Abus du statut d’autoentrepreneur : condamnation pour travail dissimulé

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Abus du statut d’autoentrepreneur : condamnation pour travail dissimulé

Recourir au statut d’autoentrepreneur pour éluder un contrat de travail peut aboutir à une condamnation pour travail dissimulé. 

Conditions du travail dissimulé

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Indemnisation du salarié

L’article L. 8223-1 dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Affaire Island Keys

En l’occurrence, alors que la société Island Keys avait initialement conclu avec une salariée Community manager, un contrat de travail à temps plein, elle a manqué à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 du code du travail en ne déclarant pas l’embauche de sa salariée.

Le travail de la salariée s’est poursuivi au sein de la société Island Keys, dans les faits, comme si elle avait été auto-entrepreneur, alors pourtant qu’aucun contrat de prestation de service n’était venu se substituer au contrat de travail initialement convenu. Il a été jugé que c’était bien un contrat de travail qui avait, pendant toute la relation contractuelle, présidé à la relation des parties.  C’est donc de façon intentionnelle que la société Island Keys s’est soustraite à ses obligations déclaratives.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

17e chambre

ARRÊT DU 12 MAI 2021

N° RG 17/05108

N° Portalis DBV3-V-B7B-R5DV

AFFAIRE :

C RECEVEUR

C/

Y X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er juin 2017 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : C

N° RG : F 15/00738

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sandra ROBERT

Me Christophe DEBRAY

le :

LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Mademoiselle C RECEVEUR

née le […] à Epinal

de nationalité française

[…]

LONDON / GRANDE BRETAGNE

Représentant : Me Sandra ROBERT de la SELARL CSR, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0416

Société ISLAND KEYS

[…]

EC1N LONDON / GRANDE BRETAGNE

Représentant : Me Sandra ROBERT de la SELARL CSR, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0416

APPELANTES

****************

Madame Y X

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représentant : Me Christophe JEAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0751 et Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 12 mars 2021, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 1er juin 2017, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section commerce) a’:

— jugé que Mme Y X a fait l’objet d’un licenciement sans cause,

— condamner la société Island Keys à verser à Mme X les sommes suivantes’:

avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2015,

. 1 484 euros à titre d’indemnité légale de préavis,

. 148,40 euros à titre de congés payés y afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2017,

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

. 8 904 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné la délivrance des documents sociaux suivants conformément aux prescriptions reprises au c’ur de la présente décision’:

. certificat de travail,

. attestation Pôle emploi,

— ordonné la délivrance des dits documents sous astreinte de 50 euros pour l’ensemble de ceux-ci, par jour de retard, à compter du 15e jour suivant la notification du jugement,

— dit que le conseil se réserve le droit de liquider l’astreinte en application des dispositions de l’article L. 131-1 du code de procédure civile d’exécution,

— débouté Mme X du surplus de ses demandes,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement en application des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile sur le tout de la décision nonobstant appel,

— fixé la moyenne des rémunérations à 1 484 euros,

— mis en application des dispositions 695 et 696 du code de procédure civile, les entiers dépens à la charge de la société Island Keys comprenant la signification éventuelle du jugement par voie d’huissier de justice ainsi qu’à ses suites.

Par déclaration adressée au greffe le 30 octobre 2017, Mme Y et la société Island Keys ont interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2021.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 28 avril 2020, Mme Y et la société Island Keys demandent à la cour de’:

— dire qu’elles sont recevables en leur appel,

— dire qu’elles sont bien fondées en leurs demandes, fins et prétentions,

par conséquent,

— infirmer le jugement rendu le 1er juin 2017 par le conseil de prud’hommes «’de Paris» en ce qu’il a dit que la rupture de la relation commerciale s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau,

— débouter Mme X de toutes ses demandes, fins et prétentions à ce titre,

— confirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté Mme X au titre de ses demandes relatives aux congés payés et visite médicale d’embauche,

— condamner Mme X à payer 5 000 euros à la société Island Keys à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner Mme X à payer 3 000 euros à Mme Y à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner Mme X à payer à Mme Y et à la société Island Keys la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme X aux entiers dépens de l’instance.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 11 mai 2020, Mme X demande à la cour de’:

