Responsabilité de la caution et recours personnel : enjeux et implications

·

·

Responsabilité de la caution et recours personnel : enjeux et implications

Constitution du contrat de prêt

M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] ont conclu un contrat de prêt immobilier le 16 janvier 2015 avec la société Crédit Lyonnais (LCL) pour un montant total de 368.485 euros, réparti sur trois lignes de crédit. Les prêts incluent un montant de 89.700 euros à 0% sur 324 mois, 134.890 euros à 3,15% sur 324 mois, et 123.895 euros à 2,50% sur 264 mois. La société Crédit Logement a agi en tant que caution solidaire pour ces emprunts.

Notifications de paiement et incidents

Le 4 octobre 2021, Crédit Logement a notifié à M. et Mme [E] la mobilisation de la caution pour des montants impayés de 1.621 euros et 2.546,50 euros. Par la suite, le 12 novembre 2021, la société a confirmé avoir réglé des sommes dues pour les prêts auprès de LCL, entraînant des quittances subrogatives pour des échéances impayées et des pénalités de retard.

Exigibilité et mise en demeure

Le 10 octobre 2022, Crédit Logement a informé M. et Mme [E] de l’exigibilité à venir du prêt immobilier en raison d’incidents de paiement. Le 14 octobre 2022, LCL a mis en demeure les emprunteurs de régler des sommes significatives sous peine de déchéance du terme, incluant des intérêts de retard.

Assignation en justice

Le 24 avril 2023, Crédit Logement a assigné M. et Mme [E] devant le tribunal judiciaire de Bobigny, demandant le paiement de 116.017,72 euros et 110.872,82 euros, ainsi que des dommages-intérêts et des frais de justice. La société a fondé sa demande sur l’article 2305 du code civil, affirmant que la prescription ne pouvait être opposée à la caution.

Réponses des emprunteurs

M. et Mme [E] ont contesté les demandes de Crédit Logement, arguant que l’action était prescrite et que la déchéance du terme n’avait pas été valablement prononcée. Ils ont également soulevé des questions concernant le taux effectif global et l’absence de notice d’assurance jointe au contrat de prêt.

Décisions du tribunal

Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et a condamné M. et Mme [E] à payer 226.890,54 euros à Crédit Logement, avec intérêts au taux légal. Les demandes des emprunteurs concernant le rétablissement des offres de prêt, le taux effectif global, et les délais de paiement ont été déboutées. Le tribunal a également statué sur les dépens et les frais de justice.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la nature du recours de la société Crédit Logement contre M. et Mme [E] ?

La société Crédit Logement exerce un recours personnel contre M. et Mme [E] sur le fondement de l’article 2305 du Code civil. Cet article stipule que la caution qui a payé bénéficie d’un recours personnel contre le débiteur principal, que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.

En vertu de cet article, la caution peut demander le remboursement des sommes qu’elle a versées, ainsi que des intérêts et des frais.

Il est important de noter que, selon la jurisprudence, le délai de prescription pour ce recours commence à courir à partir de la date à laquelle la caution a effectué le paiement, et non à partir de la première échéance impayée par le débiteur principal.

Ainsi, dans le cas présent, le Crédit Logement a commencé son recours à compter des paiements effectués, ce qui a été confirmé par la décision du tribunal.

Quelles sont les conséquences de la déchéance du terme dans le cadre de ce litige ?

La déchéance du terme, qui est la perte du bénéfice des délais de paiement, a des conséquences significatives pour les débiteurs. Selon l’article 1343-5 du Code civil, la déchéance du terme doit être prononcée par le créancier, et elle ne peut être effective que si le débiteur a été mis en demeure de payer.

Dans ce litige, M. et Mme [E] soutiennent que la déchéance du terme n’a pas été valablement prononcée, car la banque n’a pas envoyé de mise en demeure préalable.

Le tribunal a rappelé que l’absence de déchéance du terme ne prive pas la caution de son droit d’exercer son recours personnel. En d’autres termes, même si la déchéance du terme n’est pas valide, cela n’affecte pas l’existence de la dette envers la caution.

