Éclaircissement sur la nationalité française et la validité des actes d’état civil : enjeux de preuve et de régularité.

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Éclaircissement sur la nationalité française et la validité des actes d’état civil : enjeux de preuve et de régularité.

Contexte de l’Affaire

Par acte d’huissier du 6 juillet 2023, [C] [E] [U], né le 30 décembre 2009 à Antanarivo (Madagascar), représenté par [P] [C] et [H] [S] [J], a assigné le Procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Saint Denis de la Réunion. Il cherche à établir sa nationalité française par filiation maternelle, en se fondant sur l’article 18 du Code civil.

Arguments du Requérant

Dans son assignation et ses conclusions du 2 septembre 2024, le requérant affirme que sa mère, [P] [C], est française, ayant un père français. Il reconnaît que l’acte de naissance du 30 décembre 2010 était apocryphe, mais soutient que cette irrégularité a été corrigée par un jugement malgache du 14 septembre 2022. Il insiste sur le fait qu’il est né le 30 décembre 2009 et que la reconnaissance de ce jugement ne contredit pas l’ordre public international français. Il produit également des pièces attestant de sa possession d’état en tant que fils de [C].

Position du Ministère Public

Dans ses conclusions du 28 juin 2024, le Ministère Public demande le déboutement du requérant, affirmant son extranéité et ordonnant la mention prévue par l’article 28 du Code civil. Il rappelle que l’acte de naissance initial, dressé le 30 décembre 2010, avait été refusé pour transcription en raison de son caractère apocryphe, ce que le requérant admet. Le Ministère Public souligne également que la tentative de régularisation de cet acte par un jugement malgache n’est pas opposable en France.

Éléments de Preuve et État Civil

Le requérant produit un acte de naissance prétendument dressé le 6 janvier 2010, ainsi qu’un jugement malgache annulant l’acte de naissance apocryphe. Cependant, le livret de famille et le carnet de suivi de grossesse de [Y] ne confirment pas la naissance en 2009. Les mentions relatives à l’état civil du requérant diffèrent dans les actes présentés, remettant en question la fiabilité de son état civil.

Régularité de la Procédure

L’ordonnance de clôture du 4 novembre 2024 confirme la régularité de la procédure, avec un récépissé délivré par le Ministère de la Justice le 12 décembre 2023, respectant ainsi l’article 1043 du Code de procédure civile. L’action est jugée recevable.

Décision du Tribunal

Le tribunal constate que [C] [E] [U] ne justifie pas de manière certaine de son état civil par un acte de naissance probant. Il conclut que le requérant n’est pas de nationalité française et ordonne la mention prévue par l’article 28 du Code civil. Les représentants légaux du requérant sont condamnés aux dépens de l’instance. Le jugement est prononcé le 10 décembre 2024.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la régularité de la procédure selon l’article 1043 du Code de procédure civile ?

La régularité de la procédure est confirmée par l’article 1043 du Code de procédure civile, qui stipule que dans toutes les instances où s’élève une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation doit être déposée au Ministère de la Justice, qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le Ministère de la Justice a délivré ce récépissé le 12 décembre 2023, ce qui signifie que la condition de l’article 1043 est respectée.

Ainsi, l’action engagée par [C] [E] [U] est recevable, et le tribunal a pu statuer sur le fond de l’affaire.

Quelles sont les implications de l’article 30 du Code civil concernant la charge de la preuve en matière de nationalité ?

L’article 30 du Code civil précise que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Cela signifie que [C] [E] [U], qui revendique la nationalité française, doit prouver cette nationalité.

En revanche, si un individu détient un certificat de nationalité française, la charge de la preuve incombe à celui qui conteste cette qualité.

Dans le cas présent, [C] [E] [U] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, ce qui signifie qu’il doit apporter la preuve de son état civil et de la nationalité de ses parents, notamment par la production d’un acte de naissance probant.

Comment l’article 47 du Code civil s’applique-t-il à la situation de [C] [E] [U] ?

L’article 47 du Code civil stipule que tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si des éléments établissent que cet acte est irrégulier ou falsifié.

Dans le cas de [C] [E] [U], l’acte de naissance initialement produit a été reconnu comme apocryphe, ce qui remet en question sa validité.

De plus, le jugement malgache du 14 septembre 2022, qui annule cet acte, ne permet pas de justifier un état civil fiable. Par conséquent, [C] [E] [U] ne peut pas prouver sa nationalité française, car il ne justifie pas de façon certaine de son état civil par un acte de naissance probant au sens de l’article 47.

Quelles sont les conséquences de la dissimulation d’informations lors de la demande de régularisation de l’acte de naissance ?

