L’appréciation erronée de la rentabilité économique d’une opération (développement commun d’une solution logicielle) n’est pas constitutive d’une erreur sur la substance, sauf si elle est entrée dans le champ contractuel, dans le cadre d’un projet commercial d’intérêt commun, dont la réussite suppose que les moyens fournis puissent être exploités utilement.
En la cause, il résulte des stipulations des contrats conclus, qui forment un ensemble contractuel, que le projet de commercialisation de la plateforme Solon (IBM / Pro BTP) comportait indiscutablement des risques financiers, au regard des investissements réalisés, ce que l’association Pro BTP et la société Korelio ne pouvaient pas ignorer. En préambule, le contrat-cadre rappelle ainsi que « L’esprit de cette collaboration et de ce partenariat entre Korelio et IBM se manifeste notamment à travers l’idée de partage équitable des risques et des revenus qui sont liés à ce projet ». C’est en vain également que les sociétés appelantes prétendent que celle-ci aurait fait état de chiffres exagérément optimistes. Le contrat fixait, en effet, des objectifs financiers, qui n’étaient nullement garantis par la société IBM. La lettre d’intention comprenait, plus précisément, une liste de clients potentiels, identifiés par les deux parties, qui était seulement indicative, étant souligné que la preuve n’est pas rapportée que cette liste aurait été annexée par la société IBM ; de plus, s’il était entendu que la société IBM participerait à l’intégralité du cycle de vente, la société Korelio devait également assumer un rôle d’initiateur d’affaires ou co-commercialisateur. Selon l’article 1109 du code civil, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. L’article 1110 du même code précise : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. » Enfin, l’article 1116 dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ; selon ce texte, le dol ne se présume pas et doit être prouvé. Le dol requiert, quant à lui, que soit démontrée l’intention de tromper de la part de celui qui a fourni des données inexactes. |
Résumé de l’affaire : La SAS Compagnie IBM France, spécialisée dans le conseil en systèmes d’information, a collaboré avec le Groupe Pro BTP et la SA Korelio pour développer une plateforme de détection des indus dans le domaine de l’assurance santé, nommée « Plateforme Solon ». Un contrat-cadre a été signé en mars 2014, stipulant la mise à disposition de la plateforme en échange de redevances. Malgré des avenants et l’acquisition de licences supplémentaires, la commercialisation de la solution a échoué, ne trouvant qu’un seul client, la société Almerys, avec qui le contrat a été résilié.
En juin 2020, Korelio et Pro BTP ont assigné IBM en justice, demandant l’annulation des contrats et la restitution des sommes versées, en invoquant des manœuvres dolosives. En février 2021, ils ont notifié la résiliation du contrat-cadre. Le tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement en février 2022, déboutant Korelio et Pro BTP de leurs demandes et condamnant Korelio à payer une somme importante à IBM. Korelio et Pro BTP ont fait appel, demandant l’infirmation du jugement et la nullité des contrats pour dol ou erreur. IBM a contesté ces demandes, affirmant qu’aucun dol n’avait été commis. Le jugement d’appel a confirmé les décisions du tribunal de première instance, rejetant les demandes de Korelio et Pro BTP et les condamnant aux dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2024
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04722 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFMYV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2022 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2020025758
APPELANTES
S.A. KORELIO
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 3]/France
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 504 668 278
Association PRO BTP
[Adresse 2]
[Localité 3]/France
numéro SIREN : 394 164 966
Représentée par Me Antoine BEAUQUIER de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R191
INTIMEE
S.A.S. COMPAGNIE IBM FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 552 118 465
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Denis ARDISSON, Président de chambre,
Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère,
CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère, chargée du rapport,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
La SAS Compagnie IBM France (la société IBM), filiale française du Groupe IBM, est spécialisée dans le secteur d’activité du conseil en systèmes d’information, de la commercialisation de logiciels informatiques et la vente de matériel, du développement et de l’intégration de système d’information, ainsi que la fourniture de services d’externalisation de production.
Le Groupe Pro BTP assure la protection sociale complémentaire des salariés, retraités, artisans et entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics. L’association Pro BTP est l’organe technique de ce Groupe.
La SA Korelio, qui fait partie du Groupe BTP Pro, a pour objet de réaliser des activités de tiers payant et des activités de prestations informatiques à destination du Groupe, de ses partenaires et de ses clients.
Au cours de l’année 2013, la société IBM et la société Korelio se sont rapprochées en vue de développer une solution innovante de détection des indus (abus, erreurs et fraudes) dans le domaine de l’assurance santé, sous la forme d’une plateforme mutualisée, appelée « Plateforme Solon » ou « Solution Solon ».
