Contexte de la constructionLa SCI Chrisylphane a obtenu un permis de construire le 08 octobre 2021 pour édifier une maison d’habitation sur des parcelles cadastrées. Mise en demeure de M. [H] [L]Le 23 octobre 2023, le conseil de la SCI a mis en demeure M. [H] [L], propriétaire des parcelles voisines, de permettre l’accès à son terrain pour la construction d’un échafaudage nécessaire à la réalisation de l’enduit de façade. Refus d’autorisationM. [H] [L] n’a pas retiré le courrier et a refusé d’autoriser l’accès à sa propriété. Assignation en référéLe 15 février 2024, la SCI Chrisylphane a assigné M. [H] [L] en référé, arguant que son refus était abusif et demandant l’autorisation d’accéder à son terrain pour réaliser les travaux. Prétentions de la SCI ChrisylphaneLa SCI a demandé que M. [H] [L] soit contraint d’autoriser l’accès pour une durée maximale de quatre jours, avec des conditions précises concernant les horaires et la mise en place de l’échafaudage. Réponse de M. [H] [L]M. [H] [L] a contesté l’assignation, demandant sa nullité pour défaut de fondement et soutenant que la demande de tour d’échelle était ni urgente ni utile. Audience et délibérationLors de l’audience du 16 mai 2024, les parties ont réitéré leurs demandes. Le juge a proposé un renvoi en audience de règlement amiable, mais la SCI a estimé que cela serait voué à l’échec. Décision du juge des référésLe 06 juin 2024, le juge a rejeté l’exception de nullité de l’assignation et a convoqué les parties à une audience de règlement amiable, qui n’a pas abouti. Renvoi à une nouvelle audienceL’affaire a été renvoyée à l’audience du 26 septembre 2024, où M. [H] [L] a soulevé l’incompétence du juge des référés, arguant qu’il n’y avait pas de dommage imminent. Motifs de la décisionLe juge a statué que la SCI Chrisylphane pouvait accéder au terrain de M. [H] [L] pour réaliser les travaux, considérant que ceux-ci étaient nécessaires pour la conservation de l’immeuble. Demande de provisionLa demande de provision de la SCI Chrisylphane a été jugée sérieusement contestable et a été déboutée. Dépens et frais irrépétiblesM. [H] [L] a été condamné aux dépens et à payer 3.000 euros à la SCI Chrisylphane au titre des frais irrépétibles. Conclusion de la décisionLe tribunal a autorisé la SCI Chrisylphane à accéder au terrain de M. [H] [L] pour réaliser les travaux, tout en déboutant M. [H] [L] de ses demandes. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ ANGERS
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N° RG 24/120 – N° Portalis DBY2-W-B7I-HOIA
N° de minute : 24/443
O R D O N N A N C E
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Le VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE, Nous, Benoît GIRAUD, Président du Tribunal Judiciaire d’ANGERS, assisté de Aurore TIPHAIGNE, Greffière présente lors des débats et lors de la mise à disposition, avons rendu la décision dont la teneur suit :
DEMANDERESSE :
S.C.I. CHRISYLPHANE, immatriculée au RCS D’ANGERS sous le n° 893 123 125, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Christophe BUFFET de la SCP ACR AVOCATS, Avocat au barreau d’ANGERS
DÉFENDEUR :
Monsieur [D] [H] [L]
né le 12 avril 1980 à [Localité 9] (GABON)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître François-xavier JUGUET, Avocat au barreau d’ANGERS
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Vu l’exploit introductif du présent Référé en date du 15 Février 2024; les débats ayant eu lieu à l’audience du 26 Septembre 2024 pour l’ordonnance être rendue ce jour, ce dont les parties comparantes ont été avisées ;
La SCI Chrisylphane a entrepris la construction d’une maison d’habitation située sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8], sur la commune de [Localité 4]. Elle a, à cette fin, obtenu un permis de construire en date du 08 octobre 2021.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 octobre 2023 et préalablement aux travaux de construction, le conseil de la SCI Chrisylphane a mis en demeure M. [D] [H] [L], propriétaire des parcelles voisines cadastrées section A n° [Cadastre 6] et [Cadastre 3], d’avoir à autoriser le constructeur à passer sur sa propriété et à y édifier un échafaudage en vue de la réalisation de l’enduit de la façade de la maison à construire.
