La disproportion de l’acte de caution du dirigeant

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La disproportion de l’acte de caution du dirigeant

En droit (selon les dispositions de l’article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.

La proportionnalité du cautionnement s’apprécie au jour de l’engagement de caution.

La preuve de la disproportion et de son caractère manifeste incombe alors à la caution, et non pas à la banque.

Il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans être tenue de faire de vérifications complémentaires dès lors que la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et en ce cas la caution n’est pas habile à se prévaloir de revenus ou de charges qui seraient d’une autre réalité, tel que le fait le dirigeant faisant valoir que de nombreuses informations inexactes sont mentionnées dans ce document.

En la cause, le dirigeant produit son avis d’impôt 2015 sur les revenus de l’année 2014 dont il résulte que son foyer n’était pas imposable, et qu’il a perçu 4 317 euros de salaires (et son épouse, 2 406 euros).

La société BNP Paribas Personal Finance verse aux débats, en pièce 1g, un document intitulé ‘Fiche de renseignements’, inclus à l’offre de crédit, signé par M. [H] [W], sous la mention reconnaissant l’exactitude des renseignements fournis. Il ressort de ce document que le dirigeant a déclaré être gérant de la société Jenifer, être marié, être propriétaire de son logement depuis mai 2003 et percevoir un salaire net de 6 000 euros mensuels.

Il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans être tenue de faire de vérifications complémentaires dès lors que la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et en ce cas la caution n’est pas habile à se prévaloir de revenus ou de charges qui seraient d’une autre réalité, tel que le fait le dirigeant faisant valoir que de nombreuses informations inexactes sont mentionnées dans ce document [sur l’activité de la société Jenifer, étant indiqué ‘photocopie’ alors qu’il s’agissait principalement d’une épicerie ; sur le nombre de salariés de l’entreprise, au nombre de cinq selon la fiche, alors que seuls le dirigeant et son fils aîné y travaillaient ; sur le fait que la caution est mentionnée comme étant propriétaire de son logement, alors que le dirigeant n’a toujours été que locataire ; sur le montant de ses revenus, notablement inférieurs aux 6 000 euros mensuels déclarés dans la fiche]. Force est de constater que cette fiche de renseignements ne contient aucune anomalie ou incohérence.

Au vu de ces éléments contenus dans la fiche patrimoniale, et connus du prêteur, il doit être retenu que le dirigeant ne rapporte pas valablement la preuve de la disproportion manifeste qu’il invoque.

En l’absence de toute disproportion de l’engagement de caution de le dirigeant eu égard à son patrimoine et compte tenu de ses charges, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce que le tribunal est entré en voie de condamnation à son encontre.

Résumé de l’affaire : M. [N] [H] [W] a interjeté appel d’un jugement du tribunal de commerce de Créteil qui l’avait condamné en tant que caution de la société Jenifer à payer 53 727,25 euros à BNP Paribas Personal Finance, ainsi qu’une indemnité de 2 000 euros. Dans ses conclusions, l’appelant demande l’infirmation de la décision, la nullité des contrats de prêt et de cautionnement, et le déboutement de BNP Paribas de ses prétentions. Il évoque également une faute de la banque concernant la disproportion du contrat de cautionnement et un manquement à déclarer sa créance lors de la liquidation de la société Jenifer. De son côté, BNP Paribas demande la confirmation du jugement, en rectifiant certaines erreurs, et le paiement des sommes dues par M. [N] [H] [W]. La cour a finalement débouté M. [N] [H] [W] de ses demandes, confirmé le jugement initial, et condamné M. [N] [H] [W] à payer 1 000 euros pour les frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la validité des engagements contractuels de M. [N] [H] [W] envers la société BNP Paribas Personal Finance ?

La validité des engagements contractuels de M. [N] [H] [W] envers la société BNP Paribas Personal Finance repose sur plusieurs éléments juridiques. Selon l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, M. [H] [W] conteste avoir signé le contrat de prêt et l’acte de cautionnement, arguant d’une usurpation d’identité. L’article 1130 du Code civil stipule que le consentement doit être libre et éclairé.

Il est établi que M. [H] [W] n’a jamais pris contact avec la société BNP Paribas Personal Finance, ni en tant que personne physique, ni en tant que représentant légal de la société Jenifer.

De plus, l’article 1321 du Code civil précise que la signature d’un acte est une condition essentielle de sa validité. Les éléments de preuve, tels que les différences de signature et l’absence de documents d’identité, renforcent la thèse de l’usurpation.

Ainsi, la cour a conclu que M. [H] [W] n’était pas engagé par les contrats litigieux, car il n’a pas consenti à ces engagements.

Quelles sont les conséquences de l’absence de déclaration de créance par la banque ?

L’absence de déclaration de créance par la banque dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Jenifer soulève des questions sur les droits de la caution, M. [N] [H] [W].

L’article 2314 du Code civil stipule que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus s’opérer en faveur de la caution, en raison d’une faute de ce créancier.

M. [H] [W] soutient que la non-déclaration de créance a entraîné la perte d’un droit préférentiel, l’empêchant d’exercer un recours subrogatoire contre la société Jenifer. Cependant, la cour a noté que M. [H] [W] n’a pas démontré que cette omission lui a causé un préjudice.

