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L’absence d’adhésion à la SCAM (d’un présentateur TV dont la qualité de réalisateur a été reconnue) ne constitue pas un obstacle à l’exercice d’une action en contrefaçon de droits d’auteur.
En la cause, du fait notamment de la contestation afférente à la qualification de son contrat de travail qui le mentionnait ‘animateur/présentateur’ et en l’absence d’attestation de diffusion des émissions fournie par l’employeur, celui-ci s’est trouvé dans l’impossibilité de finaliser une inscription auprès de la SCAM à défaut de pouvoir produire ces éléments qui lui étaient réclamés. C’est donc de particulière mauvaise foi que le diffuseur (la société TV7) soutient que l’animateur/présentateur’ serait le seul responsable de sa situation pour s’être refusé à adhérer à la SCAM. Il importe peu en effet qu’interrogée sur ce point la SCAM ait répondu que “l’animateur/présentateur a fait une demande d’adhésion à la SCAM que nous n’avons pas pu accepter’, dès lors qu’il est constant que le présentateur du fait de son employeur n’a pas pu produire deux des pièces qui lui étaient réclamées à savoir un contrat de travail qui aurait pris en compte sa qualité d’auteur mais également une attestation de son employeur mentionnant les diffusions et de diffusion des oeuvres audiovisuelles générant des droits d’auteur pour son salarié. En tout état de cause, il n’était pas du ressort de la SCAM de régler le litige existant entre les parties afférent à la qualification ressortant du contrat de travail, ni sur les diffusions et rediffusions donnant lieu à droit d’auteur. |
Résumé de l’affaire : M. [E] [X], guide touristique et présentateur de l’émission ‘Suivez le guide’ sur TV7 [Localité 3], a assigné la société TV7 Bordeaux en justice pour contrefaçon, affirmant qu’il était l’auteur des émissions. Le tribunal de Bordeaux a condamné TV7 à verser 50.000 euros pour contrefaçon, 1.000 euros pour atteinte à son droit moral, et 3.000 euros pour les frais de justice. TV7 a fait appel, contestant la décision et demandant la prescription de certaines demandes, ainsi que le rejet des demandes de M. [X]. Ce dernier a également interjeté appel, demandant une augmentation des dommages et intérêts. La cour a finalement déclaré certaines demandes prescrites, confirmé partiellement le jugement initial, et condamné TV7 à verser à M. [X] un total de 185.539,65 euros, ainsi que des indemnités pour préjudice moral et frais de justice.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 15 OCTOBRE 2024
N° RG 22/00925 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MR2Q
S.A. TV7 [Localité 3]
c/
[E] [X]
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 18/05254) suivant déclaration d’appel du 22 février 2022
APPELANTE :
S.A. TV7 [Localité 3] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [Adresse 1] – [Localité 3]
Représentée par Me Frédéric GODARD-AUGUSTE de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[E] [X]
né le 20 Septembre 1958 à [Localité 3]
de nationalité Française
Demeurant [Adresse 2] – [Localité 3] / France
Représenté par Me Hervé DESPUJOL de la SELARL HEXA, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 03 septembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Présidente
Mme Bérengère VALLEE, Conseiller
Madame Bénédicte LAMARQUE, Conseiller
Greffier lors des débats : POUESSEL Mélina, greffier placé
Greffier lors du prononcé : BONNET Séléna
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
M. [E] [X] est guide touristique à [Localité 3] depuis plus de 35 ans. II a été recruté par la chaîne locale TV7 [Localité 3], en qualité de présentateur de l’émission ‘Suivez le guide’, dont il a assuré, au vu des termes du contrat, l’animation et la présentation jusqu’en juin 2018 dans le cadre de CDD régulièrement renouvelés.
Considérant que, contrairement à ses contrats de travail, il a la qualité d’auteur réalisateur des émissions ‘Suivez le guide’ M. [X], par acte du 6 juin 2018, a fait assigner la SA TV7 Bordeaux devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, en indemnisation d’un préjudice résultant de la contrefaçon de l’émission.
