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Confirmation des juges suprêmes
La Cour de cassation a confirmé la condamnation des sociétés TDF pour abus de position dominante (sanction pécuniaire de 4,2 millions d’euros, CA de Paris, 15 septembre 2016) sur le double fondement des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La société TDF qui a disposé du monopole légal de la radiodiffusion et de la télédiffusion hertzienne jusqu’à ce qu’une loi du 31 décembre 2003 le lui enlève, détenait la majorité des infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre des chaînes de télévision en métropole et dans les collectivités ultramarines, en mode analogique, sous forme d’un réseau de sites-pylônes.
Régulation ex ante sur le marché de gros
Suite à la mise en œuvre du déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) dans les territoires d’outre-mer, l’ARCEP a mis en place une régulation ex ante sur le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, consistant, notamment, à garantir l’accès aux sites et aux systèmes antennaires de la société TDF, reconnue comme exerçant une » influence significative « , par l’intermédiaire d’offres d’hébergement et de diffusion. Le 20 juillet 2010, la société Outremer Télécom avait saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en oeuvre par la société TDF dans le secteur des services de diffusion hertzienne terrestre de télévision, par voie hertzienne terrestre en mode numérique, dans les départements d’outre-mer, en lui reprochant de l’avoir empêchée de répondre à des appels d’offres lancés en 2010 par la société France Télévisions en vue de l’attribution des marchés de la diffusion de la TNT dans les territoires et collectivités d’outre-mer. Était notamment reproché à TDF d’avoir communiqué avec retard puis de façon incomplète son offre de référence « Hébergement », pour ses sites-pylônes, offre nécessaire pour que les sociétés concurrentes puissent élaborer leurs réponses aux appels d’offres dans des conditions équitables.
Contestation d’un marché géographique pertinent
Le marché géographique pertinent pour apprécier un abus de position dominante est défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines (les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable). L’Autorité a bien démontré que les conditions de concurrence étaient homogènes au sein du marché national de gros et que son choix de séparer le marché ultramarin du marché métropolitain, qui ne modifiait pas l’analyse de la position dominante de la société TDF, constituée indifféremment sur ces deux marchés, était justifié par le calendrier spécifique de développement de la TNT en outre-mer et par le dépôt, par la société TDF, d’une offre de référence spécifique pour l’ensemble des territoires ultramarins, distincte de celle applicable en métropole.
Les contestations de la société TDF, soutenant l’existence d’un marché géographique distinct par territoire, n’étaient pas étayées, celle-ci ne démontrant pas en quoi les conditions de concurrence différeraient entre chacun des territoires. Pour définir un marché amont plus étroit (ce qui n’était pas le cas), il aurait fallu démontrer que les conditions de la concurrence étaient significativement différentes selon les territoires. En ce qui concerne la délimitation du marché de gros amont de l’hébergement, tout d’abord, il existe un réseau historique de pylônes utilisé pour la diffusion de la télévision analogique, qui a été privilégié pour la diffusion de la télévision numérique compte tenu notamment des contraintes d’orientations des antennes. Cette situation est identique dans tous les territoires ultramarins, ensuite, il existe une obligation nationale de la société TDF de publier une offre de référence pour l’hébergement des diffuseurs concurrents sur ces pylônes, qui n’est pas différente selon les territoires ultramarins, enfin, les conditions techniques et tarifaires de cette offre d’hébergement sont également identiques sur tous les territoires ultramarins.
Refus d’accès à une infrastructure essentielle
En second lieu, l’Autorité n’a pas sanctionné un refus d’accès à une infrastructure essentielle, mais a retenu un abus de position dominante ayant consisté à empêcher des concurrents de répondre à des appels d’offres lancés en vue de l’attribution des marchés de la diffusion de la TNT en outre-mer, en communiquant avec retard, puis de façon incomplète, son offre de référence Hébergement. Cette communication était nécessaire pour que ses concurrents puissent élaborer leurs réponses aux appels d’offres dans des conditions équitables. Les juges ont donc retenu un pouvoir de marché de la société TDF sur le marché de gros amont de l’accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, dans un contexte de déploiement de la diffusion de la télévision numérique privilégiant le réseau historique de pylônes utilisés pour la diffusion de la télévision analogique (caractérisant une position dominante de la société TDF).
Réseau de sites-pylônes incontournable
Cet abus résultait essentiellement de la configuration de son réseau de sites-pylônes, hérité de son ancien monopole, et des barrières économiques et réglementaires importantes observées à l’entrée de ce marché. Les juges n’avaient pas à établir le caractère non réplicable dans des conditions économiquement raisonnables de ces infrastructures. En effet, ce réseau était incontournable pour assurer la diffusion de la TNT dans les territoires d’outre-mer. La société TDF a ainsi valorisé au mieux ses intérêts en déposant son offre détaillée très en avance, de telle sorte que ses concurrents sur le marché de la diffusion n’ont pu concourir dans des conditions équitables aux appels d’offres lancées par la société France Télévisions.
La particularité de l’abus reproché à la société TDF tenait à ce que les informations indispensables revêtaient la forme d’une offre de référence d’hébergement, nécessaire pour que ses concurrents puissent répondre aux appels d’offres de la société France Télévisions, dont la publication était imposée par la réglementation sectorielle. Pour l’appréciation d’un tel abus, la circonstance que le marché en cause soit régulé a été prise en considération dès lors que la réglementation relative au secteur des télécommunications définit le cadre juridique applicable à celui-ci et que, ce faisant, elle contribue à déterminer les conditions de concurrence dans lesquelles une entreprise exerce ses activités sur les marchés concernés ainsi que la CJUE l’a déjà jugé (CJUE, 14 octobre 2010, C-280/08 aff.Deutsche Télécom).
La pratique de la société TDF lui a ainsi permis de conserver son monopole de diffusion de programmes télévisuels par voie hertzienne terrestre sur l’ensemble des régions ultramarines et de verrouiller cette situation pendant cinq ans, durée des contrats de diffusion avec les mutiplex.
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