→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne la demande de prolongation de la rétention administrative de M. [Y] [T] pour une durée de 26 jours, suite à une requête du préfet de la Haute-Vienne. Le juge des libertés et de la détention de Bayonne a rejeté la contestation de placement en rétention de M. [Y] [T] et a ordonné la prolongation de sa rétention. M. [Y] [T] a fait appel de cette décision en invoquant l’absence d’interprète lors de la notification des arrêtés et de ses droits, ainsi que le défaut de motivation de l’arrêté de placement qui n’aurait pas pris en compte ses liens personnels et familiaux en France. Son conseil a soutenu ces moyens lors de l’audience. |
→ L’essentielIrrégularité de la procédureEn la forme : L’appel est recevable pour voir été formé dans le délai prévu par l’article R.743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Sur le fondIl ressort des pièces de la procédure que [Y] [T], né le 10 janvier 1993 à Mostaganem (Algérie), de nationalité algérienne, a été condamné le 25 juillet 2023 par le tribunal correctionnel du tribunal judiciaire de LIMOGES à six mois d’emprisonnement avec sursis pour détention, offre, acquisition et transport de stupéfiants. Il est également connu pour des faits de recels de biens provenant de vols. Il a fait l’objet le 26 mai 2023 d’un arrêté du préfet de la Haute-Vienne portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour pendant un an, notifié le 26 mai 2023. Il a également fait l’objet le 26 mai 2023 d’un arrêté portant assignation à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de 45 jours, avec obligation de se présenter du lundi au vendredi à 9 heures au commissariat de police de [Localité 2] et interdiction de sortir de cette commune, mesure dont il n’a pas respecté les obligations. Il a été interpellé par les services de police de [Localité 2] le 20 juillet 2024 pour des faits de recel de bien provenant d’un vol. Il était dépourvu de tout document d’identité ou de voyage en cours de validité. Le 21 juillet 2024, le préfet de la Haute-Vienne a pris un arrêté de placement en rétention de M. [Y] [T], lequel a été conduit au centre de rétention d'[Localité 1]. Par l’ordonnance entreprise, le juge des libertés et de la détention a rejeté la requête en contestation de cet arrêté déposée par [Y] [T] et, faisant droit à la requête du préfet, ordonné la prolongation de la rétention de l’intéressé pour une durée de 26 jours. Le 22 juillet 2024 à 14h31, le préfet de la Haute-Vienne a transmis aux autorités consulaires algériennes une demande de laissez-passer consulaire pour le compte de [Y] [T]. Cette demande est en cours. Absence de recours à un interprèteAux termes de l’article L.743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d’une audience ultérieure. Au cas précis, il résulte du procès-verbal d’audition devant le juge des libertés et de la détention que lors de l’audience du 24 juillet 2024, Maître ERGUY, le conseil de l’intéressé, qui n’a pas déposé de conclusions écrites, a indiqué qu’elle soulevait ‘une exception’, celle tirée de ‘l’absence de l’interprète et de l’avocat lors de la garde à vue’. Aucune autre exception n’a été soulevée. Ainsi, le nouveau moyen que l’intéressé soulève pour la première fois en cause d’appel est donc irrecevable. Défaut de motivation de l’arrêté de placement en rétentionAux termes de l’article L.740-1 du CESEDA, l’autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, placer en rétention un étranger pour l’exécution de la décision d’éloignement dont il fait l’objet. Au cas précis, et comme l’a justement relevé le premier juge, la décision préfectorale est pleinement motivée en droit et en fait, le préfet ayant procédé à un examen approfondi de la situation personnelle et familiale d'[Y] [T] au regard des pièces justificatives que ce dernier lui a communiquées. Il a ainsi relevé que la décision ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE
COUR D’APPEL DE PAU
L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,
ORDONNANCE DU vingt six Juillet deux mille vingt quatre
Numéro d’inscription au répertoire général N° RG 24/02174 – N° Portalis DBVV-V-B7I-I5LV
Décision déférée ordonnance rendue le 24 JUILLET 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,
Nous, France-Marie DELCOURT, Conseillère, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Pau en date du 5 juillet 2024, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,
APPELANT
Monsieur X SE DISANT [Y] [T]
né le 10 Janvier 1993 à [Localité 3]
de nationalité Algérienne
Retenu au centre de rétention d'[Localité 1]
Comparant et assisté de Maître Maripierre MASSOU DIT LABAQUERE, avocat au barreau de Pau et de Madame [Z], interprète assermenté en langue arabe
INTIMES :
LE PREFET DE LA HAUTE VIENNE, avisé, absent, qui a transmis un mémoire
MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l’audience,
ORDONNANCE :
– réputée contradictoire, après débats en audience publique,
*********
Par décision du 21 juillet 2024 notifiée le même jour à 17h25, le préfet de la Haute-Vienne a ordonné le placement de M. [Y] [T] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Par requête du 23 juillet 2024 réceptionnée le même jour à 11h21 et enregistrée par le greffe du juge des libertés et de la détention le même jour à 16h, [Y] [T] a contesté la régularité de la décision de son placement en rétention administrative.