Par jugement du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– condamné la société TV7 [Localité 3] (SA) à payer à M. [E] [X] la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon,
– condamné la société TV7 [Localité 3] (SA) à payer à M. [E] [X] la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à son droit moral d’auteur,
– condamné la société TV7 [Localité 3] (SA) à payer à M. [E] [X] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société TV7 [Localité 3] (SA) aux dépens de l’instance,
– dit n’ y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
– rejeté toutes autres demandes comme non fondées.
par déclaration électronique en date du 22 février 2022, la société TV7 [Localité 3] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Par décision du 16 mai 2022, les parties se sont vu enjoindre de rencontrer un médiateur.
Par message RPVA du 25 juillet 2022, l’avocat de M. [X] a informé la cour de la décision de son client de mettre fin à la procédure de médiation dans ce dossier.
La SA TV7 [Localité 3], dans ses dernières conclusions en date du 19 août 2024, demande à la cour de :
Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 25 janvier 2022,
– constater la prescription des demandes entre le 1er janvier et le 5 juin 2013,
– prononcer le rejet de la pièce adverse numéro 11,
– constater l’absence de mise en cause de la SCAM ;
– constater que la SA TV 7 est bien adhérente de la SCAM et qu’elle a régulièrement versé les redevances appelées sur les périodes considérées ;
– constater que M. [X] n’a pas effectué les démarches de reconnaissance d’auteur auprès de la SCAM ;
– constater que la SA TV 7 diffuseur adhérant à la SCAM ne saurait être redevable de droits d’auteurs,
– inviter M. [X] à mieux se pourvoir ;
– constater que la SA TV 7 n’a jamais fait la moindre obstruction à la reconnaissance par la SCAM de la qualité d’auteur de M. [X] et qu’elle n’a donc pu de quelconque façon participer à son préjudice si tenté que celui-ci existe ;
– constater que la SA TV7 n’a en rien causé un quelconque préjudice à M. [X] et qu’elle n’a enfreint aucune règle en matière de propriété intellectuelle ;
– constater dans tous les cas l’absence d’élément probant produit par M. [X] permettant de lui reconnaître la qualité d’auteur des émissions « Suivez le guide »
– débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire :
– constater en cas de reconnaissance de droit d’auteur indemnisable que ceci ne serait excédé 3.500€ à titre de dommages et intérêts,
A titre infiniment subsidiaire :
– constater qu’il ne s’agit que d’une perte de chance dont le montant indemnisable ne saurait excéder 3.500 € à titre de dommages et intérêts du fait de sa participation à son propre dommage,
A titre reconventionnel,
– condamner M. [X] à verser à la société TV7 [Localité 3] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [X] aux entiers dépens.
M. [E] [X] dans ses dernières conclusions en date du 31 juillet 2024, portant appel incident sur le montant des dommages et intérêts alloués, demande à la cour de :
Confirmer la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’il a jugé que M. [E] [X] était bien le seul auteur des émissions « Suivez le guide » diffusées par la chaîne TV7 Bordeaux ;
Confirmer la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’il a jugé que les émissions « Suivez le guide » sont des ‘uvres de l’esprit dont les droits n’ont pas été cédés à la chaîne TV7 Bordeaux ;
Confirmer la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’il a jugé qu’en diffusant ces émissions sans verser à M. [E] [X] les droits correspondants, la société TV7 Bordeaux s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon au sens des dispositions des articles L 335-2 et L 335-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Réformer la décision du tribunal judiciaire en ce qu’il a limité le montant du préjudice à la somme de 50.000,00€ ;
– statuant de nouveau sur ce préjudice,
-condamner la société TV7 [Localité 3] à verser M. [E] [X] la somme de 213.263,97 € correspondant aux droits d’auteur dus à M. [E] [X] pour la diffusion de ses émissions sur les cinq dernières années ;
Réformer la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’elle n’a pas condamné la société TV7 [Localité 3] aux intérêts de retard et à leur capitalisation ;
– statuant à nouveau sur ce point, juger que la somme de 213.263,97 € sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation et qu’ils produiront eux-mêmes des
intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil ;
– réformer la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’elle a limité la réparation du préjudice subi par M. [E] [X] du fait du non-respect de sa qualité d’auteur à un montant de 1.000,00€ ;
– statuant à nouveau sur ce point,
-fixer le montant du préjudice de ce chef à 6.000,00€
Confirmer la condamnation de la société TV7 [Localité 3] à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 3.000,00€ ;
Y ajoutant,
– condamner la société TV7 [Localité 3] à verser à M. [E] [X] une indemnité d’un montant de 5.000,00€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civil au titre de la procédure d’appel ;
Confirmer la décision du tribunal judiciaire en ce qu’il a condamné la société TV7 [Localité 3] aux entiers dépens de première instance ;
– Y ajoutant,
-condamner la société TV7 [Localité 3] aux entiers dépens d’appel.
