Lorsqu’un couple a vécu en concubinage et qu’il se sépare, la demande de restitution d’oeuvres d’art suit le régime de la demande de revendication de meubles.
Aux termes de l’article 2276 du code civil, en fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. L’ex conjoint qui souhaite obtenir cette restitution doit établir par des factures, par exemple, que les oeuvres lui appartiennent, il lui appartient égalmeent de démontrer que les œuvres revendiquées se trouvent bien au domicile de l’ex conjoint. En l’espèce, aucune des pièces produites ne vient identifier les tableaux qui seraient effectivement présents au domicile de l’ex époux/se. Aucune enquête de police n’a été diligentée, l’ex conjoint ne justifiant pas avoir porté plainte pour vol comme le lui recommandait pourtant le policier chargé de prendre sa main courante, ni aucun constat d’huissier, pièce objective qui aurait pourtant permis de démontrer l’éventuelle rétention commise à son préjudice, et, le cas échéant, d’identifier précisément les œuvres conservées. Dans ces conditions, l »ex conjoint sur lequel repose la charge de la preuve, échoue à démontrer que son ancien partenaire de vie aurait effectivement conservé les œuvres d’art revendiquées. Par ailleurs, le paiement des loyers de la mise en garde-meuble des effets personnels de l’ex-conjoint s’analyse comme un prêt de consommation. En application de l’article 1892 du code civil, le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge pour cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité. Consenti entre particuliers, ce prêt est un contrat réel qui suppose la remise d’une chose. De jurisprudence constante, l’absence d’intention libérale de celui qui agit en restitution ne suffit pas à elle seule à établir l’obligation de restitution de la somme versée. Celui qui a remis les fonds doit donc rapporter, en complément de la preuve du versement, la preuve par tous moyens admissibles qu’il a prêté comme il l’affirme. C’est donc à celui qui réclame le paiement des loyers du garde meuble qu’il appartient d’apporter la preuve de la formation du prêt. Entre particuliers, l’objet de la preuve du prêt est double : le demandeur à la restitution doit prouver qu’il a remis une somme d’argent (élément matériel), et d’autre part que cette remise a eu lieu au titre d’un prêt (élément psychologique). |
Résumé de l’affaire : Mme [L] [I] a créé une galerie d’art en 2010 et a vécu en concubinage avec M. [C] [W] de 2017 à 2022. Après leur séparation, elle a demandé la restitution de tableaux et sculptures laissés chez M. [W]. En avril 2022, elle lui a adressé une mise en demeure, suivie d’une assignation en justice en janvier 2023 pour obtenir la restitution de 24 œuvres d’art. Mme [L] [I] soutient être la propriétaire légitime des œuvres, fournissant des preuves de possession antérieure. M. [W] conteste cette revendication, affirmant qu’elle ne prouve pas que les œuvres sont chez lui et demande le remboursement de frais de gardiennage. Le tribunal a rendu un jugement déclarant Mme [L] [I] irrecevable dans ses demandes, déboutant ses revendications et la condamnant à rembourser M. [W] pour des frais avancés, ainsi qu’à payer des dépens et des frais d’avocat.
