Maintien de l’isolement en milieu psychiatrique : conditions et garanties légales

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Maintien de l’isolement en milieu psychiatrique : conditions et garanties légales

Parties en présence

Monsieur [E] [S], actuellement hospitalisé au Centre hospitalier [1], est représenté par Me Pauline PIETROIS CHABASSIER, avocat au barreau de Versailles. L’intimé dans cette affaire est le Centre hospitalier [1], qui n’est pas représenté. Le Procureur général de la Cour d’appel de Versailles, représenté par M. Michel SAVINAS, est également partie jointe.

Contexte législatif

L’affaire est encadrée par l’article 17 de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022, qui renforce les outils de gestion de la crise sanitaire et modifie le code de la santé publique. Le décret n°2022-419 du 23 mars 2022 précise la procédure applicable en matière d’isolement et de contention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement.

Hospitalisation et décision initiale

Monsieur [E] [S], né le 10 novembre 2004 au Mali, est sous hospitalisation psychiatrique complète depuis le 3 décembre 2024. Le 8 décembre 2024, le Docteur [Y], psychiatre de l’établissement, a ordonné son isolement. Le 9 décembre 2024, le directeur du centre hospitalier a saisi le tribunal judiciaire de Versailles, qui a décidé de maintenir la mesure d’isolement.

Appel et avis du procureur

Le conseil du patient a interjeté appel de cette décision le 9 décembre 2024. Le procureur général a rendu un avis le 10 décembre 2024, concluant à la confirmation de la décision du premier juge.

Audition et motifs de la décision

Le requérant a demandé une audition devant la cour, qui a eu lieu par communication téléphonique. La décision se fonde sur l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique, qui stipule que l’isolement et la contention ne peuvent être appliqués qu’en dernier recours pour prévenir un dommage immédiat ou imminent.

Évaluation médicale et contestations

Le certificat médical du Docteur [W] [R] a confirmé la nécessité de l’isolement en raison du comportement du patient, qui présentait des risques de violence et des idées délirantes. Le conseil du patient a soulevé plusieurs contestations, notamment l’absence de registre de surveillance et d’information de la famille, mais ces arguments ont été jugés infondés.

Confirmation de la décision

La cour a conclu que la mesure d’isolement était justifiée et proportionnée, confirmant ainsi l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles en date du 9 décembre 2024. La décision de maintenir l’isolement de Monsieur [E] [S] a été validée.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conditions légales pour l’isolement et la contention en milieu psychiatrique ?

L’article L 3222-5-1 du code de la santé publique précise que l’isolement et la contention ne peuvent être appliqués qu’en dernier recours, et uniquement pour des patients en hospitalisation complète sans consentement.

Ces mesures doivent être justifiées par un risque immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre.

Il est également stipulé que ces mesures doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au risque, après une évaluation du patient.

La mise en œuvre de l’isolement doit faire l’objet d’une surveillance stricte, tant somatique que psychiatrique, assurée par des professionnels de santé désignés, et consignée dans le dossier médical.

L’isolement est limité à une durée maximale de douze heures, renouvelable dans certaines conditions, tandis que la contention est limitée à six heures, également renouvelable.

Ces durées maximales sont encadrées par des évaluations régulières, garantissant ainsi le respect des droits du patient.

Quel est le rôle du magistrat du siège du tribunal judiciaire dans le cadre de l’isolement ?

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire a pour mission de contrôler la régularité et le bien-fondé des mesures d’isolement et de contention.

Ce contrôle implique d’examiner les motifs avancés par l’autorité médicale, sans se prononcer sur l’opportunité de ces mesures.

L’article L 3222-5-1 précise que le directeur de l’établissement doit informer le magistrat sans délai en cas de renouvellement des mesures.

Le magistrat statue dans un délai de vingt-quatre heures après la demande de renouvellement, et peut ordonner la mainlevée si les conditions ne sont plus réunies.

Il est également stipulé que si les mesures doivent être prolongées au-delà des durées initiales, le magistrat doit être saisi à l’avance, garantissant ainsi un contrôle judiciaire continu.

Quels sont les droits du patient en matière d’information et de consentement ?

Le droit à l’information du patient est fondamental, même dans le cadre d’une hospitalisation psychiatrique complète.

L’article L 3222-5-1 impose que le médecin informe un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint ou une personne identifiée, sauf si le patient s’y oppose.

Cette obligation d’information doit être respectée dans le cadre du secret médical et de la volonté du patient.

Le patient a également le droit de contester la mesure d’isolement, ce qui est garanti par la possibilité d’appel devant le tribunal judiciaire.

Il est essentiel que le patient soit informé des raisons de son isolement et des conditions de son suivi, afin de garantir une prise en charge respectueuse de ses droits.

Quelles sont les conséquences d’une absence de respect des procédures légales lors de l’isolement ?

Le non-respect des procédures légales peut entraîner la nullité de la mesure d’isolement.

L’article L 3222-5-1 stipule que si les conditions ne sont plus réunies, le magistrat doit ordonner la mainlevée de la mesure.

De plus, l’absence de documentation adéquate, comme le registre des surveillances ou l’horodatage des décisions, peut également être un motif de contestation.

Les droits du patient doivent être respectés, et toute violation peut donner lieu à des recours juridiques, y compris des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Il est donc crucial que les établissements de santé respectent scrupuleusement les procédures établies pour éviter des conséquences juridiques.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
24/07497
COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14P

N° RG 24/07497 – N° Portalis DBV3-V-B7I-W4XK

(article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique)

Copies délivrées le : 10/12/2024

à :

[E] [S]

Me Pauline Pietrois Chabassier

Centre Hospitalier [1]

Le Ministère Public

ORDONNANCE

ISOLEMENT ET CONTENTION

Le 10 Décembre 2024

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous Madame Nathalie BOURGEOIS-DE-RYCK, première présidente de chambre à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d’hospitalisation sous contrainte (article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique) assistée de [J] [I], Greffière stagiaire en préaffectation, avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

Monsieur [E] [S]

Actuellement hospitalisé au

Centre hospitalier [1]

Représenté par Me Pauline PIETROIS CHABASSIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 306, choisi

APPELANT

ET :

CENTRE HOSPITALIER [1]

Non représenté

INTIMEE

ET COMME PARTIE JOINTE :

M. LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D’APPEL DE VERSAILLES

Représenté par M. Michel SAVINAS, avocat général

Vu l’article 17 de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique ;

Vu le décret n°2022-419 du 23 mars 2022 relatif à la procédure applicable devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire en matière d’isolement et de contention mis en ‘uvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement ;

Vu l’hospitalisation psychiatrique complète dont fait l’objet :

M. [E] [S] né le 10 novembre 2004 au Mali ;

Vu la saisine en date du 9 décembre 2024 émanant du directeur du centre hospitalier [1] ;

Vu la décision du 9 décembre 2024 (et non 9 novembre comme indiqué par erreur) par laquelle le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles a dit que la mesure d’isolement ordonnée dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique complète dont fait l’objet M. [E] [S] sera maintenue ;

Vu l’appel interjeté par le conseil du patient le 9 décembre 2024 à 16h55 ;

Vu l’avis du procureur général en date du 10 décembre 2024 aux termes duquel il conclut à la confirmation de la décision du premier juge ;

Le requérant a sollicité une audition devant la cour et après audition de ce dernier par le truchement d’une communication téléphonique à laquelle il a consenti.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des dispositions nouvelles de l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique :

« I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en ‘uvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures.

II. – A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire du renouvellement de ces mesures. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l’établissement saisit le magistrat du siège du tribunal judiciaire avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le magistrat du siège du tribunal judiciaire autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le magistrat du siège du tribunal judiciaire, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent.

Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le magistrat du siège du tribunal judiciaire en application du IV de l’article L. 3211-12-1 » ;

Il est rappelé que l’office du magistrat du siège du tribunal judiciaire consiste à opérer un contrôle de la régularité de la mesure et de son bien-fondé, ce qui suppose d’exercer un contrôle des motifs évoqués par l’autorité médicale et non de se prononcer sur l’opportunité de l’isolement ou de la contention.

L’office du magistrat du siège du tribunal judiciaire consiste à opérer un contrôle de la régularité de la mesure et de son bien-fondé et non à statuer sur la mesure d’hospitalisation complète.

M. [E] [S] a été placé sans son consentement sous le régime de l’hospitalisation psychiatrique complète depuis le 3 décembre 2024.

Par décision en date du 8 décembre 2024, le Docteur [Y], psychiatre de l’établissement d’accueil, a placé le patient sous le régime de l’isolement.

Sont versées au dossier les deux évaluations par 24 heures.

Le conseil du patient soulève l’absence du registre faisant mention des surveillances, l’absence d’horodatage de la saisine du juge, l’absence d’information de la famille concernant la mesure d’isolement, l’absence de recherche d’une décision préalable du juge judiciaire.

Tous ces moyens manquent en fait dès lors que la décision du magistrat de première instance indique avoir été saisi à 13H17 ; que le registre est fourni et présente de manière claire, lisible et chronologique les temps de surveillance de même que l’état de santé du patient à chaque étape de renouvellement de la mesure et l’interruption de la mesure d’isolement ; et que le patient ne souhaite pas que sa famille soit informée.

S’agissant enfin du respect du délai de 6 heures pour transmettre au greffe les informations et pièces nécessaires à l’audition du patient par le magistrat du siège du tribunal judiciaire, cette formalité n’est pas prescrite à peine de mainlevée de la mesure.

Il résulte du certificat médical du docteur [W] [R], psychiatre de l’établissement d’accueil, que le renouvellement de la mesure d’isolement du patient susvisé est nécessaire au regard de son comportement et de son contact. Il évoque notamment une désorganisation psychique importante avec des moments d’attitudes potentiellement menaçantes, des idées délirantes et un risque de violence envers autrui. Ainsi, ledit médecin a parfaitement caractérisé le risque de dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui, que seule une mesure d’isolement permettait d’éviter et ce, de manière adaptée, nécessaire et proportionnée après évaluation du patient, l’isolement apparaissant en effet comme étant une pratique de dernier recours.

En conséquence, aucun élément ne permettant de contester cet avis, il s’avère que la mesure d’isolement prononcée dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique complète dont fait l’objet M. [E] [S] peut se poursuivre et que l’ordonnance entreprise sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles en date du 9 décembre 2024 en ce qu’elle a maintenu la mesure d’isolement dont fait l’objet M. [E] [S],

Le 10 décembre 2024 à heures

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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