Comment la prescription s’applique-t-elle dans ce cas ?

La prescription est régie par l’article 2221 du Code civil, qui stipule que le délai de prescription est de cinq ans pour les actions personnelles. Cependant, dans le cadre des relations entre un emprunteur et une banque, la prescription biennale prévue par le Code de la consommation s’applique.

Dans ce cas, la société Crédit Logement a fait valoir que le délai de prescription a commencé à courir à partir du moment où elle a effectué le paiement, soit le 17 novembre 2021 pour les deux premières quittances et le 22 février 2023 pour les deux secondes.

Le tribunal a confirmé que l’acte introductif d’instance, daté du 24 avril 2023, était dans les délais, et aucune prescription ne pouvait être opposée à la société demanderesse.

Quels sont les droits de la caution en matière de dommages-intérêts ?

L’article 2305 du Code civil prévoit que la caution a également un recours pour les dommages-intérêts, s’il y a lieu. Toutefois, pour obtenir des dommages-intérêts, la caution doit prouver qu’elle a subi un préjudice distinct de celui causé par le retard de paiement.

Dans ce litige, la société Crédit Logement a simplement affirmé que l’attitude de M. et Mme [E] lui avait causé un préjudice complémentaire, sans fournir de preuves concrètes d’un préjudice distinct.

Le tribunal a donc débouté la société Crédit Logement de sa demande de dommages-intérêts, considérant qu’elle n’avait pas justifié d’un préjudice indépendant de celui causé par le retard de paiement.

Quelles sont les implications de l’absence de notice d’assurance jointe au contrat de prêt ?

L’article L. 312-9 du Code de la consommation impose que la notice d’assurance soit jointe au contrat de prêt. Dans ce cas, M. et Mme [E] soutiennent que la banque n’a pas respecté cette obligation, ce qui pourrait affecter la validité du contrat.

Cependant, le tribunal a noté que les débiteurs n’avaient pas informé la caution de cette exception avant le paiement. Par conséquent, la caution, qui a payé, ne peut pas être tenue responsable de l’absence de notice d’assurance.

Il est également précisé que l’offre de prêt contenait une fiche standardisée d’informations, ce qui a été jugé suffisant pour respecter les obligations d’information.

Quels sont les droits des débiteurs en matière de délais de paiement ?

L’article 1343-5 du Code civil permet au juge de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur. Cependant, pour bénéficier de cette mesure, le débiteur doit prouver ses difficultés financières.

Dans ce cas, M. et Mme [E] n’ont pas fourni de preuves suffisantes de leur situation financière, et aucun paiement n’a été effectué depuis le début de la procédure.

Le tribunal a donc débouté les débiteurs de leur demande de délai de paiement, considérant qu’ils n’avaient pas démontré leur volonté d’apurer leur dette.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG
23/04130
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 10 DECEMBRE 2024

Chambre 7/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/04130 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XTKX
N° de MINUTE : 24/00709

S.A. CREDIT LOGEMENT
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Alain CIEOL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 03

DEMANDEUR

C/

Madame [Z] [S] épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G 625

Monsieur [K] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G 625

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Mechtilde CARLIER, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.

DÉBATS

Audience publique du 08 Octobre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, Juge, assistée de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.

*

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre acceptée le 16 janvier 2015, M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] (M. et Mme [E]) ont conclu un contrat de prêt immobilier pour un montant total emprunté de 368.485 euros selon trois lignes de crédit auprès de la société Crédit Lyonnais (la banque LCL) pour les montants suivants :
– 89.700 euros sur une durée de 324 mois au taux de 0% (prêt n°4000514ZR52011GZ)
– 134.890 euros sur une durée de 324 mois au taux de 3,15% (prêt n°4000514ZR52012GH et dossier n°M14123614602)
– 123.895 euros sur une durée de 264 mois au taux de 2,50% (prêt n°4000514ZR52013GH et dossier n°M14123614603)

La société Crédit Logement s’est engagée en qualité de caution solidaire des emprunteurs à hauteur des sommes empruntées.