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu l’existence d’un contrat de travail et constaté sa rupture abusive de la part de l’employeur,

statuant à nouveau,

— condamner solidairement Mme Y à titre personnel et la société Island Keys,

— faire droit à l’intégralité de ses demandes tant dans leur principe que dans leur quantum à savoir’:

. fixer à 1 484 euros brut son salaire mensuel moyen,

. condamner la société Island Keys et Mme Y à lui régler la somme de 1 484 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 148,40 euros au titre des congés payés y afférents,

. condamner la société Island Keys et Mme Y à lui régler la somme de 220,60 euros bruts au titre de son indemnité compensatrice de congés payés,

. condamner la société Island Keys et Mme Y à lui régler la somme de 8 904 euros bruts en réparation du préjudice né de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. condamner la société Island Keys et Mme Y à lui régler la somme de 4 452 euros bruts au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de son licenciement brutal et vexatoire,

. condamner la société Island Keys et Mme Y à lui régler la somme de 8 904 euros bruts à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

. condamner la société Island Keys et Mme Y à lui régler la somme de 1 484 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche,

. condamner la société Island Keys et Mme Y à lui régler la somme de 1 929,20 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise d’un CSP,

. dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement rendu le 1er juin 2017,

— ordonner la remise des documents légaux conformes sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

— ordonner la capitalisation des intérêts,

— condamner la société Island Keys et Mme Y à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Island Keys et Mme Y aux entiers dépens de l’instance et de ses suites,

— débouter la société Island Keys et Mme Y de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée à hauteur respectivement de 5 000 euros et de 3 000 euros.

LA COUR,

La société Island Keys a pour activité la vente en ligne et à distance de thés et infusions. Cette société a démarré son activité en 2014 et a établi, fin 2014, son siège social à Londres.

Mme C Y, dirigeante de la société Island Keys, exerce notamment l’activité de blogueuse, animatrice de télévision et actrice.

Mme X s’est immatriculée le 22 avril 2014 en tant qu’auto-entrepreneur pour exercer une activité sous la dénomination Y Ge Communication.

Mme X a été engagée par la société Island Keys par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 2 mai 2014.

Dès la fin du mois de mai 2014, Mme X était rémunérée par Mme Y par le biais de factures qu’elle émettait en sa qualité d’auto-entrepreneur.

Le 4 décembre 2014, il a été mis un terme aux relations contractuelles entre les parties.

Le 13 mars 2015, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins d’obtenir la reconnaissance de son statut de salariée de la société Island Keys, faire prendre à la rupture de leur relation de travail les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement de diverses sommes.

SUR CE,

Sur la nature juridique de la relation entre Mme X et la société Island Keys’:

Mme X explique avoir été recrutée par la société Island Keys à compter du 2 mai 2014 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein pour y exercer des fonctions de chargée de communication débutante’; qu’à la fin du mois de mai 2014, Mme Y, qui avait personnellement engagé Mme X au sein de la société Island Keys, a appris que sa salariée était inscrite à titre personnel comme auto-entrepreneur’; que Mme Y lui a alors demandé de lui remettre une facture en cette qualité plutôt que de lui régler un salaire’; que cette situation a perduré par la suite.

Mme X expose que durant toute la période contractuelle, elle a travaillé à temps complet et reçu de manière quasi quotidienne des directives précises de Mme Y concernant les tâches à exécuter (tâches visant à assurer la promotion de l’image de marque de Mme Y sur internet et les réseaux sociaux, à l’assister occasionnellement dans sa comptabilité, à s’occuper de son chien, et tâches visant à assurer la communication et le développement commercial des produits de la marque de thé Wandertea), les moyens de les mettre en oeuvre ainsi que le calendrier à suivre’; que peu à peu, elle est devenue son assistante personnelle’; qu’elle se trouvait envers elle dans un lien de subordination établi par les échanges de courriels qu’elle verse aux débats.

Elle conteste les allégations adverses selon lesquelles, d’abord, elle exerçait une activité totalement autonome et selon lesquelles, ensuite, la société Island Keys n’aurait été pour elle qu’un client comme un autre, alors qu’elle travaillait exclusivement pour la société Island Keys.