Par ordonnance du 24 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne a ordonné la jonction des deux dossiers et statué en une seule et même ordonnance aux termes de laquelle il a :
– déclaré recevable la requête de M. [Y] [T] en contestation de placement en rétention,
– rejeté la requête de M. [Y] [T] en contestation de placement en rétention,
– déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le préfet de la Haute-Vienne,
– dit n’y avoir lieu à assignation à résidence,
– ordonné la prolongation de la rétention de [Y] [T] pour une durée de vint-six jours à l’issue du délai de 96 heures de la rétention.
Vu la notification de cette décision faite à [Y] [T] le 24 juillet 2024 à 13h40,
Vu la déclaration d’appel motivée transmise par la CIMADE pour le compte de M. [Y] [T] avec pour seule pièce jointe la copie de l’ordonnance critiquée, reçue le 25 juillet 2024 à 11h40 au greffe de la cour,
***
À l’appui de son appel, [Y] [T] fait valoir deux moyens :
> l’absence d’interprète lors de la notification de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire, de l’arrêté portant placement au centre de rétention et de ses droits
[Y] [T] fait notamment valoir que s’il parle un peu français dans un usage quotidien et qu’il arrive à lire des phrases simples, il lui est imposible de comprendre de tels arrêtés comportant des termes techniques. Il poursuit en indiquant qu’il n’a pas compris qu’un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire lui avait été notifié, ce qu’il n’a compris que lorsque cela lui a été expliqué par les intervenants juridiques du centre de rétention. Il en conclut que l’absence d’interprête lors de la notification de ces arrêtés et de ses droits l’a placé dans l’impossibilité de comprendre ses droits et de les exercer, ce qui lui fait nécessairement grief.
> le défaut de motivation
[Y] [T] soutient que contrairement à ce qu’affirme l’ordonnance attaquée, l’arrêté de placement n’a nullement pris en compte ses liens personnels et familiaux. Il affirme vivre en couple avec [G] [E], avoir entamé tous deux les démarches pour se marier et prévu de s’installer dans un logement commun ce vendredi 26 juillet. Il ajoute pour finir que sa famille la plus proche vit en France, son père et ses trois frères ayant tous des titres de séjours et vivant ici depuis plusieurs dizaines d’années.
À l’audience, le conseil de M. [Y] [T] a soutenu ces moyens.
Vu le mémoire adressé le 26 juillet 2024 par le préfet de la Haute-Vienne et les pièces jointes, lesquels ont été communiqués au conseil de l’appelant avant l’audience,
En la forme :
L’appel est recevable pour voir été formé dans le délai prévu par l’article R.743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Sur le fond :
Il ressort des pièces de la procédure que [Y] [T], né le10 janvier 1993 à Mostaganem (Algérie), de nationalité algérienne, a été condamné le 25 juillet 2023 par le tribunal correctionnel du tribunal judiciaire de LIMOGES à six mois d’emprisonnement avec sursis pour détention, offre, acquisition et transport de stupéfiants. Il est également connu pour des faits de recels de biens provenant de vols.
Il a fait l’objet le 26 mai 2023 d’un arrêté du préfet de la Haute-Vienne portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour pendant un an, notifié le 26 mai 2023.
Il a également fait l’objet le 26 mai 2023 d’un arrêté portant assignation à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de 45 jours, avec obligation de se présenter du lundi au vendredi à 9 heures au commissariat de police de [Localité 2] et interdiction de sortir de cette commune, mesure dont il n’a pas respecté les obligations.
Il a été interpellé par les services de police de [Localité 2] le 20 juillet 2024 pour des faits de recel de bien provenant d’un vol. Il était dépourvu de tout document d’identité ou de voyage en cours de validité.
Le 21 juillet 2024, le préfet de la Haute-Vienne a pris un arrêté de placement en rétention de M. [Y] [T], lequel a été été conduit au centre de rétention d'[Localité 1].