En effet, la liquidation de la société Jenifer a été clôturée pour insuffisance d’actif, ce qui signifie qu’il n’y avait pas d’actifs à répartir. Par conséquent, même si la banque avait déclaré sa créance, cela n’aurait pas changé la situation de M. [H] [W].

Ainsi, la cour a rejeté la demande de décharge de l’engagement de caution pour cause de non-déclaration de créance.

Comment la disproportion de l’engagement de caution est-elle appréciée ?

La disproportion de l’engagement de caution est régie par l’article L. 332-1 du Code de la consommation, qui stipule qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Dans le cas présent, M. [H] [W] a produit un avis d’impôt indiquant qu’il n’était pas imposable, avec des revenus de 4 317 euros, tandis que la société BNP Paribas Personal Finance a présenté une fiche de renseignements où M. [H] [W] déclarait un salaire de 6 000 euros.

La cour a souligné que la preuve de la disproportion incombe à la caution. M. [H] [W] n’a pas réussi à démontrer que son engagement était manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus au moment de la signature du contrat de cautionnement.

Ainsi, la cour a confirmé la validité de l’engagement de caution, rejetant la demande de M. [H] [W] sur ce fondement.

Quelles sont les implications des frais irrépétibles dans cette affaire ?

Les frais irrépétibles, régis par l’article 700 du Code de procédure civile, permettent à une partie de demander le remboursement des frais exposés pour la défense de ses droits.

Dans cette affaire, la société BNP Paribas Personal Finance a demandé le remboursement de ses frais irrépétibles, tandis que M. [H] [W] a échoué dans ses demandes.

La cour a jugé que, bien que M. [H] [W] ait été débouté de ses demandes, il ne pouvait prétendre à aucun remboursement au titre de l’article 700, car il n’a pas réussi à établir la validité de ses prétentions.

En revanche, la cour a accordé à la société BNP Paribas Personal Finance une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, considérant que ces frais étaient justifiés par la nécessité de défendre ses droits dans le cadre de l’appel.

Ainsi, la décision de la cour illustre l’application des dispositions relatives aux frais irrépétibles dans le cadre d’une procédure judiciaire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
23/06653
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2024

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/06653 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHN2V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2023 – tribunal de commerce de Créteil – 1ère chambre – RG n° 2022F00780

APPELANT

Monsieur [N] [H] [W]

né le [Date naissance 2] 1963 au Sri Lanka

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Jonathan BEN AYOUN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 206, avocat plaidant

INTIMÉE

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

N°SIRET : 542 097 902

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès-qualités audit siège

Représentée par Me Coralie GOUTAIL de l’EURL Goutail Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : A0201

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 avril 2023, M. [N] [H] [W] a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Créteil rendu le 24 janvier 2023 dans l’instance opposant ‘M. [N] [R] [W]’ à la société BNP Paribas personal finance, qui l’a condamné en qualité de caution de la société Jenifer au titre d’un contrat de prêt contracté aux fins de financer l’acquisition par la société d’un véhicule Mercedes Classe E 220 Sportline, au paiement de la somme de 53 727,25 euros, outre celle de 2 000 euros au titre d’indemnité procédurale.

*

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 28 mai 2024 les prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 8 mai 2024, l’appelant

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

‘Juger Monsieur [N] [H] [W] recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

Infirmer la décision du Tribunal de Commerce de CRETEIL du 24 janvier 2023 en ce que les premiers juges ont :

– Condamné Monsieur [N] [R] [W] ([H] [W] de son patronyme exact) à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 53 727,25 €, au titre de son cautionnement, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2022,

– Condamné Monsieur [N] [R] [W] ([H] [W] de son patronyme exact) à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du C.P.C,

– Condamné Monsieur [N] [R] [W] ([H] [W] de son patronyme exact) aux dépens.

Statuant de nouveau,

A TITRE PRINCIPAL,

Juger que les contrats de prêt et de cautionnement du 12 mars 2015 sont nuls et de nul effet.

Par conséquent,

Débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l’intégralité de ses prétentions à l’encontre de Monsieur [N] [H] [W].

Condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser la somme de 2 000 € à Monsieur [N] [H] [W] au titre des frais irrépétibles.

Condamner l’intimée aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jonathan BEN AYOUN, au visa de l’article 699 du code de procédure civile.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Juger que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute en concluant avec Monsieur [N] [H] [W], personne physique, un contrat de cautionnement disproportionné relativement à ses biens et revenus.

En conséquence,

Juger que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement du 12 mars 2015.

Par la même, débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l’intégralité de

ses prétentions à l’encontre de Monsieur [N] [H] [W].

Condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser la somme de 2 000 € à Monsieur [N] [H] [W] au titre des frais irrépétibles.

Condamner l’intimée aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jonathan BEN AYOUN, au visa de l’article 699 du code de procédure civile.

A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE ENCORE,

Juger que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute en manquant de déclarer sa créance au passif de la liquidation de la société JENIFER, dont il est résulté la perte d’un droit préférentiel pour la caution.

En conséquence,

Juger Monsieur [N] [H] [W] déchargé de son engagement de caution.

Par la même, débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l’intégralité de

ses prétentions à l’encontre de Monsieur [N] [H] [W].

Condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser la somme de 2 000 € à Monsieur [N] [H] [W] au titre des frais irrépétibles.

Condamner l’intimée aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jonathan BEN AYOUN, au visa de l’article 699 du code de procédure civile.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

Réduire, pour la porter à 1 €, l’indemnité sur le capital restant dû sollicitée par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

Octroyer à Monsieur [N] [H] [W] les meilleurs délais de paiement, afin qu’il puisse s’acquitter des sommes qui seraient mises à sa charge au bénéfice de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, dans la limite de 24 mois.

Juger que les paiements à intervenir de Monsieur [H] [W] s’imputeront par priorité sur le capital.

Juger que chacune des parties conservera les frais irrépétibles qu’elle a personnellement exposés.’

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 27 mai 2024, l’intimé

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

‘Il est demandé à la juridiction saisie de recevoir la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, en l’ensemble de ses moyens, y faisant droit de :

Vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1193 et 1231-1 du Code Civil,

Vu les dispositions de l’article L. 332-1 du Code de la consommation (dans sa version antérieure au 1er janvier 2022),

Vu les dispositions de l’article 1256 du Code civil,

Vu les dispositions de l’article 1343-5 du Code civil,

Vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CRETEIL le 24 janvier 2023 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a mentionné Monsieur [N] [R] [W] au lieu de Monsieur [N] [H] [W] et en ce qu’il a fixé le point de départ des intérêts légaux au 29 mars 2022 au lieu du 27 novembre 2015 ;

En conséquence,

– Déclarer recevable l’action de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;

– Dire et juger que la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE justifie de la recevabilité, du bien fondé et de l’étendue de ses demandes ;

– Dire et juger que la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n’a commis aucune faute ;

En conséquence,

– Débouter Monsieur [N] [H] [W] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamner Monsieur [N] [H] [W] à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 53 632,74 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2015 jusqu’au jour du parfait paiement.

– Condamner Monsieur [N] [H] [W] à verser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Coralie GOUTAIL, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

La société Cetelem a consenti le 12 mars 2015 à la société Jenifer, aux fins de financer l’achat d’un véhicule Mercedes, un prêt personnel d’un montant de 48 884 euros, au taux conventionnel de 5,10 % l’an, remboursable en 60 échéances (7 échéances de 1 057,19 euros, et les suivantes de 998,89 euros) échelonnées entre le 5 mai 2015 et le 5 avril 2015.

La société BNP Paribas Personal Finance ‘ venant aux droits de la société Cetelem ‘ expose que les deux premières échéances n’ont pas été payées, mais ont été ultérieurement régularisées par voie de paiement par carte bancaire le 30 juin 2015. Par la suite, plus aucune échéance n’a été réglée. L’organisme prêteur a dans un premier temps tenté des démarches amiables aux fins de recouvrement de sa créance, puis a adressé à la société Jenifer un courrier recommandé avec demande d’avis de réception, daté du 11 novembre 2015, en vain. La déchéance du terme a donc été prononcée, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 27 novembre 2015 adressée à la société Jenifer à son siège social. M. [H] [W], dont l’engagement de caution avait été recueilli lors de la souscription du prêt, en a également été informé en cette dernière qualité.

La société Jenifer ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 novembre 2016, le prêteur a saisi le tribunal de commerce de Paris de sa demande en paiement dirigée à l’encontre de M. [H] [W] en sa qualité de caution. La société BNP Paribas Personal Finance souligne que ce dernier a constitué avocat, lequel soulevait avec succès l’exception d’incompétence territoriale du tribunal de commerce de Paris au profit du tribunal de commerce de Créteil, devant lequel M. [H] [W] cessait de se faire assister ou représenter.

M. [H] [W], appelant du jugement rendu en son absence (mais contrairement à ce qu’il prétend, exactement qualifié de jugement contradictoire, M. [H] [W] s’étant abstenu de suivre la procédure de première instance jusqu’à son terme) fait valoir en cause d’appel que son identité a été usurpée – il estime en rapporter la preuve suffisante – et en conclut qu’il ne saurait être engagé par un contrat qu’il n’a pas signé, ni par un engagement de caution qu’il n’a pas souscrit.

Sur la validité des engagements contractuels de M. [N] [H] [W] envers la société BNP Paribas Personal Finance

M. [N] [H] [W] admet avoit été gérant de la société dénommée Jenifer exploitant un fonds de commerce d’alimentation générale au sein d’un local dont elle était preneuse à bail, à [Localité 7]. Mais par acte sous seing privé en date du 12 mai 2015, enregistré au greffe du tribunal de commerce de Bobigny en novembre suivant, il a cédé l’intégralité de ses parts sociales, et a renoncé à son mandat de représentant légal de la société Jenifer. À partir de cette date, il lui est devenu totalement extérieur.

Suivant exploit introductif d’instance en date du 28 janvier 2019, la société BNP Paribas Personal Finance a attrait un dénommé ‘[N] [R] [W]’ devant le tribunal de commerce afin de solliciter sa condamnation à lui régler la somme de 53 632,74 euros, avec intérêts au taux légal, à compter d’une mise en demeure en date du 27 novembre 2015, à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à lui restituer une automobile de marque Mercedes et de modèle Classe E type 220 Sportline, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ainsi qu’aux entiers dépens. La société demanderesse prétendait pouvoir fonder ses demandes en exécution d’un contrat de prêt affecté qui aurait été souscrit auprès d’elle par la société Jenifer le 12 mars 2015 afin de financer l’acquisition d’un véhicule terrestre à moteur ainsi que d’un contrat de cautionnement solidaire dudit prêt, régularisé par un dénommé ‘[R] [W]’ à la même date.

Or, M. [H] [W] n’a jamais pris l’attache de la société BNP Paribas Personal Finance, ni à titre personnel, ni en sa qualité de représentant légal de la société Jenifer. L’entreprise dont il était le gérant ne s’est jamais portée acquéreur d’une automobile manifestement de type sportif auprès d’un garage situé en Seine-Saint-Denis, financée intégralement par un crédit Cetelem. Il n’a consenti ni au contrat de prêt ès qualités, ni au contrat de cautionnement à titre personnel.

Il semble donc qu’un tiers non identifié ait usurpé son identité afin de régulariser ces actes juridiques, ce qu’il n’a découvert que le 28 janvier 2019, soit près de quatre ans plus tard, en consultant les pièces annexées à l’acte introductif d’instance. Dès lors, il n’a pas manqué de contester sa participation aux actes litigieux devant le tribunal de commerce de Paris. La tardiveté avec laquelle la société BNP Paribas Personal Finance a engagé son action judiciaire a privé de tout intérêt le dépôt d’une plainte pénale, qui plus est contre X.., qui ne pouvait aboutir aussi longtemps après la commission de cette infraction instantanée.

L’usurpation d’identité n’en est pas moins manifeste, en premier lieu en ce que l’identité du signataire de l’offre de contrat de crédit et de l’acte de cautionnement est mentionnée en toutes lettres, et à plusieurs reprises, comme étant un dénommé ‘[R] [W] [N]’ alors que le nom de l’appelant est [H] [W], tel que cela ressort notamment de son titre de séjour, ou encore dans les statuts de la société Jenifer déposés en leur temps au tribunal de commerce de Créteil. Si le nom ‘[R] [W]’ est porté sur l’extrait K-bis de ladite société sous la mention relative au gérant, elle est le fruit d’une erreur lors de l’immatriculation de l’entreprise, qui a persisté de 2009 à mai 2015. La personne ayant usurpé l’identité de M. [H] [W] a indiqué le patronyme erroné de l’appelant, tel que figurant dans ce document, et non son patronyme réel, qu’elle ignorait manifestement. En outre, la société BNP Paribas Personal Finance ne produit pas le moindre document d’identité, ni plus généralement la moindre pièce en lien avec monsieur [H] [W], avec lequel elle prétend pourtant avoir passé contrats. Enfin, la banque a fait assigner son prétendu contractant sous un patronyme erroné, et a persévéré tout au long de la procédure de première instance en dirigeant ses demandes sur cette identité incorrecte, alors qu’elle disposait déjà de l’identité de monsieur [H] [W] mise en exergue dans les conclusions et pièces communiquées par ce dernier devant le juge consulaire parisien.

L’usurpation d’identité est démontrée par les seuls méconnaissance et usage par l’usurpateur du patronyme erroné de l’appelant dans les documents contractuels. Aussi, aucune des prétentions de la banque ne pourra prospérer à son encontre, en ce qu’elles sont assises sur une relation conventionnelle à laquelle M. [H] [W] n’a jamais consenti.

L’usurpation d’identité est également manifeste, en deuxième lieu, en ce que les signatures ont été grossièrement imitées et apposées avec inconstance sur l’offre de prêt et ses annexes. La signature matérialisée à de nombreuses reprises dans ces documents ne correspond pas à celle du concluant telle que celle figurant sur sa pièce d’identité. La boucle de la lettre [Z] est tout à fait différente. L’imitation malhabile de la signature est encore plus évidente s’agissant du tracé des lettres [B] et [O], totalement dissemblables. Enfin, et toujours sur ce point, si l’usurpateur a tenté d’apposer une signature ressemblant à celle du concluant, sans que cela ne fasse illusion, il est également flagrant qu’il n’a pu réaliser cet exercice avec constance. Aussi, les signatures figurant sur les documents contractuels établis le 12 mars 2015 sont toutes différentes d’une page à une autre (cf. pièces adverses 1a à 1e, et g).

L’usurpation d’identité est encore manifeste, en troisième lieu, en ce qu’en page 3 de l’offre de crédit, un cachet commercial est apposé à deux reprises, dont une fois à l’envers, or, la société Jenifer, à tout le moins du temps où le concluant occupait en qualité de gérant, n’avait pas de tampon humide. Il a donc été manifestement conçu spécifiquement pour la régularisation des actes juridiques dont l’authenticité est à raison contestée.

En outre, M. [H] [W] ne parle quasiment pas le français, le lit et l’écrit encore moins, Il est impossible qu’il ait pu rédiger de sa main la formule exigée à peine de nullité dans l’acte de cautionnement solidaire, dont il n’aurait en outre et en tout état de cause pas pu appréhender le sens. En réponse sur ce point, la banque prétend opposer au concluant le fait qu’il ait exercé en qualité de chef d’entreprise. Il n’en résulte aucunement la démonstration de sa maîtrise de la langue française ; ce d’autant que M. [H] [W] né au Sri Lanka en 1963 (pièce 3), avec son fils aîné tenait une simple petite épicerie de quartier, fréquentée majoritairement par des clients de la communauté sri-lankaise.

Par ailleurs, il est finalement constant que la carte grise produite aux débats correspond à un autre véhicule que celui litigieux. L’intimée ne produit pas le document d’identité de la personne ayant souscrit ledit crédit en sa qualité de prétendu représentant légal de la société, ni ne verse le moindre document afférent à l’individu qui aurait réceptionné le véhicule acquis au moyen du prêt litigieux, à la date ou aux circonstances dans lesquelles cette réception aurait eu lieu.

La société BNP Paribas Personal Finance répond que l’usurpation d’identité n’est nullement établie.

En premier lieu M. [H] [W] n’a pas déposé plainte, ce qui démontre en réalité que celui-ci ne croit pas lui-même à l’infraction dont il dit avoir été victime – peut être connait-il en réalité l’auteur de cette prétendue usurpation d’identité.

Ensuite, M. [H] [W] produit des documents d’identité comportant sa signature qui est en tous points similaire à celle portée sur les documents contractuels. Elle est d’ailleurs en tous points similaire aux documents officiels de la société déposés en 2009 (statuts constitutifs), puis en 2014 (PV d’approbation des comptes de 2013), puis en 2015 (acte de cession de parts sociales).

En outre, M. [H] [W] a bien réceptionné la lettre de mise en demeure qui lui a été adressée par la société BNP Paribas Personal Finance le 27 novembre 2015, a signé l’accusé de réception avec une signature également identique aux documents contractuels et n’a aucunement contesté les sommes qui lui était réclamées. Pourtant, le courrier était parfaitement clair :

‘Vous êtes co-emprunteur, conjoint et solidaire, du contrat de crédit souscrit pas vous-même et :

SARL JENIFER

[Adresse 5]

[Localité 7]

Ce dossier a été transmis à NEUILLY CONTENTIEUX pour le recouvrement judiciaire de la somme de 53.632,74 €. Nous vous mettons en demeure de la régler sous les 8 jours. A défaut nous demanderons au tribunal compétent de vous condamner au paiement de notre créance.’

Dans un tel contexte, l’absence de toute contestation de la part de M. [H] [W] et l’absence de dépôt de plainte démontrent que l’usurpation d’identité dont il se prévaut aujourd’hui n’existe pas et a été inventée pour les besoins de la cause.

Les autres arguments de M. [H] [W] sont tout autant inopérants :

– il prétend que le cachet Jenifer apposé sur le contrat ne lui appartiendrait pas, mais n’apporte aucun élément de justification,

– il prétend ne pas savoir lire et écrire le français mais était pourtant gérant d’entreprise,

– il prétend que les éléments de la fiche de renseignement seraient erronés, en oubliant manifestement que cette fiche a été établie sur la base des renseignements qu’il a lui-même fournis, et qu’il l’a signée sous la mention certifiant l’exactitude desdits renseignements.

À cet égard, on observera qu’au contraire de ce qu’il prétend, l’activité de l’entreprise était bien une activité de photocopies en plus de l’activité de magasin d’alimentation, ainsi qu’il résulte des statuts modifiés en 2013. On observera également que les résultats de l’année 2013 laissaient un résultat tout à fait confortable avec une distribution de dividendes de 60 000 euros aux associés dont faisait partie M. [H] [W], ce qui explique probablement le montant de revenus mensuel qu’il déclarait alors.

M. [H] [W] prétend que le sort de l’automobile serait des plus mystérieux, or le véhicule a été acheté par la société Jenifer vraisemblablement pour l’usage de son gérant, en la personne de M. [H] [W]. On observe dans les comptes de 2013 d’autres immobilisations constituées par d’autres véhicules. M. [H] [W], qui était gérant à l’époque, est donc le seul à pouvoir expliquer ce qu’il est advenu du véhicule et à pouvoir le restituer le cas échéant.

À ce propos, on relèvera que le garage vendeur, Etoile Rives Est, a fourni un certificat d’immatriculation provisoire accompagné vraisemblablement par erreur d’une copie de carte grise qui concerne un autre véhicule, ce qui n’a cependant aucune conséquence, le certificat d’immatriculation provisoire correspondant bien au véhicule vendu.

Dans ces conditions, la Cour ne pourra que valider le prêt et l’engagement de cautionnement signés le 12 mars 2015.

SUR CE,

L’appelant verse au débat son titre de séjour dont il ressort que son état civil s’établit comme suit :

‘Nom : [H] [W]

Prénom : [N]

Date et lieu de naissance : [Localité 8], Sri Lanka, le [Date naissance 2] 1963.’

Cette identité est d’ailleurs la même que celle figurant sur son contrat de location passé avec l’office HLM de [Localité 7], à l’adresse du [Adresse 3] à [Localité 7], sur les avis d’échéance et autres factures s’y rapportant, sur ses bulletins de salaire, sur deux attestations de paiement de prestations émanant de la CAF, sur ses avis d’impôt ou avis de situation déclarative à l’impôt sur le revenu.

L’offre de contrat de crédit faite par la société Cetelem à la société Jenifer ayant son siège social à [Adresse 5], daté du 12 mars 2015, pour le financement d’un véhicule neuf de marque Mercedes modèle Classe E type 220 Sportline, dans les cadres réservés à l’ ‘Acceptation du contrat de crédit et adhésion à l’assurance facultative emprunteur’ et ‘Adhésion à l’assurance et à l’assistance facultative’, et encore au bas de la ‘Fiche Conseil Assurance’ (laquelle en entête mentionne ‘[R] [W] [N]’) et sur d’autres pièces annexes, est signé : ‘[N] [M]’, pour le gérant de la société Jenifer lequel se présente (par mention reportée manuscritement) comme étant : ‘[R] [W] [N]’ né le [Date naissance 4] 1963 et domicilié [Adresse 3] à [Localité 7].

Le cautionnement du même jour est lui aussi signé ‘[N] [M]’et ce alors que l’identité de la caution, apposée manuscritement, est ‘[R] [W] [N]’ né le [Date naissance 2] 1963 (date de naissance exacte) à [Localité 8] (lieu de naissance exact). La mention manuscrite légale est manifestement du même scripteur.

Il sera fait observer qu’au bas des statuts de la société Jenifer, de la même manière l’intéressé a signé : ‘[N] [M]’. Cette signature, dont l’appelant ne prétend pas qu’elle ne serait pas la sienne, est similaire à celle figurant au contrat de crédit et à l’acte de cautionnement litigieux.

La même signature : ‘[N] [M]’ figure encore sur l’accusé de réception de la lettre recommandée de mise en demeure datée du 27 novembre 2015 envoyée à ‘M. [R] [W] [N]’ en sa qualité de caution à l’adresse du [Adresse 3] à [Localité 7].

D’autre part, il est à noter que l’acte de cession des parts du 12 mai 2015 mentionne comme identité d’un des deux cédants : ‘[R] [W] [N]’ mais porte la signature : ‘[M]’, au demeurant similaire à celle figurant sur les statuts de la société.

Ainsi, à plusieurs reprises, voir communément, M. [H] [W] a admis sans critique être la personne présentée comme se nommant [R] [W].

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’appelant, les différences de signatures d’un feuillet à l’autre du contrat de crédit ne sont pas flagrantes.

Au surplus, M. [H] [W], qui ne conteste pas avoir été gérant en exercice et en activité dans son épicerie au jour du contrat et du cautionnement litigieux, se garde de dire le moindre mot sur qui pourrait être son usurpateur.

Au vu l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que M. [N] [M] [W] est bien la personne qui a contracté au nom de la société Jenifer le 12 mars 2015, en qualité de gérant de ladite société, avec la société Cetelem, et a souscrit le cautionnement garantissant le crédit accordé.

Sur les manquements allégués de la banque

Sur la disproportion

En droit (selon les dispositions de l’article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.

La proportionnalité du cautionnement s’appréciera donc au jour de l’engagement de caution, soit en l’espèce, au 12 mars 2015.

La preuve de la disproportion et de son caractère manifeste incombe alors à la caution, et non pas à la banque.

À ces fins probatoires M. [H] [W] produit son avis d’impôt 2015 (pièce 13-4) sur les revenus de l’année 2014 dont il résulte que son foyer n’était pas imposable, et qu’il a perçu 4 317 euros de salaires (et son épouse, 2 406 euros).

La société BNP Paribas Personal Finance verse aux débats, en pièce 1g, un document intitulé ‘Fiche de renseignements’, inclus à l’offre de crédit, signé par M. [H] [W], sous la mention reconnaissant l’exactitude des renseignements fournis. Il ressort de ce document que M. [H] [W] a déclaré être gérant de la société Jenifer, être marié, être propriétaire de son logement depuis mai 2003 et percevoir un salaire net de 6 000 euros mensuels.

Il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans être tenue de faire de vérifications complémentaires dès lors que la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et en ce cas la caution n’est pas habile à se prévaloir de revenus ou de charges qui seraient d’une autre réalité, tel que le fait M. [H] [W] faisant valoir que de nombreuses informations inexactes sont mentionnées dans ce document [sur l’activité de la société Jenifer, étant indiqué ‘photocopie’ alors qu’il s’agissait principalement d’une épicerie ; sur le nombre de salariés de l’entreprise, au nombre de cinq selon la fiche, alors que seuls M. [H] [W] et son fils aîné y travaillaient ; sur le fait que la caution est mentionnée comme étant propriétaire de son logement, alors que M. [H] [W] n’a toujours été que locataire ; sur le montant de ses revenus, notablement inférieurs aux 6 000 euros mensuels déclarés dans la fiche]. Force est de constater que cette fiche de renseignements ne contient aucune anomalie ou incohérence.

Au vu de ces éléments contenus dans la fiche patrimoniale, et connus du prêteur, il doit être retenu que M. [H] [W] ne rapporte pas valablement la preuve de la disproportion manifeste qu’il invoque.

En l’absence de toute disproportion de l’engagement de caution de M. [H] [W] eu égard à son patrimoine et compte tenu de ses charges, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce que le tribunal est entré en voie de condamnation à son encontre.

Sur l’application de l’article 2314 du code civil tenant à l’absence de déclaration de créance

Subsidiairement l’appelant soutient que l’omission fautive de la banque de déclarer sa créance au passif de la liquidation de la société Jenifer a entraîné la perte d’un droit préférentiel consistant en la participation aux répartitions et aux dividendes. En sa qualité de caution, il s’est trouvé privé de l’exercice d’un recours subrogatoire à l’encontre de la société Jenifer, débiteur principal. En conséquence, il est bien fondé à invoquer la décharge de son engagement de caution.

