Your cart is currently empty!
Sanction record contre Amazon au titre du déséquilibre significatif créé au détriment de ses revendeurs. Suite à une enquête de la DGCCRF, le Ministre des finances a poursuivi et obtenu la condamnation in solidum des trois sociétés du Groupe Amazon en responsabilité quasi-délictuelle pour des pratiques constatées.
L’article L.442-6 1 2° du code de commerce prévoit que « engage la responsabilité de son auteur, et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout commerçant : 2° de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. ».
Les contrats conclus avec Amazon stipulent bien une clause attributive de compétence au Luxembourg où elle est domiciliée (application de l’article 4.1 du Règlement européen dit Rome Il du 11 juillet 2007). Toutefois, le Ministre a agi sur le fondement de la responsabilité délictuelle et d’autre part que, en tant que garant de l’ordre public économique sur le territoire national, l’article L.442-6 étant une loi de police, il bénéficie pour se faire d’une action autonome de protection du fonctionnement du marché national et de la concurrence, action qui n’est pas soumise au consentement des cocontractants et notamment du fournisseur de la prestation de services.
La soumission est révélée notamment par l’existence d’un rapport de force économiquement déséquilibré entre les parties ; la jurisprudence se fonde pour l’établir sur un faisceau d’indices : rôle incontournable de l’une des deux parties, puissance de négociation de la société qui occupe une position de leader sur le secteur économique concerné par sa taille et sa notoriété, intermédiaire incontournable sur le marché pertinent, absence de marge réelle de négociation des cocontractants, clause dénoncée se retrouvant dans tous les contrats, clause générale et imprécise dans tous les contrats …
Les contrats en cause ne sont pas négociables par les revendeurs ; il ne peut en être autrement pour une place de marché en raison de sa nécessaire automatisation, de la nécessité d’offrir aux consommateurs des modalités, conditions et prestations identiques pour tous les produits, présentés sur un même écran, quel que soit le vendeur tiers. Le principe de la libre négociabilité n’est pas sans limite et que particulièrement dans un contrat d’adhésion, dans lequel le cocontractant n’a aucune possibilité de négocier les clauses du contrat, il revient au tribunal d’apprécier si certaines d’entre elles ne se traduisent pas par un déséquilibre des droits et obligations des deux parties.
Le marché pertinent, pour apprécier la puissance relative des partenaires et concurrents est celui de la vente en ligne. Or, Amazon est le plus grand vendeur en ligne B to C de produits marchands finis et dispose de la plus grande place de marché à tout point de vue ; son chiffre d’affaire mondial est de 250 milliards$ en 2018 et en France de 5 milliards € soit 3 fois plus élevé que celui de son concurrent le plus important (C. Discount}; Amazon surtout dispose de la plus grande notoriété au niveau mondial et de la meilleure image auprès des consommateurs.
Le recours pour un vendeur tiers à la création de son propre site de vente en ligne, ou l’utilisation de celui dont il disposerait déjà, n’a pas été jugé comme une alternative sauf pour les plus gros fournisseurs/distributeurs ; ’en effet, outre qu’il est couteux et complexe de disposer d’une plateforme de vente en ligne très performante et pas à la portée des entreprises de taille moyenne d’offrir la même ergonomie, les mêmes fonctionnalités et le même niveau de qualité et de services qu’Amazon.
Le déséquilibre significatif peut résulter de l’absence de réciprocité, de la disproportion entre les obligations des parties, du caractère potestatif d’une clause, c’est-à dire que son critère de déclenchement dépend de la seule volonté de l’autre cocontractant et donc du fait qu’il a la maitrise de l’exécution du contrat et de la discussion a posteriori de son application, de l’absence d’intérêt de la clause pour le vendeur tiers et d’obligations injustifiées à la charge de ces derniers. Il importe peu que telle ou telle clause litigieuse ait été mise en oeuvre puisque la loi vise non seulement la soumission mais la tentative de soumission.
Ont été sanctionnées, les clauses suivantes :
1° La clause relative aux modifications contractuelles : cette clause permet à Amazon, dispensée de toute négociation, de faire entrer en vigueur immédiatement et sans aucun préavis une modification du contrat, sans même avoir l’obligation contractuelle d’en aviser personnellement et directement par mail ses cocontractant, censés regarder tous les jours l’outil Seller Central pour rechercher si par hasard une clause ou Politique a été modifiée ; il en résulte qu’un cocontratant peut se retrouver ainsi sans le savoir, s’il ne l’a pas fait, devoir subir de nouvelles conditions pour la vente de ses produits ou être en infraction avec une nouvelle disposition du contrat avec les sanctions qu’Amazon peut alors prendre (suspension ou fermeture de l’accès au site, de son compte, résiliation du contrat, dégradation de ses indicateurs de performance, remboursement de produits déjà vendus à ses clients); qu’en outre cette clause est unilatérale au seul bénéfice d’Amazon et confère à cette dernière la possibilité de modifier à tout instant des clauses essentielles pour le vendeur tiers, relative à l’équilibre de ses droits et obligations; il n’a alors plus d’autre possibilité que de résilier le contrat mais ce alors sans avoir eu le temps de trouver une solution de substitution et surtout de la mettre en œuvre ;en effet, changer de place de marché, en dehors même du temps pour se faire agréer par une nouvelle place, nécessite de revoir complétement son organisation, sa politique commerciale et de rédiger de nouvelles fiches produits pour les mettre en ligne sur le site de son nouveau partenaire ; cette situation conduit le vendeur tiers soit à se résigner à accepter les nouvelles conditions d’Amazon pénalisantes soit à perdre un important chiffre d’affaires pendant plusieurs mois ; qu’il est rappelé que 25% des vendeurs tiers, selon cette dernière, ne sont référencés par aucune des autres places de marché concurrente ;
2° La clause relative à la suspension ou à la résiliation du contrat : du fait de l’ambiguïté de sa rédaction et de l’absence de toute référence à une cause pouvant motiver cet arrêt ou suspension est constitutive d’un déséquilibre significatif au détriment du vendeur tiers ;
3° Les clauses relatives aux indices de performances : lesdits indicateurs sont au nombre de 3: taux de commandes défectueuses, taux d’annulation de commandes avant traitement et taux d’expéditions en retard ; le principe de la mesure de la performance du vendeur tiers dans la satisfaction du client est parfaitement légitime et usuel dans toute la distribution, quelle qu’en soit la forme et les modalités (mise à disposition d’une marque, franchise, concession….) et répond à la nécessité de protéger le consommateur et l’image du site et de la marque Amazon.
A été sanctionné non pas le principe de la clause mais l’imprécision du périmètre des critères pris en compte, sur les conséquences de leur non respect, sur le fait qu’ils ne dépendent pas uniquement du comportement du vendeur et enfin de ce que l’évolution de ces critères est discrétionnaire.
4° Les clauses relatives à la maîtrise du compte vendeur : Amazon a le droit à son entière discrétion d’interdire ou restreindre l’accès à tout site Amazon et de retarder ou suspendre une mise en vente ou de refuser de mettre en vente, l’un ou l’autre des produits du vendeur à sa seule discrétion : cette clause est manifestement déséquilibrée en mettant l’activité du vendeur complétement sous la dépendance d’Amazon de manière discrétionnaire.
5° La clause de retour produit : la garantie A à Z du contrat Amazon, telle qu’elle est rédigée et mise en oeuvre concrètement, est manifestement déséquilibrée au détriment des vendeurs tiers en ce qu’elle autorise cette dernière à rembourser le client même en cas de non-retour du produit, même si après enquête la réclamation est considérée comme injustifiée et en ce qu’elle autorise l’affichage des dites réclamations avec celle justifiées.
6° La clause de parité des canaux de vente : la clause prévoyant que « vous devez conserver une parité entre les produits que vous proposez par tous vos canaux de vente (autres que dans vos magasins physiques) a) … même niveau de support que vos services clientèles les plus avantageux, même qualité de l’information pour tous les contenus » a également été sanctionnée en ce qu’elle porte atteinte à la liberté, pour le vendeur de fixer son prix d’achat et ses tarifs d’expédition. Télécharger la décision