Saisies et Contestations : Équilibre entre Droits du Créancier et Protection du Débiteur

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Saisies et Contestations : Équilibre entre Droits du Créancier et Protection du Débiteur

Contexte de la Saisie-Attribution

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou a initié une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [T] [S] en se basant sur un jugement du tribunal de commerce de Tours daté du 24 novembre 2006 et un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans du 29 mai 2008. Cette saisie a été effectuée par acte en date du 31 juillet 2024, suivi d’une dénonciation le 8 août 2024.

Demande de Mainlevée par Monsieur [S]

Monsieur [S] a contesté cette saisie en assignant le Crédit Agricole devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux le 9 septembre 2024. Il a demandé la mainlevée de la saisie, ainsi que des dommages et intérêts, arguant que la saisie était abusive car il avait respecté les échéances d’un procès-verbal de conciliation signé en 2007.

Arguments de Monsieur [S]

Monsieur [S] a soutenu qu’il avait honoré toutes les échéances, y compris celle de juillet 2024, qui n’avait pas été encaissée par le créancier. Il a également contesté toute erreur d’adresse, affirmant que c’était à l’huissier de l’informer de son déménagement.

Position du Crédit Agricole

Le Crédit Agricole a rejeté les demandes de Monsieur [S], affirmant que ce dernier n’avait pas payé les échéances de mai, juin et juillet 2024. Il a précisé que les paiements de mai et juin avaient été affectés à une autre créance et que le paiement de juillet avait été envoyé tardivement à une adresse incorrecte.

Recevabilité de la Contestation

Le juge a examiné la recevabilité de la contestation de Monsieur [S], notant qu’il avait respecté les délais pour contester la saisie. Il a également confirmé que Monsieur [S] avait informé l’huissier de sa contestation par courrier recommandé.

Analyse de l’Abus de Saisie

Le juge a évalué si la saisie était abusive, en se basant sur le caractère disproportionné de la saisie par rapport à la créance. Il a constaté que les paiements de mai et juin 2024 n’avaient pas été effectués et que le paiement de juillet avait été fait avec retard, ce qui a conduit à la conclusion que la saisie n’était pas abusive.

Décision du Juge

Le juge a déclaré la contestation de la saisie-attribution recevable, mais a débouté Monsieur [S] de toutes ses demandes. La saisie-attribution a été validée, et Monsieur [S] a été condamné à payer 500 euros au Crédit Agricole ainsi qu’aux dépens. La décision a été rendue exécutoire de droit à titre provisoire.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution par Monsieur [S] ?

La recevabilité de la contestation de la saisie-attribution par Monsieur [S] est régie par les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution.

Ces articles stipulent que toute contestation relative à la saisie doit être formée dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur.

En l’espèce, la saisie-attribution a été dénoncée à Monsieur [S] le 8 août 2024, et il a contesté cette saisie par une assignation délivrée le 9 septembre 2024.

Ainsi, la contestation était recevable dans le délai imparti.

Monsieur [S] a également justifié l’envoi d’un courrier recommandé à l’huissier ayant procédé à la saisie, ce qui respecte les exigences de notification prévues par la loi.

Par conséquent, le tribunal a déclaré la contestation de Monsieur [S] recevable.

Quelles sont les conditions d’abus de saisie selon le Code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution précise que le juge de l’exécution peut ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive.

Il peut également condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Le caractère abusif d’une saisie peut résulter de plusieurs facteurs, notamment le caractère disproportionné de la saisie par rapport au montant de la créance ou l’existence d’autres sûretés au profit du créancier.

Dans le cas présent, le Crédit Agricole a produit un décompte de créance qui établit que les paiements effectués par Monsieur [S] en mai, juin et juillet 2024 ont été affectés à une autre dette.

De plus, il a été constaté que les échéances de mai et juin 2024 étaient impayées, et que la mensualité de juillet 2024 avait été acquittée avec retard.

Ainsi, le tribunal a jugé que Monsieur [S] n’avait pas respecté l’échéancier imposé par le procès-verbal de conciliation, et que la saisie-attribution n’était pas abusive.

Quelles sont les conséquences pour Monsieur [S] en cas de rejet de sa demande de mainlevée ?

En cas de rejet de la demande de mainlevée, comme cela a été décidé par le tribunal, Monsieur [S] se voit débouté de toutes ses demandes.

Cela signifie qu’il ne pourra pas obtenir l’annulation de la saisie-attribution sur ses comptes bancaires.

De plus, selon l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est généralement condamnée aux dépens.

Dans ce cas, Monsieur [S] a également été condamné à payer une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour les frais exposés.

Ainsi, Monsieur [S] devra non seulement supporter les frais de la procédure, mais également une indemnité au profit du Crédit Agricole, ce qui alourdit sa situation financière.

Enfin, la décision est exécutoire de droit à titre provisoire, ce qui signifie que la saisie-attribution peut continuer à produire ses effets immédiatement.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
24/07717
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 10 Décembre 2024

DOSSIER N° RG 24/07717 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZQ6U
Minute n° 24/ 482

DEMANDEUR

Monsieur [T] [S]
né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Julien MERLE, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU, immatriculée au RCS de Poitiers sous le n° 399 780 097, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Fabien DUCOS-ADER de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 12 Novembre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 10 Décembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 10 décembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du tribunal de commerce de Tours en date du 24 novembre 2006 et d’un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans en date du 29 mai 2008, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou (ci-après le Crédit Agricole) a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [T] [S] par acte en date du 31 juillet 2024, dénoncée par acte du 8 août 2024.

Par acte de commissaire de justice en date du 9 septembre 2024, Monsieur [S] a fait assigner le Crédit Agricole devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 12 novembre 2024 et dans ses dernières conclusions, Monsieur [S] sollicite, au visa de l’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution, la mainlevée de la saisie-attribution ainsi que la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 1.500 euros de dommages et intérêts outre les dépens, les frais de saisie et la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [S] fait valoir que la saisie-attribution diligentée est abusive car il a honoré toutes les échéances prévues par le procès-verbal de conciliation en matière de saisie des rémunérations signé le 20 décembre 2007. Il indique avoir acquitté les échéances par chèques, la mensualité du mois de juillet 2024 ayant bien été payée mais pas encaissée par le créancier. Il conteste toute erreur d’adresse considérant qu’il incombe à l’huissier en charge du recouvrement de lui signifier son déménagement.

A l’audience du 12 novembre 2024 et dans ses dernières écritures, le Crédit Agricole conclut au rejet de toutes les demandes, à la validation de la saisie-attribution et à la condamnation de Monsieur [S] aux dépens et au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse conteste tout abus de saisie et soutient que Monsieur [S] n’a pas acquitté les échéances de mai, juin et juillet 2024, les deux premiers paiements ayant été affectés à une autre créance et le dernier adressé par chèque tardivement à une adresse erronée alors que Monsieur [S] avait connaissance de l’adresse exacte du commissaire de justice.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

– Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.
En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Monsieur [S] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 9 septembre 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 31 juillet 2024 avec une dénonciation effectuée le 8 août 2024. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 9 septembre 2024.

Il justifie par ailleurs de l’envoi du courrier recommandé en date du 9 septembre 2024 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution.

Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

– Sur l’abus de saisie

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.

En l’espèce, la défenderesse produit un décompte de créance établissant l’affectation des paiements de 300 euros réalisés en mai, juin et juillet 2024 au paiement d’une autre dette dont la référence est précisée. Elle justifie également du décompte de la créance objet de la présente instance établissant l’absence de paiement pour ces trois mois et la reprise des paiements en septembre et octobre 2024.

Le Crédit Agricole produit par ailleurs le chèque daté de « juillet 2024 » adressé par le demandeur par courrier recommandé envoyé le 8 août 2024.

Il est donc constant que les échéances de mai et juin 2024 sont demeurés impayées, la mensualité de juillet 2024 ayant été acquittée avec retard.

Monsieur [S] ne démontre donc pas avoir respecté l’échéancier imposé par le procès-verbal de conciliation en date du 20 décembre 2007. Le créancier recouvrant le droit de procéder à des mesures d’exécution forcée, la saisie-attribution pratiquée ne l’a pas été abusivement.

Monsieur [S] sera donc débouté tant de sa demande de mainlevée que de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [S], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [T] [S] pratiquée à la diligence de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou par acte en date du 31 juillet 2024, dénoncé par acte du 8 août 2024 recevable ;
DEBOUTE Monsieur [T] [S] de toutes ses demandes ;
VALIDE la saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [T] [S] pratiquée à la diligence de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou par acte en date du 31 juillet 2024, dénoncé par acte du 8 août 2024 ;
CONDAMNE Monsieur [T] [S] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [T] [S] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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