Par courriers recommandés avec avis de réception du 4 octobre 2021, la société Crédit Logement a notifié à M. et Mme [E] la mobilisation de la caution au titre de la somme de 1.621 euros et au titre de la somme de 2.546,50 euros, les invitant par ailleurs à la rembourser sous huit jours.

Par courriers recommandés avec avis de réception du 12 novembre 2021, la société Crédit Logement a notifié aux consorts [E] qu’elle s’était portée garant du prêt conclu auprès de la banque LCL à hauteur de 134.890 euros en payant la somme de 1.631,46 euros ainsi que du prêt à hauteur de 123.895 euros en payant la somme de 2.559,34 euros.

Le 17 novembre 2021, la banque a dressé deux quittances subrogatives :
– une quittance subrogative au profit de la société Crédit Logement pour un montant de 1.631,46 euros incluant trois échéances impayées à savoir les échéances de juin (27,70 euros), juillet (791,70 euros) et août 2021(791,70 euros) outre les pénalités de retard à hauteur de 20,36 euros
– une quittance subrogative au profit de la société Crédit Logement pour un montant de 2.559,34 euros incluant quatre échéances impayées à savoir les échéances de mai (516,30), juin (670,45 euros), juillet (670,45 euros) et août 2021(670,45 euros) outre les pénalités de retard à hauteur de 31,69 euros.

Par courriers recommandés avec avis de réception du 10 octobre 2022, la société Crédit Logement a notifié à M. et Mme [E] l’exigibilité à venir du prêt immobilier compte tenu des incidents de paiements survenus et non régularisés.

Par courriers recommandés avec avis de réception du 14 octobre 2022, la banque LCL a mis en demeure M. et Mme [E] d’avoir à régler, sous quinzaine, à peine de déchéance du terme :
– la somme de 8.277,96 euros soit 8.058,21 euros au titre des échéances impayées au titre du prêt n°4000514ZR52013GH, augmentées des intérêts de retard au taux de 2,5% l’an majorés de 3 points soit 219,75 euros ;
– la somme de 2.689,65 euros soit 2.674,01 euros au titre des échéances impayées au titre du prêt n°4000514ZR52012GH, augmentées des intérêts de retard au taux de 3,15% l’an majorés de 3 points soit 15,64 euros.

Par courriers recommandés du 20 février 2023, la société Crédit Logement a notifié aux consorts [E] qu’elle règlerait à la banque LCL la somme de 226.685,41 euros (115.912,88 euros + 110.772,53 euros) à défaut de paiement de leur part sous huitaine.

Le 22 février 2023, la banque a dressé deux quittances subrogatives :
– une quittance subrogative au profit de la société Crédit Logement pour un montant de 114.262,81 euros incluant trois échéances impayées à savoir les échéances de juillet (477,54 euros), août (791,70 euros) et septembre 2022 (791,70 euros) outre 265,63 euros au titre des pénalités de retard et 111.936,24 euros au titre du capital restant dû pour le prêt n°4000514ZR52012GH ;
– une quittance subrogative au profit de la société Crédit Logement pour un montant de 108.183,99 euros incluant douze échéances impayées à savoir les échéances de octobre 2021 à septembre 2022 (670,45 x 12) outre 930,53 euros au titre des frais de prêteur et 99.208,06 euros au titre du capital restant dû pour le prêt n°4000514ZR52013GH ;

Par exploit du 24 avril 2023, la société Crédit Logement a assigné M. et Mme [E] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de les voir condamner solidairement au paiement de 116.017,72 euros au titre du dossier n°M14123614602 avec intérêts au taux légal à compter du paiement par la société Crédit Logement et au paiement de 110.872,82 euros au titre du dossier n°M14123614603 avec intérêts au taux légal à compter du paiement par la société Crédit Logement, outre 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Aux termes de ses conclusions régularisées le 16 mars 2024, la société Crédit Logement demande au tribunal, au visa de l’article 2305 du code civil, de :

