Violation du secret d’affaire : la responsabilité du salarié

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Violation du secret d’affaire : la responsabilité du salarié

L’envoi par un salarié, de documents vers sa boite de messagerie privée, ne constitue pas nécessairement une faute ni une atteinte au secret d’affaire de l’employeur.

Affaire Mankiewicz France

La société Mankiewicz France est une filiale d’un groupe allemand spécialisé dans la fabrication de systèmes de peinture de haute qualité. Reprochant à l’un de ses salariés cadre (Sales Manager), une atteinte à ses secrets d’affaire,  la société a licencié celui-ci pour faute grave. La société a également saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir constater que son ancien salarié commettait des agissements violant le secret des affaires et demandait de lui voir faire interdiction de les poursuivre et de voir détruire tout document contenant des informations relevant d’un tel secret.

Action en référé

En application des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud’hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ; même en présence d’une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; en outre, selon l’article R. 1455-7 du même code, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. Ainsi, même en cas d’une contestation sérieuse, dès lors que le demandeur fait état d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser, le juge des référés peut statuer s’il constate l’existence d’un tel dommage imminent ou d’un tel trouble manifestement illicite.

Protection du secret des affaires

En vertu de l’article L. 151-1 du code de commerce, est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :

1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;

2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

L’article L. 151-4 du même code précise que l’obtention d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte :

1° D’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ;

2° De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale.

L’article L. 151-7 du même code dispose que le secret des affaires n’est pas opposable lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives.

Analyse du contenu des messages transférés

Les juges procèdent à l’analyse de chaque message transféré pour en apprécier la portée.  En l’espèce, la société Mankiewicz France a fait valoir sans succès que, tandis que les relations entre les parties s’étaient dégradées, le salarié, profitant de l’absence de ses collègues en réunion à un autre étage, avait procédé à un nombre significatif de photocopies et d’impressions sans raison apparente et s’était envoyé de nombreuses pièces jointes. Ayant repris possession de l’ordinateur professionnel de son salarié, la société a constaté que celui-ci avait transféré vers sa messagerie personnelle contenant des informations commerciales appartenant à l’entreprise.

Or, les courriels transférés par le salarié sur sa boîte mail personnelle se limitaient majoritairement à faire état de négociations portant sur des prix entre la société Mankiewicz France et certaines sociétés partenaires sans qu’il ne soit expressément visé les prix finalement arrêtés. Par ailleurs, la discussion entreprise par les parties relative à la rupture conventionnelle n’ayant pas abouti, le salarié était en droit de transférer sur sa boîte mail personnelle des courriels permettant de justifier de son travail alors que son employeur lui reprochait un manque d’investissement. Les courriels transférés se rattachaient donc à la préparation de sa défense et à son droit à se constituer des preuves dans le cadre du contentieux à venir de son licenciement. Télécharger la décision


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