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Q/R juridiques soulevées :
Sommaire Quelle est la nature de la demande de Mme [L] [I] concernant les œuvres d’art ?Mme [L] [I] a introduit une action en revendication visant à obtenir la restitution de 24 œuvres d’art, ainsi que de 6 œuvres de Miodrag, qu’elle affirme appartenir et qui se trouvent au domicile de son ancien concubin, M. [C] [W]. Cette demande est fondée sur l’article 2276 du Code civil, qui stipule que « en fait de meubles, la possession vaut titre ». Cela signifie que celui qui possède un bien est présumé en être le propriétaire, sauf preuve du contraire. Mme [I] soutient qu’elle est la véritable propriétaire des œuvres, en produisant des certificats d’authenticité, des photographies et une facture, et qu’elle a démontré l’antériorité de sa possession. Elle affirme également que M. [W] ne peut pas être considéré comme possesseur de bonne foi, car il sait qu’elle est la propriétaire des œuvres. Quelles sont les conséquences de la fin de non-recevoir soulevée par Mme [L] [I] ?La fin de non-recevoir est un moyen juridique qui vise à déclarer une demande irrecevable sans examen au fond. Dans ce cas, Mme [L] [I] a soulevé la prescription d’une partie de la demande reconventionnelle de M. [C] [W] concernant le remboursement des loyers afférents au box loué à compter du 27 mai 2017. Selon l’article 122 du Code de procédure civile, la prescription est un motif de fin de non-recevoir. Cependant, l’action ayant été introduite le 20 janvier 2023, après le 1er janvier 2020, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur cette fin de non-recevoir, conformément à l’article 789 6 ° du même code. En conséquence, Mme [L] [I] a été déclarée irrecevable en sa demande fondée sur la prescription, car elle n’a pas adressé de conclusions d’incident au juge de la mise en état. Quelles sont les conditions pour revendiquer des meubles selon le Code civil ?Pour revendiquer des meubles, l’article 2276 du Code civil précise que « la possession vaut titre ». Cela signifie que la personne qui possède un bien est présumée en être le propriétaire, sauf preuve du contraire. Cependant, celui qui a perdu ou à qui une chose a été volée peut revendiquer cette chose pendant trois ans à compter de la perte ou du vol. Dans le cas présent, Mme [L] [I] doit prouver que les œuvres d’art qu’elle revendique se trouvent effectivement au domicile de M. [C] [W]. Elle a produit des éléments de preuve, tels que des photographies et des attestations, mais le tribunal a estimé qu’elle n’a pas réussi à démontrer que les œuvres étaient encore présentes chez M. [W] au moment de sa demande. Comment M. [C] [W] justifie-t-il sa demande reconventionnelle ?M. [C] [W] a formulé une demande reconventionnelle pour obtenir le remboursement de la somme de 10 496,53 euros, correspondant à des frais de gardiennage qu’il a payés pour le compte de Mme [L] [I] entre le 26 juin 2017 et le 26 octobre 2021. Il fonde sa demande sur plusieurs articles du Code civil, notamment l’article 1100, qui traite des obligations civiles, et les articles 1892 et 1902, relatifs au prêt. M. [W] soutient que les paiements qu’il a effectués étaient des prêts consentis à Mme [I], et il produit des relevés bancaires et des attestations pour prouver qu’elle s’était engagée à le rembourser. Cependant, Mme [I] conteste cette demande, arguant que les sommes versées par M. [W] étaient des contributions aux charges de la vie courante et qu’il ne prouve pas l’existence d’un contrat de prêt. Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans ce jugement ?L’exécution provisoire est une mesure qui permet à une décision de justice d’être exécutée immédiatement, même si elle est susceptible d’appel. Selon les articles 514 et 514-1 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire. Dans le jugement rendu, le tribunal a décidé que l’exécution provisoire de l’ensemble du jugement est de droit, sans qu’aucun motif ne justifie de l’écarter. Cela signifie que Mme [L] [I] doit se conformer immédiatement à la décision, notamment en ce qui concerne le remboursement des frais avancés par M. [C] [W] et le paiement des dépens. Cette exécution provisoire vise à garantir que les droits de M. [C] [W] soient respectés pendant la durée de l’éventuel appel, assurant ainsi une protection de ses intérêts. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 06 SEPTEMBRE 2024
AFFAIRE N° RG 23/01125 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XHMQ
N° de MINUTE : 24/00489
Chambre 7/Section 3
Madame [L] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (LUXEMBOURG)
représentée par Me Mathilde BOISNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R181 (POSTULANT) et par Me Thomas HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ (PLAIDANT)
DEMANDEUR
C/
Monsieur [C] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Karima TAOUIL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 173
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Président : Madame Christelle HILPERT, Première Vice-Présidente
Assesseurs : Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-Présidente, magistrat ayant fait rapport à l’audience
Monsieur Michaël MARTINEZ, Juge
Assistés aux débats de : Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.
DEBATS
Audience publique du 17 Mai 2024
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Madame Christelle HILPERT, Première Vice-Présidente, assistée de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [L] [I] a créé une galerie d’art en 2010.
Elle a vécu en concubinage avec M. [C] [W] au domicile de ce dernier sis [Adresse 1] à compter du mois d’août 2017 et le couple s’est séparé en début d’année 2022.
Le 2 avril 2022, elle s’est rendue au domicile de M. [C] [W] pour chercher des affaires lui appartenant.
Par courrier recommandé du 21 avril 2022, Mme [L] [I] a mis en demeure M. [C] [W] de lui restituer des tableaux et deux sculptures lui appartenant et restés au domicile de M. [W].
Par acte d’huissier de justice du 20 janvier 2023, Mme [L] [I] a fait assigner M. [C] [W] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’obtenir la restitution des œuvres d’art non restituées par M. [C] [W].