– CONDAMNER solidairement Madame [Z] [S] épouse [E] et Monsieur [K] [E] à payer à la société CRÉDIT LOGEMENT les sommes suivantes :
* 116 017,72 € (Dossier n° M14123614602) montant de sa créance arrêtée au 10/03/2023, outre les intérêts au taux légal depuis la date du règlement par la société Crédit Logement, jusqu’à parfait paiement,
* 110 872,82 € (Dossier n°M14123614603) montant de sa créance arrêtée au 10/03/2023, outre les intérêts au taux légal depuis la date du règlement par la société Crédit Logement, jusqu’à parfait paiement,
* 1.000,00 Euros, à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l’article 2305 al 3 ancien du Code Civil,
* 1.000,00 Euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Alain CIEOL, Avocat, en application de l’article 699 du Code de Procédure Civile,

– Débouter purement et simplement Madame [Z] [S] épouse [E] et Monsieur [K] [E] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– En tout état de cause, dire qu’à défaut par Madame [Z] [S] épouse [E] et Monsieur [K] [E] de respecter l’échéancier qui pourrait leur être accordé, la déchéance du terme interviendra, l’ensemble des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible et la Société CRÉDIT LOGEMENT pourra reprendre l’exécution forcée du recouvrement de sa créance sans autres formalités,

– RAPPELER que les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire.

La société Crédit Logement expose que :
– elle agit sur le fondement de l’article 2305 du code civil et non au titre d’un recours subrogatoire de sorte que la demande de dommages-intérêts prévue par le texte précité est recevable ;
– la prescription biennale définie au code de la consommation s’applique dans les rapports entre l’emprunteur et la banque compte tenu du caractère personnel de la relation entre le consommateur et le professionnel mais elle ne peut être opposée à la caution. En outre, le point de départ de la prescription de l’action de la caution est le jour du paiement par elle de la dette et non au jour des échéances impayées ;
– elle fonde son recours sur l’article 2305 du code civil de sorte qu’en vertu de l’article 2313 du même code la caution ne peut opposer au créancier que les exceptions qui sont inhérentes à la dette et non celles qui sont purement personnelles aux débiteurs principaux. Le droit de poursuite du créancier contre la caution diffère des droits contre le débiteur principal. Dans ce cadre, la société Crédit Logement retient que les moyens tirés de (i) l’absence de déchéance du terme, et donc de l’absence d’exigibilité de la dette, ne peut justifier la perte du recours de la caution et être en ce sens opposable à la caution. Il ne peut être contesté qu’un moyen qui n’affecte que l’exigibilité de la dette n’affecte pas son existence. Elle ajoute que le débiteur ne peut opposer à la caution, qui exerce son recours personnel, les exceptions qu’il eût pu opposer au créancier, telles une irrégularité de la déchéance du terme de sa dette, celle-ci n’étant pas une cause d’extinction de ses obligations.
(ii) les griefs afférents au taux effectif global sont purement personnels au débiteur dans ses relations avec le prêteur et ne peuvent être opposés à la caution qui a payé.
(iii) l’absence de notice est également une exception personnelle qui affecte uniquement le recouvrement et non la dette garantie. Au demeurant, la société Crédit Logement retient que l’offre de prêt contient un document exposant les risques garantis et précisant les modalités de la mise en jeu de l’assurance. Elle ajoute que les débiteurs ne l’ont pas informée des exceptions à opposer au créancier et que ces exceptions leur sont purement personnelles.
– sur la demande de délais, la société Crédit Logement rappelle qu’il sera nécessaire de fixer une date maximale à laquelle les débiteurs devront avoir remboursé les fonds versés par la caution.