A titre subsidiaire, si la Cour ne s’estimait pas suffisamment informée sur la nature juridique de la totalité des 107 émissions revendiquées par M. [E] [X],
– ordonner la réouverture des débats afin d’examiner les 107 émissions ;
– pour ce faire injonction à la société TV7 [Localité 3] de communiquer les 107 émissions en format vidéo.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 3 septembre 2024.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 20 août 2024.
Sur la prescription partielle des demandes :
La société TV7 demande à la cour de déclarer prescrite une partie des demandes indemnitaires de M. [X] comprises entre le 1er janvier 2013 et le 5 juin 2013, en regard de la date de l’acte introductif d’instance à elle délivrée par M. [X] le 5 juin 2018.
M. [X] convient de la prescription partielle de la demande dans le cadre des débats sur l’évaluation du montant de son préjudice.
Nul ne conteste l’application à la présente demande de la prescription quinquennale et si M. [X] a, en application de ce principe, limité ses demandes à l’année 2013/2018, en réalité l’assignation ayant été délivrée à la société TV7 par exploit du 5 juin 2018, sont prescrites les demandes portant sur les droits d’auteurs entre le 1er janvier 2013 et le 4 juin 2013.
Il sera ajouté en ce sens au jugement déféré.
Sur la demande de rejet de la pièce n° 11 versée aux débats par l’appelante:
La société TV7 demande à la cour d’écarter des débats la pièce n°11 produite par l’intimé en ce que, constituée par un protocole transactionnel intervenu entre les parties du 18 septembre 2022, elle se heurte à la confidentialité du dit protocole, ainsi que les parties en avait convenu à l’article 5.
M. [X] ne conclut pas en réponse sur cette demande.
Il résulte du dossier que la pièce n° 11 versée aux débats par M. [X], à savoir un protocole d’accord intervenu entre les parties le 18 septembre 2012, est frappée de confidentialité par son article 5 librement convenu entre les parties et il n’apparaît que les parties sont d’accord pour lever cette confidentialité.
La pièce n° 11 de l’intimé sera en conséquence écartée des débats.
III – Sur les demandes de M. [X] au titre de la contrefaçon de droits d’auteur:
Pour prospérer en ses demandes M. [X] doit à la fois établir qu’il a la qualité d’auteur d’une oeuvre audiovisuelle, l’émission ‘Suivez le guide’, et qu’il subit une atteinte à ses droits d’auteur dont il résulte un préjudice indemnisable.
La société TV7 conclut à la réformation du jugement sur ces trois points.
* Sur la qualité d’auteur d’une oeuvre audiovisuelle de M. [X] :
Le tribunal a retenu que M. [X] a effectué un véritable travail de documentation, de recherche, de repérage des lieux, ayant rédigé synopsis et dialogues des émissions et que le déroulé de l’emission, son ton et ses choix techniques lors des montages conféraient à ces émissions l’empreinte de la personnalité de son auteur, caractérisant une oeuvre de l’esprit.
M. [X] demande la confirmation du jugement de ce chef alors que la société TV7 conteste au contraire au travail réalisé par M. [X] tout caractère d’originalité mettant également en avant le choix délibéré de M. [X] de ne pas adhérer à la SCAM alors que la société TV7 cotisait régulièrement à cet organisme, n’ayant ainsi jamais revendiqué la qualité d’auteur.
Elle insiste qur la qualité de simple présentateur/animateur de M. [X] d’une émission dont le format récurrent, que l’on retrouve dans les différentes émissions de la chaine, ne dénoterait aucune originalité, M. [X] étant défaillant à démontrer le caractère d’originalité de l’émission qu’il animait.
Les premiers juges ont justement rappelé que, selon l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle, les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, sont protégées par le code de la propriété intellectuelle et que selon l’article L112-2-6° de ce code, sont considérées comme oeuvres de l’esprit les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles.
Ainsi n’est-il pas contesté que les oeuvres télévisuelles de type documentaires sont des oeuvres audiovisuelles.