C.EXE : Maître Christophe BUFFET
Maître François-xavier JUGUET
C.C :
Copie Dossier
le
M. [H] [L] n’a pas retiré le courrier et n’a pas donné son autorisation.
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Au motif que le refus d’autorisation du tour d’échelle serait abusif, la SCI Chrisylphane a, par acte de commissaire de justice en date du 15 février 2024, fait assigner M. [H] [L] en référé devant le président du tribunal judiciaire d’Angers, aux fins de voir :
“ – Dire que M. [H] [L] devra autoriser la SCI Chrisylphane, ainsi que toute entreprise de son choix, à passer sur son terrain, parcelles n° [Cadastre 6]et n° [Cadastre 3] section A – commune de [Localité 4], pour la réalisation de travaux de construction d’une maison par la SCI Chrisylphane, sur son propre terrain, cadastré section A, parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], commune de [Localité 4], et ceci pour la réalisation de pose de l’enduit de cette maison ;
– Dire que cette autorisation sera donnée pour une durée d’intervention de 4 jours au maximum, pour la partie pignon, lesdits travaux comportant la protection du sol, la mise en place de l’échafaudage, l’intervention pour enduire, puis la dépose de l’échafaudage et le nettoyage, dire que la longueur de l’échafaudage correspondra à la largeur du pignon, et qu’en ce qui concerne la largeur de l’échafaudage, celui-ci sera d’un mètre au maximum ;
– Dire que les horaires de travail des ouvriers qui exécuteront les travaux seront de 7h30 le matin jusqu’à 18h30 dans la journée, et ceci pendant la période de 4 jours au maximum.
– Dire que la SCI Chrisylphane devra informer M. [H] [L] de l’intervention de l’entreprise avec un délai de prévenance de 10 jours, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout autre moyen ;
– Condamner M. [H] [L] à payer à la SCI Chrisylphane la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et la somme de 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
– Le condamner aux dépens.”
Par voie de conclusions, la SCI Chrisylphane précise que sa demande au titre des dommages et intérêts est une demande de provision à valoir sur le préjudice qu’elle subirait. Elle réitère le surplus de ses demandes introductives d’instance.
A l’appui de ses prétentions, la SCI Chrisylphane explique que sa demande se fonde sur la servitude du tour d’échelle et considère que la demande de nullité de l’assignation ne serait pas sérieuse.
Elle soutient que la servitude de tour d’échelle ne porterait pas atteinte au droit de propriété de M. [H] [L] dès lors qu’elle ne constituerait qu’une altération minime, réduite et limitée dans le temps. Elle ajoute que seul le refus d’autorisation du tour d’échelle occasionnerait un abus du droit de propriété.
En outre, la SCI Chrisylphane explique que les travaux envisagés seraient nécessaires et indispensables afin d’assurer la finition de la maison en construction, que les conditions d’exécution de ces travaux auraient été précisé dans les courriers adressés à M. [H] [L].
Enfin, la SCI Chrisylphane déclare avoir subi un préjudice du fait du refus injustifié de M. [H] [L] d’autoriser le tour d’échelle, ce qui aurait engendré un retard conséquent dans le projet de construction et, ainsi, une augmentation de son coût.
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Par voie de conclusions en réponse, M. [H] [L] sollicite du juge, sur le fondement de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, de l’article 544 du code civil et des articles 56, 834, 835 et 700 du code de procédure civile, de :
“- Prononcer la nullité de l’assignation délivrée le 15 février 2024 à M. [H] [L], pour défaut de fondement de la demande en droit ;
– Débouter la SCI Chrisylphane de sa demande au titre du tour d’échelle ;
– Débouter la SCI Chrisylphane de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de M. [H] [L] ;
– Condamner la SCI Chrisylphane à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la même aux dépens.”