Aux termes de leurs conclusions régularisées par voie électronique le 26 avril 2024, M. et Mme [E] demandent au tribunal, au visa des anciens articles L312-8 et L312-33, et L313-1 et L313-2 du code de la consommation, de l’article R. 313-1 du code monétaire et financier, des anciens articles 1134 alinéa 3 et 1147 et l’article 1907 du code civil, de :

– DECLARER Monsieur et Madame [E] bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions
– DEBOUTER le CREDIT LOGEMENT de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, compte tenu de l’absence de créance exigible,

– Prononcer la prescription de l’action du CRÉDIT LOGEMENT,

En conséquence
Sur le montant de la créance :
– DIRE que la société demanderesse ne dispose pas de titre subrogatoire s’agissant de sa demande visant à la condamnation de Monsieur et Madame [E] au titre de dommages et intérêts, et qu’elle ne peut obtenir, au titre de son action subrogatoire, qu’une condamnation assortie de l’intérêt légal (et non de l’intérêt conventionnel), sans capitalisation des intérêts

Sur la déchéance du terme
– DIRE que la banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme,
– CONDAMNER le créancier à rétablir au profit de Monsieur et Madame [E] le bénéfice de l’offre de prêt en cause,

Sur le TEG
– PRONONCER l’annulation de la clause d’intérêt appliquée au prêt ;
– ORDONNER à la banque de procéder au calcul des intérêts au seul taux légal défini périodiquement par la règlementation pendant toute la durée du contrat de prêt ;
– JUGER que la banque procédera pour la période passée au remboursement du trop-perçu à raison de la différence entre le taux nominal et le taux légal, et ordonner à la banque de présenter le décompte détaillé des intérêts calculés au seul taux légal ;
– JUGER qu’après compensation, l’amortissement se poursuivra pour la valeur du seul capital, les intérêts étant calculés au taux légal défini périodiquement par la réglementation ;

Ou à titre subsidiaire et pour le cas où ne serait pas prononcée l’annulation,
– PRONONCER la déchéance des intérêts contractuels, déchéance à tout le moins partielle et dans la limite de l’application du taux d’intérêt légal défini périodiquement par la réglementation ;

Et en tout état de cause,
– CONSTATER que les intérêts contractuels sont calculés par référence à une année de 360 jours et non point par référence à l’année civile, ceci en violation de l’article R 313-1 du Code Monétaire et Financier ;

Et ensuite,
– ORDONNER la substitution de l’intérêt légal au taux conventionnel à la date de la conclusion du prêt,

Et en conséquence dire que pour la période passée les intérêts seraient calculés au seul taux légal et ordonner à la banque de présenter un décompte détaillé distinguant capital et intérêts ainsi recalculés, et ordonner compensation entre le capital restant dû et la différence entre intérêts conventionnels acquittés et aux reconstitués au seul taux légal;

– PRONONCER que pour l’avenir les intérêts seront calculés au seul taux légal ;

Et en outre,
ORDONNER à l’avenir le calcul des intérêts au seul taux légal ;

Et pour le passé ORDONNER à la production d’un décompte des intérêts contractuels reconstitués au seul taux légal et prononcer que la différence entre des intérêts perçus et les intérêts au taux légal se compense avec le capital restant dû.

Et en tout état de cause,
JUGER que les règlements à intervenir s’imputeront en priorité sur le capital restant dû,
– ACCORDER les plus larges délais de paiement à Monsieur et Madame [E],
– CONDAMNER le CREDIT LOGEMENT à payer à Monsieur et Madame [E] la somme de 3.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– CONDAMNER le CREDIT LOGEMENT aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître HUPIN en application de l’article 699 du Code de procédure civile ;

M. et Mme [E] soutiennent que :
– l’action de la demanderesse est prescrite par application des articles 2221 du code civil et L. 218-2 du code de la consommation dans la mesure où la prescription de deux ans court à compter de la date de la première échéance non régularisée ;
– par application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil ainsi que du code de la consommation, la banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme puisqu’elle n’a pas envoyé de mise en demeure préalable à la mise en œuvre de la déchéance du terme alors que la loi et le contrat de prêt le prévoient. Les courriers de la société Crédit Logement du 14 octobre 2022 n’ont pas été suivis d’un courrier de notification de déchéance du terme de sorte que celle-ci n’a pas été valablement prononcée. La déchéance du terme ne peut être prononcée que par le créancier de sorte que les courriers de la société Crédit Logement ne peuvent avoir cet effet ;
– le recours subrogatoire de la société Crédit Logement se limite à ce qui a été effectivement payé par la caution sans pouvoir ouvrir droit à des dommages-intérêts ;
– l’article L. 312-9 du code de la consommation prévoit qu’une notice d’assurance doit être jointe au contrat de prêt ce qui n’est pas le cas puisque n’est jointe qu’une fiche d’information standardisée.
– le TEG est erroné en ce qu’il est prévu une durée de 360 jours au titre de la clause d’intérêt ce qui contrevient aux dispositions des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation et de l’article R. 313-1 du code monétaire et financier
– en cas de condamnation des délais de paiement doivent leur être accordés en vertu de l’article 1343-5 du code civil.

Il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour un exposé de leurs prétentions et de leurs moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 4 juin 2024 par ordonnance du même jour.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 8 octobre 2024 et mise en délibéré au 10 décembre 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de « dire/juger/constater » qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

1. Sur la prescription

L’article 2305 du code civil dans sa version applicable au présent litige pose le principe que la caution qui a payé bénéficie d’un recours personnel contre le débiteur principal.

Par arrêt en date du 29 novembre 2017 (n° 16-22.820), la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que ‘l’établissement d’une quittance subrogative à seule fin d’établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix de la caution d’exercer son recours personnel, en application de l’article 2305 du code civil,’

Par un arrêt du 9 décembre 1997, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a précisé que ‘le délai de prescription du recours personnel de la caution qui a payé le prêteur contre l’emprunteur a pour point de départ la date à laquelle celle-ci a payé et non la première échéance impayée par le débiteur principal’.

En l’espèce, le Crédit Logement affirme avoir fait le choix du recours personnel. Le délai de prescription biennale a donc commencé à courir à compter du 17 novembre 2021 pour les deux premières quittances subrogatives et le 22 février 2023 pour les deux secondes. L’acte introductif d’instance étant du 24 avril 2023, aucune prescription ne saurait être opposée à la société demanderesse.

2. Sur la demande en paiement

Aux termes de l’article 2305 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.

Selon l’article 2308 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.

La société Crédit logement exerçant son recours personnel sur le fondement de l’article 2305 du code civil, M. et Mme [E] ne sont pas fondés à lui opposer les exceptions personnelles afférentes aux modalités de recouvrement de la dette. En effet, la caution ne peut se voir opposer les moyens de défense dont le débiteur disposait à l’encontre du prêteur, notamment l’inopposabilité de la déchéance du terme.

En tout état de cause, si un débiteur peut faire valoir à sa caution qu’il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu’elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l’absence de déchéance du terme de sa dette, celle-ci n’étant pas une cause d’extinction de ses obligations. Il s’en déduit que l’absence de déchéance du terme à l’égard du débiteur ne prive pas la caution de son droit d’exercer à son encontre son recours personnel.

Les débiteurs ne peuvent pas davantage se prévaloir de l’irrégularité du taux effectif global dans la mesure où cette exception n’a pas été portée à la connaissance de la caution avant le paiement par elle du solde de la dette. Les débiteurs conservent néanmoins la faculté d’agir contre l’établissement prêteur en répétition de l’indu.

Il en va de même du moyen tiré du défaut d’information au titre des conditions d’assurance dans la mesure où les débiteurs n’ont pas porté cette exception à la connaissance de la caution, celle-ci a payé et ne peut se voir reprocher d’avoir procédé au paiement. En outre, il est exact que l’offre de prêt contient une fiche standardisée d’informations remise aux emprunteurs le 18 décembre 2014 et signée par eux.

La société Crédit logement, qui a payé la banque est fondée à invoquer les dispositions de l’article 2305 précité, lui conférant un recours personnel à l’encontre du débiteur et lui permettant de recouvrer à la fois les sommes payées au créancier et les intérêts moratoires de ces sommes.

