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Alors que la charge de la preuve de la réalité des motifs de recours aux contrats durée déterminée (absence d’un salarié, surcroît d’activité …) lui incombe, la société France Télévisions n’a produit aucun justificatif. Le nombre de contrats souscrits avec un salarié au cours de dix-sept années, leur régularité et la nature des fonctions exercées démontraient qu’il s’agissait d’une activité régulière de l’entreprise et que le salarié a été employé dans le cadre de contrats à durée déterminée pour pourvoir un emploi durable et permanent (requalification en CDI).
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07873 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKR3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n°F18/06586
APPELANT
Monsieur Y X
11 résidence les Castillanes
[…]
Représenté par Me Véronique L’HOTE, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 239
INTIMEE
SA FRANCE TELEVISIONS prise en la personne du président de son conseil d’administration
[…]
[…]
Représentée par Me Marie CONTENT, avocat au barreau de PARIS, toque : J98
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 octobre 2021 , en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Anne BERARD, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller , dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Marylène BOGAERS, lors des débats
ARRÊT :
— contradictoire,
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
— signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. X a exercé au sein de la société France Télévisions en qualité de journaliste professionnel dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée, entre le 12 février 2002 et le 16 décembre 2018.
La société France Télévisions emploie plus de onze salariés.
La convention collective applicable est la convention collective nationale de travail des journalistes et l’accord d’entreprise France Télévisions du 28 mai 2013.
M. X et le syndicat national des journalistes SNJ-CGT ont saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 05 septembre 2018, aux fins de demander la requalification du contrat de travail.
Par jugement du 25 juin 2019 le conseil de prud’hommes a :
Débouté M. X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens,
Débouté le syndicat national des journalistes SNJ-CGT de ses demandes,
Débouté France Télévisions de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. X a formé appel le 09 juillet 2019.
Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 28 juin 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, M. X demande à la cour de :
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de fixation de salaire mensuel à 3 995 euros ;
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté M. X de sa demande d’indemnité au titre de l’article L. 1245-2 du code du travail d’un montant de 30 000 euros ;
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts et d’article 700 du code de procédure civile ;
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens ;
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté la société France Télévisions de sa demande d’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau ;
A titre principal ;
Juger recevables les demandes de M. X d’un montant de 258 944 euros au titre de rappels de salaires outre 25 894 euros au titre des congés payés afférents ;
Requalifier la relation de travail entre M. X et la société France Télévisions en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 12 février 2002 ;
Juger que le salaire de référence mensuel brut de M. X s’élève à 3 995 euros ;
Condamner la société France Télévisions à verser à M. X la somme de 50 000 euros au titre de l’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée ;
Juger que la collaboration se poursuit dans ce cadre ;
Condamner la société France Télévisions à verser à M. X la somme de 258 944euros au titre de rappels de salaires outre 25 894 euros au titre des congés payés afférents ;
A titre subsidiaire ;
Juger recevables les demandes de M. X d’un montant de 208 722 euros au titre de rappels de salaires outre 20 872 euros au titre des congés payés afférents ;
Requalifier la relation de travail entre M. X et la société France Télévisions en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 24 heures hebdomadaires à compter du 12 février 2002 ;
Juger que le salaire de référence mensuel brut de M. X s’élève à 2 739,43 euros ;
Condamner la société France Télévisions à verser à M. X la somme de 50 000 euros au titre de l’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée ;
Juger que la collaboration se poursuit dans ce cadre ;
Condamner la société France Télévisions à verser à M. X la somme de 208 722 euros au titre de rappels de salaire outre 20 872 euros au titre des congés payés afférents ;
Condamner la société France Télévisions à verser à M. X la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Débouter la société France Télévisions de l’intégralité de ses demandes ;
Condamner la société France Télévisions aux entiers dépens.
Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 29 juin 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société France Télévisions demande à la cour qu’elle :
Juge irrecevable la demande nouvelle présentée par M. X,dans ses conclusions communiquées le 11 juin 2021, et visant à voir condamner la société France Télévisions à lui payer les sommes suivantes :
— 258 944 euros à titre de rappel de salaire,
— 25 894 euros au titre des congés payés afférents ;
Juge irrecevable la demande nouvelle présentée par M. X dans ses conclusions communiquées le 28 juin 2021, et visant, à titre subsidiaire, à voir condamner la société France Télévisions à lui payer les sommes suivantes :
— 208 722 euros à titre de rappel de salaire,
— 20 872 euros au titre des congés payés afférents ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 25 juin 2019, sauf en ce qu’il a débouté la société de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. X de son appel comme étant infondé et de l’intégralité de ses demandes;
Juge que le jugement rendu le 25 juin 2019 est définitif s’agissant des demandes qui étaient formulées par le syndicat SNJ-CGT ;
Condamne M. X à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
A titre subsidiaire, si la requalification des contrats à durée déterminée de M. X en contrat à durée indéterminée était prononcée, la société France Télévisions sollicite de la cour qu’elle:
Déboute M. X de sa demande visant à obtenir la poursuite de la collaboration, la relation de travail étant rompue depuis le 16 décembre 2018,
Juge que la requalification des contrats à durée déterminée doit s’opérer en contrat à durée indéterminée à temps partiel, à hauteur de 21% d’un temps plein, et fixe le salaire de référence de M. X à 838,73 euros ;
Juge que M. X peut tout au plus prétendre, à titre d’indemnité de requalification à la somme de 838,73 euros (correspondant à un mois de rémunération : salaire de base + prime d’ancienneté + prorata de 13 ème mois) ;
A titre infiniment subsidiaire, si la poursuite de la collaboration était ordonnée, la société France Télévisions sollicite de la cour qu’elle :
Juge que la relation de travail se poursuit aux conditions suivantes :
— Durée du travail : 32 heures mensuelles (21% d’un temps plein)
— Rémunération annuelle de 10 065 euros ainsi décomposée :
o Salaire de base mensuel : 690,69 (3.289,60 euros x 21%)
o Prime d’ancienneté mensuelle : 83,52 euros (397,70 euros x 21%)
o 13 ème mois : 774,21 euros (salaire de base + prime d’ancienneté).
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2021.
Motifs
Le syndicat national des journalistes SNJ-CGT n’ayant pas formé appel du jugement du conseil de prud’hommes, la décision est définitive à son égard.
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
La cour observe, à titre liminaire, que dans le corps de ses conclusions la société France Télévisions indique que l’action en requalification portant sur la période antérieure au 5 septembre 2016 serait atteinte par la prescription prévue par l’article L. 1471-1 du code du travail.
En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Le dispositif des conclusions de l’intimée ne comportant aucune demande relative à la fin de non-recevoir tirée de la prescription, il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen.
M. X demande la requalification des contrats à durée déterminée à compter du 12 février 2002, faisant valoir que la succession des contrats à durée déterminée a eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise et que les conditions du recours aux contrats à durée déterminée n’étaient pas remplies.
La société France Télévisions s’oppose à la requalification, indiquant que l’appelant n’a travaillé que sur de courtes périodes ponctuelles, les motifs des recours aux contrats à durée déterminée étant régulièrement mentionnés aux différents contrats.
L’article L.1242-1 du code du travail dispose que ‘Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.’
L’article L.1242-2 du code du travail dispose quant à lui que ‘Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d’un salarié en cas :
a) D’absence ;
b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;
c) De suspension de son contrat de travail ;
d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe ;
e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur ;
4° Remplacement d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l’activité de l’entreprise à titre professionnel et habituel ou d’un associé non salarié d’une société civile professionnelle, d’une société civile de moyens d’une société d’exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale ;
5° Remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l’article L. 722-10 du même code dès lors qu’il participe effectivement à l’activité de l’exploitation agricole ou de l’entreprise ;
6° Recrutement d’ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d’un objet défini lorsqu’un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d’entreprise le prévoit et qu’il définit :
a) Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d’apporter une réponse adaptée ;
b) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l’aide au reclassement, à la validation des acquis de l’expérience, à la priorité de réembauche et à l’accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;
c) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d’accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l’entreprise.’