A l’appui de ses prétentions, M. [H] [L] fait valoir que l’assignation, à défaut de préciser les dispositions légales ou jurisprudentielles à l’appui de sa demande, et à défaut de préciser un quelconque fondement juridique, méconnaîtrait les dispositions de l’article 56 du code de procédure civile.
Par ailleurs, il soutient que la demande de tour d’échelle se heurterait à des contestations sérieuses dès lors que celle-ci serait ni urgente ni utile. Il ajoute que cette demande porterait atteinte à son droit de propriété.
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A l’audience du 16 mai 2024 à laquelle l’affaire a été retenue, les parties ont réitéré leurs demandes.
Le juge des référés a sollicité l’avis des parties quant au renvoi éventuel de l’affaire en audience de règlement amiable. M. [H] [L] a indiqué ne pas s’y opposer, tandis que la SCI Chrisylphane considère qu’une telle mesure serait vouée à l’échec.
L’affaire a été mise en délibéré au 06 juin 2024.
Par ordonnance en date du 06 juin 2024, le juge des référés a rejeté l’exception de nullité de l’assignation et, au visa des dispositions des articles 774-1 et suivants du code de procédure civile, a convoqué les parties à l’audience de règlement amiable qu’il a fixé au 27 juin 2024.
Cette audience de règlement amiable n’a pas abouti à la résolution du litige.
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L’affaire a été renvoyée à l’audience du 26 septembre 2024, lors de laquelle les parties ont réitéré leurs demandes.
M. [H] [L] fait également valoir l’incompétence du juge des référés pour faire droit à la demande de tour d’échelle au motif que dès lors que la construction n’a pas encore commencé, il n’existerait aucun dommage imminent qui nécessiterait que soient ordonnées des mesures conservatoires ou de remise en état.
L’affaire a été mise en délibéré au 24 octobre 2024.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
I.Sur la demande de tour d’échelle
Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produirait sûrement si la situation présente devait se perpétuer, tandis que le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Ces dispositions ne sont pas subordonnées à la condition d’urgence.
Constitue un abus de droit d’un propriétaire le fait de s’opposer à l’accès à son fonds et notamment à l’installation d’un échafaudage pour réaliser des travaux de conservation ou d’entretien sur le fonds du voisin, toutes autres solutions étant impossibles ou présentant un coût disproportionné au regard de la valeur des travaux à effectuer.
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En l’espèce, la construction de la maison d’habitation de la SCI Chrisylphane implique la réalisation d’un enduit de façade. Ces travaux sont indispensables en ce qu’ils vont permettre d’assurer l’étanchéité de l’immeuble et d’éviter sa dégradation.
Il ressort également des éléments du débat que la configuration des lieux ne permet pas de réaliser les travaux d’enduit autrement qu’à partir du fonds voisin, la maison litigieuse devant être construite en limite de propriété avec le fond de M. [H] [L]. Les moyens techniques envisagés ne relèvent pas d’une simple commodité mais du moyen le moins dommageable pour les parties en présence.
En outre, les travaux projetés ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de M. [H] [L], notamment par rapport à l’intérêt de la SCI Chrisylphane de procéder à la conservation de l’immeuble de part son imperméabilisation.
Enfin, la SCI Chrisylphane parvient à détailler les contraintes particulières liées à la réalisation des travaux, notamment en précisant les conditions de mise en oeuvre et leur durée.