L’objectif des parties consistait, dans un premier temps, à développer la Solution, afin de la mettre à la disposition immédiate du Groupe Pro BTP et, dans un second temps, à commercialiser le logiciel, auprès d’autres acteurs de l’assurance santé entendus comme les clients finaux.
Afin d’organiser leur partenariat, la société IBM, l’association Pro BTP et la société Korelio ont conclu, le 10 mars 2014, un contrat-cadre dit Contrat de construction, d’exploitation et d’utilisation, d’une durée de sept ans. Il était convenu que la plateforme serait mise à la disposition de l’association Pro BTB, en contrepartie du paiement de redevances, et que le prix initial du service, réglé par la société Korelio, serait surfacturé, durant une période de deux ans. Celle-ci devait recouvrer ce surcoût, en percevant une part plus importante des premiers revenus issus de la commercialisation, après quoi la répartition additionnelle du revenu entre la société Korelio et la société IBM se ferait par parts égales.
Les parties ont conclu à la même date plusieurs conventions :
– une lettre d’intention organisant la répartition des rôles entre l’association Pro BTP, la société Korelio et la société IBM, dans le cadre de la commercialisation de la Plateforme Solon.
– un contrat de prestation de services et d’assistance en régie visant à offrir aux équipes de l’association Pro BTP un accompagnement technique tout au long du projet ;
– un contrat IBM d’acquisition de logiciels pour une application par un partenaire technologique ASL (« Application Specific Licence ») ;
– un contrat de licence du logiciel FAMS (« Fraud and Abuse Management System ») ;
– un contrat Offre Globale de Logiciels Distribués SRA (« Sofware Relationship Agreement »).
Par la suite, la société IBM, l’association Pro BTP et la société Korelio ont régularisé plusieurs contrats successifs, notamment un « Avenant No. 1 au Contrat de construction, d’exploitation et d’utilisation », signé les 24 et 29 décembre 2014, allongeant le délai de récupération par la société Korelio du surcoût qu’elle avait accepté de prendre en charge, sur les deux premières années de fonctionnement de la plateforme.
Le 28 avril 2015, la société Korelio a acquis, auprès de la société IBM, des licences additionnelles FAMS et ASL.
Différents avenants ont été établis ultérieurement, durant les années 2017 à 2019.
La commercialisation de la plateforme Solon a finalement été un échec commercial. La Solution n’a ainsi été vendue qu’à un seul client tiers, la société Almerys, selon contrat du 7 juin 2016, que les parties ont finalement résilié.
Estimant avoir été victime de manoeuvres dolosives, suivant exploit du 23 juin 2020, la société Korelio et l’association Pro BTP ont fait assigner la société IBM devant le tribunal de commerce de Paris, afin d’obtenir la nullité des différents contrats liés à la Plateforme Solon et la restitution des sommes versées à ce titre.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, datée du 8 février 2021, la société Korelio et l’association Groupe Pro BTP ont notifié à la société IBM la résiliation du Contrat de construction, d’exploitation et d’utilisation, conclu le 10 mars 2014, emportant caducité des autres contrats, à l’issue d’un préavis de six mois.
Par jugement en date du 1er février 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
– Débouté la société Korelio et l’association Pro BTP de leur demande en annulation, pour dol, des contrats et avenants ;
– Débouté la société Korelio et l’association Pro BTP de leur demande de restitutions subséquentes ;
– Débouté la société Korelio et l’association Pro BTP de leurs demandes de paiement d’intérêts de retard, et de dommages et intérêts pour perte de chance d’avoir pu contracter avec un commercialisateur de bonne foi et pour préjudice moral, d’image et de réputation ;
– Condamné la société Korelio à payer à la société IBM la somme de 2.747.458,01 € TTC à parfaire au jour de la décision, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 mai 2020 calculés sur le montant de 664.408 € et à compter de la décision à intervenir pour le solde ;
– Condamné la société Korelio et l’association Pro BTP à payer chacune à la société IBM la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et débouté pour le surplus ;
– Condamné la société Korelio et l’association Pro BTP solidairement aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 € dont 15,64 € de TVA.
La société Korelio et l’association Pro BTP ont formé appel du jugement, par déclaration du 28 février 2022.