L’intimé répond que M. [H] [W] ne démontre pas que l’absence de déclaration de créance par la banque l’aurait privé de son recours subrogatoire contre l’emprunteur, et lui aurait occasionné un préjudice. S’il est vrai que la banque ne trouve pas trace de la déclaration de créance qu’elle a ou aurait dû effectuer suite à la liquidation judiciaire de la société Jenifer publiée le 10 décembre 2016, cela ne peut lui être reproché, et n’a causé aucun préjudice à M. [H] [W]. S’il a vendu ses parts en mai 2015, il n’a fait publier l’acte de cession de parts que de nombreux mois plus tard, en novembre 2015. Il est resté parfaitement silencieux à la réception de la mise en demeure de la société BNP Paribas Personal Finance, alors même qu’il aurait pu lui répondre en lui donnant les coordonnées de son acquéreur, ou en précisant le sort du véhicule acheté à crédit. D’autre part, la procédure collective a été clôturée pour insuffisance d’actif à peine six mois après son ouverture, ce qui démontre l’insolvabilité de la société. Dans ce contexte, la subrogation dont se prévaut M. [H] [W] aurait été parfaitement inefficace puisque la liquidation de la société ne laissait aucun actif à répartir. Dès lors à supposer que l’absence de déclaration de créance constitue une faute de la part de la banque, cette faute n’a occasionné aucun préjudice à l’égard de M. [H] [W], son éventuelle action subrogatoire vis-à-vis de la société Jenifer n’ayant aucune chance d’aboutir favorablement. Enfin, M. [H] [W] a expressément renoncé au bénéfice de discussion en signant son acte de cautionnement. Il ne peut donc venir reprocher à la banque de ne pas avoir d’avoir poursuivi la société Jenifer avant de rechercher la caution.

M. [H] [W] réplique que le fait de n’avoir pas fait publier la cession de ses parts sociales en date du 12 mai 2015 avant le mois de novembre 2015, n’enlève en rien au manquement fautif du prêteur ; en outre, ce n’est pas au cédant qu’il appartient d’accomplir les formalités de déclaration de cession de ses parts sociales mais au cessionnaire ; ladite cession a été réalisée en même temps que la modification du siège social de l’entreprise par le nouvel associé unique gérant de l’entreprise ayant donné lieu à ré-immatriculation de ladite société dans le ressort d’un autre tribunal de commerce ; ce qui n’a pas manqué de différer la date de publication de la cession par le repreneur auprès de la juridiction concernée. Par ailleurs, quant à l’absnence de suite donnée à la mise en demeure qui lui a été adressée le 27 novembre 2015 il doit être rappelé que M. [H] [W] ne lit ni n’écrit le français, et ce courrier du reste adressée à un dénommé [R] [W], faisant état d’un engagement de ‘coemprunteur’ au titre d’un contrat de crédit en vertu duquel il était sollicité que l’appelant règle sous huitaine plus de 50 000 euros, n’appelait aucune réponse de sa part de nature à mobiliser une assistance extérieure afin d’en saisir pleinement la portée. Ce courrier n’évoquait aucunement le financement de l’achat d’une automobile, dont l’existence a été portée à la connaissance de M. [H] [W] pour la première fois dans l’acte introductif d’instance. Enfin, cela n’enlève rien au manquement de la banque : cette dernière avait toute latitude pour s’enquérir de la situation de la société Jenifer, à laquelle M. [H] [W] était aussi étranger qu’elle depuis de nombreux mois, et ce en consultant un journal d’annonces légales ou Infogreffe, dans la perspective d’une action judiciaire à l’encontre de l’entreprise désignée par le prêteur comme un emprunteur défaillant en son obligation de payer, et elle n’en a cependant rien fait.

SUR CE

L’article 2314 du code civil, dispose que ‘La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.’

En l’espèce, M. [H] [W] estime avoir été privé d’un droit préférentiel consistant en la participation aux répartitions et aux dividendes.

Or, la décharge prévue par l’article 2314 du code civil est soumise à trois conditions qui doivent être cumulativement remplies (et uniquement celles-ci) : un droit susceptible de profiter à la caution par voie de subrogation doit avoir été perdu, cette perte doit être intervenue par le fait du créancier, la caution doit avoir éprouvé un préjudice.

Tout d’abord, la caution ne peut être déchargée que si le droit préférentiel existait antérieurement ou concomitamment à son engagement, ou était entré dans les prévisions de la caution. Surtout, il incombe à la caution de rapporter la preuve de la perte d’un droit préférentiel, c’est à dire un droit susceptible de conférer à son titulaire une faculté plus grande dans la perception de sa créance, ajoutant un avantage à sa situation de chirographaire.

En deuxième lieu, le défaut de déclaration de créance du prêteur au passif de la liquidation de l’emprunteur ne constitue pas une faute à l’égard de la caution. Si tel était le cas, encore faudrait il que la perte du droit préférentiel résulte de la faute exclusive du créancier, or l’inertie de M. [H] [W] qui n’a pas jugé utile de réagir d’une quelconque manière (pas même pour se renseigner plus avant) à la mise en demeure qui lui a été faite, a par sa négligence participé au ‘préjudice’ qu’il prétend avoir subi.

Enfin, M. [H] [W] ne démontre pas avoir subi de préjudice dans la mesure où la procédure collective de la société Jenifer s’est rapidement avérée impécunieuse.

Aucune des conditions posées par l’article 2314 du code civil n’étant remplie, M. [H] [W] ne peut donc qu’être débouté de sa demande à être déchargé de l’engagement de caution dont se prévaut la banque.

Sur le quantum de la créance de la banque – modération de la clause pénale

Constitue une clause pénale la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée. La peine ainsi convenue peut être même d’office modérée ou augmentée par le juge si elle est manifestement excessive ou dérisoire, par application de l’article 1152 ancien devenu 1231-5 du code civil.

En l’espèce l’article I.8 de l’offre de contrat de prêt stipule :’En cas de défaillance de votre part dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du réglement effetif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra éxiger une indemnité égale au plus à 8 % du capital dû.’

L’appelant sollicite la modération de la clause pénale sans pour autant développer pour quelle raison elle serait excessive, et la banque intimée rétorque que cette indemnité de 8 % est due, pour être contractuellement prévue.

Il ressort des écritures de la société BNP Paribas Personal Finance, non contestées sur ce point, que seules deux des soixante échéances du prêt ont été payées, et ce avec retard.

Au regard du préjudice effectivement subi par le prêteur, qui a perdu la quasi intégralité des intérêts qu’il aurait perçus si l’emprunteur avait respecté son obligation de remboursement, la clause critiquée ne revêt aucun caractère excessif. Il n’y a donc pas lieu à modération.

Sur la demande de délais de paiement

‘À titre infiniment subsidiaire’ M. [H] [W] demande à la cour de lui ‘octroyer les meilleurs délais de paiement, afin qu’il puisse s’acquitter des sommes qui seraient mises à sa charge au bénéfice de la société BNP Paribas Personal Finance, dans la limite de 24 mois.’

En application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Néanmoins cet aménagement n’est envisageable que si le montant de ces sommes le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur, et si les propositions faites pour l’apurement de la dette permettent à celui-ci de s’en acquitter dans le respect des droits du créancier. L’octroi de délais de paiement n’est pas de plein droit et cette mesure de faveur ne peut bénéficier qu’au débiteur de bonne foi.

L’appelant expose qu’il exerce en qualité d’agent de service à temps partiel dans le domaine de la propreté ; les revenus tirés de son activité professionnelle salariée, de l’ordre de 1 200 euros nets mensuels, le font indéniablement relever de la catégorie des ‘travailleurs pauvres’. C’est la raison pour laquelle il se voit servir diverses prestations sociales par la Caisse d’Allocations Familiales du Val de Marne. Cela lui permet de faire notamment face au paiement de son loyer d’un montant mensuel moyen de 760 euros, ses factures d’abonnement et de consommation d’électricité. Il est père de deux enfants, majeurs à la date des présentes, mais toujours au domicile familial et à sa charge, et son épouse ne travaille pas. Contrairement à ce qu’affirme la banque il n’y a aucune mauvaise foi de la part de M. [H] [W], dont les difficultés financières sont avérées.

La société BNP Paribas Personal Finance rétorque que le juge peut accorder des délais de paiement au débiteur malheureux et de bonne foi, ce que n’est pas M. [H] [W], qui ne reprend aucun versement malgré l’ancienneté de sa dette et les larges délais dont il a, de fait, déjà bénéficié. Il a au contraire multiplié les incidents de procédure, en première instance, à des fins dilatoires.

M. [H] [W] justifie de ressources modestes, soit en dernier lieu un salaire net avant impôt de 1 181,86 euros, augmenté d’une APL de 268,92 euros par mois à mettre en correspondance avec un loyer hors provisions sur charges de 344 euros environ, une prime d’activité de 464,68 euros calculée par la CAF en considération de la présence au foyer (en 2023) de deux enfants majeurs.

Au vu de ces éléments il apparaît que M. [H] [W] est dans l’impossibilité de s’acquitter de sa dette dans le délai de deux ans prévu par la loi, les versements nécessaires pour ce faire qui seraient alors de 4 477,25 euros (53 727,25 euros /12) excédant manifestement ses capacités contributives.

En l’état, sa demande ne peut qu’être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [H] [W] qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société BNP Paribas Personal Finance formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

DÉBOUTE M. [H] [W] de sa demande principale en nullité de l’engagement de caution du 12 mars 2015 pris au titre du prêt du même jour consenti à la société Jenifer par la société Cetelem aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions

sauf en ce que les condamnations ont été prononcées à l’encontre de ‘M [N] [R] [W]’, et statuant à nouveau, dit que lesdites condamnations s’appliquent en réalité à ‘M. [N] [H] [W]’ ;

sauf en ce qui concerne la date du point des intérêts au taux légal, et statuant à nouveau, dit que la somme à laquelle est condamné M. [N] [H] [W] porte intérêt à compter du 27 novembre 2015 date de la mise en demeure qui lui a été adressée à en sa qualité de caution ;

Et y ajoutant :

DÉBOUTE M. [N] [H] [W] de sa demande tendant à être déchargé de l’engagement de caution pour cause de disproportion manifeste ;

DÉBOUTE M. [N] [H] [W] de sa demande tendant être déchargé de l’engagement de caution du 12 mars 2015 pour perte d’un droit préférentiel ;

DÉBOUTE M. [N] [H] [W] de sa demande subsidiaire de modération de la clause pénale ;

DÉBOUTE M. [H] [W] de sa demande subsidiaire de délai de paiement ;

CONDAMNE M. [N] [H] [W] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

CONDAMNE M. [N] [H] [W] aux entiers dépens d’appel et admet Maître Coralie Goutail, avocat constitué, du Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

*

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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