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 octobre 2023, Mme [L] [I] demande au tribunal de condamner M. [C] [W] à lui restituer 24 œuvres d’art qu’elle détaille dans ses écritures, outre 6 œuvres de Miodrag non encadrées dans un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par œuvre d’art, de débouter M. [C] [W] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit.
Au soutien de son action en revendication, Mme [L] [I] produit la liste des œuvres d’art concernées, leurs certificats d’authenticité, une facture du 29 décembre 2014, ainsi que des photographies.
Elle fonde son action sur l’article 2276 du code civil et affirme démontrer être la véritable propriétaire des œuvres restées au domicile de M. [W]. Elle estime démontrer l’antériorité de sa possession par la production de photographies prises en 2014 ajoutant que M. [W] ne saurait, en tout état de cause, être possesseur de bonne foi dès lors qu’il la sait propriétaire des œuvres.
Pour contrer la contestation formée par M. [W], elle verse notamment aux débats un mail du 22 mars 2022 par lequel celui-ci reconnaît être resté en possession de tableaux et de dessins à son domicile. Si elle admet avoir pu récupérer au mois d’avril 2022 un buffet ainsi que d’autres effets personnels, elle conteste avoir pu reprendre ses tableaux, ainsi que deux sculptures laissées au domicile de M. [W].
En réponse à la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 10 496,53 euros correspondant à des frais de gardiennage payés entre le 26 juin 2017 et le 26 octobre 2021, elle excipe de la prescription de sa demande concernant les loyers versés antérieurement au 7 avril 2018.
Elle déclare par ailleurs que M. [C] [W] ne démontre pas avoir payé les 54 échéances de loyer dont il sollicite le remboursement, pas plus qu’il n’établit l’existence du contrat de prêt qu’il lui aurait consenti. Elle conteste toute impossibilité morale en l’espèce d’établir un écrit, et constate l’absence de preuve, par le défendeur, d’une obligation de restitution. Elle précise que M. [W] a, de sa propre initiative, entendu louer un box auprès de la société Shurgard France, dans lequel il a stocké des cartons contenant la comptabilité du salon de coiffure de son fils et dans lequel elle a entreposé des œuvres d’art, et conteste la force probatoire des attestations versées aux débats par M. [C] [W], qu’elle qualifie de complaisance et argue de faux.
Elle indique s’être séparée de M. [C] [W] au cours de l’année 2022 et avoir remboursé tous les frais avancés par celui-ci, notamment les frais occasionnés par un déplacement pour récupérer des lits jumeaux chez son ex-mari en fin d’année 2019, ainsi que les frais liés à son déménagement au Luxembourg au mois de juillet 2021.
Elle conteste que M. [C] [W] lui ait jamais demandé de lui rembourser les frais de location du box avant ses conclusions du 4 ou 7 avril 2023 et ajoute que les frais qu’il a pu régler pour son compte l’ont été dans une intention libérale.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 juillet 2023, M. [C] [W] demande au tribunal à titre principal de débouter Mme [I] de ses prétentions et de la condamner à titre reconventionnel à lui payer la somme de 10 496,53 euros au titre de frais de stockage, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit.
Pour contrer l’action en revendication formée par Mme [I], M. [W] soutient, sur le fondement de l’article 9 du code de procédure civile, que celle-ci ne démontre pas que les œuvres dont les photographies sont produites seraient à son domicile et qualifie de complaisance le témoignage de M. [X]. Il ajoute que son ancienne concubine ne fait notamment aucune mention d’un tableau ou d’une œuvre d’art restant à récupérer dans son courriel du 15 mars 2022 annonçant sa venue le 2 avril 2022 afin de récupérer les derniers meubles entreposés chez lui.
A titre reconventionnel, il sollicite la condamnation de Mme [I] à lui rembourser les frais engendrés par la location d’un garde-meuble qu’il déclare avoir réglés dans l’intérêt de celle-ci, à charge pour elle de les lui rembourser. Il considère cette demande recevable, Mme [I] s’étant engagée à plusieurs reprises à lui rembourser ces frais, et pour la dernière fois le 20 février 2021. Il fonde sa demande en remboursement sur l’obligation civile que sa concubine aurait contractée envers lui en s’engageant à le rembourser prévu par l’article 1100 du code civil, sur le prêt qu’il lui aurait consenti par ses paiements successifs et les articles 1892 et 1902 du code civil et sur le paiement de la dette d’autrui prévu à l’article 1342-1 du même code, et verse au soutien de cette demande les copies de ses relevés bancaires, les factures acquittées, des témoignages faisant état de cette obligation de remboursement et un courriel rédigé par Mme [I] le 20 février 2021.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures, dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 17 mai 2024.
Le jugement, contradictoire, a été mis en délibéré au 6 septembre 2024.
Sur la fin de non-recevoir
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Dans ses conclusions récapitulatives adressées au tribunal le 11 octobre 2023, Madame [I] excipe de la prescription d’une partie de la demande reconventionnelle formée par M. [W] et tendant au remboursement des loyers afférents au box loué à compter du 27 mai 2017.
Cependant, l’action ayant été introduite le 20 janvier 2023, soit après le 1er janvier 2020, l’examen de la fin de non-recevoir ainsi soulevée relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
En effet, aux termes de l’article 789 6 ° du code de procédure civile en vigueur depuis cette date, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Dans ces conditions, Mme [I], qui n’a pas spécialement adressé au juge de la mise en état des conclusions d’incident tendant à voir déclarée prescrite une partie des demandes de M. [W], doit être déclarée irrecevable en sa demande fondée sur la prescription.
Sur la demande de revendication de meubles
Aux termes de l’article 2276 du code civil, en fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient.
En l’espèce, Mme [L] [I] expose que, depuis leur séparation, M. [C] [W] conserverait à son domicile 24 œuvres d’art qu’elle détaille dans ses écritures et à sa pièce n° 2, outre six petites œuvres de Miodrag non encadrées et pour lesquelles elle n’a pas relevé les références, dont elle sollicite par la présente action la restitution.
Outre des photographies, elle verse aux débats des certificats d’authenticité de ces œuvres, une facture à son nom du 29 décembre 2014 relative à un triptyque d’[F] [Y] et une attestation du 31 août 2018 par laquelle M. [K] déclare avoir vendu le 26 novembre 2013 à Mme [I] l’œuvre qu’elle vise dans ses écritures sous le numéro 19.
Pour pouvoir valablement revendiquer sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par œuvre d’art les meubles qu’elle déclare se trouver au domicile de son ancien concubin, il lui appartient de démontrer que les œuvres qu’elle revendique se trouvent bien audit domicile.
Pour le démontrer, elle verse aux débats des photographies non datées de ce qu’elle déclare être l’habitation de M. [C] [W], l’attestation par laquelle M. [T] [X] a déclaré le 24 mars 2022 s’être rendu le 29 janvier 2022 avec Mme [I] au domicile de M. [W] afin de « l’aider à charger la camionnette qu’elle avait louée pour son déménagement » et que « M. [C] [W], son concubin et propriétaire de la maison était présent et s’est opposé à ce qu’elle prenne un buffet et un ensemble de tableaux. Il a reconnu que ce meuble et ces tableaux étaient bien la propriété de Mme [I] mais a catégoriquement refusé qu’elle les emmène (…). Elle a dû repartir sans ses biens », ainsi qu’une main courante du 31 janvier 2022 par laquelle elle rapporte la scène du 29 janvier 2022 décrite par M. [X] et, malgré les recommandations du policier, refuse de porter plainte pour vol. Elle produit en outre un courrier que lui a adressé M. [C] [W] le 22 mars 2022 dans lequel il indique que le buffet et les tableaux ou dessins se trouvant à son domicile ne couvrent sûrement pas la somme qu’elle lui doit, ainsi qu’une lettre recommandée du 21 avril 2022 par laquelle elle met en demeure M. [C] [W] de lui restituer un certain nombre de tableaux et une sculpture lui appartenant. Elle verse enfin aux débats une attestation de M. [O] [E], aux termes de laquelle celui-ci indique le 15 février 2023 connaître de longue date Mme [I], avoir pu constater qu’elle était bien propriétaire de diverses œuvres d’art avant de s’établir chez M. [W] et avoir pu constater en février 2018 que certains de ses tableaux étaient accrochés au domicile de M. [W].
Ces éléments de preuve démontrent que, au cours de la période du 29 janvier 2022 au 22 mars 2022, un buffet et des tableaux non identifiés étaient bien présents au domicile de M. [C] [W].
Cependant, dans ses dernières écritures, M. [C] [W] conteste la version des faits de Mme [I] et sollicite son débouté au motif qu’elle ne démontre pas que des meubles lui appartenant seraient encore à son domicile.
Pour soutenir sa contestation, il verse aux débats sa pièce n° 12, à savoir le courriel par lequel Mme [I] lui indiquait entendre louer une camionnette et venir à son domicile le 2 avril 2022 afin de récupérer ses meubles et de repartir « dès que tout sera chargé ».
Mme [I] ne conteste pas être bien venue récupérer divers meubles le 2 avril 2022 au domicile de M. [W].
Alors qu’elle était prête à charger ses tableaux avec M. [X] dans une camionnette le 29 janvier 2022, elle a dès lors pu récupérer tout ou partie de ses tableaux à cette occasion.
Or, aucune des pièces produites par Mme [I] ne s’avère postérieure à ce jour de reprise.
Par ailleurs, aucune des pièces produites ne vient identifier les tableaux qui seraient effectivement présents au domicile de M. [W].
Aucune enquête de police n’a été diligentée, Mme [I] ne justifiant pas avoir porté plainte pour vol comme le lui recommandait pourtant le policier chargé de prendre sa main courante le 31 janvier 2022, ni aucun constat d’huissier, pièce objective qui aurait pourtant permis de démontrer l’éventuelle rétention commise par M. [W] à son préjudice, et, le cas échéant, d’identifier précisément les œuvres conservées.
Dans ces conditions, Mme [L] [I], sur laquelle repose la charge de la preuve, échoue à démontrer que M. [W] aurait effectivement conservé les œuvres d’art qu’elle revendique, et ne peut qu’être déboutée de son action en restitution et de sa demande de condamnation sous astreinte.
Sur la demande reconventionnelle au titre des frais de stockage
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Le 27 mai 2017, Mme [L] [I] a conclu un contrat de stockage n° 22009713 auprès de la société Shurgard pour un montant mensuel de 108,33 euros hors TVA et un contrat d’assurance y associé pour un montant mensuel de 50 euros. Dans le cadre de ce contrat de location de box, Mme [L] [I] a autorisé la société Shurgard à effectuer des paiements à distance à partir de la carte bleue dont elle est titulaire, ces paiements ne pouvant toutefois être effectués qu’après communication orale de son cryptogramme.
M. [W] expose avoir payé la somme de 10 496,53 euros au titre des frais de gardiennage liés à ce contrat, dans l’intérêt de Mme [I], et en sollicite à titre reconventionnel le remboursement. Mme [I] s’oppose à cette demande reconventionnelle, indiquant que les sommes ont été versées par M. [W] au titre de sa contribution aux charges de la vie courante et qu’il ne démontre pas l’existence d’un contrat de prêt.
En application de l’article 1892 du code civil, le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge pour cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.
Consenti entre particuliers, ce prêt est un contrat réel qui suppose la remise d’une chose. De jurisprudence constante, l’absence d’intention libérale de celui qui agit en restitution ne suffit pas à elle seule à établir l’obligation de restitution de la somme versée. Celui qui a remis les fonds doit donc rapporter, en complément de la preuve du versement, la preuve par tous moyens admissibles qu’il a prêté comme il l’affirme.
C’est donc à M. [W] qu’il appartient d’apporter la preuve de la formation du prêt. Entre particuliers, l’objet de la preuve du prêt est double : le demandeur à la restitution doit prouver qu’il a remis une somme d’argent (élément matériel), et d’autre part que cette remise a eu lieu au titre d’un prêt (élément psychologique).
S’agissant de l’élément matériel du prêt, pour justifier de la créance dont il se prévaut, M. [W] rappelle que le contrat de stockage a été souscrit le 27 mai 2017 au seul nom de Mme [I] et produit un tableau réalisé par ses soins, ainsi que ses relevés de compte ouverts dans les livres de la Société générale entre le 29 juin 2017 et le 28 octobre 2021.
Les relevés de compte qu’il communique en sa pièce n° 14 ne font cependant pas état des paiements suivants qu’il comptabilise dans son tableau :
80,95 euros le 16 juillet 2017 ;210,80 euros le 26 octobre 2019 ;222,80 euros le 26 janvier 2021 ;
Ces trois sommes doivent donc être retranchées de sa prétention, M. [W] ne justifiant pas avoir payé plus que la somme de 9 981,98 euros sur le fondement du contrat de stockage souscrit par Mme [I].
S’agissant de l’élément psychologique du prêt, M. [W] indique, au visa de l’article 1360 du code civil, avoir été dans l’impossibilité morale d’établir un écrit par lequel Mme [I] se reconnaissait redevable des sommes qu’il versait pour son compte à la société Shurgard.