Dans leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 21 février 2024, la SA Korelio et l’association Pro BTP demandent à la Cour de :
« INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 1er février 2022 en toutes ses dispositions ;
LE REFORMANT :
A titre principal :
PRONONCER LA NULLITE des contrats suivants pour dol :
o Le Contrat-cadre de construction, d’exploitation et d’utilisation de la Plateforme Solon et ses quatre avenants
o Le Contrat de Prestation de services dit « Assistance en régie », accessoire au contrat-cadre principal
o Le Contrat d’application des conditions de distribution de la Plateforme Solon à ALMERYS
o L’ensemble des contrats aux termes desquels la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE a octroyé à KORELIO des licences portant sur les logiciels fournis par ses soins et intégrés à la Plateforme Solon, à savoir :
le Contrat-cadre de licence « Fraud and Abuse Management System », le Document d’autorisation de modification portant prorogation de ce contrat ainsi que les deux Avenants à ce Contrat-Cadre de licence
le Contrat-cadre de licence dit « Application Specific Licence », l’Annexe de location de logiciels à redevance unique dits « IPLA » ainsi que les Documents de Transaction
le Contrat Offre Globale de Logiciels Distribués dit « Software Relationship Agreement », son Annexe de location de logiciels à redevance unique dits « IPLA » et son Avenant ainsi que le contrat dit « International Passeport Agreement » qui lui est attaché
o Ainsi que tout autre contrat dont ils seraient le support nécessaire
A titre subsidiaire :
PRONONCER LA NULLITE des contrats suivants pour erreur :
o Le Contrat-cadre de construction, d’exploitation et d’utilisation de la Plateforme Solon et ses quatre avenants
o Le Contrat de Prestation de services dit « Assistance en régie », accessoire au contrat-cadre principal
o Le Contrat d’application des conditions de distribution de la Plateforme Solon à ALMERYS
o L’ensemble des contrats aux termes desquels la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE a octroyé à KORELIO des licences portant sur les logiciels fournis par ses soins et intégrés à la Plateforme Solon, à savoir :
le Contrat-cadre de licence « Fraud and Abuse Management System », le Document d’autorisation de modification portant prorogation de ce contrat ainsi que les deux Avenants à ce Contrat-Cadre de licence
le Contrat-cadre de licence dit « Application Specific Licence », l’Annexe de location de logiciels à redevance unique dits « IPLA » ainsi que les Documents de Transaction
le Contrat Offre Globale de Logiciels Distribués dit « Software Relationship Agreement », son Annexe de location de logiciels à redevance unique dits « IPLA » et son Avenant ainsi que le contrat dit « International Passeport Agreement » qui lui est attaché
o Ainsi que tout autre contrat dont ils seraient le support nécessaire
A titre infiniment subsidiaire :
PRONONCER LA NULLITE de l’avenant n°1 du 29 décembre 2014
PRONONCER LA CADUCITE des contrats suivants :
o Le Contrat-cadre de construction, d’exploitation et d’utilisation de la Plateforme Solon et ses trois autres avenants
o Le Contrat de Prestation de services dit « Assistance en régie », accessoire au contrat-cadre principal
o Le Contrat d’application des conditions de distribution de la Plateforme Solon à ALMERYS
o L’ensemble des contrats aux termes desquels la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE a octroyé à KORELIO des licences portant sur les logiciels fournis par ses soins et intégrés à la Plateforme Solon, à savoir :
le Contrat-cadre de licence « Fraud and Abuse Management System », le Document d’autorisation de modification portant prorogation de ce contrat ainsi que les deux Avenants à ce Contrat-Cadre de licence
le Contrat-cadre de licence dit « Application Specific Licence », l’Annexe de location de logiciels à redevance unique dits « IPLA » ainsi que les Documents de Transaction intervenus
le Contrat Offre Globale de Logiciels Distribués dit « Software Relationship Agreement », son Annexe de location de logiciels à redevance unique dits « IPLA » et son Avenant ainsi que le contrat dit « International Passeport Agreement » qui lui est attaché
o Ainsi que tout autre contrat dont ils seraient le support nécessaire
En tout état de cause
ORDONNER les restitutions subséquentes et partant, le paiement par la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE des sommes suivantes à la société KORELIO :
o 94.186 euros T.T.C au titre du Contrat de prestation de service ‘ Assistance en régie
o 18.737.996 euros T.T.C au titre des paiements relatifs à l’utilisation en interne de la Plateforme Solon
o 2.602.036 euros T.T.C au titre du Contrat de licence FAMS et de ses Avenants
o12.037.449 euros T.T.C au titre du Contrat de licence ASL et de ses contrats d’application (Documents de Transaction)
o 3.417.978 euros T.T.C au titre du Contrat de licence SRA et de son Avenant
o 792.000 euros T.T.C au titre des fruits civils perçus de l’exploitation de la Plateforme Solon et donc des licences octroyées à KORELIO ayant servi aux bénéficiaires du client ALMERYS