Par ailleurs, le code de la propriété intellectuelle protège au titre du droit d’auteur les oeuvres de l’esprit du seul fait de leur création à charge pour l’auteur d’en démontrer l’ originalité laquelle s’évince notamment des partis pris esthétiques ou des choix arbitraires de l’auteur, lui conférant une physionomie propre, portant ainsi l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Il appartient dès lors effectivement à M. [X] qui revendique la qualité d’auteur de l’émission ‘Suivez le guide’ d’établir, qu’au delà des termes de son contrat de travail, soit un CDD d’animateur/présentateur, requalifié en CDI par arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, il effectuait en réalité un véritable travail de montage et de réalisation, ayant la qualité d’auteur d’une oeuvre de l’esprit.
Or, c’est au terme d’une analyse pertinente des éléments du dossier que le tribunal a jugé que M. [X] était en réalité l’auteur de l’émission ‘Suivez le guide’ qui apparaît empreinte de la personnalité de son auteur tant par son format que par les partis pris de montage et de réalisation, leur conférant une originalité certaine.
Il est en effet attesté le travail de recherche, de rédaction du synopsis, voire le résumé des plateaux ou la préparation des questions posées par la présentatrice, mais également, au travers la scénarisation de la présentation générale des monuments, de leur histoire, de leurs particularités et intérêt, un réel travail de réalisation et de montage de ces émissions par M. [X].
Plusieurs témoins (Architecte, Docteur en histoire de l’art..) confirment en effet la qualité d’auteur du scenario de l’émission et des dialogues de M. [X] qui rédigeait entièrement les textes de ses émisisons.
Il est également relevé par la cour avec le tribunal, sans utile contradiction sur ce point, que M. [X] a réalisé un travail très personnel d’infographiste créant des incrustations de dialogues, rédigés par ses soins, ainsi que des effets de ‘surlignage’ des éléments architecturaux mis en évidence par le présentateur permettant aux téléspectateurs d’acquérir un véritable vocabulaire architectural, ainsi que l’illustrent notamment les DVD de l’émission ‘L’hôtel ou l’ilot Bonnafé’ (sa pièce n° 46) ou de l’émission ‘La maison des années 70 de La Bastide’ (sa pièce 27 ) et qu’il a su insuffler à l’émission un ton et une présentation très personnels, sous forme d’un dialogue in situ devant les monuments, comme un véritable guide, fortement empreinte de la personnalité de son auteur, notamment au travers ces partis pris de montage ou de réalisation.
En effet, face à ces éléments, la société TV7 se contente de contester l’originalité du format de l’émission dont elle indique, sans la moindre preuve à l’appui de son affirmation, qu’il correspond au format général des émissions de la chaine.
Le jugement qui a retenu que l’émission ‘Suivez le guide’ constituait une oeuvre de l’esprit empreinte de la personnalité de son auteur, M. [X], est en conséquence confirmé.
*Sur l’action en contrefaçon dirigée contre la société TV7 :
Le tribunal a retenu que la reproduction ou diffusion sans autorisation d’une oeuvre de l’esprit constitue une contrefaçon indemnisable selon les dispositions de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle et que la société TV7 était redevable d’une telle indemnité envers M. [X] pour avoir diffusé sans cession des droits d’exploitation plusieurs émissions de la série ‘Suivez le guide’.
Comme en première instance, la société TV7 conteste toute contrefaçon de droits d’auteur et met avant l’absence de diffusion frauduleuse de sa part dès lors qu’elle cotise régulièrement à la SCAM et que ce système la dispense de verser directement à M. [X] les droits auxquels il pourrait prétendre et que celui-ci serait serait le seul responsable de sa situation pour n’avoir jamais adhéré à la SCAM laquelle a rejeté sa demande à défaut de production des justificatifs sollicités, contestant toute obstruction de sa part à la réalisation de ces démarches, alors qu’elle cotise elle-même régulièrement à la SCAM.
Cependant, il n’est pas contesté que l’absence d’adhésion à la SCAM ne constitue pas un obstacle à l’exercice d’une action en contrefaçon de droits d’auteur. Par ailleurs, ainsi que l’a justement rappelé le tribunal, il résulte des dispositions de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle que constitue une contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une oeuvre de l’esprit, en violation des droits de l’auteur tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.
Or, il a été retenu que l’émission en litige constituait une oeuvre de l’esprit dont l’auteur était M. [X] et la société TV7 ne conteste pas avoir diffusé et rediffusé l’émission ‘Suivez le Guide’, entre juin 2013 et juin 2018, sans avoir cotisé à la SCAM à ce titre ou versé des droits à M. [X], peu important pour ce faire que M. [X] n’était pas alors adhérent de la Scam.
En outre, le tribunal doit être approuvé lorsqu’il constate que du fait notamment de la contestation afférente à la qualification de son contrat de travail qui le mentionnait ‘animateur/présentateur’ et en l’absence d’attestation de diffusion des émissions fournie par l’employeur, malgré mise en demeure adressée par M. [X] à la société TV7 en ce sens, celui-ci s’est trouvé dans l’impossibilité de finaliser une inscription auprès de la SCAM à défaut de pouvoir produire ces éléments qui lui étaient réclamés, de sorte que c’est de particulière mauvaise foi que la société TV7 soutient encore devant la cour que M. [X] serait le seul responsable de sa situation pour s’être refusé à adhérer à la SCAM. Il importe peu en effet qu’interrogée sur ce point la SCAM ait répondu que ‘M. [X] a fait une demande d’adhésion à la SCAM que nous n’avons pas pu accepter’, ce qui n’est pas contesté, dès lors qu’il est constant que M. [X] n’ du fait de son employeur pas pu produire deux des pièces qui lui étaient réclamées à savoir un contrat de travail qui aurait pris en compte sa qualité d’auteur et non de simple animateur/présentateur mais également une attestation de son employeur mentionnant les diffusions et de diffusion des oeuvres audiovisuelles générant des droits d’auteur pour son salarié.
En tout état de cause, il n’était pas du ressort de la SCAM de régler le litige existant entre les parties afférent à la qualification ressortant du contrat de travail, ni sur les diffusions et rediffusions donnant lieu à droit d’auteur.
La contrefaçon est ainsi suffisamment caractérisée, ce en quoi le jugement est également confirmé.
*Sur le préjudice indemnisable :
Le tribunal ayant constaté qu’il ne disposait pas des éléments permettant de déterminer de manière précise le nombre d’émissions diffusées entre 2013 et 2018, en réalité entre le 5 juin 2013 et le 5 juin 2018, ni du nombre de rediffusions, ni de la durée des émissions lui permettant de déterminer le manque à gagner subi par M. [X] par référence au barème de la SCAM, a fait application du dernier alinéa de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa version résultant de la loi du 11 mars 2014, en allouant à M. [X] une indemnisation forfaitaire de 50 000 euros outre une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Rappelant que les mesures réparatoires en la matière doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, M. [X] conteste le montant de l’indemnisation qui lui a été allouée qui est sans mesure avec le montant des droits éludés et son préjudice moral. Il soutient que si la chaîne TV 7 est le producteur de ses émissions de sorte qu’elle ne retire aucun bénéfice de leur diffusion qui permettrait de chiffrer son droit à indemnisation, il est néanmoins possible d’évaluer ce bénéfice pour la société TV7 au regard du montant des droits qu’elle aurait dû payer à la SCAM. Il sollicite toutefois l’indemnisation de son préjudice sur la base du manque à gagner dont il a été privé, prenant en compte les droits d’auteur qu’il aurait perçus s’il avait pu adhérer à la SCAM, et consteste que les dispositions sus-visées, qui instaurent un régime d’indemnisation confiscatoire laissent place à la notion de perte de chance.
La société TV7 oppose aux demandes de M. [X] l’accord négocié par les organisations syndicales du groupe Sud-Ouest dont elle dépend s’agissant de la rémunération des salariés du groupe au titre des droits d’auteur. A défaut, elle demande, pour l’hypothèse où la cour jugerait la société TV7 responsable de cette non adhésion, de fixer le préjudice de M. [X] en termes de perte de chance subie du fait de sa non adhésion à la SCAM dès lors qu’il n’est pas certain que la SCAM aurait validé l’inscription de M. [X], les dommages et intérêts ne devant représenter qu’une fraction du préjudice attendu. A défaut encore, si la cour devait juger que le préjudice de M. [X] était équivalent aux droits que la SCAM lui aurait versés, elle conteste les calculs opérés par M. [X] sur cette base et elle observe qu’il n’est pas certains que toutes les émissions ‘Suivez le guide’ que si M. [X] avait cotisé à la SCAM toutes les émissions auraient été considérées comme oeuvre par la SCAM.
C’est cependant à bon droit que M. [X] observe que ne peut être applicable au calcul de son préjudice un tarif forfaitaire négocié par le groupe Sud-Ouest dont dépend la société TV7 avec les différentes organisations syndicales prévoyant un plafond annuel de 700 euros brut, alors même que le dit accord n’a été négocié que le 28 mars 2019, soit postérieurement à la période visée par sa demande.
Il résulte en effet des dispositions de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa version en vigueur depuis le 13 mars 2014 que, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Il ne peut cependant être sollicité à la fois l’indemnisation au titre du manque à gagner et du titre du préjudice subi, d’une part, et du bénéfice réalisé par l’auteur de l’atteinte, d’autre part, sauf à indemniser par deux fois un même préjudice mais il est constant qu’il appartient à l’auteur, victime de contrefaçon, de choisir la base de son indemnisation en termes de conséquences positives pour le contrefacteur (bénéfices ou économies réalisées) ou négatives pour la victime (manque à gagner).
Or, M. [X] réclame une indemnisation sur la base du manque à gagner constitué par le montant des droits qu’il aurait perçus de la SCAM s’il avait pu y adhérer et la perte subie par M. [X] peut être effectivement calculée par référence au barème de la SCAM.
Aucune perte de chance ne saurait toutefois être appliquée ici dès lors que le calcul des dommages et intérêts sur la base du manque à gagner pour la partie lésée constitue l’application du texte sus-visé et que le montant des droits perdus résulte de l’application d’un barême tenant compte du nombre d’émissions diffusées et du type de diffusion, sur la base d’une attestation de l’employeur qui cotise en contre partie, ne souffrant en conséquence d’aucune incertitude.
En effet, la société TV7 fait valoir qu’il n’est pas certain que la SCAM aurait reconnu la qualité d’oeuvre à toutes les émissions mais les seules pièces qui étaient exigées de la SCAM, alors que l’adhésion à cet organisme relève d’une démarche volontaire de l’employeur et du salarié, était un contrat de travail de producteur/réalisateur de l’émission et une attestation de l’employeur visant le nombre de diffusions des différentes oeuvres.
Dès lors que la cour retient la qualité d’auteur de M. [X] de l’émission ‘Suivez le guide’, il ne peut qu’être fait droit à sa demande sur la base d’un manque à gagner par application à l’espèce du barème de la SCAM auquel, de manière subsidiaire pour la société TV 7, les parties se réfèrent ainsi que sur la base du listing des diffusions finalement produit par cette dernière.
De même, la société TV7 ne saurait proposer de fixer les droits d’auteur de M. [X] par référence aux redevances qu’elle verse actuellement à la SCAM alors que la cour ignore sur quelles bases elles reposent et qu’elles n’incluent pas à l’évidence la redevance afférente à la diffusion des émissions ‘Suivez le guide’ , M. [X] ayant en tout état de cause droit à l’indemnisation de son préjudice sur la base d’un manque à gagner.
Quant à la base de calcul, les parties s’accordent pour voir appliquer, conformément au barème produit par la SCAM sur injonction de communication de pièces (pièce 39 de l’appelant), le tarif propre aux séries documentaires correspondant à 70 % du plein tarif.
Les parties ne s’opposent plus sur le nombre de diffusions ou rediffusions des émissions ‘Suivez le guide’ sur la période non prescrite, comme ressortant des pièces versées aux débats.
Il résulte de leurs écritures que les parties ne sont plus, subsidiairement, en désaccord que sur certaines modalités du calcul des droits manqués pour M. [X] et notamment sur :
-la prime de première diffusion de 20 % dont la société TV7 prétend qu’elle est expressément exclue par la SCAM :
Il résulte sur ce point de l’information de la SCAM sur la prime et les abattements (pièce 38 de l’appelant) que la prime de première diffusion est attribuée à toutes les oeuvres de première diffusion quel que soit leur genre exploitées sur les seules chaînes historiques et les chaîne du groupe RFO.
M. [X] convient que TV7 n’est pas une chaîne historique ni une chaîne relevant du groupe RFO mais observe à juste titre qu’il n’a pas appliqué dans le calcul détaillé de ses droits (sa pièce 47) dont le détail est repris dans ses conclusions année après année la prime de première diffusion, s’étant contenté effectivement d’appliquer le barème pour les premières diffusions annuelles.
Le calcul opéré de ses droits n’est en conséquence pas critiquable de ce chef.
-le calcul de des droits relatifs à la rediffusion :
S’agissant de la rediffusion de jour, la société TV7 reproche à M. [X] d’avoir calculé l’abattement de 60 % sur 100 % du tarif et non pas sur 70% de l’entier tarif applicable aux séries documentaires.
Cependant le mode de calcul de M. [X] est conforme aux prescriptions de la SCAM (sa pièce n°38) dont il ressort expressément que l’abattement pour rediffusion de jour s’applique ‘sur le tarif à 100 %’, n’étant pas précisé qu’il s’appliquerait à hauteur de 60% du tarif catégoriel applicable aux séries documentaires.
De même, s’agissant de l’abattement pour rediffusion de nuit, c’est à tort que la société TV7 soutient que les abattements devraient se cumuler, alors que selon la même pièce 38 l’abbattement de 50 % de nuit est également calculé sur la base du tarif à 100%, là encore sans cumul avec l’abattement applicable aux séries documentaires
Il sera également observé que M. [X] qui convient que la prescription s’applique sur les 6 premiers mois de l’année 2013 déduit de ses calculs une somme prescrite à hauteur de 7 933,75 euros, sans autre contestation de la part de la société TV7, pour finalement solliciter une somme totale de 213 263,97 euros.
– une déduction de 13 % à opérer :
La société TV 7 prétend encore à l’application d’une déduction de 13 % appliquée par la SCAM.
Il résulte de sa pièce 23 émanant de la SCAM que conformément aux dispositions de l’article L 324-10-2 du code de la propriété intellectuelle la SCAM applique une déduction de 13 % sur les revenus à répartir correspondant à ses frais de gestion.
Certes, la SCAM n’a pas ici été exposée à de tels frais en l’absence d’adhésion de M. [X] mais dès lors qu’il prétend à un préjudice correspondant à un manque à percevoir de la SCAM s’il avait pu y adhérer, les sommes perçues auraient nécessairement été diminuées de ces frais, de sorte que le montant des dommages et intérêts auquels il est en droit de prétendre en indemnisation de son préjudice s’élèvent à la somme de 185 539,65 euros, après application à la somme de 213 263,97 euros de la déduction de 13%, somme au paiement de laquelle la société TV7 sera condamnée par infirmation du jugement entrepris.
Les intérêts courent sur ces sommes, en matière indemnitaire, au taux légal à hauteur de 50.000 euros à compter du jugement et pour le surplus à compter du présent arrêt, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
*Sur le préjudice moral :
Le refus de la société TV 7 de reconnaître à M. [X], contre les évidences du dossier, sa qualité d’auteur d’une oeuvre audiovisuelle que constitue l’émission ‘Suivez le guide’ , est générateur d’un préjudice moral. Le refus d’y voir une oeuvre de l’esprit atteste tout le mépris pour le travail fortement empreint de la personnalité de son auteur réalisé par son salarié et dont la chaine a bénéficié durant plusieurs années, participant également du préjudice moral de M. [X].
L’ensemble justifie l’octroi à M. [X] d’une plus juste somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice, par infirmation du jugement entrepris.
Au vu de l’issue du présent recours, la société TV7 en supportera les dépens et sera équitablement condamnée à payer à M. [X] une somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
La Cour
Déclare prescrites les demandes de M. [E] [X] au titre des droits d’auteurs entre le 1er janvier 2013 et le 4 juin 2013.
Ecarte des débats la pièce n° 11 de l’appelant.
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a statué sur l’indemnisation des préjudices.
Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant :
Condamne la SA TV 7 [Localité 3] à payer à M. [E] [X] une somme de 185.539,65 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur de 50.000 euros et du présent arrêt pour le surplus, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Condamne la SA TV 7 [Localité 3] à payer à M. [E] [X] une somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral.
Condamne la SA TV 7 [Localité 3] à payer à M. [E] [X] une somme de 5.000 euros en application des dispositions d le’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA TV 7 [Localité 3] aux dépens du présent recours.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,