de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l’occupant en situation d’abuser d’une position dominante, contrairement aux dispositions de l’article L.420-2 du code de commerce.
8. La société Bio Mouffetard soutient qu
* * *
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mars 2021 et 24 juin 2022, la société Bio Mouffetard, représentée par Me Giraud, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 7 octobre 2020 par laquelle la maire de Paris a refusé sa demande d’autorisation d’installation d’étalage aux 4-6, rue Claude Bernard et 3, rue Edouard Quenu, dans le 5e arrondissement de Paris, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) d’enjoindre à la maire de Paris de délivrer l’autorisation d’étalage demandée ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
– elle est entachée d’erreur de faits, dès lors qu’aucun étal n’est prévu au niveau de l’emplacement du passage piéton, du feu tricolore et du panneau de signalisation rue Claude Bernard, et que la circulation piétonne rue Claude Bernard n’est pas importante ;
– elle porte atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie ;
– elle porte atteinte à la libre concurrence ainsi qu’au principe d’égalité des citoyens devant la loi, dès lors que d’autres commerces alimentaires proches installent des étals sur toute la largeur du trottoir ;
– une autorisation d’installation d’un étal de 10 mètres de long, commençant au niveau du passage piéton, et d’un mètre de large, a été accordée en 2012 à une société exploitant le même fonds de commerce ;
– la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des articles DG.5 et DG.10 de l’arrêté du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et terrasses, dès lors que l’installation proposée maintient un espace continu d’au moins 1,60 mètres de largeur réservé à la circulation des piétons.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2022, la ville de Paris conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Bio Mouffetard ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 août 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 16 septembre 2022.
Vu :
– les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– l’arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l’ensemble du territoire de la ville de Paris ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme A,
– et les conclusions de Mme Alidière, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
:
1. La société Bio Mouffetard exploite un commerce alimentaire au rez-de-chaussée de l’immeuble situé 4-6, rue Claude Bernard et 3, rue Edouard Quenu, dans le 5e arrondissement de Paris. Elle bénéficiait d’une autorisation accordée par la maire de Paris le 4 septembre 2019 l’autorisant à installer un étalage sur une longueur de 14,16 mètres et une largeur de 0,45 mètre rue Claude Bernard, sur une longueur de 3,07 mètres et une largeur de 0,45 mètre rue Edouard Quenu, et, sur une longueur de 1,16 mètre à droite et 1,16 mètre à gauche et une largeur de 0,45 mètre sur le pan coupé entre ces deux rues. Le 21 juillet 2020, la société Bio Mouffetard a déposé une nouvelle demande d’étalage, sollicitant l’autorisation d’installer des étals sur une longueur de 13,60 mètres et une largeur de 0,90 mètre rue Claude Bernard, sur une longueur de 3,52 mètres et une largeur de 0,50 mètre rue Edouard Quenu, et sur une largeur de 0,90 mètre et une longueur de 0,90 mètre à gauche et à droite sur le pan coupé. Par arrêté du 7 octobre 2020, la maire de Paris a refusé l’autorisation demandée. Par un courrier du 1er décembre 2020, reçu le 3 décembre suivant, la société Bio Mouffetard a formé contre cet arrêté un recours gracieux qui a été rejeté implicitement. Par la présente requête, la société Bio Mouffetard demande l’annulation de ces deux décisions.
2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : » Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 7° Refusent une autorisation () « . Aux termes de l’article L. 211-5 de ce code : » La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. « .
3. La décision attaquée vise l’arrêté municipal du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique, et notamment l’article DG.5, et indique que la configuration des lieux, en raison de la présence d’un passage piéton, de jardinières, d’un panneau de signalisation et d’un feu tricolore à proximité immédiate, ne permet pas l’installation projetée, qui ne satisfait pas aux conditions locales de circulation en raison du flux important de piétons rue Claude Bernard. Par suite, l’arrêté litigieux, qui comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement, est suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, la société requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’erreur de fait, dès lors que, d’une part, elle ne sollicite pas d’étalage au niveau du passage piétonnier, du feu tricolore, du panneau et de la poubelle, et que, d’autre part, la circulation piétonne rue Claude Bernard n’est pas importante. Toutefois, d’une part, il ressort des termes de la décision attaquée que celle-ci indique que les éléments de mobilier urbain cités se trouvent à proximité immédiate de l’installation projetée, non au niveau de cette dernière. D’autre part, en se bornant à soutenir que la circulation piétonne rue Claude Bernard n’est pas dense, la société requérante n’établit pas l’erreur de fait qui aurait été commise par les services de la ville de Paris sur ce point. Dès lors, le moyen tiré de l’erreur de fait doit être écarté.
5. En troisième lieu, les autorisations privatives d’occupation du domaine public, telles que les autorisations d’implantation de terrasses, ne constituent pas un droit pour les demandeurs. Il appartient à l’autorité compétente de fixer, tant dans l’intérêt du domaine public et de son affectation que dans l’intérêt général, les conditions auxquelles elle entend subordonner les permissions d’occupation. L’autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d’y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l’affectation et la conservation de ce domaine. La décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l’administration n’est jamais tenue d’accorder, n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, dont le respect implique notamment que les personnes publiques n’apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.
6. La décision par laquelle la maire de Paris a refusé de délivrer à la société Bio Mouffetard l’autorisation d’installer des étals aux dimensions demandées n’est pas, par elle-même, susceptible de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie. En tout état de cause, la maire de Paris a justifié sa décision par des motifs d’intérêt général relatifs à l’affectation du domaine public et proportionnés à l’objectif poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la violation de la liberté du commerce et de l’industrie doit être écarté.