La dissimulation d’informations, comme le caractère apocryphe de l’acte de naissance, peut avoir des conséquences juridiques significatives. En trompant le tribunal malgache sur la nature de l’acte, cela remet en question la validité de la décision rendue.

En effet, la bonne foi est un principe fondamental dans les procédures judiciaires. Si un requérant dissimule des éléments essentiels, cela peut entraîner l’annulation de la décision rendue, comme cela a été le cas ici avec l’annulation de l’acte de naissance du 30 décembre 2010.

Ainsi, la dissimulation a conduit à une situation où [C] [E] [U] ne peut pas justifier de son état civil, ce qui a conduit le tribunal à constater son extranéité.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal concernant la nationalité de [C] [E] [U] ?

La décision du tribunal de constater que [C] [E] [U] n’est pas de nationalité française a des implications juridiques importantes. Cela signifie que le requérant ne peut pas bénéficier des droits et protections associés à la nationalité française.

En outre, le tribunal a ordonné la mention prévue par l’article 28 du Code civil, qui concerne la mention de l’extranéité dans les registres d’état civil. Cela formalise la décision et assure que l’état civil de [C] [E] [U] est correctement enregistré.

Enfin, les représentants légaux de [C] [E] [U] ont été condamnés aux dépens de l’instance, ce qui signifie qu’ils doivent assumer les frais liés à la procédure judiciaire. Cela souligne la responsabilité des parties dans la présentation de preuves fiables et vérifiables.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
RG
23/02408
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE : N° RG 23/02408 – N° Portalis DB3Z-W-B7H-GMQL
NAC : 10B

JUGEMENT CIVIL
DU 10 Décembre 2024

COMPOSITION DE LA JURIDICTION AYANT DÉLIBÉRÉE APRES DÉBATS DEVANT UN JUGE RAPPORTEUR

Président : Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente (rapporteur)
Assesseur: Madame Sophie PARAT, Vice-présidente
Assesseur: Madame Patricia , Vice-présidente
Greffier : Madame Isabelle SOUNDRON,

DEMANDEURS

Mme [P] [C],
Agissant ès qualité de représentante légale de l’enfant mineur [C] [E] [U] , né le 30 décembre 2009 à [Localité 5] (MADAGASCAR)
née le 28 Décembre 1988 à [Localité 4] (MADAGASCAR)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Xavier BELLIARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

M. [H] [S] [X],
Agissant ès qualité de représentante légale de l’enfant mineur [C] [E] [U], né le 30 décembre 2009 à [Localité 5] (MADAGASCAR)
né le 19 Janvier 1973 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Xavier BELLIARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DEFENDERESSE

Mme LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT DENIS
[Adresse 2]
[Localité 3]

Copie exécutoire délivrée le :10.12.2024
Expédition délivrée le :
à Me Xavier BELLIARD
A la demande des parties lors de la clôture de l’affaire, le Juge de la Mise en Etat a autorisé le dépôt de leurs dossiers à la date du 13 novembre 2024 en les informant que le jugement serait rendu en Juge rapporteur par Brigitte LAGIERE, Vice-Présidente, assisté de Isabelle SOUNDRON, Greffière, par mise à disposition le 10 Décembre 2024.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte d’huissier du 6 juillet 2023 , [C] [E] [U] se disant né le 30 décembre 2009 à Antanarivo (Madagascar ) , représenté légalement par [P] [C] et [H] [S] [J] a assigné le Procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Saint Denis de la Réunion devant le tribunal de céans aux fins de voir dire et juger qu’il est de nationalité française par filiation maternelle sur le fondement de l’article 18 du Code civil.

Il fait principalement valoir dans son assignation et dans ses dernières conclusions datées du 2 septembre 2024 que :

– [P] [C] est française étant née d’un père français,

– il reconnaît qu’initialement l’acte de naissance du 30 décembre 2010 dont il était demandé la transcription était apocryphe mais que cette irrégularité est désormais purgée par l’annulation de l’acte du 30 décembre 2010 par jugement malgache du 14 septembre 2022,

-il est né le 30 décembre 2009 ,

-il fait valoir le principe que nonobstant la circonstance que le jugement étranger a pour objet de régulariser un acte frauduleux, il ne peut en être déduit ipso facto que la reconnaissance de cette décision aboutirait à un résultat contraire à la conception française de l’ordre public international,

-suite au jugement d’annulation de son acte de naissance apocryphe , il justifie d’un État civil fiable,

-il produit en outre plusieurs pièces caractérisant selon lui l’existence de la possession d’état de fils de Madame [C] .

Dans ses conclusions n° 2 du 28 juin 2024 , le Ministère Public a demandé au tribunal de débouter le requérant de ses demandes, de constater son extranéité et d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Il fait valoir qu’ initialement il avait été produit une copie d’un acte de naissance dressé le 30 décembre 2010 sur déclaration de [M] [A] infirmière ayant assisté à l’accouchement aux termes duquel [E] [C] était née le 30 décembre 2010 et avait été reconnu le 6 août 2012 par Madame [Y].
Le consulat avait refusé la transcription de cet acte de naissance au motif qu’il était apocryphe ,ce que reconnaît désormais le requérant .
Malgré le caractère apocryphe de cet acte de naissance, Madame [Y] a tenté de faire régulariser cet acte en obtenant du juge malgache une ordonnance du 11 août 2015 pour validation de l’acte trompant la religion du juge malgache (en ne lui révélant pas le caractère apocryphe de l’acte de naissance).

Cette décision du juge malgache n’est donc pas opposable en France.

Le requérant produit désormais la copie d’un acte de naissance qui aurait été dressé le 6 janvier 2010 aux termes duquel [C] [E] [U] est né le 30 décembre 2009 ainsi qu’une simple copie d’un jugement rendu le 14 septembre 2022 par le tribunal de première instance d’ANTALAHA qui déclare nulle et de nul effet l’acte de naissance du 30 décembre 2010 au nom de [E] [C].

En tout état de cause, livret de famille et le carnet de suivi de grossesse de Mme [Y] ne confirme pas l’existence d’une naissance en 2009.
Les mentions substantielles relatives à l’État civil de l’intéressé , son nom , son année de naissance et son lieu naissance diffèrent dans les actes de naissance produits.

L’état civil du requérant n’est donc pas fiable et certain.

Vu l’ordonnance de clôture du 4 novembre 2024 , fixant la date des dépôts au 13 novembre 2024 et le délibéré au 10 décembre 2024 .

SUR CE, LE TRIBUNAL

-Sur la régularité de la procédure :

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au Ministère de la Justice qui en délivre récépissé. En l’espèce, le Ministère de la Justice a délivré ce récépissé le 12 décembre 2023.

La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée.
L’action est recevable.

– Sur la nationalité :

[C] [E] [U] soutient être français pour être née d’une mère française.

L’article 30 dispose que : « la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d’un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants ».
L’article 47 prévoit que « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

Il est également constant que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil par la production d’un acte de naissance probant au sens de l’article 47 du code civil.

[C] [E] [U] qui n’est pas titulaire personnellement d’un certificat de nationalité française a, en application de l’article 30 du code civil, la charge de la preuve de la nationalité française qu’il revendique. Il lui appartient de rapporter la preuve qu’il possède un état civil fiable, que ses parents avaient bien acquis la nationalité française .

Il s’impose de constater que :

– l’acte de naissance initialement produit par le requérant est un acte totalement apocryphe , ce qui a finalement été reconnu par les représentants légaux de l’enfant .

– après avoir obtenu la validation de cet acte de naissance apocryphe par décision d’un juge malgache du 11 août 2015, il est produit un jugement du 14 septembre 2022 d’un tribunal malgache (saisi apparemment par la grand-mère du mineur) qui a déclaré nul et de nul effet l’acte de naissance du 30 décembre 2010 au nom de [C] [E] ,motivation prise selon la requérante que l’enfant avait fait l’objet d’une double déclaration de naissance.

Force est de constater qu’en dissimulant les motifs réels de la requête , la requérante a trompé la religion du tribunal étranger en lui dissimulant un élément du litige à savoir le caractère frauduleux de l’acte de naissance du mineur.
Par ailleurs, le livret de famille et le carnet de suivi de grossesse de Madame [P] [Y] ne confirment en aucune façon l’existence d’une naissance en 2009.

[C] [E] [U] ne justifiant pas de façon certaine de son état civil par la production d’un acte de naissance probant au sens de l’article 47 du code civil, il y a lieu de constater son extranéité.

Ses représentants légaux déboutés de leurs demandes, sont tenus aux dépens de l’instance .

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal statuant en premier ressort, par jugement contradictoire susceptible d’appel, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONSTATE que la procédure est régulière au regard de l’article 1043 du code de procédure civile;

DIT que [C] [E] [U] se disant né le 30 décembre 2009 à [Localité 5](Madagascar) n’est pas de nationalité française;

ORDONNE la mention prévue par l’ article 28 du code civil;

CONDAMNE ces représentants légaux [P] [C] et [H] [S] [J] aux dépens de l’instance;

AINSI JUGE ET PRONONCE le 10 décembre 2024 et nous avons signé avec Madame le GREFFIER.

Le Greffier, La Présidente,


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