Des évolutions législatives sont intervenues au cours de la période des contrats à durée déterminée, sans modification des normes applicables aux moyens invoquées par les parties.
A partir du 12 février 2002 M. X a travaillé au sein de la société France3, du groupe France Télévisions, puis au sein de France Télévisions, dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs.
Au cours de l’année 2002, les trente et un contrats à durée déterminée ont été conclus pour des périodes de un à cinq jours. Ils indiquent que M. X est engagé en qualité de collaborateur pour participer à des différentes émissions : Tarn 3, sport Toulouse ou JT Toulouse. Aucun motif de recours au contrat à durée déterminée n’est mentionné dans les contrats. Il en est de même pour les vingt premiers contrats de l’année 2003, et pour celui du 22 au 28 décembre.
A compter du 1er décembre 2003, les contrats indiquent les motifs du recours au contrat à durée déterminée : le remplacement d’un salarié absent, ou l’accroissement temporaire d’activité. Au cours de l’année 2010, le motif de recours aux contrats à durée déterminée a été presque toujours celui de remplacement de salariés absents, pour des motifs de maladie, de formation ou de congés.
Plus de quatre cent trente contrats ont été conclus entre les parties. Les contrats de l’année 2018 indiquent que M. X été embauché en qualité de journaliste reporteur d’images, ce qui résulte également de ses bulletins de paie depuis le mois de mai 2003. Il participait à la conception et à la réalisation des sujets et reportages insérés aux éditions quotidiennes des journaux télévisés régionaux. Il n’est pas discuté que le dernier contrat a pris fin le 16 décembre 2018.
Alors que la charge de la preuve de la réalité des motifs de recours aux contrats durée déterminée lui incombe, la société France Télévisions ne produit aucun justificatif. Le nombre de contrats souscrits au cours de dix sept années, leur régularité et la nature des fonctions exercées démontrent qu’il s’agissait d’une activité régulière de l’entreprise et que M. X a été employé dans le cadre de contrats à durée déterminée pour pourvoir un emploi durable et permanent.
Il convient de requalifier les contrats conclus par M. X en contrat à durée indéterminée avec la société France Télévisions, depuis le 12 février 2002.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la durée du temps de travail
M. X demande que le contrat de travail soit requalifié à temps plein.
La société France Télévisions s’y oppose et demande subsidiairement que le contrat de travail soit requalifié à temps partiel, en tenant compte de la moyenne du temps de travail par année.
La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.
Les contrats de travail à durée déterminée signés par les parties n’indiquent pas que M. X est embauché à temps partiel, le formalisme prévu par l’article L. 3123-6 du code du travail n’étant au demeurant pas respecté. Le salarié était embauché pour un nombre de jours, indiqués sur la période du contrat. Les contrats signés au cours des dernières années de la relation de travail comportent un article ‘Durée du travail’ qui prévoit : ‘La durée du travail est fixée à 35 heures en moyenne par semaine.’ D’autres contrats, notamment ceux signés au cours de l’année 2009 indiquent expressément que ‘Le contractant est engagé à temps plein.’
Le contrat de travail de M. X est ainsi un contrat de travail à temps complet.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité de requalification
L’article L. 1245-2 du code du travail dispose en son deuxième alinéa que : ‘Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.’
M. X formule ses demandes sur la base d’un salaire mensuel de référence de 3 995 euros, comprenant le salaire de base, la prime d’ancienneté et le 13ème mois.
La société France Télévisions reconnaît, dans l’hypothèse d’une requalification du contrat de travail à temps plein, que ce montant correspond au salaire qui serait perçu par l’appelant, en considération de son poste et de son ancienneté.
M. X a adressé de nombreuses candidatures afin d’être embauché par la société France Télévisions dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, auxquelles il a été répondu par la négative. Il justifie avoir rencontré des difficultés financières, notamment par la délivrance de commandements de payer en lien avec des charges de la vie courante.
Compte tenu de ces éléments, de la durée et du déroulement de la relation contractuelle, la société France Télévisions sera condamnée à payer la somme de 15 000 euros à titre d’indemnité de requalification.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la recevabilité des demandes de rappels de salaire
La société France Télévisions soulève l’irrecevabilité des demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents formées par le salarié, tant à titre principal qu’à titre subsidiaire, pour avoir été formées pour la première fois en cause d’appel.
M. X expose que la demande n’est pas nouvelle en ce qu’elle tend aux mêmes fins que celle de la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée.
L’article 564 du code de procédure civile dispose que ‘ A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’
L’article 565 du code de procédure civile dispose que ‘Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.’
L’article 566 du code de procédure civile dispose que ‘Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.’
La demande de rappel de salaires, n’avait pas été formée devant le conseil de prud’hommes, qui n’était saisi que de la demande de requalification des contrats et de l’indemnité de requalification.
Cette demande en paiement de rappel de salaires porte sur les périodes non travaillées au cours de la relation de travail, c’est à dire les périodes interstitielles, et ne peut être examinée que s’il est fait droit à la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée, dont elle est la conséquence.
M. X était ainsi en mesure d’ajouter la demande de rappel de salaires et de congés payés afférents à ses prétentions.
La société France Télévisions fait valoir à titre subsidiaire que les demandes sont irrecevables pour ne pas avoir figuré dans le dispositif des conclusions déposées par l’appelant dans le délai imparti par l’article 908 du code de procédure civile.
L’article 908 du code de procédure civile prévoit que ‘A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.’
L’article 910-4 du code de procédure civile dispose que ‘A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’
Le dispositif des conclusions déposées au greffe et signifiées par l’appelant le 20 septembre 2019, les seules à avoir été déposées dans le délai de trois mois suivant la déclaration d’appel, ne comporte pas de demandes de rappel de salaires et de congés payés afférents. Elles ne figurent qu’au dispositif des conclusions de l’appelant signifiées le 11 juin 2021, puis dans celles signifiées le 28 juin 2021.
Les demandes de rappel de salaires et de congés payés afférents n’ayant pas été formées dans les conclusions signifiées dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel, elles sont irrecevables.
Il sera ajouté au jugement entrepris.
Sur la poursuite de la collaboration
M. X demande qu’il soit statué que la collaboration se poursuit dans le cadre du contrat à durée indéterminée à temps plein. Dans le corps de ses conclusions, dans le développement relatif au rappel de salaire, l’appelant explique demander sa réintégration dans un contrat à durée indéterminée à temps complet.
La société France Télévisions s’y oppose, faisant valoir que la relation de travail a pris fin au dernier contrat, et que M. X ne peut pas demander la poursuite des relations contractuelles.
L’employeur qui, à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture sans que le salarié puisse exiger, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, sa réintégration dans l’entreprise.
Le contrat a ainsi pris fin 16 décembre 2018 par le terme du dernier contrat. M. X n’est pas fondé à demander la poursuite des relations contractuelles, ce qui correspond à sa réintégration dans l’entreprise, et doit être débouté de sa demande.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les intérêts
Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société France Télévisions qui succombe supportera les dépens et la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée à verser à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud’hommes qui a débouté la société France Télévisions de sa demande à ce titre sera confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de poursuite de la relation de travail et a débouté la société France Télévisions de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
REQUALIFIE les contrats à durée déterminée conclus entre M. X et la société France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 12 février 2002,
CONDAMNE la société France Télévisions à payer à M. X la somme de 15 000 euros à titre d’indemnité de requalification, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
DIT irrecevables les demandes de rappels de salaires et de congés payés afférents formées par M. X,
CONDAMNE la société France Télévisions aux dépens,
CONDAMNE la société France Télévisions à payer à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société France Télévisions de sa demande au titre des frais irrépétibles.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE