Abus de Position Dominante : Cour administrative d’appel de Nancy, 1ère chambre – formation à 3, 23 mars 2023, 21NC01079

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Abus de Position Dominante : Cour administrative d’appel de Nancy, 1ère chambre – formation à 3, 23 mars 2023, 21NC01079

et des contreforts en coteaux boisés. Son altitude moyenne d’environ 500 mètres lui confère une position dominante sur plusieurs villages placés entre 100 et 200 mètres plus bas et, en partie, sur la vallée du Serein située à l’ouest. Le projet est prévu pour s’insérer, dans son périmètre rapproché, dans un paysage agricole entrecoupé de zones boisées et, dans un périmètre élargi à quelqu
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Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 14 avril 2021, 9 mars 2022 et 28 mars 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Parc éolien de Novion Corny, représentée par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d’annuler l’arrêté du 14 décembre 2020 par lequel le préfet des Ardennes lui a refusé une autorisation environnementale relative à la création d’un parc éolien de cinq aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Novion-Porcien ensemble la décision du 31 mars 2021 rejetant son recours administratif ;

2°) de lui délivrer l’autorisation sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire d’enjoindre au préfet des Ardennes de délivrer ou, à tout le moins, de réexaminer la demande et de se prononcer sur celle-ci dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la décision du 14 décembre 2020 est insuffisamment motivée ;

– la décision du 14 décembre 2020 méconnaît les articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l’environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par la SAS Parc éolien de Novion Corny n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’environnement ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

– les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

– et les observations de Me Durand, pour la société Parc éolien de Novion Corny, et de M. A B, maire de la commune de Novion-Porcien, à la demande de la société Parc éolien de Novion Corny.

Une note en délibéré présentée par la société Parc éolien de Novion Corny a été enregistrée le 9 mars 2023.

Considérant ce qui suit

:

1. La société par actions simplifiée (SAS) Parc éolien de Novion Corny (ci-après  » la SAS Parc éolien de Novion Corny « ) a sollicité le 10 mai 2017 la délivrance d’une autorisation environnementale en vue de la réalisation d’un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs d’une hauteur de pâle de 150 mètres et de deux postes de livraison sur la commune de Novion-Porcien. Par un arrêté du 14 décembre 2020, le préfet des Ardennes a refusé d’accorder cette autorisation. La SAS Parc éolien de Novion Corny demande l’annulation de cet arrêté ensemble la décision du 31 mars 2021 rejetant son recours administratif.

Sur la légalité de l’arrêté du 14 décembre 2020 :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation de l’arrêté du 14 décembre 2020 :

2. Si la SAS Parc éolien de Novion Corny soutient que la décision du 14 décembre 2020 est insuffisamment motivée, il ressort des pièces du dossier que l’arrêté attaqué comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l’environnement :

3. Aux termes de l’article L. 512-1 du code de l’environnement :  » Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l’article L. 511-1. / L’autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l’arrêté préfectoral. ()  » et aux termes de l’article L. 511-1 du même code :  » Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique () « .

4. Pour rechercher l’existence d’une atteinte contraire aux dispositions citées au point précédent, il appartient à l’autorité administrative d’identifier les éléments remarquables du site concerné par le projet, puis, si cette analyse la conduit à considérer qu’ils méritent une protection particulière, d’évaluer l’impact que ce projet, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ce site naturel ou bâti.

5. Le projet en cause, situé dans la région naturelle dite de l’Auxois, doit être implanté sur un plateau comportant quelques reliefs estompés et des contreforts en coteaux boisés. Son altitude moyenne d’environ 500 mètres lui confère une position dominante sur plusieurs villages placés entre 100 et 200 mètres plus bas et, en partie, sur la vallée du Serein située à l’ouest. Le projet est prévu pour s’insérer, dans son périmètre rapproché, dans un paysage agricole entrecoupé de zones boisées et, dans un périmètre élargi à quelques kilomètres, dans une zone bocagère préservée, essentiellement de plaine, mais dont les reliefs, tels que le plateau d’accueil du projet, ou d’autres monts, lui confèrent une allure variée et relativement pittoresque, agrémentée, en outre d’un patrimoine architectural ancien et digne d’intérêt.

6. Le projet se situe au Nord-Est des Monts de Sery, ancien camp romain et site inscrit au titre de l’inventaire des monuments naturels et des sites depuis le 12 juin 1992 en raison de son caractère pittoresque. Par ailleurs, une procédure a été engagée en vue d’un classement de ce site et de ses abords élargis, terrasses et talus, dans la liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. Par suite, le site d’implantation du projet de la société mérite une protection particulière au sens des dispositions précitées.

7. En premier lieu, il résulte des photomontages fournis à l’appui de la demande de la requérante, que les éoliennes présenteraient une visibilité nette et évidente avec les Monts de Sery, tant depuis la table d’orientation le long de la route départementale 35 à l’Ouest de Sery, que depuis les deux sentiers de grande randonnée 12 et 654 qui parcourent le secteur autour des Monts de Sery. De surcroît, si le camp romain n’est pas accessible, un autre relief attenant et plus haut comporte un espace pique-nique orienté vers la zone du projet. Depuis la côte de Sainfoin notamment, la ligne des futures éoliennes, même si elle a été réduite à cinq engins, attire l’œil à l’horizon, dès lors qu’elle s’insère dans un paysage vierge de toute construction ou machine. Si les montages vidéos de trois circuits de randonnée montrent qu’en raison de la topographie et de la végétation, le projet ne sera pas toujours visible pour le promeneur, tel n’est pas le cas depuis des points de vue situés sur des chemins de randonnée sur les hauteurs du site, le projet dénaturant le paysage, jusqu’à présent vierge de telles constructions. Par suite, compte tenu de la configuration des lieux, aucune mesure ne peut être prescrite pour atténuer dans une mesure satisfaisante l’impact visuel des éoliennes dans un site dont le caractère essentiellement naturel constitue un intérêt majeur.

8. En deuxième lieu, s’il est constant que quatre éoliennes seront visibles depuis le centre-bourg de Novion-Porcien, celles-ci d’une hauteur de 150 mètres sont situées à 1,5 kilomètres de la commune et présentent un effet de surplomb alors que la topographie et les perspectives du terrain ne permettront pas de masquer au moins partiellement le projet depuis de nombreux points de vue. Il en résulte que la visibilité des éoliennes est de nature à caractériser une atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, et notamment au cadre de vie des habitants de la commune.

9. En troisième et dernier lieu, le château de Mesmont, inscrit à l’inventaire des monuments historiques est situé à 3 km du projet. Le photomontage versé au dossier montre que l’éolienne E1 et dans une moindre mesure celles de l’éolienne E2, sont visibles derrière le château depuis l’ouest du village. L’écrin paysager situé autour de ce monument étant jusqu’alors intact, l’impact visuel du projet sur le château est défavorable, au regard notamment de la faible distance et de la végétation insuffisante.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Parc éolien de Novion Corny n’est pas fondée à soutenir qu’en refusant de lui délivrer l’autorisation sollicitée, le préfet des Ardennes ait méconnu les articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l’environnement.

11. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d’annulation, de délivrance de l’autorisation sollicitée et d’injonction présentées par la SAS Parc éolien de Novion Corny doivent être rejetées.

Sur les frais d’instance :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SAS Parc éolien de Novion Corny au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Parc éolien de Novion Corny est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Parc éolien de Novion Corny et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l’audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

– M. Wallerich, président de chambre,

– M. Sibileau, premier conseiller,

– Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. C

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet


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