Par l’ordonnance entreprise, le juge des libertés et de la détention a rejeté la requête en contestation de cet arrêté déposée par [Y] [T] et, faisant droit à la requête du préfet, ordonné la prolongation de la rétention de l’intéressé pour une durée de 26 jours.
Le 22 juillet 2024 à 14h31, le préfet de la Haute-Vienne a transmis aux autorités consulaires algériennes une demande de laissez-passer consulaire pour le compte de [Y] [T]. Cette demande est en cours.
Sur le moyen titré de l’absence de recours à un interprète lors de la notification de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire, de l’arrêté portant placement au centre de rétention et de ses droits
Aux termes de l’article L.743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d’une audience ultérieure.
Au cas précis, il résulte du procès-verbal d’audition devant le juge des libertés et de la détention que lors de l’audience du 24 juillet 2024, Maître ERGUY, le conseil de l’intéressé, qui n’a pas déposé de conclusions écrites, a indiqué qu’elle soulevait ‘une exception’, celle tirée de ‘l’absence de l’interprète et de l’avocat lors de la garde à vue’. Aucune autre exception n’a été soulevée.
Ainsi, le nouveau moyen que l’intéressé soulève pour la première fois en cause d’appel est donc irrecevable.
Sur le moyen tiré du défaut de motivation de l’arrêté de placement en rétention
Aux termes de l’article L.740-1 du CESEDA, l’autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, placer en rétention un étranger pour l’exécution de la décision d’éloignement dont il fait l’objet.
Au cas précis, et comme l’a justement relevé le premier juge, la décision préfectorale est pleinement motivée en droit et en fait, le préfet ayant procédé à un examen approfondi de la situation personnelle et familiale d'[Y] [T] au regard des pièces justificatives que ce dernier lui a communiquées.
Il a ainsi relevé que la décision ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors que :
> l’intéressé déclarait dans son audition du 20 juillet 2024 être entré en France irrégulièrement il y a trois ans, ce qui venait contredire ses précédentes déclarations selon lesquelles il était arrivé en France en 2022.
> il déclarait dans sa dernière audition avoir une ‘copine’ sans toutefois préciser son identité ni son domicile et être ‘célibataire’ et sans enfant.
Il était également précisé que si l’intéressé ‘faisait état de la présence de son père à [Localité 2], il n’avait pas été en mesure de préciser son adresse’, qu’il indiquait en outre être hébergé chez ‘une amie de sa copine’ sans plus de précision. Pour finir, il précisait que l’intéressé ne ‘démontrait pas être dépourvu de tous liens personnels et familiaux dans son pays d’origine, l’Algérie, où il a vécu la majeure partie de sa vie jusqu’à l’âge de 29 ans’.
Il sera ajouté au surplus que la situation personnelle et familiale d'[Y] [T] n’est pas aussi établie qu’il l’affirme et ses liens avec [G] [E] pas si anciens et stables qu’il le soutient. Il a en effet régulièrement indiqué – et encore tout récemment lors de son audition devant les services de police le 20 juillet 2024 – qu’il était célibataire, ce qui ressort également de sa fiche pénale qui figure au dossier. Ses futurs projets de vie commune et mariage paraissent bien flous : ainsi, l’attestation de domicile datée du 22 juillet 2024 n’est pas signée. Quant à l’engagement des futurs mariés qu’il verse au dossier, mentionnant la date du 17 août 2024 à 15 h, il ne comporte qu’une signature.
Il convient en conséquence de rejeter ce moyen.
Déclarons recevable en la forme l’appel formé par [Y] [T],
Déclarons irrecevable le moyen soulevé par [Y] [T] tiré de l’absence de recours à un interprète lors de la notification de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire, de l’arrêté portant placement au centre de rétention et de ses droits
Confirmons l’ordonnance entreprise,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l’étranger, à son conseil, à la préfecture de la Haute-Vienne,
Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d’un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l’intermédiaire d’un Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.
Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt-six juillet deux mille vingt-quatre à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Catherine SAYOUS France-Marie DELCOURT
Reçu notification de la présente par remise d’une copie
ce jour 26 juillet 2024
Monsieur [Y] [T] par mail au centre de rétention d'[Localité 1]
Pris connaissance le : À
Signature
Maître Maripierre MASSOU DIT LABAQUERE, par mail,
Monsieur le Préfet de la Haute-Vienne, par mail