CONDAMNER la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE à payer 12.486.878,36 euros à KORELIO au titre des intérêts de retard, somme à parfaire au jour de l’arrêt
CONDAMNER la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE à payer 6.494.401,99 euros à KORELIO au titre de la perte de chance de pouvoir investir utilement les sommes exposées en vain
CONDAMNER la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE à payer 1.000.000 euros à KORELIO au titre de son préjudice moral
REJETER l’intégralité des demandes, moyens fins ou prétentions de la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE
ORDONNER à IBM de restituer de 2.779.455,71 euros à KORELIO au titre des sommes indument versées en application du jugement entrepris
CONDAMNER la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE à payer 30.000 euros à KORELIO au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens
CONDAMNER la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE à payer 30.000 euros à l’ASSOCIATION PRO BTP au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens. »
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 16 février 2023, la SAS Compagnie IBM France demande à la Cour, au visa des articles 1116 et 1134 du code civil dans leur version applicable aux faits, de :
1. « Sur la demande principale formée par la société Korelio et l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics, et visant à obtenir la nullité de tous les contrats relatifs à la Solution Solon sur le fondement du dol :
‘ Dire et Juger que la société Compagnie IBM France n’a commis aucun dol de nature à vicier le consentement des représentants et préposés de la société Korelio et de l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics ;
‘ Dire et Juger que les demandes indemnitaires formulées par la société Korelio et l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics et fondées sur une faute délictuelle prétendument commise par la société Compagnie IBM France sont infondées ;
‘ Dire et juger que l’obligation de Korelio de payer l’intégralité des factures émises par la société Compagnie IBM France au titre de l’utilisation de la Solution Solon est incontestable.
En conséquence,
‘ Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris en date du 1er février 2022, en toutes ses dispositions ;
2. Sur la demande subsidiaire nouvellement formée en cause d’appel par la société Korelio et l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics, et visant à obtenir la nullité de tous les contrats relatifs à la Solution Solon sur le fondement de l’erreur :
‘ Dire et Juger que la société Korelio et l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics n’ont commis aucune erreur de nature à vicier leur consentement lors de la conclusions des différents contrats dont la validité est mise en cause ;
En conséquence,
‘ Débouter la société Korelio et de l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics de leur demande formée à titre subsidiaire.
3. Sur la demande infiniment subsidiaire nouvellement formée en cause d’appel par la société Korelio et l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics, et visant à obtenir la nullité de l’Avenant n° 1 au Contrat-Cadre en date du 29 décembre 2014 ainsi que la caducité de tous les contrats relatifs à la Solution Solon :
Dire et Juger que la société Compagnie IBM France n’a commis aucun dol de nature à vicier le consentement des représentants et préposés de la société Korelio et de l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics lors de la conclusion de l’Avenant n° 1 au Contrat-Cadre en date du 29 décembre 2014 ;
Au surplus,
‘ Dire et Juger que les conditions de l’article 1186 du Code Civil ne sont pas réunies en l’espèce ;
En tout état de cause,
‘ Dire et Juger qu’aucune restitution ne pourrait être ordonnée au titre de la caducité alléguée des contrats relatifs à la Solution Solon, l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics ayant utilisé la Solution Solon pendant plus de sept années ;
En conséquence,
‘ Débouter la société Korelio et de l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics de leur demande formée à titre infiniment subsidiaire.
En tout état de cause,
‘ Condamner la société Korelio et l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics à verser à la société Compagnie IBM France la somme de 25.000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamner la société Korelio et de l’Association de Protection Sociale du Bâtiment et des Travaux Publics aux entiers dépens.»
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2024.
A titre liminaire, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Sur la demande d’annulation des contrats
Enoncé des moyens
La société Korelio et l’association Pro BTP prétendent que l’ensemble des contrats relatifs à la plateforme Solon est nul, en raison d’une erreur commise sur le chiffre d’affaires. Elles font valoir qu’il s’agit, en l’occurrence, d’une erreur sur la substance, s’agissant d’un contrat d’intérêt commun. Elles expliquent, à ce propos, que la société IBM leur a transmis des chiffres prévisionnels inexacts, en surévaluant le nombre de clients potentiels, alors qu’elles étaient novices dans le secteur de la commercialisation de licences et de produits informatiques.