Elle justifie, par la production de quatre quittances subrogatives, avoir payé les sommes de :
– 1.631,46 euros
– 2.559,34 euros
– 114.262,81 euros
– 108.183,99 euros

Soit un total de 226.637,60 euros.

Il est établi par les décomptes produits datés du 10 mars 2023 que la caution a réglé à la banque la somme de 252,94 euros au titre des intérêts de retard dus au prêteur soit un total de 226.890,54 euros soit :
– 116.017,72 euros au titre du dossier n° M14123614602
– 110.872,82 euros au titre du dossier n° M14123614603

S’agissant des intérêts dus à la caution, ils courent à compter des paiements effectués par la caution soit à compter du 17 novembre 2021 sur la somme de 4.190,80 euros et à compter du 22 février 2023 sur la somme de 222.446,80 euros.

Par conséquent, M. et Mme [E] seront condamnés à payer à la société Crédit Logement la somme de 226.890,54 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 4.190,80 euros à compter du 17 novembre 2021 et sur la somme de 222.446,80 euros à compter du 22 février 2023.

M. et Mme [E] seront déboutés de leurs demandes

3. Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 2305 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution a aussi un recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.

Selon l’article 1153, dernier alinéa, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

Se limitant à indiquer que l’attitude de M. et Mme [E] lui a causé un préjudice complémentaire, la société Crédit logement ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui causé par le retard de paiement, lequel est déjà compensé par l’allocation de dommages et intérêts moratoires.

4. Sur la demande de délais de paiement et la demande d’imputation sur le capital

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

En l’espèce, M. et Mme [E] ne rapportent pas la preuve de leurs difficultés financières ni de leur situation patrimoniale. En outre, aucun paiement n’a été opéré depuis le début de la procédure de sorte que la volonté d’apurer la dette des débiteurs n’est pas avérée de manière probante.

M. et Mme [E] seront déboutés de leur demande de délai de paiement ainsi que de leur demande d’imputation des règlements sur le capital.

5. Sur la solidarité

L’article 1310 du code civil prévoit que la solidarité est légale ou conventionnelle; elle ne se présume pas.

La caution solidaire ayant payé en lieu et place des débiteurs dispose du recours de l’ancien article 2306 du code civil. Elle peut donc se prévaloir des dispositions précitées relatives à la solidarité. Elle peut donc demander la condamnation de chacun des co-emprunteurs à payer la totalité de la somme qu’elle a payée.

6. Sur les mesures de fin de jugement

Parties perdantes, M. et Mme [E] seront condamnés in solidum aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Cieol.

Supportant les dépens, ils seront condamnés in solidum à payer à la société Crédit logement une somme qu’il est équitable de fixer à 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que le juge en décide autrement s’il estime que cette exécution provisoire de droit est incompatible avec la nature de l’affaire. En l’occurrence, la nature de l’affaire n’implique pas de déroger au principe sans qu’il ne soit nécessaire de le rappeler dans le dispositif.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la société Crédit Logement ;

Condamne solidairement M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] à payer à la société Crédit Logement la somme de 226.890,54 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 4.190,80 euros à compter du 17 novembre 2021 et sur la somme de 222.446,80 euros à compter du 22 février 2023 ;

Déboute M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] de leur demande de rétablissement des offres de prêt déchues ;

Déboute M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] de leurs demandes au titre du taux effectif global et de toutes leurs demandes au titre des intérêts ;

Déboute la société Crédit Logement de sa demande de dommages-intérêts ;

Déboute M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] de leur demande de délais de paiement ;

Déboute M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] de leur demande d’imputation des règlements sur le capital ;

Condamne in solidum M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] aux dépens dont distraction au profit de Me Cieol ;

Condamne in solidum M. [K] [E] et Mme [Z] [S] épouse [E] à verser à la société Crédit Logement la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier

Le Greffier Le Président
Corinne BARBIEUX Mechtilde CARLIER


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x