Les dépens devant le juge des requêtes

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Les dépens devant le juge des requêtes

Par application de l’article 491 du code de procédure civile, le juge des référés statue sur les dépens, ce dont il se déduit qu’il en va de même du juge des requêtes.

En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement et, par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé.

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Dès lors qu’une décision ne met pas fin à l’instance, les dépens sont réservés. En équité, chacune des parties conserve alors la charge de ses frais non compris dans les dépens.

Résumé de l’affaire : La société Deprat Jean, spécialisée dans les composants pour volets roulants, détient les brevets français FR 2898633B1 et européen EP 1835123B2. Elle accuse la société SPPF, qui fabrique des solutions de fermeture, de contrefaçon à travers son modèle de coffre de volet roulant « Thermobloc ». Après avoir obtenu une ordonnance autorisant une saisie-contrefaçon, Deprat Jean procède à celle-ci le 7 mars 2024. En réponse, SPPF conteste cette saisie et demande la rétractation de l’ordonnance, arguant que l’expert désigné n’est pas indépendant et que les mesures sont disproportionnées. Deprat Jean, de son côté, demande le rejet des demandes de SPPF et la restitution des éléments saisis. Le juge des requêtes rejette la demande de SPPF de rétractation, ordonne la communication des pièces saisies à SPPF, maintient certaines pièces sous séquestre, et renvoie l’affaire pour un examen ultérieur.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la saisie-contrefaçon selon le Code de la propriété intellectuelle ?

La saisie-contrefaçon est régie par l’article L.615-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.

Cet article précise que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut faire procéder, en tout lieu et par tous huissiers, à la description détaillée des produits ou procédés prétendus contrefaisants, avec ou sans prélèvement d’échantillons, ou à la saisie réelle de ces produits, ainsi que de tout document s’y rapportant.

Il est donc essentiel que la demande de saisie-contrefaçon soit fondée sur des éléments probants, permettant au juge d’autoriser une mesure proportionnée et justifiée.

En outre, l’article R.615-4 alinéa 4 du même code permet au président de la juridiction de donner des instructions à l’huissier pour procéder à toute constatation utile en vue d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon.

Ainsi, la saisie-contrefaçon doit être justifiée par des éléments concrets et ne peut être effectuée que dans le cadre d’une procédure légale.

Quels sont les droits des parties en matière de saisie-contrefaçon ?

Les droits des parties en matière de saisie-contrefaçon sont encadrés par plusieurs articles du Code de la propriété intellectuelle et du Code de procédure civile.

L’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme garantit à toute personne le droit à un procès équitable, ce qui inclut le droit d’être informé des mesures prises à son encontre.

De plus, l’article 10 du Code civil impose à chaque partie de contribuer à la manifestation de la vérité, ce qui signifie que les parties doivent agir de manière loyale et transparente dans le cadre de la procédure.

Les articles L.151-1 et suivants du Code de commerce protègent également les informations considérées comme secrets des affaires, stipulant que toute information qui n’est pas généralement connue, qui a une valeur commerciale et qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables est protégée.

Ainsi, les parties ont le droit de contester les mesures de saisie-contrefaçon, de demander la communication des documents saisis, et de faire valoir leurs droits en matière de secret des affaires.

Comment le juge évalue-t-il la proportionnalité des mesures de saisie-contrefaçon ?

La proportionnalité des mesures de saisie-contrefaçon est évaluée par le juge en fonction des éléments présentés par la partie saisissante.

L’article R.615-4 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle stipule que le juge doit autoriser des mesures qui sont proportionnées aux faits de l’espèce.

Cela signifie que le juge doit examiner si les mesures demandées sont nécessaires pour établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon alléguée.

En outre, l’article 3 de la directive 2004/48/CE impose que les mesures soient effectives, proportionnées et dissuasives, sans créer d’obstacles au commerce légitime.

Dans le cas présent, le juge a considéré que les mesures autorisées par l’ordonnance du 29 février 2024 étaient justifiées par les éléments fournis par la société Deprat Jean, qui soutenait que le produit « Thermobloc » commercialisé par la SPPF reproduisait les caractéristiques de ses brevets.

Ainsi, le juge a conclu que les opérations de recherche, d’inspection et d’interrogation étaient nécessaires pour établir la contrefaçon alléguée, et que les mesures prises ne dépassaient pas ce qui était nécessaire pour atteindre cet objectif.

Quelles sont les implications du secret des affaires dans le cadre de la saisie-contrefaçon ?

Le secret des affaires est protégé par l’article L.151-1 et suivants du Code de commerce, qui définit les critères d’une information considérée comme un secret des affaires.

Pour qu’une information soit protégée, elle doit être non seulement secrète, mais aussi avoir une valeur commerciale et faire l’objet de mesures de protection raisonnables.

Dans le cadre d’une saisie-contrefaçon, les pièces et documents pouvant contenir des informations sensibles doivent être traités avec précaution.

Le juge doit s’assurer que les droits de la partie dont les informations sont saisies sont respectés, notamment en ordonnant la communication des pièces saisies à la partie concernée, tout en maintenant le secret des affaires.

Dans le cas présent, le juge a ordonné que la société SPPF reçoive une copie des pièces saisies, tout en maintenant sous séquestre les pièces non communiquées, afin de protéger les informations sensibles jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur la contrefaçon alléguée.

Ainsi, le secret des affaires joue un rôle crucial dans la protection des informations commerciales tout en permettant la mise en œuvre des mesures de saisie-contrefaçon.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/04422
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

N° RG 24/04422 –
N° Portalis 352J-W-B7I-C4RCQ

N° MINUTE :

Assignation du :
05 avril 2024

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION
rendue le 11 septembre 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. SOCIETE DE PRODUCTION DE PORTES ET FERMETURES
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître François HERPE de la SELARL C.V.S., avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0098

DÉFENDERESSES

S.A. DEPRAT JEAN
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Sophie HAVARD DUCLOS de la SELARL HAVARD DUCLOS & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J079

Société COJUSTICIA
[Adresse 6]
[Localité 3]

défaillante

Le
Expédition exécutoire délivrée à :
– Maître Herpe, vestaire P98
– Maître Havard-Duclos, vestiaire J79
Décision du 11 septembre 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 24/04422 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4RCQ

COMPOSITION

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
assisté de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l’audience du 06 juin 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 11 septembre 2024.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Réputée contradictoire
En premier ressort

_____________________

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Deprat Jean est spécialisée dans la conception, le développement, la fabrication et la commercialisation de composants et pièces pour volets roulants, notamment à destination des professionnels du secteur. À ce titre, elle est titulaire du brevet français FR 2898633B1 (ci-après FR 633), déposé le 16 mars 2006 intitulé “dispositif de montage d’un mécanisme d’enroulement d’un volet roulant ou similaire” et d’un brevet européen EP 1835123B2 (ci-après EP 123), sou spriorité du précédent.
La société de Production de portes et fermetures (ci-après SPPF) a pour activité la conception, la fabriction et la vente de solution de fermetures : portes de garage, volets roulants, persiennes, volets battants.
Estimant que le modèle de coffre de volet roulant “Thermobloc” commercialisé par la SPPF reproduit les caractéristiques des brevets FR 633 et EP 123, la société Deprat Jean, après y avoir été autorisée par ordonnance du 29 février 2024, a fait procéder le 7 mars 2024 à une saisie-contrefaçon au siège de la SPPF, opérée par la société civile professionnelle Cojusticia – Coeurjoly – [P] – Cadiere (ci-après SCP Cojusticia).
Par acte de commissaire de justice du 5 avril 2024, la SPPF a fait assigner la société Deprat Jean et la SCP Cojusticia à l’audience du 6 juin 2024 du juge des requêtes de ce tribunal en rétractation de l’ordonnance de saisie-contrefaçon du 29 février 2024.
Par acte de commissaire de justice du 8 avril 2024, la société Deprat Jean a fait assigner la SPPF à l’audience d’orientation du 4 juin 2024 de ce tribunal en contrefaçon de brevet.
La SCP Cojusticia, assignée à personne morale le 5 avril 2024 n’a pas constitué avocat.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions écrites auxquelles elle s’est expressément référée à l’audience du 6 juin 2024, et auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, la SPPF demande au juge des requêtes de :- à titre principal
> juger que le cabinet Beau de Loménie autorisé par ordonnance du 29 février 2024 à assister comme expert le commissaire de justice des opérations de saisie-contrefaçon requises par la société Deprat Jean n’est pas indépendant, et que l’autorisation de sa participation en qualité d’expert contrevient au droit à un procès équitable
> juger que les mesures autorisées par ordonnance du 29 février 2024 autorisant la saisie-contrefaçon requise par la société Deprat Jean sont disproportionnées
– en conséquence
> rétracter totalement l’ordonnance du 29 février 2024 rendue à la requête de la société Deprat Jean
> ordonner la destruction immédiate du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 mars 2024 aux frais de la société Deprat Jean, celle-ci devant en justifier sans délai par constat d’huissier
> ordonner de lui restituer immédiatement les échantillons de ses produits saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon autorisées suivant ordonnance du 7 mars 2024 et des pièces saisies et non placées sous séquestre aux frais de la société Deprat Jean, celle-ci devant en justifier sans délai par constat d’huissier
> enjoindre à la SCP Cojusticia, prise en la personne de Maître [X] [P], commissaire de justice, de procéder à la destruction de l’ensemble des documents saisis placés sous séquestre provisoire ou à les lui restituer, et d’en dresser procès-verbal
> interdire à la société Deprat Jean, dès le jour de la signification de l’ordonnance à intervenir, d’utiliser, pour les besoins de son activité, ou dans toutes procédures françaises ou étrangères les documents, informations et produits appréhendés lors de l’opération de saisie-contrefaçon diligentée sur la base de l’ordonnance du 29 février 2024 rétractée, de même que le procès-verbal de saisie-contrefaçon ou toute copie qui aurait pu en être faite, et ce sous astreinte de 5000 euros par infraction constatée
> se réserver la liquidation de l’astreinte
– à titre subsidiaire, ou infiniment subsidiaire,
> juger qu’il convient de préserver la confidentialité et le secret des affaires attaché aux pièces, documents et informations saisis à l’occasion des opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 7 mars 2024 et placés sous séquestre provisoire
> modifier l’ordonnance rendue le 29 février 2024 autorisant la saisie-contrefaçon, et y ajoutant :
* dire que le commissaire de justice instrumentaire devra lui remettre une copie des pièces, documents et informations appréhendés lors de ses opérations réalisées le 7 mars 2024 et placés sous séquestre provisoire
* ordonner au commissaire de justice instrumentaire de caviarder les documents saisis suivants, pour en faire disparaître :
° en annexe 1 : les lignes dont la désignation du produit (colonne “désignation”) ne commence pas par “tube PVC rigide”
° en annexe 2 : les lignes dont la description du produit (colonne “description”) ne commence pas par “embout”
° en annexes 7 à 11 : sur chaque page, l’ensemble des éléments chiffrés figurant sur ces annexes, à l’exclusion, au sein du premier tableau de chaque page, du résultat figurant dans la 4e colonne “réalisé” et à la dernière ligne “totaux (correspondant au chiffre d’affaires total réalisé sur une année comptable)
° en annexe 18 à 22 : les éléments d’identification des clients (y compris les informations figurant après la mention “réf. Cde”) ; la colonne “P.U. H.T” ; la colonne “montant total HT”
° au sein du PV de saisie-contrefaçon, p. 22 : la déclaration relative au prix de vente moyen et au prix de revient d’un produit Thermobloc
* ordonner la conservation sous séquestre des pièces, documents et informations saisis et placés sous séquestre provisoire jusqu’au prononcé d’une décision judiciaire définitive au fond sur la caractérisation de la contrefaçon alléguée, ou plus subsidiairement jusqu’au prononcé d’une décision judiciaire définitive sur la communication de ces documents, informations et fichiers conformément aux articles L.153-1 et R.153-3 à R.153-9 du code de commerce
* lui fixer un délai de deux mois à compter de la décision définitive au fond qui caractériserait la contrefaçon alléguée, pour la communication, en application de l’article R.153-3 du code de commerce :
1) de la version confidentielle intégrale des documents et informations conservés sous séquestre par le commissaire de justice instrumentaire dont la communication serait demandée par la société Deprat Jean
2) d’une version non confidentielle ou d’un résumé de ces documents et informations
3) d’un mémoire précisant, pour chacun d’eux, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires
* renvoyer l’affaire à une audience ultérieure afin qu’il soit statué sur la communication des documents, informations et fichiers précités conformément aux articles L.153-1 et R.153-3 à R.153-9 du code de commerce
– en tout état de cause
> débouter la société Deprat Jean de l’ensemble de ses demandes
> condamner la société Deprat Jean à lui payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec distraction au profit de son avocat.

Au soutien de ses demandes, la SPPF fait valoir que :- le conseil en propriété industrielle (CPI) désigné dans l’ordonnance de saisie-contrefaçon n’est pas indépendant, dans la mesure où celui-ci a officié en qualité de représentant de la société Deprat Jean en prenant position sur la caractérisation de la contrefaçon au nom de son client dans la mise en demeure qui lui a été adressée, en sorte que son indépendance n’est plus assurée et sa désignation pour assister le commissaire de justice lors des opérations de saisie-contrefaçon porte atteinte à son droit à un procès équitable
– l’identité du conseil en propriété industrielle dont la société Deprat Jean a sollicité la désignation en tant qu’expert assistant le commissaire de justice n’était pas explicitement mentionnée dans sa requête ni dans les pièces jointes, l’ensemble constituant une présentation déloyale des faits au juge des requêtes
– subsidiairement, les mesures autorisées sont disproportionnées compte tenu de la généralité des termes visant les produits argués de contrefaçon au regard de l’objet des brevets invoqués se limitant au mécanisme d’enroulement des volets roulants, non à l’ensemble de ses produits, en particulier les volets roulants eux-mêmes
– elles sont également disproportionnées au regard de l’absence de limitation des mots-clés dont l’usage a été autorisé au commissaire de justice instrumentaire pour opérer sa saisie-contrefaçon au sein de son système informatique
– une partie de l’ordonnance donne des pouvoirs illicites au commissaire de justice, en ce qu’elle l’autorise à opérer des recherches, des inspections et interrogations, alors que ses pouvoirs se limitent à des opérations de constat
– à titre plus subsidiaire, le séquestre des pièces relevant du secret des affaires ne saurait être levé avant que la juridiction au fond ait statué sur la contrefaçon, ou à titre encore plus subsidiaire, tant qu’une décision définitive sur la communication de ces documents, informations et fichiers n’est pas intervenue
– à ce même titre, les pièces comptables ne relèvent pas des éléments nécessaires à la solution du litige tant qu’une décision définitive n’est pas intervenue relativement au principe de la contrefaçon, en sorte que ces pièces doivent être maintenues sous séquestre provisoire jusqu’à ce terme, outre qu’elle n’est pas en mesure d’identifier précisément les pièces saisies faute d’en avoir reçu copie avec le procès-verbal de saisie-contrefaçon.

Dans ses conclusions écrites auxquelles elle s’est expressément référée à l’audience du 6 juin 2024, et auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, la société Deprat Jean demande au juge des requêtes de :- à titre principal
> rejeter les demande de la SPPF aux fins de rétractation et de modification de l’ordonnance sur requête du 29 février 2024
> ordonner à la société Cojusticia, prise en la personne de Maître [P], commissaire de justice aux [Localité 3], la levée totale du séquestre et de lui remettre l’intégralité des éléments appréhendés au siège social de la SPPF lors des opérations de saisie-contrefaçon des 7 et 8 mars 2024
– à titre subsidiaire, à défaut de rejet des demandes de la SPPF, modifier le point 7 de l’ordonnance sur requête du 29 février 2024 comme suit : “7. le commissaire de justice instrumentaire à faire toute recherches, manipulations et constatations utiles en vue de déterminer l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon alléguée et notamment : (…) accéder ou faire accéder par tous techniciens requis par lui à tous systèmes informatiques (disques durs internes ou externes, CD Rom, serveurs, extranet) existants ou accessibles sur place, notamment en recherchant et procéder aux recherches de fichiers informatiques contenant l’un et/ou l’autre des termes ci-après : “Thermobloc”, ou “entretoise”, au besoin en faisant entrer par leurs détenteurs les mots de passe nécessaires pour ce faire” et y ajoutant : “dire que le commissaire de justice pourra, sous sa responsabilité et avec l’aide du technicien requis par lui, définir tout autre mot clé dont les opérations de saisie-contrefaçon auraient révélé la pertinence”
– dans le cas où le séquestre ne serait pas immédiatement levé, ordonner à la société Cojusticia, prise en la personne de Maître [P], commissaire de justice aux [Localité 3], la levée du séquestre et de lui remettre l’ensemble des éléments appréhendés au siège social de la SPPF lors des opérations de saisie-contrefaçon des 7 et 8 mars 2024, après le prononcé d’une décision judiciaire définitive au fond caractérisant les actes de contrefaçon qu’elle poursuit dans le cadre de l’affaire enrôlée devant la troisième chambre, 1ère section du tribunal judiciaire de Paris (RG 24/04813)
– en toute état de cause
> ordonner à la société Cojusticia, prise en la personne de Maître [P], commissaire de justice aux [Localité 3], la levée du séquestre et lui remettre les annexes 4 à 6 et les annexes 12 à 17 appréhendées au siège social de la SPPF lors des opérations de saisie-contrefaçon des 7 et 8 mars 2024
> condamner la SPPF à lui payer 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, avec distraction au profit de son avocat.

La société Deprat Jean oppose que :- le juge des requêtes a été parfaitement informé de l’identité et de l’intervention du CPI compte tenu que la mise en demeure à laquelle il a participé figurait parmi les pièces annexées à la requête et remises lors de son dépôt
– le CPI peut assister aux opérations de saisie-contrefaçon, compte tenu de son statut particulier qui le rend par principe indépendant de son client, même s’il est son conseil habituel comme en l’espèce, l’expert assistant le commissaire de justice n’étant pas soumis à un devoir d’impartialité, en sorte que le fait que le CPI désigné ait participé à la mise en demeure préalable de la SPPF n’interdisait pas sa désignation comme expert assistant le commissaire de justice lors de la saisie-contrefaçon
– en matière de saisie-contrefaçon, le commissaire de justice dispose de pouvoirs qui vont au-delà de la seule constatation de ce qui est disponible, dans la mesure où il peut se faire ouvrir des portes ou procéder à des intrusions dans les systèmes informatiques
– le périmètre de la saisie-contrefaçon peut valablement viser des produits portant un nom différent de celui utilisé par la SPPF pour l’un de ses produits, les opérations pouvant révéler que d’autres références que celle identifiée au stade de la requête peuvent être arguées de contrefaçon au cours des opérations
– l’ordonnance n’a pas autorisé de mesures disproportionnées de saisies dans le système informatique de la SPPF dès lors que l’objet des investigations était limité à ses seules allégations de contrefaçon des brevets invoqués, les mots-clés utilisés lors de la saisie s’étant limités aux seules références d’articles découverts sur place
– la SPPF dispose de l’ensemble des éléments et documents qu’elle a elle-même confiée au commissaire de justice instrumentaire lors de la saisie-contrefaçon, de sorte que ses demandes de remises de copie sont sans objet.

MOTIVATION

1 – Sur la demande en rétractation totale de l’ordonnance de saisie-contrefaçon du 29 février 2024

L’article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.À cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant (…).

1.1 – S’agissant du moyen tiré de l’absence d’indépendance et d’impartialité de l’expert

L’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
L’exercice de la profession de conseil en propriété industrielle est encadré par les articles L.421-1 et suivants du code de la prorpiété intellectuelle, garantissant, notamment par les articles L.422-1, L.422-6, L422-12, L.422-13, leur indépendance.

Le fait que le conseil en propriété industrielle de la partie saisissante ait, à l’initiative de celle-ci, établi un rapport décrivant les caractéristiques du produit incriminé ne fait pas obstacle à sa désignation ultérieure, sur la demande du saisissant, en qualité d’expert pour assister l’huissier dans le cadre d’une saisie-contrefaçon de brevet, sa mission n’étant pas soumise au devoir d’impartialité et ne constituant pas une expertise (en ce sens, Com. 27 mars 2019, n°18-15.005).

Or, le conseil en propriété industrielle, fût-il le conseil habituel de la partie saisissante, exerce une profession indépendante, dont le statut est compatible avec sa désignation en qualité d’expert du saisissant dans le cadre d’une saisie-contrefaçon de brevet.

Ainsi, le conseil en propriété industrielle assistant le commissaire de justice lors des opérations de saisie-contrefaçon n’étant pas soumis à une obligation d’impartialité, la désignation du cabinet Beau de Loménie par le juge des requêtes dans son ordonnance du 29 février 2024 a pu valablement intervenir quant bien même ce même conseil en propriété industrielle a adressé une lettre recommandée à la SPPF le 6 décembre 2022 détaillant, selon lui, la reproduction des caractéristiques des brevets FR 633 et EP 123 par un modèle de coffre de volet roulant commercialisé par la SPPF (pièce SPPF n°4).

De plus, contrairement à ce que soutient la SPPF, cette lettre recommandée ne contient aucune mise en demeure, invitant seulement la SPPF à initier une solution amiable.

Le moyen tiré de l’absence d’indépendance et d’impartialité de l’expert désigné par l’ordonnance du 29 février 2024 pour assister le commissaire de justice sera, en conséquence, écarté.

1.2 – S’agissant du moyen tiré de la présentation déloyale des faits

L’article 10 du code civil dispose que chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité.Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu’il en a été légalement requis, peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte ou d’amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts.

Selon l’article 3 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif.

Il résulte de ces dispositions que celui qui sollicite l’autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l’exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d’autoriser une mesure proportionnée (en ce sens Com. 6 décembre 2023, n°22-11.071).
Au cas présent, la seule circonstance que le nom du cabinet Beau de Loménie ne figurât pas dans la requête présentée par la société Deprat Jean n’est pas de nature à constituer une présentation déloyale des faits dans la mesure où, d’une part, elle a fait état dans la requête du courrier du 6 décembre 2022 établi et transmis par “son conseil en propriété indutrielle” et, d’autre part, ce courrier est produit dans sa version intégrale mentionnant le nom de la société de conseil et l’identité des signataires parmi les pièces produites au soutien de cette requête (pièce SPPF n°7).
Le moyen tiré de la présentation déloyale des faits au juge des requêtes sera, en conséquence écarté et la demande de la SPPF de rétractation totale de l’ordonnance du 29 février 2024 sera rejetée, incluant les demandes qui en sont la conséquence.

2 – Sur le moyen tiré de la disproportion des mesures autorisées

L’article R.615-4 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle dispose que le président peut autoriser l’huissier à procéder à toute constatation utile en vue d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon.

Les dispositions précitées de l’article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, lues à la lumière de l’article 3 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 également précité imposent au juge de n’autoriser qu’une mesure de saisie-contrefaçon proportionnée aux faits de l’espèce (en ce sens Com. 6 décembre 2023, n°22-11.071).

En l’occurrence, l’autorisation accordée au commissaire de justice instrumentaire par l’ordonnance du 29 février 2024 querellée a pu, sans disproportion, lui permettre de “procéder à toutes recherches, inspections, interrogations et constatations utiles (…)”, ces opérations se fondant sur les éléments produits par la société Deprat Jean tendant à étayer ses allégations de contrefaçon des brevets FR 633 et EP 123 par le produit “Thermobloc” commercialisé par la SPPF.
Les allégations de la société Deprat Jean reposant sur des pièces et une argumentation non dénuée de tout fondement, les opérations de recherche, d’inspection et d’interrogation autorisées relèvent de la finalité de la saisie-contrefaçon telle qu’elle résulte des dispositions précitées.
Les brevets FR 633 et EP 123 invoqués par la société Deprat Jean au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon divulguent “un dispositif de montage d’un mécanisme d’enroulement d’au moins un premier moyen roulant d’occultation et/ou d’obscurcissement d’une ouverture, notamment un volet roulant (…)” selon la revendication 1 rédigée en termes identiques au sein des deux brevets (pièces Deprat Jean n°2.1 et 2.2).
L’ordonnance précisant dans son paragraphe 2 que la saisie-contrefaçon est limitée aux opérations nécessaires à la localisation de “tous produits de SPPF susceptibles de reproduire les caractéristiques d’au moins une revendication” des brevets susvisés, celle-ci a nécessairement et suffisamment restreint le champ des investigations du commissaire de justice aux seuls produits susceptibles de contrefaire les revendications des brevets invoqués. Elle précise au sein du même paragraphe, après l’adverbe “notamment” une référence de produit de la SPPF identifiée par la société Deprat Jean comme arguée de contrefaçon.
Pour autant, la circonstance que la société Deprat Jean n’ait identifié que cette seule référence comme pouvant constituer une contrefaçon de ces deux brevets n’interdisait pas au juge des requêtes, à la demande de la saisissante, d’autoriser le commissaire de justice à identifier d’autres références arguées par celle-ci de contrefaçon des mêmes brevets et qui seraient révélées lors des opérations de saisie-contrefaçon. En effet, l’identification par la société Deprat Jean d’une référence de produit commercialisé par la SPPF comme susceptible de contrefaire les deux brevets invoqués constitue un indice suffisant permettant d’autoriser toute constatation relative à d’éventuelles autres références susceptibles de contrefaire les mêmes brevets, ces opérations relevant de l’établissement de la consistance et de l’étendue de la contrefaçon visée à l’article R.615-4 précité.
Par ailleurs, le champ de protection des brevets FR 633 et EP 123 portant sur un mécanisme d’enroulement de volets roulants ou de dispositifs similaire, la SPPF est mal fondée à considérer que la saisie-contrefaçon autorisée est disproportionnée lorsqu’elle permet d’appréhender des volets roulants, ceux-ci ayant, par définition, pour spécificité de pouvoir être enroulés.
Il en va de même du paragraphe 7 dernier alinéa de l’ordonnance litigieuse qui autorise le commissaire de justice à “accéder ou faire accéder à tout technicien à tous systèmes informatiques (disques durs internes ou externes, CD Rom, serveurs, extranet) existants ou accessibles sur place, notamment en recherchant le terme « Thermobloc » ou « entretoise », au besoin en faisant entrer par leurs détenteurs les mots de passe nécessaires pour ce faire” (pièce SPPF n°7).
Cette autorisation ne peut être lue qu’à la lumière des paragraphes précédents limitant les opérations du commissaire de justice instrumentaire aux seuls produits argués de contrefaçon des brevets FR 633 et EP 123, en sorte que c’est sans disproportion que cette autoristion a été délivrée.
Le moyen tiré de la disproportion des mesures autorisées sera, en conséquence, rejeté.

3 – Sur les demandes au titre du secret des affaires

Conformément à l’article L.151-1 et suivants du code de commerce, est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le commissaire de justice instrumentaire a procédé au placement sous séquestre provisoire des pièces arguées de secret des affaires par la SPPF lors des opérations de saisie-contrefaçon.
Néanmoins, l’exercice des droits de la SPPF sur ces pièces, en particulier ceux régis par l’article R.153-3 du code de commerce, suppose qu’elle ait connaissance de la version intégrale des pièces saisies. Cette communication sera, en conséquence ordonnée, à ses frais avancés.
La détermination des pièces nécessaires à la solution du litige, comme celles couvertes par le secret des affaires, y compris celles non expressément visées par la SPPF dans ses dernières écritures, sera renvoyée dans un premier temps à un règlement amiable entre les parties, par exemple par la constitution d’un cercle de confidentialité conformément à l’article L.153-1 2° du code de commerce, le cas échéant, à l’aide d’un médiateur conventionnellement désigné par les parties, les pièces saisies étant maintenues sous séquestre provisoire sans qu’il soit besoin de statuer dès à présent sur le terme de ce séquestre.
La demande de remise immédiate de ces pièces formulées par la société Deprat Jean sera, en conséquence, rejetée.
4 – Sur les demandes accessoires

Par application de l’article 491 du même code, le juge des référés statue sur les dépens, ce dont il se déduit qu’il en va de même du juge des requêtes.
En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement et, par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé.
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La décision ne mettant pas fin à l’instance, les dépens seront réservés.
En équité, chacune des parties conservera la charge de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le juge des requêtes,

Rejette la demande de la société de Production de portes et fermetures en rétractation totale de l’ordonnance du 29 février 2024 et de ses demandes subséquentes ;

Ordonne à la SCP Cojusticia, prise en la personne de Maître [X] [P], de communiquer à la société de Production de portes et fermetures une copie des pièces saisies dans leur version intégrale, aux frais avancés de cette dernière ;

Ordonne le maintien sous séquestre provisoire des pièces non communiquées à la société Deprat Jean ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur le surplus des demandes de la société de Production de portes et fermetures ;

Rejette la demande de la société Deprat Jean de remise immédiate des pièces saisies ;

Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience (dématérialisée) du juge des requêtes du 28 novembre 2024 à 14h00 pour accord des parties sur un cercle de confidentialité ou pour communication au juge par la SPPF de la totalité des pièces et informations relatives aux pièces saisies arguées de secret des affaires, en dehors de la plate-forme de communication électronique, par lien électronique communiqué à l’adresse suivante : [Courriel 7] ;

Réserve les dépens et les demandes au titre des frais non compris dans les dépens.

Fait et jugé à Paris le 11 septembre 2024

La greffière Le juge des requêtes
Lorine Mille Jean-Christophe Gayet


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