Elles soutiennent que la société IBM a, en outre, employé des manoeuvres dolosives pour les inciter à signer l’avenant des 24 et 29 décembre 2024 et les transferts de licence subséquents, en soulignant qu’elles se sont aperçues que le chiffre d’affaires potentiel était surestimé, de façon mensongère, dès la signature des contrats du 10 mars 2014. Elles expliquent que les manoeuvres de la société IBM ont été la cause d’une erreur déterminante, qui les a conduites à engager des dépenses en pure perte, en termes d’avance de trésorerie et d’achat de licences, et à renoncer à une part du bénéfice escompté, alors que le calibrage exagéré des licences générait un avantage injustifié pour la société IBM. Elles estiment que la société IBM était tenue d’une obligation de loyauté, de sorte qu’elles n’avaient aucune obligation de vérifier les informations transmises, en interrogeant leur cocontractant, supposé être de bonne foi.
Subsidiairement, elles considèrent que les contrats litigieux forment un ensemble contractuel indivisible, ce dont elles déduisent que la nullité de l’avenant des 24 et 29 décembre 2014 entraîne la caducité des contrats conclus antérieurement.
Pour sa part, la société IBM prétend que le projet de plateforme Solon a été conçu et développé comme un véritable partenariat, au sein duquel les rôles respectifs des parties étaient complémentaires. Elle expose que les risques et les bénéfices étaient, par ailleurs, mutualisés, en soulignant qu’il était impossible, lors de la signature du contrat-cadre du 10 mars 2014, d’avoir la certitude que les revenus générés par la commercialisation couvriraient les dépenses d’investissement. Elle ajoute que le projet impliquait une gouvernance commune et paritaire, de même que les efforts de commercialisation étaient mutualisés.
La société intimée rappelle que la Solution Solon est, avant tout, une réussite technologique, qui a donné entièrement satisfaction au Groupe Pro BTP, en lui permettant de réaliser des gains significatifs s’élevant a minima à 77 millions d’euros, soit une somme supérieure à plus de deux fois les montants investis. Elle souligne qu’elle a entrepris, de son côté, de nombreuses actions de commercialisation, mais que la structuration initiale de l’offre tarifaire n’était pas en adéquation avec le marché, ce dont elle avait averti le Groupe Pro BTP, au mois d’avril 2015, qui a procédé à l’acquisition de licences additionnelles. Or, selon elle, son cocontractant a refusé, ensuite, de procéder à des investissements supplémentaires et de collaborer.
Elle réfute toute manoeuvre dolosive, en lien avec des prévisions de chiffres d’affaires mensongères. Elle rappelle que le dol doit avoir été déterminant du consentement de la victime, ce qui suppose que les manoeuvres aient été antérieures à la conclusion du contrat, et qu’il est nécessaire que son auteur ait agi intentionnellement, autant d’éléments dont la preuve n’est pas rapportée, en l’espèce.
Réponse de la Cour
La Cour relève, en liminaire, que l’association Pro BTP et la société Korelio n’imputent à la société IBM aucun manquement à ses obligations contractuelles. A cet égard, il n’est pas contesté que la solution Solon est une réussite technologique, qui constitue un outil efficace de lutte contre les fraudes et permet de prévenir la perception d’indus ; ainsi, les sociétés appelantes ne prétendent pas que la Solution ne leur donnerait pas satisfaction. Les efforts entrepris par la société IBM pour commercialiser le produit auprès de clients tiers, bien qu’ils aient échoué, ne sont pas non plus discutés.
Compte tenu de la date de conclusion des contrats litigieux, au cours des années 2014 et 2015, sont applicables les dispositions des articles 1109 et suivants du code civil, dans leur version issue de la loi n° 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804, antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Selon l’article 1109 du code civil, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
L’article 1110 du même code précise :
« L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.
Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
Enfin, l’article 1116 dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ; selon ce texte, le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
L’appréciation erronée de la rentabilité économique d’une opération n’est pas constitutive d’une erreur sur la substance, sauf si elle est entrée dans le champ contractuel, dans le cadre d’un projet commercial d’intérêt commun, dont la réussite suppose que les moyens fournis puissent être exploités utilement.
Le dol requiert, quant à lui, que soit démontrée l’intention de tromper de la part de celui qui a fourni des données inexactes.
En l’occurrence, le contrat de construction, d’exploitation et d’utilisation, conclu le 10 mars 2024, stipule en préambule que le Groupe Pro BTP et la société IBM ont décidé, en juillet 2013, d’explorer les conditions d’une collaboration visant à développer une solution innovante et unique, sous la forme d’une plateforme mutualisée de lutte contre les indus (abus, erreurs et fraudes).
Le contrat précise qu’il est organisé en deux grandes phases : la phase de construction de la plateforme et la phase de fourniture des Services récurrents (article 6). Durant la première phase, la société IBM était chargée de développer la solution Solon, pour la mettre à la disposition du Groupe Pro BTP, en tant que premier utilisateur, en contrepartie du paiement de redevances par la société Korelio (articles 35.4 de l’Annexe 9 et 17.1 du contrat).