Par conséquent, la SCI Chrisylphane sera autorisée, ainsi que toute entreprise de son choix, à passer sur le terrain de M. [H] [L], situé sur la commune de [Localité 4], parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 6]et n° [Cadastre 3], afin de procéder à la réalisation et à la pose de l’enduit de sa maison d’habitation situé sur les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8], dans les conditions suivantes :
– la durée d’intervention devra être de 04 jours au maximum ;
– pour la partie pignon, lesdits travaux devront comporter la protection du sol, la mise en place de l’échafaudage, l’intervention pour enduire, puis la dépose de l’échafaudage et le nettoyage ;
– la longueur de l’échafaudage devra correspondre à la largeur du pignon et sa largeur devra être d’un mètre au maximum ;
– les horaires de travail des ouvriers qui exécuteront les travaux devront être compris entre 07h30 et 18h30 et ceci, pendant la période de 04 jours au maximum ;
– la SCI Chrisylphane devra informer M. [D] [H] [L] de l’intervention de l’entreprise avec un délai de prévenance de 10 jours, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout autre moyen.
II.Sur la demande de provision
Aux termes des dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut toujours accorder une provision au créancier.
L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, au titre de laquelle la provision est demandée et ne peut l’être qu’à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation.
Par ailleurs, il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer, le cas échéant, qu’il existerait une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande.
Il y a lieu de rappeler que l’attribution d’une telle provision s’effectue aux risques du demandeur, qu’elle ne préjuge en rien de l’issue du litige et qu’elle peut être sujette à restitution.
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En l’espèce, la demande de provision sollicitée par la SCI Chrisylphane, à valoir sur l’indemnisation des préjudices qu’elle aurait subi du fait du refus injustifié de M. [H] [L] d’autoriser le tour d’échelle est, à ce stade, sérieusement contestable.
Par conséquent, la SCI Chrisylphane sera déboutée de sa demande à ce titre.
III.Sur les demandes accessoires
1-Sur les dépens
L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, M. [H] [L], qui succombe, sera condamné aux dépens.
2-Sur les frais irrépétibles
L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens.
En l’espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI Chrisylphane les sommes engagées par elle pour faire valoir ses droits. Par conséquent, M. [H] [L] sera condamné à lui payer une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. M. [H] [L] sera débouté de sa demande à ce titre.
Nous, Benoît Giraud, président du tribunal judiciaire d’Angers, statuant en référé, publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort :
Vu les dispositions de l’article 835 du code de procédure civile ;
Autorisons la SCI Chrisylphane, ainsi que toute entreprise de son choix, à passer sur le terrain de M. [D] [H] [L], situé sur la commune de [Localité 4], parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 6]et n° [Cadastre 3], afin de procéder à la réalisation et à la pose de l’enduit de sa maison d’habitation situé sur les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8] et ce, dans les conditions suivantes :
– la durée d’intervention devra être de 04 jours au maximum ;
– pour la partie pignon, lesdits travaux devront comporter la protection du sol, la mise en place de l’échafaudage, l’intervention pour enduire, puis la dépose de l’échafaudage et le nettoyage ;
– la longueur de l’échafaudage devra correspondre à la largeur du pignon et sa largeur devra être d’un mètre au maximum ;
– les horaires de travail des ouvriers qui exécuteront les travaux devront être compris entre 07h30 et 18h30 et ceci, pendant la période de 4 jours au maximum ;
– la SCI Chrisylphane devra informer M. [D] [H] [L] de l’intervention de l’entreprise avec un délai de prévenance de 10 jours, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout autre moyen ;
Déboutons la SCI Chrisylphane de sa demande de provision ;
Condamnons M. [H] [L] aux dépens ;
Condamnons M. [D] [H] [L] à payer à la SCI Chrisylphane la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons M. [D] [H] [L] de l’ensemble de ses demandes ;
Rappelons que la présente décision est, de plein droit, exécutoire à titre provisoire.
Ainsi fait et prononcé à la date ci-dessus par mise à disposition au greffe, la présente ordonnance a été signée par Benoît Giraud, président, juge des référés, et par Aurore Tiphaigne, greffière,
Aurore Tiphaigne, Benoît Giraud,