En réplique, Mme Y et la société Island Keys voient dans la relation qui s’est nouée entre elles et Mme X une relation commerciale sans lien avec un contrat de travail faute d’existence d’un lien de subordination. Elle invoque une présomption de travail indépendant, au visa de l’article L. 8221-6 I du code du travail et estime qu’il revient à Mme X d’établir l’existence d’un lien de subordination’; que précisément, elle est défaillante dans l’administration de cette preuve’; que d’ailleurs, Mme X avait une activité totalement autonome, et que la société Island Keys n’était, pour elle, qu’un client parmi d’autres.

L’article L. 8221-6 (I et II) du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, dispose’:

«’I. – Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription’:

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales’;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 213-11 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs’;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés’;

4° Les personnes physiques relevant de l’article L. 123-1-1 du code de commerce ou du V de l’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat.

II. – L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5.

Le donneur d’ordre qui a fait l’objet d’une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d’emploi salarié a été établie.’»

En l’espèce, il n’est pas discuté qu’avant le 2 mai 2014, Mme X avait le statut d’auto-entrepreneur.

Toutefois, il apparaît que la relation entre Mme X et la société Island Keys a débuté par la conclusion d’un contrat de travail. Ce contrat est en effet produit en pièce 1 de la salariée. Il en ressort que Mme X est engagée par la société Island Keys ‘ représentée par

Mme Y ‘ à compter du vendredi 2 mai 2014, pour y exercer des fonctions de «’chargée de communication’» relevant de la «’position B, coefficient Débutant de la convention collective nationale de la vente à distance’». Mme X était assujettie à un horaire de travail de 35 heures par semaine. Il s’agissait d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein pour lequel Mme X devait être rémunérée à concurrence de 1 484 euros bruts mensuels.

Il n’est pas discuté qu’en réalité, ce contrat de travail n’a pas reçu application, Mme X ayant facturé à la société Island Keys ses prestations de travail.

Or, l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. La qualification du contrat de travail repose sur la vérification de l’existence ou non d’un lien de subordination. En présence d’un contrat de travail apparent, c’est à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.

Dans l’espèce soumise à la cour, comme il vient d’être rappelé, Mme X et la société Island Keys ont conclu un contrat de travail le 2 mai 2014. Peu importe que Mme X ait eu précédemment le statut d’auto-entrepreneur, cette circonstance ne l’empêchant nullement de préférer une relation salariée à ce statut.

Mme X apporte ainsi la démonstration de l’existence d’un contrat de travail au moins apparent.

Dès lors, il appartient aux appelantes d’apporter la démonstration de son caractère fictif.

Or, au contraire, il ressort des éléments produits que Mme X’:

. avait un spectre d’attributions relativement large puisqu’elle montre par ses pièces 13-1 à 13-7 qu’elle gérait le blog et le compte Instagram de Mme X en donnant des consignes aux bloggeuses, qu’elle rédigeait des articles, sélectionnait les photographies et se préoccupait de leurs dimensions en lien avec le webmaster, recherchait des partenariats ‘ notamment avec [email protected] ‘ et gérait lesdits partenariats (comme par exemple avec la marque BYS – partenariat pour lequel Mme Y avait, courant mai 2014, marqué son intérêt tout en indiquant au partenaire en question «’C’est Y qui va continuer, en me mettant en copie, de gérer ce partenariat avec vous car je manque de temps et Y saura répondre à vos demandes dans les plus brefs délais et avec beaucoup de professionnalisme’»), en gérait les encarts publicitaires, obtenait des produits gratuits et prenait des rendez-vous pour des tests de produits afin d’en assurer la promotion sur le blog, rédigeait des factures (à la demande de Mme Y qui forwardait à Mme X le courriel d’un client demandant une facture), réalisait des traductions (à la demande de Mme Y E à Mme X un courriel ayant pour objet’: « ‘à traduire :)’»), gérait les rendez-vous de Mme Y (à la demande de cette dernière s’agissant en particulier d’un rendez-vous du 16 septembre 2014)’; qu’elle recevait donc des consignes de Mme Y’;

. était astreinte à un horaire de travail, comme elle le montre par la production de sa pièce 18 (attestation de Mme Z qui a travaillé pendant 15 jours pour Mme Y)’:

«’Durant les 15 jours où j’ai pu travailler au sein de Wandertea au domicile de C Y j’ai pu constater que Y X H à horaire fixe et repartait aussi à horaire fixe. Puisque le matin je la croisais souvent en bas de l’immeuble et le soir nous attendions toutes les deux 18h00 pour repartir ensemble jusqu’au métro.

Il y avait également des horaires pour déjeuner. J’ai également pu constater que Y X avait une tâche récurrente à effectuer. Tous les matins avec A Lucas il l’attendait pour faire les envois de commandes journaliers et comptait sur elle pour qu’elle l’accompagne à la poste pour y déposer les colis en partance. Chaque jour elle devait également se charger de récupérer le courrier auprès du concierge de l’immeuble (‘)’».

Certes, les appelantes estiment que Mme X avait une activité totalement autonome, ce que montrerait, selon elles, le fait que la salariée avait développé son site (cf. pièce 4 des appelantes). Cependant, la création d’un site internet, propre à Mme X, le 3 novembre 2014 n’est pas de nature à empêcher la relation salariée qu’elle pouvait avoir avec la société Island Keys. D’ailleurs, la cour observe que Mme X a réalisé son site durant un week end, c’est-à-dire en dehors de ses heures de travail’: «’Hello vous deux, J’espère que vous avez passé un bon week end. Moi j’ai été super productif car j’ai monté mon site 🙂 j’espère qu’il vous plaira, n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. (‘)’» (cf. pièce 4 des appelantes ‘ courriel du 3 novembre 2014 adressé par Mme X à Mme Y et à M. A). Et ce, quand bien même le courriel est accompagné d’un «’contrat de prestation’» (pièce 5a) proposé par Mme X à la société Island Keys, étant précisé qu’au 3 novembre 2014, Mme X avait des raisons objectives de supposer que sa relation avec Mme Y et la société Island Keys allait prendre fin puisque le 23 octobre 2014, Mme Y écrivait à Mme X (pièce 9 de la salariée)’: «'(‘) on a un rendez-vous demain aprem qui concerne le futur de Island Keys et du coup de notre Team, ça te va si on discute de ton contrat lundi en fin de journée »’»’; Mme X répondait’: «’Oki pas de souci mais y’a des choses que je devrais savoir » J’ai l’impression que tt se passe derrière mon dos en ce moment’ Et même si vous ne me devez rien c’est un peu vexant’». Et Mme Y répliquait enfin’: «’Bah justement c’est pr ça que ça prend du tps pour qu’on se voie car il va y avoir de gros changements d’ici quelques mois du coup on voulait pas trop s’avancer et d’en parler trop tôt, ms là on sûr donc on a encore un rdv vendredi et on sera au clair’». Dès lors, il ne peut être reproché à Mme X d’avoir voulu créer son site internet de façon à trouver un travail après une rupture qui s’annonçait.

Certes encore, les appelantes font valoir que la société Island Keys n’était pour Mme X qu’un client parmi d’autres’; et les appelantes de prendre pour exemples’:

. celui de «’Be your self France’» (ou «’BYS’» comme vu précédemment), société pour laquelle Mme X aurait de façon autonome réalisé des prestations en matière de communication et de relation presse’;

. celui de «’Les Couteaux Morta’» selon une publication du 25 novembre 2014′;

. celui de «’F G’» selon une publication du 16 février 2015.

De fait, s’agissant de «’Be your self France’», en pièces 7 et 8, M. B, gérant de «’Be Your Self France’», atteste de l’existence d’un «’partenariat commissionné en juillet 2014 et en décembre 2014’». Toutefois, il doit être relevé que le partenariat de décembre n’est guère convaincant puisqu’il est admis par les parties qu’en décembre 2014, les relations contractuelles entre

Mme X et Mme Y ou la société Island Keys avaient cessé. Quant au partenariat de juillet 2014, il s’avère qu’en réalité, ledit partenariat a pris la forme d’un contrat de commission, négocié, certes, par Mme X, mais au seul profit de Mme Y comme le montrent les pièces 25 et 26 de la salariée’: il s’agit respectivement du contrat de commission conclu entre «’Be your self France’», qui fabrique du maquillage, et Mme Y le 24 octobre 2014 (pièce 25) puis des courriels échangés entre Mme X et une salariée de «’Be your self France’» (en l’occurrence Mme B, fille du gérant) entre septembre et octobre 2014 évoquant des pourparlers datant de juin 2014 puisque, évoquant le projet de contrat que lui avait transmis Mme X, Mme B indiquait’: «’J’ai voulu transmettre à mon père pour signature, mais j’ai remarqué qu’il présentait quelques erreurs (notamment sur la dénomination de l’entreprise a changé depuis juin 2014), ainsi il faut y apporter quelques corrections’» (pièce 26). D’ailleurs, le partenariat entre la société Island Keys et «’BYS’» avait été voulu par Mme Y dès le mois de mai 2014 (pièce 13-8 S ‘ courriel de Mme Y du 6 mai 2014) et elle en avait confié la gestion à Mme X.

En ce qui concerne les Couteaux Morta, les appelantes produisent en pièce 9 la copie d’une publication, issue du site de Mme X, réalisée le 25 novembre 2014, montrant que «’Y Ge Communication est désormais en charge des relations presse et de la communication digitale de la célèbre marque de couteaux haut de gamme Les couteaux Morta’».

Mais il a déjà été admis qu’à cette date du 25 novembre 2014, Mme X avait de bonnes raisons d’anticiper une rupture de sa relation avec Mme Y et la société Island Keys (cf. pièce 9 S).

En outre, cette activité développée par Mme X au profit des Couteaux Morta, bien réelle, est située à la fin de la contractuelle relation contractuelle et se présente comme marginale.

En ce qui concerne, enfin, «’F G’», il doit être remarqué que la publication date du 16 février 2015 et qu’à cette date, la relation entre Mme X et Mme Y ou la société Island Keys avait pris fin de sorte que cette publication est indifférente à la solution du litige.

Certes enfin, les appelantes rappellent la nécessité pour Mme Y de contrôler la diffusion des informations sur sa société ou elle-même’; qu’en effet, la carrière de Mme Y a été construite autour de son image et de sa personnalité, ayant fait ses débuts dans des émissions de téléréalité, puis en tant qu’actrice et chroniqueuse. Toutefois, le contrôle que Mme Y exerçait sur le travail de Mme X s’apparentait au pouvoir de direction qu’un employeur exerce sur son salarié dans le cadre d’un contrat de travail et d’ailleurs, il a été relevé que

Mme Y donnait des instructions à Mme X. Au demeurant, le 5 décembre 2014, alors que la relation contractuelle avait pris fin, Mme Y écrivait à Mme X’: «'(‘) En attendant, je te remercie pour ces 6 mois passés à tes côtés en tant que salariée’» (pièce 10-2 de la salariée ‘ courriel du 5 décembre 2014).

Compte tenu des éléments qui précèdent, la cour a matière à considérer que le lien entre

Mme X et la société Island Keys ‘ et à travers elle Mme Y ‘ est caractéristique d’un lien de subordination et que Mme X était placée dans un lien de subordination permanente à l’égard de la société Island Keys.

Par conséquent, la réalité d’un contrat de travail liant Mme X à la société Island Keys, comme il en avait du reste été initialement décidé par les parties le 2 mai 2014, est établie tant à l’origine de la relation contractuelle que pendant son déroulement. En revanche, ce n’est qu’à travers la société Island Keys – en tant que gérante de cette dernière – que Mme Y donnait des instructions à Mme X. Même s’il apparaît qu’il est arrivé à Mme X de s’occuper du chien de Mme Y (le promener et réserver une place au sein d’un chenil pendant une absence), cela ne caractérise pas un contrat de travail entre elles.

Ainsi, seul un contrat de travail sera retenu entre Mme X et la société Island Keys. Il s’ensuit que Mme X sera déboutée des demandes qu’elle forme à l’endroit de Mme Y, le jugement étant confirmé en ce qu’il n’a dirigé ses condamnations qu’à l’endroit de la société.

Sur la rupture et ses conséquences’:

Mme X expose avoir été verbalement licenciée le 4 novembre 2014 pour des motifs non inhérents à sa personne’; qu’en réalité, son éviction a été dictée par des considérations économiques, la société souhaitant piloter son activité depuis l’étranger pour des raisons fiscales et recourir à des sous-traitants dans le but d’améliorer sa compétitivité.

En réplique, les appelantes niant l’existence d’un contrat de travail estiment ne pas être redevables d’indemnités de rupture sur ce fondement.

L’article L. 1232-6 du code du travail dispose en ses deux premiers alinéas que lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre le notifiant au salarié. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le licenciement verbal est nécessairement sans cause réelle et sérieuse’; il ne peut être régularisé par l’envoi postérieur d’une lettre de rupture.

De manière générale, le licenciement verbal suppose une décision irrévocable de l’employeur de rompre le contrat de travail. Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d’en établir l’existence, l’appréciation des éléments produits relevant du pouvoir souverain des juges du fond.

La volonté de rompre le contrat de travail doit être exprimée sans équivoque. A défaut la preuve d’un licenciement verbal n’est pas rapportée. Le salarié doit établir la réalité du prononcé d’un licenciement verbal antérieur à l’envoi de la lettre de licenciement, l’existence d’une telle rupture se déduisant des actes positifs de l’employeur.

En l’espèce, il ressort des débats qu’il a été mis un terme à la relation de travail ‘ considérée par la cour comme résultant d’un contrat de travail ‘ à la fin de l’année 2014.

Mme X situe la fin de son contrat au 4 novembre 2014, tirant argument d’un courriel du 4 décembre 2014 dans lequel elle écrit à Mme Y’: «’Il y a un mois, tu m’as, contre toute attente, et au dernier moment demandé de quitter la société avec comme protection des indemnités non adaptées’» (pièce 10-1 de la salariée). Elle y voit un licenciement verbal.

Même si, comme le relèvent les appelantes, ce courriel émane de la salariée et rappellent que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, il demeure que le caractère spontané du courriel, dans lequel la salariée revient sur les circonstances de la rupture, lui confère des accents de sincérité. Surtout, la réponse que Mme Y y apporte le lendemain (pièce 10-2 de la salariée), montre qu’effectivement, la rupture avait bien été consommée un mois plus tôt’: « ‘Hello Y. Je comprends ton point de vue, mais en aucun cas nos décisions n’ont été prises pour te nuire et te porter préjudice. Nous avions envie de déménager et c’est arrivé à un moment où tu nous demandais de te faire un contrat, ce que nous comprenions et que nous étions prêts à faire. Le départ à Londres précipité nous a obligés à prendre des décisions qui t’ont forcément impacté et nous en sommes désolés. Bref, je suis triste que notre collaboration se termine comme ça et que nous n’ayons pas trouvé de terrain d’entente financier entre autres. Peut-être plus tard quand nous aurons pris nos marques à Londres et que nous pourrons te proposer un meilleur salaire, je l’espèce (‘)’».

Cette réponse accrédite la réalité d’une rupture intervenue un mois plus tôt. Elle accrédite aussi le fait que la rupture a été réalisée sans lettre de licenciement et verbalement.

Confirmant le jugement, il conviendra donc de qualifier la rupture de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse retenir que le licenciement de Mme X produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme X peut ainsi prétendre à ses indemnités de rupture mais également à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L. 1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige.

Le quantum des indemnités de rupture n’est pas discuté par les appelantes. Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a accordé à Mme X les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2015′:

. 1 484 euros à titre d’indemnité légale de préavis,

. 148,40 euros à titre de congés payés y afférents.

S’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de l’ancienneté de Mme X (6 mois), de son niveau de rémunération (1 484 euros bruts par mois), de son âge lors de la rupture (25 ans), le conseil de prud’hommes a fait une exacte appréciation du préjudice de la salariée en fixant son indemnité à 2 000 euros, cette indemnité compensant la perte de son emploi.

Il n’apparaît pas que Mme X ait pu prendre tous les congés auxquels elle pouvait prétendre en qualité de salariée. Compte tenu de la durée de la relation salariée (6 mois), de ce qu’elle a acquis 2,5 jours de congés payés, de ce qu’elle a pris 10 jours de congés au mois d’août 2014, son solde de tout compte, s’il avait été établi, aurait dû mentionner un reliquat de 3 jours de congés payés dus.

Cela représente 220,60 euros bruts. Infirmant le jugement, il conviendra de condamner la société Island Keys à payer cette somme à Mme X à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

Statuant dans les limites de la demande, cette somme produira intérêts au taux légal à compter 1er juin 2017, date du jugement déféré.

Mme X expose en outre que les agissements de la société Island Keys ont généré chez elle un état de stress très important du fait d’une part de la brutalité avec laquelle elle a été limogée, mais également de la découverte de la situation de dénuement dans lequel elle se trouvait, ne pouvant bénéficier du versement de l’ARE par Pôle emploi.

De fait, Mme X a subi, comme elle le soutient, un préjudice lié à l’absence de cotisation au régime du chômage ce qui l’a privée de toute compensation, par le Pôle emploi, de son chômage consécutif à la rupture. Infirmant le jugement qui l’a déboutée de ce chef de demande, il conviendra de condamner la société Island Keys à payer à Mme X une indemnité de 1 500 euros en réparation du préjudice distinct invoqué.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la demande relative au travail dissimulé’:

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Alors que la société Island Keys avait initialement conclu avec Mme X un contrat de travail à temps plein, elle a manqué à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article

L. 1221-10 du code du travail en ne déclarant pas l’embauche de sa salariée. Le travail de

Mme X s’est poursuivi au sein de la société Island Keys, dans les faits, comme si elle avait été auto-entrepreneur, alors pourtant qu’aucun contrat de prestation de service n’était venu se substituer au contrat de travail initialement convenu. Il a été jugé que c’était bien un contrat de travail qui avait, pendant toute la relation contractuelle, présidé à la relation des parties. D’ailleurs, en remerciant Mme X d’avoir été «’sa salariée pendant 6 mois’»,

Mme Y l’admettait explicitement.

C’est donc de façon intentionnelle que la société Island Keys s’est soustraite à ses obligations déclaratives ce qui conduit la cour à confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit, de ce chef, à la demande de Mme X en lui accordant 8 904 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale’:

A défaut, pour Mme X, d’établir la substance du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de l’absence – avérée – de visite médicale d’embauche, elle devait être, comme en a justement décidé le conseil de prud’hommes, déboutée de ce chef de demande. Aussi, le jugement sera de ce chef confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de remise d’un CSP’:

Mme X expose qu’elle a fait l’objet d’un licenciement économique déguisé, ce que contestent les appelantes. La salariée ajoute qu’elle n’a pu bénéficier d’un contrat de sécurisation

professionnelle.

Cependant, comme pour le préjudice précédent, à défaut, pour Mme X, d’établir la réalité du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de l’absence de contrat de sécurisation professionnelle, elle devait être, comme l’a décidé le conseil de prud’hommes, déboutée de ce chef de demande. Le jugement sera de ce chef confirmé.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive’:

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol.

En l’espèce, Mme X a été accueillie en plusieurs de ses demandes de sorte que la procédure qu’elle a initiée à l’endroit de la société Island Keys n’est en rien abusive.

Les demandes formées par Mme X à l’encontre de Mme Y n’ont, elles, pas été accueillies. Mais elles ne sont en rien abusives.

Par ailleurs, il ressort de la pièce 31 de la salariée que le conseil de prud’hommes de Nanterre l’a avisée, le 18 juillet 2017 de ce qu’il convenait de faire signifier la décision aux défenderesses par huissier dans la mesure où les notifications que le greffe avait effectuées à leur adresse anglaise avaient été infructueuses, les plis lui ayant été retournés avec la mention «’destinataire inconnu à l’adresse’». Aussi, le fait que la décision de première instance ait été signifiée par huissier à Mme Y, à l’occasion d’une séance de dédicace publique à la FNAC ne caractérise pas une procédure abusive dès lors que la société de Mme Y était domiciliée en Grande Bretagne et dès lors que l’huissier instrumentaire, soucieux de remettre l’acte à la personne de son gérant, pouvait légitimement signifier son acte à l’endroit où il serait certain de l’y trouver.

Les demandes reconventionnelles de Mme Y et de la société Island Keys seront donc rejetées.

Sur la demande tendant à la capitalisation des intérêts :

L’article 1343-2 du code civil (dans sa nouvelle rédaction) dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par Mme X et la loi n’imposant aucune condition pour l’accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, d’ordonner la capitalisation des intérêts.

Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur la remise des documents’:

Il conviendra de donner injonction à la société Island Keys de remettre à Mme X un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles’:

Succombant, la société Island Keys sera condamnée aux dépens.

Il conviendra de condamner la société Island Keys à payer à Mme X une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour’:

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Island Keys à payer à Mme X’:

. 1 500 euros à titre de dommages-intérêts à titre de réparation du préjudice moral du fait du caractère brutal de son licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 220,60 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2015, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2017,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

DONNE injonction à la société Island Keys de remettre à Mme X un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Island Keys à payer à Mme X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel,

CONDAMNE la société Island Keys aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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