Les liens d’estime et d’affection qui s’étaient établis entre les parties dans le cadre de leur concubinage ont effectivement pu placer M. [W] dans l’impossibilité morale de se procurer un écrit constatant un prêt à Mme [I].
Pour contrer cette impossibilité morale, Mme [I] indique que M. [W] n’a pas hésité à lui réclamer le remboursement de diverses sommes d’argent. Ce moyen s’avère cependant sans portée dès lors qu’elle ne produit aucun acte de prêt qu’ils auraient été amenés à conclure par écrit pour d’autres dettes, et qu’elle reconnaît avoir remboursé sur cette seule demande les autres sommes parallèlement réclamées par son ancien concubin.
Pour démontrer l’obligation de restitution pesant sur Mme [I], M. [W] verse aux débats un courriel par lequel Mme [I] lui indique qu’il « peut [lui] faire confiance, qu’[elle a] été élevée dans le grand principe de l’honnêteté et qu’[il ne doit pas] se tracasser parce qu’[elle n’aura] pas de dette à [son] égard, ne fut-ce que par respect pour [ses] enfants ». Par ce courriel, elle reconnaît M. [W] créancier à son égard, sans cependant nommer la nature de cette créance. M. [W] soutient qu’elle reconnaît par ce message le prêt consenti par sa prise en charge des frais de stockage. Si Mme [I] conteste une dette de cette nature, elle n’explicite pas dans ses dernières écritures à quelle dette elle faisait alors référence.
M. [W] produit également diverses attestations, notamment celle de M. [H], datée du 24 février 2023, aux termes de laquelle celui-ci témoigne avoir entendu des échanges entre M. [W] et Mme [I] par lesquelles cette dernière s’engageait à rembourser à M. [W] les frais avancés par lui au titre des loyers de location du box de stockage lorsque sa situation s’améliorera.
Cette obligation de restitution est également confirmée par les attestations de Mme [U] [P], belle-fille de M. [W], de M. [A] [W], fils de M. [W], et par celle de Mme [B] [G], aux termes desquelles Mme [I] a affirmé au cours d’une réunion de famille les 23 et 24 février 2019 être financièrement redevable envers M. [W] des frais de location d’un garde meubles.
Si Mme [I] qualifie ces attestations de complaisance, elle ne produit quant à elle aucune pièce de nature à démontrer que M. [W] avait réglé ces sommes au titre de sa contribution aux charges courantes ou au terme d’une intention libérale.
Enfin, par courriel du 22 mars 2022, M. [W] la sommait « de trouver une solution à la dette de Shurgard en attente » et indiquait avoir conservé toutes les factures réglées par lui pour un montant de 10 450 euros. Mme [I] ne verse aux débats aucun courriel répondant à ce mail et s’étonnant de cette demande de remboursement.
L’ensemble de ces éléments démontre, malgré l’absence de contrat de prêt écrit, que M. [W] a bien avancé à Mme [I] la somme de 9 981,98 euros, à charge pour elle de l’en rembourser.
Mme [I] ne démontrant pas avoir procédé à ce remboursement, elle doit être condamnée à payer à M. [W] la somme de 9 981,98 euros au titre du remboursement des frais avancés par lui sur le fondement du contrat de stockage souscrit par Mme [I] le 27 mai 2017.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Mme [L] [I] est condamnée aux dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Il est équitable de condamner Mme [L] [I] à payer à M. [C] [W] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Aucun motif ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement.
Les demandes plus amples ou contraires, non justifiées, sont rejetées.
Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,
Déclare Mme [L] [I] irrecevable en ses demandes fondées sur la prescription ;
Déboute Mme [L] [I] de son action en revendication ;
Déboute Mme [L] [I] de sa demande de condamnation de M. [C] [W] au paiement d’une astreinte ;
Condamne Mme [L] [I] à payer à M. [C] [W] la somme de 9 981,98 euros au titre du remboursement des frais avancés par lui sur le fondement du contrat de stockage souscrit le 27 mai 2017 auprès de la société Shurgard ;
Condamne Mme [L] [I] aux dépens ;
Condamne Mme [L] [I] à payer à M. [C] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que l’exécution provisoire de l’entier jugement est de droit ;
Rejette comme injustifié le surplus des demandes.
Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier
Le Greffier Le Président
Corinne BARBIEUX Christelle HILPERT