7. En quatrième lieu, la personne publique ne peut délivrer légalement une autorisation d’occupation de domaine public lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l’occupant en situation d’abuser d’une position dominante, contrairement aux dispositions de l’article L.420-2 du code de commerce.
8. La société Bio Mouffetard soutient que la décision attaquée porte atteinte à la libre concurrence, dès lors qu’elle favorise des établissements concurrents et, pour certains, voisins, qui bénéficient d’un droit d’étalage, sans que cette situation leur procure toutefois de position dominante. Cependant, si les commerces autorisés à installer des étals bénéficient d’un avantage par rapport à l’établissement de la société requérante, cet avantage ne résulte pas de la décision de refus attaquée mais des autorisations dont eux-mêmes bénéficient. Ainsi la requérante ne peut utilement invoquer l’atteinte au droit de la concurrence, qui ne résulte pas de la décision qu’elle conteste.
9. En cinquième lieu, la circonstance que des concurrents situés à proximité de l’établissement de la société requérante, dans les rues adjacentes, disposent d’autorisations d’étalage ne caractérise pas, par elle-même, en l’absence de preuve d’une situation de fait identique, une rupture d’égalité de traitement
.
10. En sixième lieu, les autorisations d’installation d’étalages étant précaires et révocables, délivrées à titre personnel et n’étant pas transmissibles à des tiers, la circonstance qu’une autorisation d’installation d’un étal d’une longueur de 10 mètres sur une largeur d’un mètre a été octroyée en 2012 à une autre société exploitant ce fonds de commerce est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
11. En dernier lieu, aux termes de l’article DG.5 de l’arrêté municipal du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique relatif aux dimensions des occupations pouvant être autorisées, applicable au litige : » () / L’autorisation peut être refusée notamment pour des motifs liés aux conditions locales de circulation (piétons, livraisons, accès aux bâtiments), à la configuration des lieux (plantations, mobilier urbain, signalisations, émergences, réseaux et concessionnaires, installations voisines) (). « .
12. La requérante fait valoir que l’arrêté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article DG.5 du règlement des étalages et terrasses cité ci-dessus, dès lors que les largeurs d’étals demandées permettent de laisser libre, sur le trottoir rue Claude Bernard, qui a une largeur totale de 2,93 mètres, une zone continue de plus de deux mètres de large dévolue à la circulation piétonne, sur le trottoir rue Edouard Quenu, qui a une largeur totale de 2,27 mètres, une zone continue dévolue à la circulation piétonne d’1,70 mètre de large, et, sur le pan coupé, une zone continue dévolue à la circulation piétonne d’1,70 mètre de large. Il ressort du mémoire en défense que la décision attaquée a été prise au vu de la nécessité de laisser libre un espace conséquent aux abords d’un feu tricolore, afin de préserver la fluidité et la sécurité du passage piétonnier, et en raison de l’importante circulation piétonne rue Claude Bernard. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan joint par la société requérante à sa demande, que le passage piétonnier et le feu tricolore sont situés au niveau du carrefour et du pan coupé entre la rue Claude Bernard et la rue Edouard Quenu. Par suite, ils ne se trouvent pas au niveau de l’emprise de l’étal demandé rue Claude Bernard, lequel débute à plus de 3 mètres d’eux. Par suite, il n’est pas établi que l’installation de cet étal rue Claude Bernard aura pour effet de réduire la place dont disposent les piétons s’arrêtant avant de traverser, dans des conditions de nature à nuire à la circulation piétonne, alors, au demeurant, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le flux des piétons serait particulièrement important à cet endroit. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la proximité d’une jardinière rue Edouard Quenu ne permettrait pas l’installation d’un étal de 0,50 mètre de largeur sur 3,52 mètres de longueur le long de cette voie. En revanche, il ressort des pièces du dossier que l’installation d’un étal de 0,90 mètre de long et 0,90 mètre de large à droite et à gauche du pan coupé, faisant immédiatement face au passage piétonnier, aurait pour effet de réduire la place dont disposent les piétons s’arrêtant à cet endroit avant de traverser, dans des conditions de nature à nuire à la circulation piétonne. Par suite la société requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d’erreur manifeste d’appréciation, en tant seulement qu’elle lui refuse l’autorisation d’installer un étal de 13,60 mètres de long sur 0,90 mètre de large le long de la rue Claude Bernard, ainsi qu’un étal de 3,52 mètres de long sur 0,50 mètre de large le long de la rue Edouard Quenu.
13. Le présent jugement implique seulement que la maire de Paris procède au réexamen de la demande de la société requérante, en tant seulement qu’elle concerne les étals demandés rue Claude Bernard et rue Edouard Quenu. Il y a donc lieu de lui enjoindre d’y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortit cette injonction d’une astreinte.
14. Il y a lieu de mettre à la charge de la ville de Paris, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Bio Mouffetard et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêté du 7 octobre 2020 par lequel la maire de Paris a refusé à la société Bio Mouffetard l’autorisation d’installer des étalages devant son établissement aux 4-6, rue Claude Bernard et 3, rue Edouard Quenu, dans le 5e arrondissement de Paris, est annulé, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux, en tant seulement qu’il refuse l’autorisation d’installer un étal de 13,60 mètres de long sur 0,90 mètre de large le long de la rue Claude Bernard, ainsi qu’un étal de 3,52 mètres de long sur 0,50 mètre de large le long de la rue Edouard Quenu.
Article 2 : Il est enjoint à la ville de Paris de procéder au réexamen de la demande de la société Bio Mouffetard dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : La ville de Paris versera à la société Bio Mouffetard la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Bio Mouffetard et à la ville de Paris.
Délibéré après l’audience du 13 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Le Roux, présidente,
Mme Madé, première conseillère,
Mme Berland, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2023.
La rapporteure,
F. A
La présidente,
M.-O. LE ROUX La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.