L’article 34.1 de l’Annexe 8 du contrat, intitulé « Principes d’équilibrage du partenariat », prévoit que les parties valorisent leur contribution par la prise en charge des éléments suivants :
– la société Korelio procède à l’acquisition des licences logicielles IBM (Counter Fraud, Datastage et WAS) comprenant leur maintenance annuelle, à des licences FAMS et leur maintenance annuelle, ainsi qu’à une prestation en régie d’expertise logicielle ; elle contribue également aux investissements en fournissant et en assurant l’exploitation de ses données-métier durant la phase de construction ;
– la société IBM assure la prise en charge des travaux de cadrage, conception, réalisation, tests et mise en production, de la maintenance et de l’hébergement de la Solution.
Cet article stipule expressément que « Après estimation de l’ensemble de ces postes de coûts, les parties reconnaissent qu’elles suffisent à équilibrer l’apport réciproque de valeur et d’effort. Par conséquent, sur la base de cette répartition initiale, IBM et Korelio partageront à parts égales les revenus attendus du service ».
Dans la perspective de la commercialisation ultérieure de la plateforme, les articles 34.3 à 34.5 de l’Annexe 8 aménagent une phase transitoire. Il est stipulé que le Groupe Pro BTP, en tant que premier client, prendra ainsi en charge un surcoût initial du service, pendant une période de deux ans, à hauteur de 1,62 € HT par bénéficiaire, pour un volume de 3.100.000 bénéficiaires, le montant du service devant ensuite être ramené à 0,75 € HT par bénéficiaire et par an. Pour compenser cet investissement, d’un montant de 5.550.000 €, il est prévu que la société Korelio bénéficiera, en tant qu’opérateur de la plateforme, d’une rémunération sur le chiffre d’affaires généré par les futurs clients supérieure à celle de la société IBM, après quoi la répartition additionnelle du revenu entre la société Korelio et la société IBM se fera à parts égales
L’article 16.2 institue, enfin, un dispositif de gouvernance des Services, comprenant différents comités, à savoir :
– un Comité stratégique, trimestriel la première année, puis semestriel ;
– un Comité Financier trimestriel ;
– un Comité de pilotage mensuel ;
– un Comité de validation fonctionnelle et technique bimensuel en phase de construction de la Solution ;
– des Comités de suivi opérationnel hebdomadaires dénommés Comité de projet en phase de construction de la solution et Comité de maintenance en phase de fourniture des Services récurrents.
En exécution du contrat-cadre, les parties ont conclu le même jour plusieurs conventions spécifiques : un contrat de prestation de services et d’assistance en régie, un contrat d’acquisition de logiciels pour une application par un partenaire technologique (ASL), un contrat de licence du logiciel FAMS et un contrat Offre Globale de Logiciels Distribués (SRA).
Enfin, il est précisé que l’annexe 5 du contrat-cadre, intitulée « Activités de commercialisation » sera détaillée dans un avenant devant être produit pour le 14 avril 2024 (article 31) .
Les parties ont, par la suite, signé un « Avenant No. 1 au Contrat de construction, d’exploitation et d’utilisation », les 24 et 29 décembre 2014, incluant cette Annexe 5.
Cet avenant No. 1 comprend, en outre, un « Appendice 1 », aux termes duquel les parties conviennent de revoir les modalités de rééquilibrage financier, en allongeant le délai de récupération par la société Korelio du surcoût qu’elle avait accepté de prendre en charge sur les deux premières années de fonctionnement de la plateforme. Il est stipulé que la société Korelio accepte la nouvelle proposition de répartition émanant de la société IBM, afin de ne pas compromettre les signatures imminentes de plusieurs clients représentant un chiffre d’affaires prévisionnel de 64,9 millions d’euros.
Le 28 avril 2015, la société Korelio a acquis auprès de la société IBM, des licences additionnelles FAMS et ASL, selon un Avenant n° 1 au Contrat FAMS et un Document de transaction n° 2, conclu sur la base du Contrat ASL.
Il résulte des stipulations des contrats conclus initialement le 10 mars 2024, qui forment un ensemble contractuel, que le projet de commercialisation de la plateforme Solon comportait indiscutablement des risques financiers, au regard des investissements réalisés, ce que l’association Pro BTP et la société Korelio ne pouvaient pas ignorer.
En préambule, le contrat-cadre du 10 mars 2024 rappelle ainsi que « L’esprit de cette collaboration et de ce partenariat entre Korelio et IBM se manifeste notamment à travers l’idée de partage équitable des risques et des revenus qui sont liés à ce projet ».
L’Annexe 2 dudit contrat-cadre prévoit, dans ce contexte, qu’un point d’étape sera réalisé, après deux ans, puis tous les douze mois, dans le cadre du Comité Stratégique, afin de prendre de nouvelles orientations, notamment dans les hypothèses où la plateforme ne serait pas performante ou qu’elle ne parviendrait pas à être commercialisée.
Comme le souligne la société IBM, le risque de manque de succès commercial avait été expressément anticipé.
Le coût des risques était, par ailleurs, réparti entre les parties au regard de leurs investissements respectifs : selon l’article 34.1 du contrat-cadre, la société Korelio procédait à l’acquisition de licences de logiciels et d’une prestation en régie, tout en fournissant les données-métier nécessaires à la construction de la plateforme, tandis que la société IBM valorisait sa contribution par la prise en charge des travaux de cadrage, conception, réalisation, tests et mise en production, de la maintenance et de l’hébergement de la Solution. Cet article stipule expressément que les parties reconnaissent que la répartition des coûts est équilibrée.
Le recouvrement de la somme de 5.550.000 € investie par le Groupe Pro BTP était conditionné par la commercialisation de la Solution à des clients tiers. Par hypothèse, il était donc aléatoire. Dans un courriel du 21 décembre 2014, le Directeur Général Adjoint Technique du Groupe Pro BTP, faisant le point sur l’avancée du projet, prenait ainsi le soin de rappeler que cette avance ne serait pas remboursée par la société IBM, en l’absence de nouveau client.
C’est en vain également que les sociétés appelantes prétendent que celle-ci aurait fait état de chiffres exagérément optimistes. Le contrat fixait, en effet, des objectifs financiers, qui n’étaient nullement garantis par la société IBM.
La lettre d’intention comprenait, plus précisément, une liste de clients potentiels, identifiés par les deux parties, qui était seulement indicative, étant souligné que la preuve n’est pas rapportée que cette liste aurait été annexée par la société IBM ; de plus, s’il était entendu que la société IBM participerait à l’intégralité du cycle de vente, la société Korelio devait également assumer un rôle d’initiateur d’affaires ou co-commercialisateur.
L’article 35.4 du contrat-cadre précise, de même, que la commercialisation du service est conjointe entre la société IBM et le Groupe Pro BTP. Il fixe un « objectif souhaité de 4 millions de bénéficiaires additionnels à horizon de 2 ans ».
Les sociétés appelantes ne produisent, en tout état de cause, aucun élément relatif aux discussions précontractuelles, permettant d’induire que la société IBM les aurait, en dépit des termes clairs du contrat, incitées à s’engager sur la base de promesses de gains inconsidérées.
La Cour dira, en conséquence, que l’association Pro BTP et la société Korelio étaient parfaitement informées de la nature et de la portée de leurs engagements, à la date de signature des premiers contrats, le 10 mars 2014.
Les parties s’accordent à reconnaître que, par la suite, la structuration initiale de l’offre tarifaire de la Solution Solon s’est révélée en inadéquation avec les attentes du marché.
C’est ce qui explique la signature de l’Avenant No. 1 au Contrat de construction, d’exploitation et d’utilisation , en date des 24 et 29 décembre 2014, qui allonge le délai de récupération, par la société Korelio, du surcoût qu’elle avait accepté de prendre en charge sur les deux premières années du fonctionnement de la plateforme.
En acquérant des licences additionnelles, le 28 avril 2015, la société Korelio a procédé, ensuite, à de nouveaux investissements.
Force est de considérer que les sociétés appelantes ont alors accepté de prendre des risques supplémentaires, en connaissance de cause.
La société IBM justifie, en effet, qu’elle communiquait tous les mois au Groupe Pro BTP des tableaux de bord retraçant l’état d’avancement des actions commerciales menées, dans le cadre des Comités de pilotage institués par l’article 16.2 du contrat-cadre.
L’Avenant No.1 fait, certes, état de la signature imminente de plusieurs clients représentant un chiffre d’affaires prévisionnel de 64,9 millions d’euros. Cependant, compte tenu des informations mises à leur disposition, l’association Pro BTP et la société Korelio ne pouvaient pas ignorer que cette perspective n’était en rien garantie. Les données prévisionnelles mentionnées dans l’avenant constituaient ainsi tout au plus une base financière permettant d’asseoir la proposition de la société IBM de modifier le mécanisme de répartition des revenus.
Comme l’a relevé le tribunal, à supposer que ces données aient été contradictoires avec les informations communiquées lors des derniers comités de pilotage, il appartenait aux sociétés appelantes d’interroger à ce sujet la société IBM.
