, notamment en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Aux termes de l’article L1235-5 du même code, ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L1235-4, en cas de méconnaissance des articles L1235-3 et L1235-11.
Le licenciement de madame Y étant sans cause réelle ni sérieuse et la SARL LE DUO DE LA COIFFURE n’apportant pas la preuve d’un effectif habituel inférieur à onze salariés, il y a lieu d’ordonner le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné des indemnités de chômage qui ont pu être effectivement payées au salarié à la suite de son licenciement dans la limite de deux mois.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La SARL LE DUO DE LA COIFFURE succombant principalement, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de Madame D Y l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a exposés de telle sorte que la somme de 2 000 euros lui sera allouée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
ANNULE le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy du 31 janvier 2020,
Statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de madame D Y est sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SARL LE DUO DE LA COIFFURE à verser à madame D Y les sommes suivantes:
— 4 578,60 euros (quatre mille cinq cent soixante dix huit euros et soixante centimes) net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
— 3 507,02 euros (trois mille cinq cent sept euros et deux centimes) au titre de l’indemnité de préavis,
— 350,70 euros (trois cent cinquante euros et soixante dix centimes) au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
— 1 065,01 euros (mille soixante cinq euros et un centime) au titre du rappel de salaire sur mise à pied,
-106,50 euros (cent six euros et cinquante centimes) au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire
— 14 028,28 euros (quatorze mille vingt huit euros et vingt huit centimes) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
DÉBOUTE madame D Y du surplus de ses demandes,
DÉBOUTE la SARL LE DUO DE LA COIFFURE de sa demande reconventionnelle,
ORDONNE le remboursement par la SARL LE DUO DE LA COIFFURE à Pôle emploi des indemnités de chômage qui ont pu être effectivement payées à madame D Y à la suite de son licenciement dans la limite de deux mois,
CONDAMNE la SARL LE DUO DE LA COIFFURE à verser à Madame D Y la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL LE DUO DE LA COIFFURE aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT DE CHAMBRE