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L’utilisateur d’un compte / groupe Facebook privé est-il un « consommateur » ? Conserve- t-il cette qualité lorsqu’il publie des livres, donne des conférences, exploite des sites Internet, collecte des dons et se fait céder les droits de nombreux consommateurs afin de faire valoir ses droits en justice ? Cette question cruciale, qui détermine la juridiction compétente, notamment en matière d’action collective, été soumise à la CJUE.
Dans cette affaire, un auteur-conférencier a créé un groupe Facebook (Association) visant à faire respecter la protection des données, mettre en place le travail d’accompagnement nécessaire en matière d’information et auprès des médias, ainsi que d’information politique. Son objectif est de soutenir financièrement des affaires pilotes d’intérêt général contre des entreprises qui menacent potentiellement ce droit fondamental.
Selon la position de la CJUE, l’utilisateur d’un compte Facebook privé ne perd pas la qualité de « consommateur » lorsqu’il publie des livres, donne des conférences, exploite des sites Internet, collecte des dons et se fait céder les droits de nombreux consommateurs afin de faire valoir ceux-ci en justice.
Eu égard à la jurisprudence de la CJUE, il est impossible de répondre avec certitude à la question de savoir dans quelle mesure un consommateur qui se fait céder des droits d’autres consommateurs, afin de les faire valoir collectivement, peut invoquer le for du consommateur.
Dans le système du règlement no 44/2001, la compétence des juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile constitue le principe général. Ce n’est que par dérogation à ce principe et dans des cas limitativement énumérés, que le défendeur peut ou doit être attrait devant une juridiction d’un autre État membre. Les règles de compétence dérogatoires à ce principe général sont d’interprétation stricte.
La notion de « consommateur », doit être interprétée de manière restrictive, en se référant à la position de cette personne dans un contrat déterminé, en rapport avec la nature et la finalité de celui-ci, et non pas à la situation subjective de cette même personne, une seule et même personne pouvant être considérée comme un consommateur dans le cadre de certaines opérations et comme un opérateur économique dans le cadre d’autres opérations (arrêts du 3 juillet 1997, Benincasa, C‑269/95 et du 20 janvier 2005, Gruber, C‑464/01).
Seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, dans l’unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d’un individu, relèvent du régime particulier prévu par ledit règlement en matière de protection du consommateur en tant que partie réputée faible, alors qu’une telle protection ne se justifie pas en cas de contrat ayant comme but une activité professionnelle.
Il s’ensuit que les règles de compétence spécifiques du règlement no 44/2001 ne trouvent, en principe, à s’appliquer que dans l’hypothèse où la finalité du contrat conclu entre les parties a pour objet un usage autre que professionnel du bien ou du service concerné.
En ce qui concerne plus particulièrement une personne qui conclut un contrat pour un usage se rapportant en partie à son activité professionnelle et n’étant donc qu’en partie seulement étranger à celle-ci, la CJUE considère qu’elle pourrait tout de même bénéficier des dispositions favorables du règlement européen (saisine du tribunal de son domicile) dans l’hypothèse où le lien dudit contrat avec l’activité professionnelle de l’intéressé serait si ténu qu’il deviendrait marginal et, partant, n’aurait qu’un rôle négligeable dans le contexte de l’opération pour laquelle ce contrat a été conclu considérée dans sa globalité. Même une éventuelle liaison contractuelle entre le compte Facebook et la page Facebook ne préjugerait pas de l’appréciation de la qualité de consommateur.
Afin d’interpréter de manière restrictive la notion de « consommateur », il y a notamment lieu de tenir compte, s’agissant de services d’un réseau social numérique ayant vocation à être utilisés pendant une longue durée, de l’évolution ultérieure de l’usage qui est fait de ces services. Cette interprétation implique, notamment, qu’un requérant utilisateur de tels services pourrait invoquer la qualité de consommateur seulement si l’usage essentiellement non professionnel de ces services, pour lequel il a initialement conclu un contrat, n’a pas acquis, par la suite, un caractère essentiellement professionnel.
En revanche, étant donné que la notion de « consommateur » se définit par opposition à celle d’« opérateur économique » et qu’elle est indépendante des connaissances et des informations dont la personne concernée dispose réellement, ni l’expertise que cette personne peut acquérir dans le domaine duquel relèvent lesdits services ni son engagement aux fins de la représentation des droits et des intérêts des usagers de ces services ne lui ôtent la qualité de « consommateur ».
En effet, une interprétation de la notion de « consommateur » qui exclurait de telles activités reviendrait à empêcher une défense effective des droits que les consommateurs détiennent à l’égard de leurs cocontractants professionnels, y compris ceux relatifs à la protection de leurs données personnelles. Une telle interprétation méconnaîtrait aussi l’objectif de l’article 169 du TFUE de promouvoir leur droit à s’organiser afin de préserver leurs intérêts.
Enfin, en ce qui concerne les droits cédés par d’autres consommateurs (action collective), le for du consommateur a été créé afin de protéger le consommateur en tant que partie au contrat en cause. Dès lors, le consommateur n’est protégé que dans la mesure où il est personnellement demandeur ou défendeur dans une procédure. Par conséquent, le demandeur qui n’est pas lui-même partie au contrat de consommation en cause ne peut pas bénéficier de ce for. Cela vaut également à l’égard d’un consommateur cessionnaire de droits d’autres consommateurs.
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