La note de cadrage du 22 avril 2015 ne fait état elle-même d’aucune garantie de succès de commercialisation, mais indique uniquement que la société IBM projette de soumettre des offres fermes à six clients potentiels.
Il résulte de ce qui précède que l’association Pro BTP et la société Korelio ne sont pas fondées à prétendre qu’elles auraient signé ces nouveaux contrats, au motif que la société IBM leur aurait donné l’assurance de meilleures perspectives financières, en dissimulant la réalité des actions commerciales entreprises.
Pour le reste, les sociétés appelantes n’expliquent pas en quoi leur consentement aurait été vicié en raison des conditions de résiliation du contrat Almerys, lesquelles se rapportent à l’exécution de ce contrat.
Les clauses du contrat-cadre, portant sur les conditions de résiliation, les limites de la responsabilité et la prescription, ne permettent pas non plus d’exciper a posteriori de la mauvaise foi de la société IBM. Contrairement à ce qui est soutenu, les modalités de la résiliation du contrat n’ont rien d’incompréhensible, et sont au contraire clairement définies à l’article 22 : la résiliation, qui ne peut être de pure convenance, implique que la partie défaillante n’ait pas remédié à un manquement grave, dans un certain délai, après que celui-ci lui a été notifié. Par ailleurs, la responsabilité de la société IBM n’est pas limitée, comme le prétendent les sociétés appelantes, à la somme de 1.000.000 €, mais à hauteur du plus élevé de deux montants, à savoir un million d’euros ou le prix facturé du Service (les douze derniers mois en cas de redevances périodiques) à l’origine de la réclamation ; en outre, cette limite ne s’applique que sous réserve d’exceptions (article 24). La clause figurant à l’article 26.17, qui fixe un délai de prescription de deux ans, est elle-même conforme à l’article 2254 du code civil, qui interdit uniquement de réduire ce délai à moins d’un an.
Enfin, ainsi que l’a indiqué le tribunal, les sociétés appelantes n’énoncent aucun moyen de fait relatif aux différents avenants conclus durant les années 2017 et 2019.
La Cour soulignera que l’opération projetée a rapporté, en tout état de cause, à l’association Pro BTP et la société Korelio des gains supérieurs au montant de leurs investissements, au titre des économies réalisées grâce à l’utilisation de la plateforme, ce que celles-ci ne contestent pas.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’association Pro BTP et la société Korelio échouent à rapporter la preuve que leur consentement aurait été vicié que ce soit en raison d’une erreur, commise sur la base d’informations erronées, ou a fortiori d’un dol perpétré par la société IBM. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a rejeté leurs demandes d’annulation des contrats.
Les sociétés appelantes ne pourront, par suite, qu’être déboutées de leur demande visant à voir constater leur caducité.
Il y a lieu, dans ce prolongement, de confirmer également les chefs du jugement ayant rejeté leurs demandes subséquentes de restitution, de paiement des intérêts et d’indemnisation.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de la société IBM
Enoncé des moyens
La société IBM sollicite la condamnation de la société Korelio à lui régler les factures émises au titre de l’utilisation de la Solution Solon, qu’elle a cessé de régler depuis le mois de janvier 2020.
La société Korelio réplique que la demande de paiement ne peut être que rejetée, compte tenu de la nullité des contrats ou de leur caducité, la société IBM lui restant redevable de la restitution des sommes qu’elle a perçues.
Réponse de la Cour
Le montant des factures dont la société IBM revendique le paiement n’est pas contesté. Par suite des développements qui précèdent, il sera donc fait droit à sa demande. Le jugement sera ainsi confirmé, en ce qu’il a condamné la société Korelio à lui payer la somme de 2.747.458,01 € TTC à parfaire au jour de la décision, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 mai 2020, calculés sur le montant de 664.408 € et à compter de la décision à intervenir pour le solde.
Sur la restitution des sommes versées par les sociétés appelantes
Les sociétés appelantes ne pourront qu’être déboutées de leur demande de restitution des sommes réglées en exécution du jugement. Il sera rappelé qu’un arrêt infirmatif, constitue en tout état de cause le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.
Sur les autres demandes
L’association Pro BTP et la société Korelio succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Statuant de ces chefs en cause d’appel, la Cour les condamnera aux dépens, ainsi qu’à payer à la société IBM une indemnité de 6.000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y AJOUTANT,
REJETTE les autres demandes de l’Association PRO BTP et la SA Korelio,
CONDAMNE l’Association PRO BTP et la SA Korelio aux dépens de l’appel,
CONDAMNE l’Association PRO BTP et la SA Korelio à payer à SAS Compagnie IBM France la somme de 6.000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT